Féminicides, des femmes en danger

Depuis le début de l’année 2019, c’est quasiment une femme tous les deux jours qui a été tuée par son conjoint. Ce chiffre est en augmentation, malgré des campagnes de prévention. Les associations dénoncent un manque d’accompagnement des victimes, tant au niveau de la police que de la justice.
Photo : Sandro Weltin / © Council of Europe

C’est à Vidauban, commune du Var, que Dalila a été tuée. Samedi 6 avril, vers 21 heures, cette infirmière libérale de 50 ans, décède dans sa voiture. Le responsable : son mari, interpellé deux jours plus tard par les gendarmes. La mère de trois enfants appelle la police quelques heures avant le drame, après avoir été menacée par son mari. Les gendarmes conseillent à Dalila de se réfugier chez un voisin, ce qu’elle fait. Son mari serait revenu entre-temps au domicile et lui aurait tiré dessus. Le meurtrier avait déjà été condamné à huit mois de prison avec sursis pour des violences sur sa précédente compagne, selon Le Monde. Il devait être jugé en août pour des violences sur Dalila.

Le meurtre de Dalila est le 42ème féminicide depuis le début de l’année. Un chiffre en nette augmentation : en 2018, à la même période, le nombre de féminicides s’élevait à 32, rappelle L’Obs. L’affaire de Vidauban a suscité de vives émotions et est devenu le symbole de ces violences conjugales, qui entraînent la mort d’environ 130  femmes par an en France. Un phénomène complexe en hausse qui s’expliquerait notamment par le manque d’accompagnement des femmes battues et la difficulté de quitter un conjoint violent.

Depuis 2013, l’association “Osez le Féminisme !” a fait des féminicides son cheval de bataille. “A l’époque, nous avions monté une campagne “Reconnaissons le féminicide”, explique Céline Piques, porte-parole de l’association.

Le féminicide est le meurtre d’une femme car c’est une femme. La violence patriarcale et masculine s’exerce particulièrement dans le domaine familial, dans la plupart des cas, il s’agit de femmes tués par leur conjoint ou ex-conjoint”, continue Céline Piques.

Le sexisme est reconnu depuis 2017 parmi les circonstances aggravantes d’un délit, mais le terme “féminicide” reste absent du code pénal. L’association “Osez le féminisme!” milite pour “une reconnaissance du mot lui-même”.

Le flou sur les termes s’accompagne d’une différence de chiffres entre le décompte des associations et le ministère de l’Intérieur qui publie chaque année le nombre de féminicides. En 2017, 109 femmes auraient été victimes de féminicides selon les chiffres officiels, qui prennent en compte uniquement les femmes mariées ou pacsées. Quant aux associations, elles s’accordent sur le nombre de 130 et dénoncent une technique de “communication”.

Le ministère veut faire croire que les chiffres sont en baisse, mais cela ne trompe pas grand monde chez les associations”, plaisante Céline Piques.

Nous ne possédons pas par exemple le nombre de femmes qui se suicident à la suite de violences. Les chiffres du gouvernement sont partiaux et il faudrait avoir des outils statistiques pour analyser en détail ces violences”, continue-t-elle.

“Un manque de moyens”

Les associations s’accordent sur le caractère “systémique” des violences conjugales qui peuvent aller jusqu’au féminicide et déplorent le manque de moyens accordés pour lutter contre ce phénomène. Pour Jean-Michel Taliercio, chargé de mission au sein de l’association “Dans le Genre Égales”, le féminicide “est un fléau national qui coûte beaucoup d’argent à la société. Il faut se dire que tant que le problème existe, il faut mettre des moyens pour qu’il soit réglé.” En 2018, le budget du secrétariat à l’Égalité entre les femmes et les hommes s’élevait à 30 millions d’euros environ, soit 0,006% du budget total de la France. Une broutille pour Céline Piques : “Il faut se rendre compte du phénomène dont on parle : 220 000 femmes sont frappées chaque année en France par leur conjoint. Les associations fonctionnent avec quelques dizaines de milliers d’euros par an et ne sont pas en capacité de traiter des centaines de milliers de cas. Elles font un travail formidable mais elles n’ont absolument pas les moyens à la hauteur des enjeux. Il suffit de comparer à n’importe quel autre budget de l’Etat, le secrétariat à l’Egalité entre les femmes et les hommes est de loin le plus petit budget de tous les secrétariats d’Etat et des ministères.”

