Bande-dessinée : les revers d’un succès

Au premier coup d’œil, la bande-dessinée semble ne s’être jamais aussi bien portée. De plus en plus médiatisé, le 9ème Art s’offre une visibilité inédite. Mais le constat est moins rose qu’il n’y paraît.

Elle a beau ne pas manquer de lecteurs, la BD a connu des jours meilleurs
Elle a beau ne pas manquer de lecteurs, la BD a connu des jours meilleurs / photo F.Z.

Ces dernières années, l’explosion du nombre de publications de BD peut laisser penser, en trompe l’oeil, que le secteur est en bonne santé. Néanmoins, ce dernier n’a pas échappé à la crise de l’édition. En 2014, son chiffre d’affaire a reculé de 2% par rapport à 2013 pour finalement tomber à 409 millions d’euros, selon l’institut d’études de marchés GFK. Explications.

Depuis la fin des années 1990, le nombre de titres publiés connaît une croissance exponentielle. « On sortait environ 700 albums en 1994, on en a produit plus de 5000 en 2014 », explique Benoît Peeters dans une interview accordée au Figaro. Le scénariste et écrivain préside les Etats généraux de la bande-dessinée, lancés lors de la dernière édition du festival d’Angoulême. Cette initiative vise à dresser un bilan de la situation de la bande-dessinée en France. Y participent aussi bien des intellectuels que des professionnels du métier.

Le lectorat, s’il s’est élargi à la fin des années 1950 avec la révolution Pilote et l’émergence de la BD pour adultes, « n’a pas augmenté dans les mêmes proportions » que le nombre d’albums publiés. En résulte une offre de loin supérieure à la demande. Un constat confirmé par Jean-Christophe Ogier, journaliste à France Info et spécialiste du 9ème Art : « Il y a vingt ans, un tirage moyen pouvait tourner autour de 10 000 exemplaires quand on mettait une BD sur le marché; aujourd’hui, quand on tire 3 000 exemplaires, cela paraît normal ».

Toutefois, les têtes d’affiche bénéficient toujours de tirages importants : 430 000 exemplaires du dernier opus de Blake et Mortimer, 350 000 exemplaires de Joe Bar Team, à égalité avec le dernier Largo Winch et le dernier tome du Chat de Geluck, selon le rapport annuel de Gilles Ratier pour l’Association des critiques de bandes-dessinées (ACBD), un bilan économique de référence dans le domaine.

Autre facteur participant au ralentissement de la croissance économique : la multiplication du nombre de maisons d’édition. En 2014, 349 éditeurs sont présents sur le marché de la BD, mais toujours selon le rapport Ratier, « trois groupes, Delcourt, Dargaud et Glénat, toujours aussi puissants, dominent l’activité du secteur et totalisent 36,52% de la production ».


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Des planches d'Agrippine dans l'attente d'une mise en couleurs


Le monopole des têtes d’affiches

La précarisation des auteurs de bandes-dessinées est la conséquence directe de cette explosion de l’offre et de la forte diminution des tirages. Un auteur met en moyenne un an pour réaliser un album. Les droits varient entre 8% pour les moins connus et 13% pour les têtes d’affiche. Pour 3000 exemplaires vendus 10 euros l’unité – prix moyen d’une BD, un auteur peu connu touchera environ 2600 euros.

Il y a plusieurs années, certains d’entre eux avaient déjà fait le choix d’éditer eux mêmes leurs planches. « Quand on voit comment une maison d’édition fonctionne, on se dit que l’on peut le faire soi-même et ne pas payer 70% à un éditeur, alors je me suis auto-éditée », confie Claire Bretécher. Par confort, la créatrice de la célèbre Agrippine est finalement retournée dans le giron de Dargaud.

Une précarisation aggravée par la réforme du Régime des artistes auteurs professionnels (RAAP), qui a provoqué l’ire du monde de la bande-dessinée. A partir de janvier 2016, les auteurs devront cotiser à hauteur de 8% pour leur régime de retraite complémentaire, alors que jusqu’à présent, ils choisissaient eux-même le montant qu’ils souhaitaient lui consacrer. Une taxation insupportable pour ces 1300 artistes français qui peinent déjà à vivre de leur métier.

En plus d’être saturé, le marché de la bande-dessinée est largement monopolisé par les « auteurs stars », comme Joann Sfar, Manu Larcenet, Riad Sattouf, ou par les grands classiques. « Lors de la sortie du dernier volet d’Asterix, j’en ai vendu 150 exemplaires en trois jours seulement, à des clients que je ne reverrai que lors de la sortie du prochain album », confie Vincent Wagner, vendeur à la librairie de quartier Bulle en tête.

