Mobilisations du 10 septembre : comment la presse étrangère les a-t-elle vécues ?

Alors que Sébastien Lecornu prenait ses fonctions de Premier ministre à Matignon, le reste de la France était traversé par une vague de contestation générale. L’expression d’une colère que nos confrères des médias européens ont regardée avec recul et pondération.

Pendant une journée, on ne parlait presque plus que de cela. Le mouvement « Bloquons tout » s’est propagé partout en France dans la journée du 10 septembre, réunissant un total de 175 000 personnes, selon le ministère de l’Intérieur, dont 473 interpellées. Cela n’est pas passé inaperçu aux yeux de nos voisins européens, habitués aux coups de sang des Français.

« C’est toujours facile de raconter une contestation populaire en France car les Espagnols connaissent la réputation contestataire des Français », s’amuse Antonio Delgado Palacios, correspondant à Paris pour la radio espagnole RNE, auprès de CelsaLab.

Selon lui, c’est ce qui a contribué à la couverture médiatique intense de cette journée : « S’il n’y avait pas eu les manifestations mais uniquement la passation à Matignon, cela aurait été beaucoup plus difficile à vendre. »

Des manifestants aux profils similaires

« Les protestations françaises réunissent enseignants, Gilets jaunes et étudiants », titrait le quotidien britannique The Guardian quelques heures après la fin de la manifestation à Paris. Dans la capitale et à Montreuil, tous les participants interrogés par la journaliste Angelique Chrisafis partagent un trait commun : ils sont jeunes.

« C’est ce qui m’a frappé, nous confie Richard Werly, correspondant pour le média suisse Blick, c’est cette jeunesse déçue qui se sent trahie par Emmanuel Macron. » Avec cette prépondérance de manifestants « jeunes », cette journée se distingue des mouvements précédents, encore frais dans les mémoires des Européens, tels que les Gilets jaunes qui avaient rassemblé des protestataires de plusieurs classes socio-culturelles.

« Ce n’est pas l’aube d’un mouvement social qui pourrait dégénérer et bloquer la France », observe ainsi Richard Werly. Un avis partagé par Antonio Delgado Palacios : « Le mouvement d’hier n’est pas universel, il est plutôt de gauche, mais c’est le fruit d’un mécontentement généralisé. »

Né au printemps sur les réseaux sociaux, le mouvement citoyen « Bloquons tout » a émergé sur les bases d’un « ras-le-bol » de nombreux Français face à la situation politique et économique du pays. Le 10 septembre, des cortèges de manifestants demandaient la démission d’Emmanuel Macron.

Loin des yeux, proches du cœur

Si cette journée de mobilisation semble marquée du sceau de la revendication à la française, elle n’est pas totalement sans rappeler les maux de la vie politique à l’étranger. « Les cycles politiques ne sont pas identiques entre la France et l’Espagne, mais il y a des récits parallèles », estime Antonio Delgado Palacios. D’après ses observations, les médias hispaniques « utilisent l’exemple de François Bayrou pour critiquer le Premier ministre Pedro Sanchez qui n’a pas non plus de majorité à l’Assemblée mais ne proposerait jamais un vote de confiance ».

En Suisse, les récents évènements suscitent surtout l’incompréhension. « On n’arrive pas à comprendre comment quelqu’un comme Emmanuel Macron, qui a une bonne réputation, apparaît comme intelligent, peut être autant détesté. »

Pour lui, c’est d’ailleurs cette « détestation » du président français qui est au cœur des revendications du 10 septembre. Mais le journaliste ne craint pas que cette colère s’exporte : « Contrairement à la France, le système présidentiel suisse fait qu’il n’y a pas de polarisation de la colère autour d’un personnage. »

Bien qu’elle n’ait pas été organisée par des institutions syndicales, le mouvement « Bloquons tout » a tout de même été relayé par la CGT, Solidarités et FSU ainsi que des élus de gauche et d’ultra-gauche. Une intersyndicale (UNSA, CFDT, CGT, FO, CGC, CFTC, Solidaires, FSU) appelle désormais à « une journée nationale de grève et de manifestations » le 18 septembre prochain pour montrer son désaccord avec les mesures du budget 2026 qu’elle juge « inacceptables ».