Ce manque de moyens se traduit notamment par des failles dans l’accompagnement des femmes victimes de violences conjugales quand elles veulent quitter leur conjoint abusif. C’est le cas de Mélanie, aide soignante en psychiatrie qui a vécu plusieurs années avec son conjoint qui la frappait, ainsi que ses enfants qu’il a abusé sexuellement.

Quand j’ai quitté mon conjoint, je suis allée voir  le centre d’hébergement de VIFFIL pour demander un logement d’urgence. On m’a dit qu’il y avait un délai de 10 mois, et j’ai demandé ce que j’étais censée faire en attendant. On m’a rétorqué : “ Retournez chez vous, avec votre mari”.

Retranscription d’une conversation SMS entre Mélanie et son ex-compagnon.

J’ai expliqué qu’il était violent et on m’a répondu : “ Un départ, ça se prévoit”, explique-t-elle. “Aujourd’hui il a une arme, il peut savoir où j’habite, c’est des informations qu’il peut trouver et s’il le veut, il me tuera. Et l’Etat en sera responsable. J’ai alerté et il ne s’est rien passé”, déplore Mélanie qui explique regretter “d’avoir déposé plainte [contre son ex-conjoint] car ce sont les victimes qui en pâtissent”.

La formation des policiers questionnée

Dès le commissariat, les victimes ne se sentent pas assez accompagnées. “Les structures pour prendre en charge, accueillir les victimes et former les juges et les policiers n’ont pas d’argent”, déplore Céline Piques. Louise Delavier, responsable de la communication pour l’association “En Avant Toutes” fait le même constat : “Tout le  système manque de moyens, dont la police. Il n’y a vraiment pas assez d’argent pour que les associations puissent former la police. Ce n’est pas une formation d’une semaine qui va faire changer les choses, il faut une formation continue pour les policiers, tant c’est un phénomène complexe”.

Anissa, qui a subi des violences psychologiques et physiques, a porté plainte en 2017. “Quand je suis allée au commissariat, j’avais plus de 500 pages de SMS de menaces qu’il [son ex-conjoint] m’avait envoyé. J’ai expliqué la situation à la policière, qui m’a répondu : “ moi, ça ferait longtemps que je serai partie”. Anissa explique que son enfant a également été maltraité, élément écarté par la policière : “Elle m’a dit : “ qui n’a jamais mis de gifles à son enfant ?”. Quant aux associations, Anissa s’en méfie : “Une longue bataille judiciaire a commencé avec mon ex. Je suis allée au CIDFF (Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles) pour voir s’ils pouvaient m’aider. On m’a dit que mon jugement était très bien, que je n’avais pas à me plaindre et que beaucoup de femmes étaient dans une situation bien pire que moi”. Virginie a eu une expérience similaire avec la police. “Quand je suis allée porter plainte pour la première fois, le policier était gentil, il m’a bien accueillie.

Pour la deuxième plainte, suite à des coups de mon ex-conjoint sur les enfants, on m’a dit : “il a eu une réaction de père”.

C’est moi qu’on a jugé pour ne pas avoir levé la main sur mes enfants”, soupire-t-elle. Des failles qu’un commissaire francilien confiait à Libération, en novembre 2018, “Sur les enquêtes, on n’est pas à la ramasse, mais sur l’accueil complètement. Les plaintes pour viols et agressions sexuelles sont en général traitées par les policiers généralistes.

“Les juges n’appliquent pas les lois”

Un sentiment d’abandon de la part des pouvoirs publics que partage Fanny, qui a subi 3 ans de violences conjugales de son ex-mari. “L’Etat ne prend pas le temps de réfléchir à de nouvelles mesures, car les gens qui les prennent ne savent pas ce qu’on endure en tant que victimes. Nous ne sommes pas intégrées aux décisions alors qu’on est les premières informées”, explique cette cadre dans le marketing. “L’Etat devrait miser beaucoup plus sur la justice, les juges n’appliquent pas les lois. Il y a un énorme problème en France avec la justice”, continue Fanny qui a demandé une ordonnance de protection contre son ex-conjoint, sans effet. “Pour l’ordonnance de protection,  j’ai reçu un avis négatif, parce que pour les juges, les plaintes ne sont pas suffisamment caractérisées. Ce sera quand il m’aura tué que ça sera assez caractérisé. Il n’y aucune justice en France, les victimes ne sont pas reconnues alors que j’ai fait ce qu’il faut, j’ai porté plainte”, s’indigne-t-elle.