Ces têtes d’affiche laissent peu de place aux plus petits auteurs, qui ne parviennent plus à vivre exclusivement de leur activité de prédilection. Il faut donc se diversifier. « De plus en plus d’auteurs ont d’autres métiers à coté comme dans l’animation ou le journalisme, car il est de plus en plus dur de vivre de la bande-dessinée mais aussi parce qu’on est dans un monde de plus en plus multimédia », explique François Le Bescond, éditeur chez Dargaud. « Par exemple, Charlie Poppins, alias Romain Segaud, est à la fois illustrateur pour les revues MK2 et Télérama, mais aussi animateur – il a notamment travaillé sur le générique du dernier film Asterix et il a réalisé deux épisodes de la série Bref – en plus d’être édité chez nous ». Il est donc aujourd’hui très fréquent de passer d’un univers à l’autre.

L’appel du grand écran

La diversification concerne également les auteurs stars. Ils répondent de plus en plus souvent à l’appel du cinéma ou de la télévision. Selon le rapport Ratier, « au moins 22 bandes-dessinées francophones ont donné lieu à des films, téléfilms et dessins animés en 2014». Depuis une dizaine d’années, les frontières entre l’univers de la BD et le monde du cinéma sont de plus en plus ténues. Joann Sfar par exemple, a non seulement adapté en dessin animé son best-seller Le Chat du Rabbin en 2011, mais il a aussi réalisé le biopic sur Serge Gainsbourg, sorti en 2010. Riad Sattouf s’est lui aussi essayé au cinéma en réalisant en 2009 le film à succès Les beaux gosses, qui a remporté le césar du meilleur premier film. La bande-dessinée Blast de Manu Larcenet, acclamée par la critique, sera à son tour bientôt adaptée sur grand écran.

En 2011, Joann Sfar a porté au grand écran sa BD Le Chat du Rabbin
En 2011, Joann Sfar a porté au grand écran sa BD Le Chat du Rabbin

Ce passage au cinéma des auteurs les plus célèbres permet une mise en lumière du 9ème Art qui demeure, dans la sphère médiatique, « le parent pauvre du roman », soutient Jean-Christophe Ogier. La bande-dessinée est née en même temps que le cinéma, il y a un peu plus de cent ans. Elle s’est d’abord adressée aux enfants, jusqu’à l’apparition de la BD pour adultes, avec la création en 1959 du périodique Pilote; tandis que le cinéma s’est immédiatement adressé à un public adulte.

Par ailleurs, « le poids économique du cinéma a tout de suite été plus important, car un film coûte très cher et les retours sur investissements sont considérables : le cinéma a donc tout de suite été pris au sérieux. A l’inverse, la fabrication d’une BD ne coûtant pas cher, ses enjeux sont moins évidents », analyse Jean-Christophe Ogier. Cela explique, selon lui, l’absence de visibilité dont souffre la bande-dessinée et de manière encore plus flagrante, le « désert médiatique que traversent les jeunes auteurs ».

La BD en quelques chiffres

La blogosphère comme tremplin

« C’est compliqué de trouver sa place parmi les grands. Avant de se lancer, il faut avoir un projet solide », confie Mohamad Kraytem, un jeune dessinateur libanais qui tente de percer en France. Les grandes maisons d’édition ont tendance à ne pas accorder beaucoup d’espace aux nouveaux venus. En se défendant de contribuer à la suproduction, Dargaud applique une politique de sélection très stricte. Elle ne publie qu’une centaine d’albums par an et travaille généralement avec des auteurs qu’elle suit depuis longtemps.

Elle cède parfois à des coups de cœur pour des auteurs inconnus, à l’image du récent Sartre de Mathilde Ramadier et Anaïs Depommier. Mais c’est rare, à hauteur d’une dizaine d’ouvrages par an. Néanmoins, avec la multiplication des petits éditeurs indépendants, il est désormais plus facile pour un jeune auteur de publier un premier album. C’est s’installer dans la durée, pour les raisons économiques évoquées plus haut, qui est devenu compliqué.


