Le Filon : un accompagnement sur la durée

Une personne dans l’urgence permanente ne peut pas reprendre le contrôle sur sa vie”, explique Cécile Tarchini, bénévole au Filon. L’association, créée en 2017 par Perrine Boyer, diplômée en management, offre aux femmes SDF un accompagnement sur le long terme afin de faciliter leur réinsertion. Le Filon, situé dans un petit local du 17e arrondissement de Paris, propose un accueil de jour où les bénéficiaires peuvent se reposer, cuisiner ou faire leur lessive. En tout, soixante-dix bénévoles viennent en aide à une quinzaine de femmes pendant plusieurs mois.  Par des ateliers de couture, de jardinage ou de décoration, les membres de l’association espèrent rétablir la confiance en leurs capacités des femmes non-domiciliées. Une fois par mois, les “filondors” -comme sont appelées les bénéficiaires de l’association- et les bénévoles organisent un repas où chacun peut inviter un membre de sa famille ou un ami. Un accompagnateur social les aide dans leurs démarches pour trouver des solutions à long terme, en matière de logement ou d’emploi.

Antonella Francini et Eva Mbengue

L’hygiène : un combat de plus pour les femmes SDF

 

Souvent victimes d’agressions sexuelles, les femmes sans-abri fuient les lieux mixtes. Selon le Samusocial de Paris, seuls 10 % des usagers dans les bains-douches sont des femmes. Pour répondre à ce problème, le premier centre d’hygiène uniquement réservée aux femmes a ouvert rue de Charenton dans le 12eme arrondissement de Paris en mars 2019. Cet espace cherche à répondre aux besoins spécifiques d’hygiène féminine. Le lieu dispose de plusieurs douches, d’une bagagerie, d’un espace épilation et coiffure. Il est aussi doté d’un dispositif d’aide sociale et médico-psychologique. Les femmes peuvent y consulter des spécialistes comme un gynécologue. Des protections pour les menstruations y sont mises à dispositions.

Dans la rue, les règles sont un problème de plus à gérer pour les femmes. À l’automne 2018, Axelle de Sousa -une jeune femme sans domicile- lance une pétition pour que les protections hygiéniques soient remboursées par la Sécurité sociale, afin que le personnes en grande précarité puissent y avoir accès.

 

Eva Mbengue et Antonella Francini

Amiante : le cri d’urgence des victimes

L’amiante, matériaux utilisé pour la construction, a été interdite en 1997 en France. Pourtant, cette micro-fibre fait encore de nombreux morts chaque année. Les associations de victimes ont manifesté leur colère près de la gare Montparnasse, à Paris. 

 

Vendredi 12 octobre, des associations de défense des victimes de l'amiante ont manifesté leur indignation, près de la gare Montparnasse. Crédit photo : G. de Préval
Vendredi 12 octobre, des associations de défense des victimes de l’amiante ont manifesté leur indignation, près de la gare Montparnasse.
Crédit photo : G. de Préval

Un cortège de tête un peu inhabituel ouvrait la manifestation des associations de victimes de l’amiante ce vendredi 12 octobre, près de la gare Montparnasse à Paris. Une dizaine d’hommes et de femmes, portant blouses de chantier et masques de protection, défilaient, d’un pas de légionnaire, avec des poussettes. Dedans, des poupons en plastique de différentes tailles, eux-aussi affublés d’un masque de protection. « Bâtiments non désamiantés, population en danger ! », voilà ce que l’on peut lire sur les écriteaux attachés aux poussettes. Et la première population à risque, ce sont les enfants.

Désamianter les écoles

En France, sur les 63 000 établissements scolaires existants, 85% ont été construits avant 1997, date à laquelle l’amiante a été officiellement interdite d’utilisation. L’amiante étant un matériau d’isolation très utilisé à l’époque, car bon marché, il est très probable que de nombreuses écoles soient encore emplies de cette fibre cancérigène. C’est le cas du lycée Georges Brassens, à Villeneuve-le-Roi (Val-de-Marne).

Novembre 2017, une enseignante a eu la surprise de découvrir un flocage – une sorte de mousse blanche servant d’isolant au plafond – tombé dans une classe. Une de ses collègues a pris la parole au début de la manifestation. « Quand on nous a appris que ce flocage comportait des taux d’amiante bien supérieurs à la moyenne autorisée, on s’est aperçu qu’on nous mentait. Depuis le début », rage cette enseignante. Elle travaille depuis huit ans à Georges-Brassens : « J’enseigne en zone défavorisée. Les élèves sont oubliés », s’indigne-t-elle au micro, très émue. Un groupe d’élèves et d’anciens du lycée sont venus, banderoles à la main, manifester leur désarroi face à tant de non-dits. L’un d’eux évoque même une « falsification » par la mairie de certains tests d’amiante. Depuis, les professeurs ont usé de leur droit de retrait et refusent que leurs élèves viennent en classe. Et ce, malgré l’injonction de la préfecture à faire reprendre les cours.