Virginie s’est également sentie “abandonnée” par la justice. “J’ai subi des violences verbales et physiques, les enfants aussi. J’ai déposé plainte qui a abouti à un rappel à la loi deux mois après. Mon ex-conjoint a été convoqué devant le délégué du procureur qui lui a rappelé que ce qu’il avait fait n’était pas bien”, raconte cette mère de deux enfants.

Ça faisait un boucan de dingue.
Pendant 30 mn. Pas 1 voisin n’a bougé. Tout le monde trouvait ça normal. Même la police d’Aix.
Après on s’étonne pourquoi je ne suis pas partie.
Parce-que quand j’alertais personne ne m’écoutait. Et l’autre me menaçait, me surveillait. pic.twitter.com/XtdhvJddOU

— Faraldo Virginie (@FaraldoVirginie) 1 mai 2019

J’ai déposé 5 plaintes, deux ont abouti. J’ai fait une demande d’hébergement auprès de l’association SOS Solidarité, mais j’ai dû la décliner car je demandais en parallèle une ordonnance de protection. Il a fallu choisir entre hébergement et protection”, s’indigne-t-elle.

Quelques semaines après, c’est la douche froide : Virginie apprend que son ordonnance de protection a été refusée car son ex-conjoint nie les violences. “La juge a estimé que la relation n’était pas assez claire”, conclue-t-elle.

Le gouvernement a annoncé en octobre 2018 le “premier plan de lutte contre les violences conjugales” qui comporte cinq volets dont une campagne de prévention télévisuelle et sur les réseaux sociaux. On y trouve également un objectif de 100% de réponses au 3919, le numéro d’écoutes pour les victimes de violences conjugales, ainsi que le lancement d’une plateforme de signalement en ligne de violences sexistes et sexuelles. Enfin, une plateforme de géolocalisation des places d’hébergement d’urgence accessible aux professionnels va être mis en place, ainsi qu’un dispositif de partage d’alertes entre professionnels de la justice, de la police, de la santé et les travailleurs sociaux.

Aujourd’hui, les magistrats peuvent suivre deux formations pour se sensibiliser à ces questions : l’une sur « les violences au sein du couple », l’une sur « les violences sexuelles ». L’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM) a également mis en place une séquence pédagogique sur les violences conjugales pour sa promotion 2018.

 

Quand les réseaux sociaux prennent la relève

Face aux carences des pouvoir publics, certains militants n’hésitent pas à venir en aide aux victimes. Depuis 2016, une page Facebook, “Féminicide par compagnon ou par ex”, gérée par un collectif d’une quinzaine de militantes féministes recense tous les cas de féminicides. “Le fait que les chiffres des meurtres de femmes soient publiés en fin d’année ne nous convenaient pas, on trouvait que c’était trop tard. On s’est aperçues que dans les médias, les familles des victimes étaient extrêmement démunies. Elles ne sont pas accompagnées après ces meurtres qui sont dus à des manquements du système judiciaire et policier. On a donc voulu rendre hommage à ces victimes et à leurs familles en les nommant”, explique Julia, une des administratrice de la page. Le collectif reçoit même directement des messages de familles de victimes, parfois avant la presse. “Nous avons du créer un groupe privé pour les familles, car nous recevions trop de messages par jour”, continue Julia. Quand on lui demande pourquoi le nombre de féminicide augmente, Julia dresse une analyse cinglante :

On ne souhaite pas s’adresser aux violents, les hommes sont préservés. Quand une femme est victime de violences, c’est elle qui se retrouve enfermée dans un foyer, quand elle a la chance de pouvoir être exfiltrée de son logement. Les hommes bénéficient d’une impunité de la société et de la justice avec des peines de sursis. Si la loi était réellement appliquée, il y aurait des peines de prison ferme”.

