eBay veut investir le marché de la réparation des objets

Le site d’enchère en ligne lance une plateforme d’aide à la réparation d’objets. Une nouvelle dynamique pour eBay, en perte de vitesse, mais aussi un pari risqué en l’absence d’une stratégie stable.

« Rien ne se perd, tout se répare », annonce-t-on dans les bureaux d’eBay, ce jeudi matin. Le site pionnier de la vente en ligne dévoile aujourd’hui sa nouvelle plateforme « eBay Réparation », base de données interactives pour accompagner les consommateurs souhaitant réparer par eux-mêmes les produits du quotidien. Également sur la plateforme, un service d’achat de pièces détachées, et une ligne d’appel payante, ouverte en continu (7€ pour 15 minutes).

L’ambition affichée est ouvertement écologique. eBay, plateforme de mise en contact entre acheteur et vendeur, estime n’avoir que peu de pouvoir sur l’impact écologique des échanges. Si la fabrication d’objets est extrêmement polluante, le site a décidé d’arrêter de mettre en avant les produits neufs dans ses stratégies marketing. Mais Céline Saada-Benaben, directrice générale de la branche française, voit plus grand: « Ce que nous pouvons faire, c’est nous assurer que cette production soit faite moins souvent. » Elle fait appel à la légende du site, dont la première vente aurait été celle d’un pointeur laser cassé. Les nouvelles priorités d’eBay? Revendre, remettre à neuf et réparer. Réparer surtout, alors qu’elle insiste déjà sur la distribution de pièces détachées automobiles grandissante, au sein de son site.

Miser sur l’expérience pour compenser un e-commerce en berne

Le mastodonte historique manque de traction dans l’Hexagone. Au premier trimestre 2022, il était le seizième site de e-commerce le plus visité, avec 15% de couverture mensuelle (en pourcentage de la population française), loin derrière d’autres spécialistes de la revente : Leboncoin (44%) et Vinted (26%) (étude Médiamétrie et Fevad).

C’est alors une nouvelle manière d’investir le marché français.  Dans les locaux du site, Etienne Mercier, directeur du pôle Opinion et Santé chez Ipsos, voit dans la tendance « do it yourself » une expérience à part entière: « Il y a un épanouissement personnel. Ça a explosé pendant le Covid. Les Français s’ennuyaient, et il y a eu cette tendance à faire les choses avec ses propres mains. » Joan Le Goff chercheur et auteur de La nouvelle jeunesse de l’occasion (co-écrit par Faouzi Bensebaa), y souligne aussi la portée ludique d’une activité dont « émerge une expertise technique où le savoir est partagé. Expérience et connaissances pratiques se trouvent parées de vertus insoupçonnées et alimentent la participation à la vie de la société. » Exit la place de marché virtuel, eBay miserait-elle désormais sur l’offre d’expérience pour se démarquer ?

« Ce qu’il manque depuis 10 ans à eBay, c’est de la cohérence »

Un besoin de renouveau étonnant, quand on sait que l’entreprise américaine avait trouvé sa niche, aux premiers moments d’Internet, comme lieu d’expérimentation, par l’enchère, des nouveaux horizons digitaux. Avec l’explosion du commerce en ligne, et la multiplication des acheteurs, « eBay a raté le coche au moment de se positionner », nous confie Joan Le Goff. D’autres e-commerces, Leboncoin, Vinted mais aussi Amazon et AliExpress, ont su imposer une image forte. En face, « eBay n’arrête pas de changer de stratégie », ce qui résulte, selon lui, en une « identité illisible »: « Les consommateurs n’arrivent plus à identifier ce que fait eBay. Il faut que ce soit cohérent, et ce qu’il manque depuis 10 ans à eBay, c’est de la cohérence ».

Moins chère, plus intéressante, la réparation a le vent en poupe. « Il y a plein de choses à faire en France en matière de réparation des objets », affirme Joan Le Goff. Mais la stratégie floue d’eBay, ces dernières années, a peut-être tué dans l’œuf l’avenir de cette initiative: « C’est un vrai pari. C’est audacieux, mais c’est filandreux… eBay n’est peut-être pas le meilleur interlocuteur pour capter ce mouvement. » Projet louable, cette nouvelle expérience pourrait être celle de trop.

 

Shad De Bary

Réchauffement climatique et empreinte carbone, quels enjeux pour l’habitat de demain ?

Du 22 au 24 septembre se tient à Paris la 1ère édition du Salon de l’immobilier bas carbone (SIBCA), où se rencontrent les géants du secteur. L’occasion de parler neutralité carbone et habitat de demain.

L’affiche de la première édition du Salon de l’immobilier bas carbone (SIBCA)

« L’immobilier bas carbone c’est une évidence parce que nous n’avons plus le choix ». Ce sont les mots de Julien Denormandie, ancien ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, de la Ville et du Logement. En visite au Salon de l’immobilier bas carbone (SIBCA), le ministre a affiché son soutien aux acteurs d’un marché en pleine en expansion. « J’ai toujours cru en l’immobilier bas carbone », confit-il à CelsaLab. 