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Mohamad Kraytem au travail


Dès lors, tenir un blog est une façon d’exister. Il permet parfois de se faire remarquer. En octobre dernier, la maison Dargaud a publié Le Strict Minimum, premier recueil de dessins humoristiques du bloggeur Charlie Poppins. Ses traits d’esprit décapants, dans la droite lignée de Voutch et Sempé, ont tapé dans l’œil de l’éditeur François Le Bescond. Ils sont ainsi plusieurs dessinateurs à s’être faits repérer sur la blogosphère : Boulet, Pénélope Bagieu, Margaux Motin. Le blog est un lieu d’expérimentation et d’innovation. Sur le sien, le français Balak a inventé le « turbomédia » : de courtes histoires qui s’animent quand on clique, à mi-chemin entre la BD, le dessin animé et le jeux vidéo. Mais il est illusoire de considérer un blog comme une fin en soi. En premier lieu parce que son créateur n’en vit pas. Ces plateformes sont généralement envisagées comme des tremplins vers le papier.

De façon générale, la diffusion du 9ème Art sous forme numérique reste encore assez marginale. « Pour l’instant, il n’existe pas de modèle économique viable », note Jean-Christophe Ogier. « Les expériences sont nombreuses mais ne génèrent pas suffisamment d’argent pour durer. Je pense en particulier aux magazines en ligne de bandes-dessinées. Le Professeur Cyclope, par exemple, était une belle initiative mais il n’a pas réussi à tenir son équilibre financier. Malgré son partenariat avec Arte, le mensuel a dû s’arrêter en décembre dernier ».

Autre échec : la version digitale de la Revue dessinée. « L’équipe avait misé sur plusieurs milliers d’abonnés, elle n’en a récolté que 500 », souligne François Le Bescond. Néanmoins, le lancement de sa version papier a sauvé le projet. Le trimestriel de BD-reportage s’avère être un succès.

La Revue Dessinée a publié en mars son sixième numéro
La Revue Dessinée a publié en mars son sixième numéro

Pourtant, Dargaud est tentée par l’expérience digitale : un magazine numérique est en cours de développement. Une première version de l’héritier 2.0 de la célèbre revue Pilote a été testée sans être mise en ligne. « On prend notre temps pour trouver le bon modèle économique. L’idée n’est pas de faire de l’argent, mais de ne pas trop en perdre non plus », confie François Le Bescond.

En terme de distribution, les ventes digitales ne représentent qu’une infime part de marché. Avec près de 10.000 titres en ligne, Izneo est la première plateforme française de vente et de location de bandes-dessinées numérisées. « Mais la France reste à la traîne face à aux offres numériques japonaises et américaines » tempère Emilie Védis, chargée des droits étrangers chez Dargaud. Aux Etats-Unis, la filiale américaine d’Amazon, ComiXology, a révolutionné l’industrie des comics. Son catalogue en ligne rassemble cinq fois plus de titres que le leader français. L’arrivée de la plateforme sur le marché hexagonal il y a deux ans a confirmé l’engouement du public pour les super-héros américains.

Le marché du manga se stabilise

Le manga japonais a lui aussi rapidement saisi les enjeux du numérique. Le modèle digital correspond bien à la périodicité du genre. A la différence de la bande-dessinée franco-belge, dont l’élaboration s’étend davantage dans la durée, 13 volumes d’une même série nippone peuvent paraître la même année. C’est d’ailleurs l’une des raisons du « boum » des mangas en France. Au milieu des années 1990, lors de l’apparition du genre sur le marché français, le facteur nouveauté a fortement contribué à ce succès éditorial. Entre 2000 et 2008, le manga a connu une croissance exponentielle.

« Mais comme tout phénomène nouveau, c’est parti très fort, puis les ventes ont chuté de 20 points à partir de 2009 pour finalement se stabiliser », analyse Laetitia de Germon, une spécialiste du genre. Néanmoins sa part de marché reste conséquente : « En 2014, sur 35 millions de bandes-dessinées vendues en France, 11,5 millions étaient des mangas, soit un tiers des ventes ». Il faut noter que le manga n’est plus une création exclusivement japonaise, il est aussi coréen ou chinois. Une jeune génération d’auteurs français a également émergé, la preuve que la bande-dessinée n’a pas de frontières.

Last Man, un manga à la française de Vivès, Balak et Sanlaville
Last Man, un manga à la française de Balak, Vivès et Sanlaville

Si l’économie de la BD francophone a connu des jours meilleurs, la création artistique, elle, ne semble pas s’essouffler. Avec le temps, ce genre populaire a finalement gagné ses lettres de noblesse. Aujourd’hui, des auteurs comme Manu Larcenet sont plébiscités tant sur le plan du dessin que de la construction littéraire. La bande-dessinée est devenue un art à part entière. Preuve en est, une exposition inédite dédiée à l’œuvre de la pionnière Claire Bretécher est prévue à l’automne prochain au centre George Pompidou.