De son côté, Sophia Sept, militante Fémen, mène depuis des années une campagne contre le féminicide. Il y a deux mois, elle entend une scène de violences conjugales chez ses voisins. Elle enregistre les cris de la victime et publie la vidéo sur Internet, qui devient virale et est notamment reprise par Le Parisien.

Quand la police est arrivée, ils ont juste contrôlé l’identité de l’agresseur. Cinq minutes après, les cris ont repris, je les ai rappelés et ils m’ont dit avoir fait le nécessaire, que c’était juste une violente dispute. »

« J’ai posté la vidéo sur Twitter, pour dire à la communauté qu’il ne faut pas avoir peur de témoigner”. Depuis, des femmes victimes de violences conjugales contactent Sophia via les réseaux sociaux. “Certaines recherchent un logement d’urgence, je fais jouer la communauté et je trouve des militantes qui les hébergent, les prennent en charge. J’essaye de palier aux associations qui manquent de moyens […] Tout le monde est démuni, c’est le système entier qui est à revoir.”

Du côté des victimes, l’aspect destructeur de ces violences est important et continue bien après la séparation avec leur ex-conjoint violent. “J’ai peur tout le temps, j’ai été détruite. Je fais des cauchemars, je ne dors plus. Je ne veux pas rencontrer d’homme, je n’ai plus confiance”, confie Anissa. Virginie craint pour sa vie depuis que son ex-conjoint a défoncé sa porte à coups d’épaule en février. “C’est le dernier rempart contre lui qui cédait”, confie-t-elle.

La même peur habite Fanny :

Je n’ai plus de vie, je vis les stores baissés. J’ai un bracelet connecté en permanence qui me géolocalise en cas d’urgence. Je sors de chez moi par une porte dérobée. J’ai mis en place plein de stratégies jusqu’au jour où je n’aurais pas un pas d’avance sur lui [son ex-compagnon] et là, qui sait ce qu’il pourra se passer.

La jeune femme compte néanmoins continuer à se battre : “Je n’ai plus rien à perdre à part ma vie. Je le fais pour moi, pour ma fille et pour toutes les autres femmes”.

Fanny Rocher & Jeanne Seignol

Pour compléter :

Que fait la loi pour protéger les victimes ?

Un budget insuffisant ?

On a testé pour vous : le “Beyond Meat” burger

Fabriqué à Los Angeles, le “Beyond Meat” imite le goût de la viande de boeuf, en utilisant exclusivement des produits végétaux. Nous avons testé pour vous cette intrigante nouveauté.

 

 

Imiter le goût et l’aspect de la viande tout en ayant un impact faible sur la planète, c’est la promesse du burger “Beyond Meat”. Mais “Beyond Meat” c’est tout d’abord le nom d’une entreprise californienne. En 2013, elle crée le “Beyond Beef”, un substitut de viande utilisant des légumineuses censé reproduire le goût d’un véritable steak de boeuf et nécessitant 99% moins d’eau lors de sa production. Réel phénomène outre-atlantique, le fameux steak s’est exporté dans le monde entier et est arrivé en France en janvier dernier.

Pour le découvrir, nous avons poussé la porte du restaurant PNY Oberkampf dans le XIème arrondissement de Paris, qui propose cette alternative végétarienne à sa carte. Une fois installées, nous commandons les deux mêmes burgers : un avec un steak de boeuf, l’autre avec le “faux” steak. Et pour rendre l’expérience encore plus palpitante, le serveur nous apporte nos assiettes sans préciser lequel est végétarien. A la découpe du burger, il est d’abord difficile de les distinguer. A l’oeil, le “faux” steak ressemble en tout point à un vrai steak de boeuf bien cuit, avec l’intérieur légèrement rosé. Ce léger détail est d’ailleurs dû à l’utilisation de la betterave, qui vient donner « ce côté saignant du vrai steak », comme nous le précise Manu, le serveur. La ressemblance visuelle est donc troublante.

 

 

Et le goût alors ?