Fraîchement engagé aux côtés de la start-up Sweep, leader de la gestion de l’empreinte carbone des entreprises, Julien Denormandie explique : « La donnée climatique va devenir aussi importante que la donnée financière ». Il ajoute fièrement : « Il n’y a plus d’investissement sur lequel on ne demande pas l’impact environnemental. La France est championne du monde dans l’immobilier bas carbone ». Et pour cause, pendant son mandat, l’ancien ministre avait travaillé à la création de la réglementation environnementale « RE2020 », qui sert à mesurer les émissions de carbone des bâtiments neufs. Il conclut : «  Atteindre la neutralité carbone en 2050 est un objectif incroyablement ambitieux, mais incroyablement nécessaire ».

https://www.ecologie.gouv.fr/re2020-nouvelle-etape-vers-future-reglementation-environnementale-des-batiments-neufs-plus 

Des mastodontes face aux start-up

De part et d’autre du salon, les stands de Vinci, Bouygues Immobilier, Nexity ou encore BNP Real Estate, côtoient ceux de PME et de start-up. Comment de tels géants peuvent-ils alors prétendre à la neutralité carbone dans le secteur immobilier, quand le reste de leurs activités ne semblent pas concernées par de tels enjeux ? BNP Paribas avait par exemple été épinglé pour ses financements des énergies fossiles, à hauteur de 142 milliards d’euros entre 2016 et 2021. Bouygues et Vinci avaient, quant à eux, fait l’objet d’un scandale écologique et financier en 2014, dans le cadre du projet de la « nouvelle route du littoral » à la Réunion, entre malfaçons dissimulées et destruction de la biodiversité littorale. 

https://www.liberation.fr/environnement/climat/financement-des-energies-fossiles-par-les-banques-francaises-les-bons-et-les-mauvais-eleves-20220330_7XM7Y6HW2VH6RFF7ZAQSOQDI6E/ 

https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/10/25/contentieux-retards-et-malfacons-a-la-reunion-les-affres-de-la-route-du-littoral_6099819_3234.html 

« Si on veut maintenir le réchauffement climatique à 1.5°, il va falloir que chaque français divise par cinq son empreinte carbone. » soutient Marc Lafont, directeur général de WO2, promoteur de bâtiments bas carbone. Il l’assure, c’est bien « l’envie de faire collective » qui fera bouger les lignes. Pour lui, ce sont ces entreprises traditionnelles, plus connues du grand public, qui représentent la plus grosse part du marché. Il ajoute : « C’est une excellente chose que nous soyons entourés d‘acteurs plus traditionnels de la construction. Ça montre que le bas carbone n’est plus un marché de niche, c’est l’affaire de tous ». Il dit compter sur la coopération de chaque acteur de l’industrie, dans l’optique d’abaisser l’émission de Co2 de chaque Français à deux tonnes par an, contre dix actuellement. Et cela devrait passer par le logement, l’immobilier traditionnel représentant 30 % des émissions de gaz à effet de serre.

La création d’un label pour encourager l’immobilier bas carbone

Alors, pour rendre l’immobilier plus pérenne, le secteur s’est regroupé autour d’un seul et même label : le BBCA (Bâtiment Bas Carbone). Depuis 2016, celui-ci permet aux acteurs de la chaîne de mesurer l’émission carbone d’un bâtiment. Ainsi, en France, on retrouve 450 constructions labellisées et 3 millions de mètres carrés certifiés bas carbone. En tête du classement, le groupe Nexity, suivi par le WO2 de Marc Lafont, dont 80 % des constructions sont certifiées, puis Bouygues Immobilier. Eric Pliez, maire du 20e arrondissement, croit dur comme fer à l’habitat bas carbone : « Si on peut rénover à Bagnolet, dans un quartier populaire comme on l’a fait, alors c’est possible partout ». 

 

Agnès Robini

Les insectes vont-ils vraiment finir dans nos assiettes ?

Près de 2 milliards de personnes dans le monde consomment régulièrement plus de 2.000 espèces d’insectes différentes / Unsplash @Analuisa Gamboa

En France, les entreprises qui se lancent dans l’élevage d’insectes se multiplient et lèvent des millions d’euros. Pourtant, la demande des consommateurs reste très faible, les normes sont limitées et les arguments environnementaux sont remis en cause. Des conditions qui laissent penser que les insectes ne sont peut-être pas l’avenir de notre alimentation.