Fanny Lauzier et Fanny Zarifi

Plongée au cœur de l’univers Dargaud

 

Fondée en 1936, la maison d’édition Dargaud est la pionnière du marché de la bande-dessinée. Au début des années 1960, l’institution a su négocier le virage de la BD pour adultes. Elle demeure aujourd’hui la reine de l’édition franco-belge. Visite en coulisses.

Au numéro 15 de la rue Moussorgski, une artère sinueuse du 18ème arrondissement parisien, se dresse le siège de Média-Participations. Le groupe rassemble « la crème de la crème » de l’édition de bandes-dessinées française. Selon le 17ème classement annuel de Livre Hebdo, il arrive en tête des éditeurs de BD. La célèbre maison Dargaud occupe le premier étage de l’imposant bâtiment.

Sur une frise en noir et blanc, des photos-portraits de ceux qui ont fait la renommée de la maison accueillent les heureux visiteurs. Chaque bout de mur est un hommage à la bande-dessinée : les petits bonshommes de Bretécher, Hergé, Moebius ou Sfar se bousculent dans un joyeux désordre.

« Oh putain! Qu’est ce qu’ils ont foutu à l’imprimerie ?! ». Des jurons s’échappent du studio d’édition, suivis de quelques rires. Penché sur le dernier Manu Larcenet, le très attendu Rapport de Brodeck, dont la parution est prévue le lendemain, l’éditeur François le Bescond tourne les pages de l’album d’un air légèrement affolé. Des éclaboussures d’encre ont noirci plusieurs cases de l’ouvrage. Mais rien de très grave, il ne s’agit que du tirage destiné aux stocks de Dargaud.« Espérons que l’imprimeur n’ait pas envoyé le même à Manu, sinon il va nous faire un ulcère », s’amuse-t-il.

Un peu distrait par l’agitation ambiante, les quatre éditeurs-graphistes tentent de garder leur sérieux. Derrière son écran d’ordinateur, Nicolas apporte les dernières retouches à la couverture de Battling boy, le prochain opus de Paul Pope .

« La couverture est vraiment essentielle, c’est la vitrine de l’album. Mais il n’y a pas de formule magique, on la travaille main dans la main avec l’auteur », explique François le Bescond.

Si le studio d’édition constitue le centre névralgique de la maison, sa mémoire réside deux étages plus bas. Un colossal travail d’archive, réalisé par Nicolas Thibaudin. Tous les albums publiés par Dargaud depuis les années 1970 y sont rigoureusement classés et les originaux non numérisés soigneusement conservés. Une caverne d’Ali Baba pour les amoureux de la bande-dessinée.

 

Dargaud comme si vous y étiez :
Fanny Lauzier et Fanny Zarifi

 


Pour aller plus loin : 

Bande-dessinée : les revers d’un succès
Deux jeunes auteurs à l’assaut du 9ème Art


 

Deux jeunes auteurs à l’assaut du 9ème Art

Une allure longiligne, un nuage de cheveux qui entoure un visage encore enfantin, des lunettes rondes, un sourire timide, Mohamad Kraytem habille de son dessin vif et nerveux un feuillet encore vierge quelques minutes plus tôt.

De passage à Paris, ce libanais de 22 ans raconte ses rêves, ses projets avec un accent doux et chantant. Happé par l’univers de la bande dessinée à l’âge de 6 ans, « Mo » étudie désormais à l’Alba, une école d’art réputée à Beyrouth. Mais son avenir, il le voit en Europe. « L’univers de la bande dessinée est assez pauvre au Liban », explique-t-il.

Avant de se lancer dans le grand bain de la BD francophone, Mo devra toutefois donner naissance à un projet solide, à l’histoire construite et au dessin assuré. Pour l’instant, il fait ses armes en dessinant pour des revues libanaises. Il travaille aussi sur son blog, nourri de dessins de science-fiction ou de fantasie. On décèle les empreintes laissées par ses modèles issus de l’univers des comics, comme Jack Kirby ou Paul Pope mais aussi par ses « dieux de la BD francophone », notamment Jean Giraud ou Hergé.

Fanny Lauzier
La réponse illustrée de Mohamad Kraytem à la question « comment vois-tu ton entrée dans le métier ? »

Hors des bulles, elle s’appelle Lucie Arnoux. Un crayon à la main, elle préfère signer « Willoe ». Comme Mo, elle a choisi de passer par une formation artistique. Elle rêvait d’Angleterre. Elle est sortie diplômée l’année dernière de Kingston University. Mais c’est auprès de ses copains du Studio Gottferdom à Aix-en-Provence qu’elle a le plus appris.