« Le but, c’est pas d’avoir un steak végétal, mais plutôt un aliment qui va se rapprocher et imiter le plus possible le goût de la viande », nous rappelle Manu. Voyons voir. A la première bouchée, difficile de se prononcer. La seule différence se fait sur la texture du steak, largement plus tendre pour la vraie viande que pour la fausse. Au niveau du goût, c’est sensiblement le même. Mais le faux steak, malgré une légère saveur de fumé, ne parvient pas à recréer le goût si particulier d’une bonne viande de boeuf. En bref, si le “Beyond Meat” burger ne parvient pas à tromper nos papilles si sensibles au goût de la viande, il reste en tout cas un bon substitut pour les végétariens qui, au fond, gardent l’âme d’un carnivore.

 

Alice Ancelin & Sylvia Bouhadra

 

Pour compléter

Burger Mania

La recette : l’avocado burger

L’hamburger à la conquête du monde

Burger Mania

Alimentée par les réseaux sociaux, la tendance des burgers n’en est finalement plus une. Le burger est totalement rentré dans les moeurs des Français, et n’est pas prêt de quitter nos assiettes.

 

Le burger, sandwich préféré des Français. (photo Sylvia Bouhadra)

 

Deux tranches de pain, un steak haché, du fromage, des sauces. La recette d’un succès. En 2017, le burger a été élu “sandwich préféré des Français”, devançant le traditionnel jambon-beurre. Il s’en est vendu à pas moins d’1,46 milliards, soit 46 burgers par seconde. Des chiffres pharaoniques, qui se vérifient facilement dans les rues de la capitale. Accoudée devant Le Camion qui fume, célèbre food-truck parisien, Kenya déguste son burger “Barbecue” avec deux amis mexicains, son pays d’origine. « C’est le meilleur burger que j’ai jamais mangé, affirme-t-elle entre deux bouchées. Pourtant je connais bien ceux des Etats-Unis et du Mexique, ils en vendent partout dans les rues ». Kenya raffole tellement de ces burgers qu’il lui arrive parfois de faire 1h30 de trajet depuis son domicile pour venir les déguster. Une habitude qui témoigne de la success story du Camion qui fume, lancé en 2011 et devenu la référence food truck à Paris. Mais comment s’explique réellement cette folie du burger ? Bernard Boutboul, président de Gira Conseil, société spécialisée dans la consommation alimentaire hors-domicile, livre un premier élément de réponse : « Le burger rassemble en un seul produit les quatre aliments préférés des français : le pain, le bœuf, le fromage et les frites ». Il va même plus loin dans son constat, affirmant que le burger « est en train de remplacer petit à petit notre steak-frites national ». L’époque où le burger était l’emblème des fast-foods américains est donc révolue. C’est, en somme, devenu un plat admis dans la gastronomie française.

Depuis l’installation en France de McDonald’s en 1979, le burger est en constante expansion. « C’est plus qu’une simple augmentation des ventes, affirme Bernard Boutboul, parce que les volumes de burgers ont été multiplié par 14 en l’espace de 10 ans. Aucun produit de consommation alimentaire n’a eu cette ascension ». Au début des années 2010, les food-truck se multiplient et le burger prend peu à peu place dans les cartes des restaurants. « Avant que les restaurants se mettent à proposer des burgers, McDo et Quick détenaient 98% du marché. Maintenant, ces enseignes possèdent 21% du marché. » Un phénomène qui, selon lui, n’est pas uniquement de passage. « Le burger n’est pas une mode, les ventes sont continues et ce depuis des dizaines d’années, souligne Bernard Boutboul. Le sushi était un phénomène de mode par exemple, qui est monté et redescendu très vite ». Mais le burger, lui, est fait pour rester.

 

 