 

Depuis maintenant plusieurs années, les insectes sont prédits comme fondamentaux pour l’avenir de notre régime alimentaire. Meilleurs pour l’environnement, bons pour la santé et transformables à l’infini (poudre, steak, grillade), les insectes permettraient de nourrir en protéines les humains, toujours plus nombreux. Et cette hypothèse semble très convaincante puisque les start-ups qui se lancent dans l’élevage d’insectes se multiplient sur le marché français. Innovafeed, une foodtech française, vient justement de lever 250 millions d’euros pour développer son activité aux Etats-Unis et en France. 

Encore hors des habitudes de consommation

 

Côté Occident, ces petites bêtes sont exclues de nos habitudes alimentaires. Pourtant, manger des insectes est loin d’être absurde dans certains pays. En Asie ou en Afrique, on estime que 2 milliards de personnes pratiquent l’entomophagie (la consommation d’insectes par l’être humain). « En France, le niveau d’acceptabilité devant l’idée de manger des insectes est très bas » explique Tom Bry-Chevalier, doctorant en économie de l’environnement, spécialisé dans les protéines alternatives. Début 2022, une étude de l’Institut CSA démontre que 39% des personnes interrogées sont complètement opposées à goûter un insecte. Pour Tom Bry-Chevalier, « c’est un produit qui est vendu pour vivre une expérience sympa, lors d’un apéro entre copains, et pas pour une consommation régulière. » D’ailleurs, les denrées vendues par les marques phares du marché, comme Jimini’s ou Micronutris, se retrouvent souvent au rayon apéritif, et à des prix élevés. 

Au-delà de l’absence de demande, les normes imposées par l’Union Européenne ne facilitent pas le développement de ces sociétés spécialisées en insectes comestibles. En 2021, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a autorisé trois insectes à la consommation humaine : le ver de farine, le criquet et le grillon. Avant cela, il était interdit d’en consommer. Déjà limitées par cette restriction, les entreprises doivent aussi jongler avec les normes sanitaires très strictes. L’ANSES (l’agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), pointe divers dangers notamment sur les allergènes, très présents dans les insectes, et réclament plus de recherches.

BADRU KATUMBA / AFP

Un élevage pas si respectueux de l’environnement

 

Le premier argument exposé lorsque l’on parle d’entomophagie reste l’argument environnemental. Un élevage d’insectes serait nettement moins impactant pour la planète qu’un élevage intensif classique. Pour Tom Bry-Chevalier, « c’est plus ou moins vrai, ça dépend de plusieurs facteurs. » Le spécialiste en protéines alternatives explique d’abord que la majorité des insectes d’élevage en France sont nourris avec des céréales : « Ces denrées pourraient servir à la consommation humaine ou animale, sans que nous ayons besoin de passer par les insectes ». Autre point négatif, les insectes ont besoin de chaleur pour se développer et produire des protéines. Les centres d’élevage doivent donc être chauffés lors des saisons froides.

Face aux règles strictes de l’Union Européenne, de nombreuses entreprises d’élevage produisent des insectes destinés à l’alimentation animale. Problème : « des études montrent que l’impact environnemental est moindre quand on nourrit les animaux avec des céréales qu’avec des insectes » explique Tom Bry-Chevalier. Innovafeed, société lancé en 2016 et qui prévoit d’atteindre une production de 100 000 tonnes d’insectes d’ici 2024, est dans ce cas. La mouche soldat noire, espèce choisie par l’entreprise, n’est pas dans la liste de l’Union Européenne. Innovafeed produit donc uniquement de l’alimentation pour les animaux d’élevage ou de compagnie. Mais cela pourrait changer prochainement, la foodtech a déposé un dossier de demande pour que sa mouche soit autorisée à la consommation humaine.

D’autres alternatives plus plausibles

 

Alors même si les entreprises ne cessent de capitaliser sur les insectes, il semblerait que ces derniers se retrouveront plus vite dans l’assiette de nos animaux que dans les nôtres. « À moins d’un énorme coup marketing, les consommateurs n’ont pas prévu d’intégrer les insectes dans leur quotidien » ironise Tom Bry-Chevalier. Pour lui, il vaut mieux se tourner vers d’autres alternatives pour remplacer la viande et ses exploitations polluantes, énergivores : « la protéine végétale est nettement moins impactante pour la planète que n’importe quel autre substitut » Pour le chercheur, il est essentiel de réduire notre consommation de viande, et cela n’est pas possible sans prendre en compte les goûts des Français. « C’est déjà un défi d’introduire ces protéines dans les habitudes de consommation, mais ça paraît plus facile de passer d’un steak bovin à un steak végétal, que de passer directement à un steak d’insectes », explique-t-il.

Alors la situation peut encore beaucoup évoluer, d’autant plus que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) s’est récemment prononcée en faveur du développement de l’élevage d’insectes à grande échelle. Pour l’organisation, il s’agit d’une solution viable pour relever le défi de nourrir la planète en 2030. Le secteur de l’insecte comestible va continuer de grandir et faire parler de lui, jusqu’à peut-être convaincre les consommateurs les plus réticents.

Héloïse Bauchet