Comprise ou non par les pays européens, cette journée « est un rappel de la distance entre la classe politique et la rue », conclut Antonio Delgado Palacios.

 

Domitille Lefebvre

Attaque au couteau à Antibes : Deux personnes interpellées à la suite de l’agression dans un lycée horticole

Après l’attaque au couteau commise par Ekin A. dans un lycée horticole d’Antibes, dans les Alpes Maritimes, deux personnes ont été interpellées et placées en garde à vue jeudi 11 septembre. Selon Franceinfo, au moins l’une d’entre elles était en Normandie, la petite amie du suspect.

L’enquête se poursuit sur l’assaillant Ekin. A. Deux personnes ont été interpellées et placées en garde à vue après l’attaque au couteau au lycée d’Antibes fréquenté par ce jeune majeur de 18 ans. L’agresseur a fait deux blessés, un élève de 16 ans et une enseignante de 52 ans, grièvement atteinte.

La petite amie de l’assaillant arrêtée à Cherbourg

Selon Le Parisien, l’un des complices a été arrêté ce jeudi matin en Normandie. D’après les informations de Franceinfo, il s’agit de la petite amie de l’assaillant. Son arrestation a eu lieu à Cherbourg-en-Cotentin. Nous n’avons pas d’information sur l’autre personne interpellée.

Âgée elle aussi de 18 ans, la jeune femme est entendue par les enquêteurs de la police judiciaire de Nice. Elle partagerait avec Ekin. A. une obsession pour les tueries de masses comme celles d’Anders Breivik, en Norvège. Les deux lycéens souffriraient de sévères troubles psychiatriques selon Le Figaro, qui rappelle que tous deux avaient été arrêté il y a un an pour un projet de tuerie de masse similaire.

Internée en hôpital psychiatrique

La jeune fille était âgée de 17 ans à l’époque. Le Parquet de Grasse, en charge de l’affaire, avait alors communiqué que « l’exploitation de son ordinateur et de son téléphone a révélé qu’il était entré contact avec une jeune fille, âgée de 17 ans, hospitalisée en psychiatrie à Cherbourg-en-Cotentin, qui semblait partager ses intentions meurtrières »

Prévenu, le parquet national antiterroriste avait confié l’enquête à la juridiction de Grasse. Ekin A. avait alors été incarcéré, sa petite amie avait été placée en hôpital psychiatrique de force. Elle était restée sous contrôle judiciaire jusqu’à ce jour. Malgré la distance, les deux jeunes semblent semblent être restés en contact, et ont planifié l’attaque survenue le 10 septembre.

Un tag « mort aux arabes » découvert au Conseil départemental à Marseille

Photo police

La présidente du département, Martine Vassal, a annoncé vouloir porter plainte. Il y a quelques jours, la maire de Marseille a elle aussi été ciblée par des menaces anonymes sur Internet.

Un tag « mort aux arabes » a été inscrit, jeudi 11 septembre, sur la porte d’un bureau d’une conseillère départementale, à l’hôtel du département des Bouches-du-Rhône, dans le 13e arrondissement de Marseille, selon les informations de ICI Provence (ex-France Bleu). La présidente du département, Martine Vassal, déclare qu’elle va porter plainte et « condamne fermement ces actes ».

Un « racisme décomplexé » jusqu’à « l’intérieur du bâtiment »

Audrey Garino, l’élue communiste concernée, regrette, « au-delà de l’attaque personnelle », le fait que « toute [la] ville est visée par le racisme et la haine, par les amalgames et ces idées immondes ». L’élue départementale dénonce « une menace de mort, une de plus ». Il y a quelques jours, le maire de Marseille a lui aussi été ciblé par des menaces anonymes sur Internet, après avoir participé à un couscous dans le quartier Noailles.