Un plat pas si calorique

Longtemps servi exclusivement dans les enseignes de fast-food telles que McDonald’s ou Quick, le burger a l’image d’un plat très calorique et de mauvaise qualité. Un menu Big Mac au McDonald’s pouvant atteindre 1157 kcal. Avec sa démocratisation, celui qui est considéré comme le symbole de la malbouffe et de la junk food (littéralement « nourriture poubelle ») est-il toujours mauvais pour la santé ? « Pour moi c’est un plat sain », répond Sandra Ferreira, diététicienne et nutritionniste. Tout dépend en fait de ce que l’on met entre les deux tranches de pain : « Il faut que les aliments à l’intérieur soient équilibrés. Globalement, l’équilibre d’un repas c’est un féculent, ici le pain, à condition qu’il soit de qualité, une viande, le steak haché ou le poisson, et des fruits et légumes. Un bon burger équilibré peut se consommer plusieurs fois dans la semaine », continue la spécialiste. Attention néanmoins à ce qui accompagne votre hamburger. Si le plat en lui-même peut être équilibré, les frites et la boisson qui vont souvent avec peuvent augmenter drastiquement le nombre de calories. Autre critère pour que le burger sorte de la catégorie malbouffe : le temps que l’on prend à le déguster. Il ne doit pas être mangé sur le pouce mais être savouré tel un vrai plat. « Ça a son importance de s’asseoir et de prendre son temps notamment au niveau du système digestif. Le corps assimile moins les nutriments si on le mange rapidement. » Dans une époque où l’on fait attention à son alimentation, la vogue du burger n’est donc pas paradoxale.

 

« La street-food ça touche tout le monde, même les grands chefs »

Pour suivre la tendance, de nombreux restaurants proposent aujourd’hui des burgers, loin de ceux que l’on trouve dans les chaînes de fast-food. 85% des restaurants français ont un burger à leur carte et le revisitent de bien des manières. Produits biologiques et locaux, originalité des recettes… le burger monte en gamme et devient forcément plus cher. C’est ce que l’on appelle les burgers “gourmets”. Florian est vidéaste sur YouTube et tous les jours, il publie une vidéo où il teste des restaurants et des spécialités culinaires à travers le monde. Sa chaîne “Florian On Air” cumule aujourd’hui 500 000 abonnés. A travers ses “food tours” il a testé une multitude de burgers gourmets : « Quand je voyage en France, chaque région a son burger, les restaurateurs essaient de travailler local. Certains ajoutent du foie gras, il y a des burgers de poisson, au confit ou au magret de canard…Ce n’est pas parce que c’est un burger que ça va être quelque chose de vite fait ou bâclé ». Cette année, le règlement du concours du meilleur burger de France demandait aux participants de proposer une recette valorisant le patrimoine gastronomique français. Le gagnant de l’édition 2017 et patron du restaurant asiatique Goku à Paris, Vincent Boccara, raconte comment il a réalisé le “Black OG”, son burger phare : « Les seuls produits américains dans ce burger sont le cheddar, le bacon, les cornichons, et la sauce BBQ qui est au Jack Daniels. Mais tous les autres ingrédients sont faits avec des produits japonais. Le pain est au charbon végétal, ce qui permet de digérer plus facilement, ajoute-t-il. J’ai mis deux mois à le créer et le mettre au point ». Son Black OG s’est même retrouvé en 2017 à la carte du Mandarin Oriental à Paris, où le double chef étoilé Thierry Marx officie. « Ça a cartonné, ils le vendaient à 38 euros », se réjouit le patron du Goku. Cet intérêt que portent les restaurants gastronomiques pour le burger n’est plus si rare aujourd’hui. A la carte du Meurice à Paris, on peut également le retrouver. « Le burger est un plat simple et international, c’est pourquoi nous le retrouvons dans notre offre de restauration », explique le palace. Même chose pour le Ritz, le Bristol, ou encore le Royal Monceau. Rien d’étonnant pour Vincent Boccara : « Les burgers, tout le monde aime ça. Que tu sois riche, middle class, ou que tu sois pauvre. La street-food ça touche tout le monde, même les grands chefs. »

 

Vincent Boccara a collaboré avec le chef étoilé Thierry Marx en septembre 2017. (photo DR)

 