Au lycée, elle passe le plus clair de son temps dans cet atelier d’artistes. Le scénariste de bandes-dessinées Arleston la prend sous son aile. Il la pousse à créer sa propre série humoristique, Rodolphe! (du nom de l’ami imaginaire de son alter ego), dans laquelle elle met en scène sa vie de jeune illustratrice.

Elle a su assez jeune qu’elle voulait faire ce métier. « On dessine tous étant enfants. Simplement, moi, je ne me suis jamais arrêtée. Le dessin m’a permis de gagner le respect des gens et je me suis dit que comme carrière, ce serait pas mal ».

Lucie publie toutes ses créations sur Internet, un outil dont elle a très tôt saisi l’importance. Dans le milieu des années 2000, elle fait partie de la première vague des blogs BD. Aujourd’hui, elle est très active sur sa page Facebook, The Willoe Tree Illustration, et son site lui a permis d’être contactée pour plusieurs projets. Quant à une BD entièrement publiée en ligne ? « Tant que j’ai le droit de commencer avec mon crayon, je veux bien finir sur une page web ! ».

Fanny Zarifi
Dessin de Lucie Arnoux
Lucie Arnoux est illustratrice, mais elle a plein d’autres ambitions. Elle le dit en dessin.

 


Pour aller plus loin :
Bande-dessinée : les revers d’un succès
Plongée au coeur de l’univers Dargaud


 

Laura De Heredia : « Nous avons créé la plus grande librairie du monde »

Laura de Heredia est une des grandes figures de la librairie parisienne. A la tête de L’Arbre à Lettres, elle a lancé, avec trois autres libraires, Paris Librairies, un site d’indépendants pour contrer Amazon.

Laura De Heredia, dans sa librairie L'arbre à Lettres
Laura De Heredia, dans sa librairie L’arbre à Lettres

L’union fait la force. C’est le leitmotiv de l’association Paris Librairies. Ce site internet regroupe des librairies indépendantes pour offrir une alternative aux clients. Le but : se procurer des livres rapidement et près de chez eux. Une initiative qui fait de plus en plus d’adeptes chez les professionnels du livre. « Au début, on était une cinquantaine. Aujourd’hui on est à 92 librairies », raconte Laura de Heredia, libraire et directrice des célèbres librairies L’Arbre à lettres. Elle est avec ses collègues du Divan, Comme un roman et l’Imagigraphe, à l’origine de Paris Librairies depuis 2012. Pour rejoindre ce mouvement, quelques critères : vendre majoritairement des livres neufs et être un indépendant. « Nous connaissons souvent déjà les libraires qui nous rejoignent. Et si ce n’est pas le cas, on va sur place pour voir si la librairie correspond à ce que l’on attend : une mise en avant du fond, des conseils, des animations », explique la libraire.

L’adversaire principal de ce groupement reste Amazon. Même si les libraires savent bien qu’ils ne pourront pas le concurrencer sur son terrain. « En coordonnant et en mutualisant tous les stocks on va offrir une alternative par rapport à un géant comme Amazon. Le client qui veut un livre tout de suite aura la possibilité de le trouver en moins de 48h qui est le délai d’Amazon. Mais on ne peut pas faire le poids sur certains points». Et notamment sur la question des frais de port. Si Amazon peut se permettre de les fixer à un centime, cela reviendrait à de la vente à perte pour les libraires. « Nous ne pouvons pas faire des frais de port à 50 centimes alors qu’envoyer un livre nous coûte minimum 2,50 euros », s’indigne Laura de Heredia.

« Les clients veulent continuer à acheter des livres dans leur quartier »

Avec ce combat, Paris Librairies veut prouver que la figure du libraire de quartier n’est pas près de disparaitre : « Les lecteurs et les citoyens en général commencent à prendre conscience de ces problématiques qui ne sont pas uniquement liées à Amazon mais à toutes les grandes multinationales. Les gens commencent à comprendre l’enjeu et l’impact sur la qualité de vie au quotidien. Ils recherchent un environnement où ils pourront faire leurs achats dans leur quartier avec des magasins, une convivialité, une proximité et si ça continue comme ça ils n’en auront plus la possibilité ». Il y a donc un retour au commerce local dans la capitale, qui est aussi un lieu privilégié pour la lecture. « Sur le site de Paris Librairies on écrit ‘La plus grande librairie du monde’. Paris est la ville au monde avec le plus fort maillage de librairies. Ce n’est pas uniquement parce qu’il y a des gens qui ont envie d’être libraires c’est aussi parce qu’il y a des clients et que ça les intéresse de venir dans une librairie », confie Laura de Heredia, optimiste pour son avenir de libraire.