Face à ces nouvelles menaces de mort, Benoît Payan, maire de Marseille, a déploré sur X « le racisme décomplexé et les menaces de mort » qui « arrivent jusqu’à l’intérieur du bâtiment ». « Nous ne laisserons pas faire, Marseille est unie, fière et plus forte que la haine », ajoute l’élu.

« Couvre-feu numérique », « Majorité numérique à 15 ans »…La France peut-elle déclarer la guerre à TikTok ?

Rendu ce jeudi, le rapport de la commission d’enquête sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs propose des mesures fortes : « majorité numérique à 15 ans », contrôle renforcé des algorithmes, et un « couvre-feu numérique ». Mais derrière l’ambition politique, des experts interrogent la faisabilité technique et l’efficacité réelle de ces recommandations.



« Avant 15 ans, les réseaux sociaux, c’est non. » Cette petite phrase lancée par la ministre du Numérique, Clara Chappaz, lors de son audition, a fait son chemin jusque dans les conclusions du rapport parlementaire sur TikTok. Adopté ce 11 septembre, après quatre mois d’auditions et plus de 160 personnes entendues, le document dresse un constat sévère : l’application la plus populaire chez les adolescents exerce un impact préoccupant sur leur santé psychologique.

Addiction, anxiété, troubles du sommeil, exposition à des contenus violents ou hypersexualisés : la commission présidée par Arthur Delaporte (PS) et rapportée par Laure Miller (EPR) n’a pas mâché ses mots. « A l’issue de cette commission d’enquête, le verdict est sans appel : cette plateforme expose en toute connaissance de cause nos enfants, nos jeunes, à des contenus toxiques, dangereux, additifs » observe Arthur Delaporte, dans son avant-propos.

Les doutes des experts en cybersécurité

Parmi les recommandations phares, le rapport préconise d’instaurer une majorité numérique à 15 ans, assortie d’une interdiction légale d’accès aux réseaux sociaux pour les plus jeunes. Une mesure radicale, inspirée de Douyin, la version chinoise de TiKTok, où le temps d’écran des mineurs est strictement limité.

Pour Jul Vignali, spécialiste en cybersécurité, la faisabilité des recommandations pose plusieurs défis. « Techniquement, on peut tout bloquer et tout filtrer. C’est le même principe que pour les sites de casino en ligne, ou les sites pornographiques, c’est faisable avec une pièce d’identité ou au moment de l’inscription », explique-t-il à Celsalab.

Le rapport évoque également l’idée d’un « couvre-feu numérique » pour limiter le temps d’écran des adolescents. Là encore, l’efficacité reste relative : « Oui, on peut mettre en place des outils qui bloquent l’application après un certains temps d’utilisation, mais ce ne sont que des pansements. Sans éducation et sensibilisation, ça ne fonctionne pas », insiste l’expert.

Arthur Delaporte à annoncé ce matin: « J’ai décidé de saisir la procureure de la République » pour mise en danger des utilisateurs.

« Des solutions techniques limitées face à l’ingéniosité des adolescents »

Gérôme Billois, associé en cybersécurité et confiance numérique au sein du cabinet Wavestone, confirme cette analyse. « Ces mesures envoient un signal fort. Mais elles seront contournées. La vraie solution reste d’accompagner les familles et d’informer clairement les adolescents ». Selon l’expert, il faut combiner contrôle technique, régulation des contenus et éducation numérique.

Pour Jul Vignali c’est simple de contourner l’algorithme : « Il suffit de mentir sur sa date de naissance, d’utiliser la carte d’identité d’un proche ou d’utiliser le téléphone des parents ».

Sur la question du temps d’écran, il tempère encore : « Oui, on peut mettre en place des outils qui bloquent l’application après un certain temps. Mais ces outils ne sont pas une solution miracle. Sans éducation et sensibilisation, ça ne fonctionne pas. »

Le rapport parlementaire marque un tournant dans la prise en compte des risques numériques pour les mineurs. Le porte-parole de TiKTok à déclaré à franceinfo être en « désaccord avec les conclusions » de ce rapport. Le chemin reste encore long pour mettre en place ces 43 recommandations.

Ava Ouaknine