Le burger, star des réseaux

Cette fascination pour les burgers s’est intensifiée grâce aux réseaux sociaux. Les chaînes de fast-food américaines ont su utiliser des outils comme Twitter et Facebook pour mettre en scène leur arrivée mais aussi leur retour, comme Burger King en 2013. La chaîne Five Guys arrivée en 2016 était quant à elle déjà bien connu des français comme le burger préféré de Barack Obama… rien que ça.  « En France, il y a une certaine fascination américaine, reconnaît Florian. Les réseaux sociaux quel que soit le sujet, prennent le pouvoir dans notre vie et c’est vrai que c’est une façon d’amplifier le bouche-à-oreille », ajoute le vidéaste. Le succès des vidéos de Florian est la preuve d’un certain engouement pour la nourriture sur les réseaux : « Je crois que beaucoup de gens ont plaisir à manger et le fait de voir des trucs qui ont l’air bon à l’écran, ça les met en appétit. Je fais un peu de tout sur ma chaîne mais c’est vrai que tout ce qui est fast-food et surtout les burgers, en général ça marche bien. » D’ailleurs, c’est la vidéo dans laquelle il mangeait un burger à six steaks qui a fait exploser les compteurs de sa chaîne et qui a créé un réel buzz. Vincent Boccara quant à lui ne s’en cache pas, s’il a décidé de mettre un burger à la carte de son restaurant asiatique c’est pour une raison bien précise : « Tu ne buzzes pas sur des nouilles, une salade, ou un curry mais sur ce qui est à la mode, c’est-à-dire un burger. Que ce soit le ramen burger (NDLR : également créé par Goku, les galettes de pain étant remplacées des nouilles japonaises) ou le Black OG, je l’ai fait dans une optique marketing. »Depuis, certains clients viennent exclusivement pour goûter son fameux burger qu’ils ont découvert grâce à Instagram. « Les réseaux sociaux m’ont beaucoup aidé, un burger c’est très visuel. Tu prends un jambon beurre en photo, ça ne va pas être stylé ! Et ça m’a aidé à gagner en notoriété sur les réseaux, c’est sûr ». Attention néanmoins à ne pas en faire trop. Certains restaurateurs créent des burgers de plus en plus fous seulement pour plaire aux réseaux sociaux. Florian qui a récemment testé un burger dans lequel il fallait ajouter le cheddar soi-même grâce à une seringue, explique : « Il y a de la surenchère. On fait des burgers, on sait que personne ne va le finir, mais on va le faire juste parce que ça buzz sur les réseaux sociaux. C’est un peu l’effet pervers de la chose. »

 

 

Alice Ancelin & Sylvia Bouhadra

 

Pour compléter

La recette : l’avocado burger

On a testé pour vous : le « Beyond Meat »

L’hamburger à la conquête du monde

Des aides et outils à destination des étudiants

 

  • Les logements à tarif préférentiel

 

HLM contre cours de soutien

Ce dispositif créé en 2018 par la mairie de Paris avec l’Afev, association de la fondation étudiante pour la ville, permet à des étudiants d’accéder aux logements sociaux pour un loyer très modéré. En échange, l’étudiant consacre quelques heures par semaine à du soutien scolaire aux enfants de quartiers populaires.

 

  • Les aides financières

 

L’AILE : l’aide locale à l’installation dans les logements

En 2012, la ville de Paris a mis en place l’aide à l’installation dans un logement pour les étudiants. À la clé, 900 € pour une première installation dans un logement du parc privé. Cette aide gérée par le CROUS de Paris est ouverte aux étudiants boursiers inscrits dans les académies de Paris, Créteil et Versailles vivant à Paris.

Aide mobili-jeune pour les alternants et apprentis

L’aide Mobili-jeune est une subvention qui permet d’alléger la quittance de loyer. Elle s’adresse aux jeunes de moins de 30 ans, en formation en alternance (sous contrat d’apprentissage ou de professionnalisation), au sein d’une entreprise du secteur privé non agricole. Le montant de l’aide s’élève entre 10 € et 100 € par mois.

 

  • Les outils d’accès à la location privée

 

L’avance et la garantie Loca-Pass

Les dispositifs Loca-Pass proposent une avance du dépôt de garantie ou du loyer et des charges locatives. Celle-ci est versée au bailleur puis doit être remboursée sans frais ni intérêts par l’étudiant. Le montant de l’avance pour le dépôt de garantie est de 1 200 € maximum.

Le dispositif VISALE

Le dispositif Visale se porte garant pour le logement du bénéficiaire pendant toute la durée de son occupation. Gratuite, la démarche s’adresse aux jeunes âgés de 18 à 30 ans. Il existe cependant des montants maximaux à respecter pour le loyer de l’appartement, qui varient selon les ressources du locataire.

E.A et C.D.C.

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