Empoissonnés sans le savoir

Même si cela fait plus de vingt ans que cette petite mais si meurtrière fibre est interdite, la reconnaissance du lien entre son inhalation et la mort d’une personne est loin d’être évidente. Alors même que ses effets sur la santé sont très facilement reconnaissables. Virginie Dupeyroux en sait quelque chose. Face à l’église Saint-Sulpice, alors que les manifestants commencent à se disperser, cette ancienne enseignante raconte qu’elle a perdu son père le 14 septembre 2015, d’un mésothélium, le cancer de l’amiante. Tout comme sa grand-mère, quelques années auparavant.

Virginie Dupeyroux a perdu son père il y a trois ans, empoisonné durant son enfance à l'amiante. Elle a écrit son histoire sous la forme d'un journal. Crédit photo : G. de Préval
Virginie Dupeyroux a perdu son père il y a trois ans, empoisonné durant son enfance à l’amiante. Elle a écrit son histoire sous la forme d’un journal.
Crédit photo : G. de Préval

Pour son père, cela s’est manifesté par une sensation étrange, comme un point de côté. « Nous devions partir en Bretagne, il était en pleine forme. Mais on est allés faire des examens de contrôle. » Les médecins auront mis deux mois à établir un diagnostic. Paul, son père, n’avait pourtant jamais travaillé dans une usine ou lieu en présence d’amiante. Et c’est ce qui interroge Virginie Dupeyroux. La réponse tombera comme un couperet le 26 novembre 2014. « Je me souviendrai toujours de cette date. Ce jour-là, le journal Aujourd’hui en France [édition nationale du Parisien, NDLR] titrait ’empoissonnés sans le savoir’, en parlant des méfaits de l’amiante à Aulnay-sous-bois, ville dans laquelle mon père avait passé toute son enfance ». Car au beau milieu de cette ville d’Ile-de-France, l’usine le Comptoir des minéraux et matières premières (CMMP) broyait tranquillement de l’amiante, quotidiennement. L’école municipale était à deux pas. « Mon père, comme plein de ses camarades, est mort en allant apprendre à lire et à écrire ! », se révolte cette femme qui, pour faire entendre l’histoire de son père, vient de publier un livre : « Amiante et mensonge : notre perpétuité », sous forme de journal entre elle et son père. Aujourd’hui, son père n’a toujours pas été reconnu comme victime officielle de l’amiante. 

Guillemette de Préval

 

Taxe d’habitation : le sujet de la discorde

Emmanuel Macron l’avait promis. 80% des Français, soit 22 millions de personnes, devaient bénéficier d’un abattement de 30% en 2018. Cependant, les habitants de plus de 6 000 communes ont vu leur taxe d’habitation stagner ou augmenter.

Stupeur vendredi matin, lorsque Bercy a dévoilé la liste des communes qui ont augmenté leur taxe d’habitation. S’en est suivie une vague de critiques sur Twitter avec le hashtag #BalanceTonMaire, créé par les militants d’En Marche et repris par des habitants concernés par l’augmentation. Pas de doute pour le ministère de l’Economie, certaines communes ont profité de la baisse de 30% de la taxe d’habitation pour faire des économies supplémentaires :« La baisse est bien appliquée comme prévu, mais il y a des taux qui ne dépendent pas de l’État et certaines municipalités en ont profité pour les augmenter ». Les maires justifient cette augmentation par la baisses des dotations de l’État aux collectivités territoriales, mais Bercy réfute :« Il n’y a jamais eu de baisse des dotations ».

Pourquoi les municipalités peuvent-elles augmenter la taxe d’habitation ?

Dans le cadre de la décentralisation, les municipalités disposent de prérogatives fiscales qui leur sont propres. Libre aux communes d’augmenter leur taux communal comme bon leur semble. Certaines communes qui sont en grande difficulté ont augmenté leurs taux à hauteur de 30% comme Grand-Charmont (Doubs) et à plus de 20% à Puget-sur-Agens (Var) comme le montre le fichier de l’ensemble des taux votés en 2018 par les communes mis en ligne par Bercy.

Extrait de l'ensemble des taux votés en 2018 par les communes
Extrait de l’ensemble des taux votés en 2018 par les communes

Résultat final, 55 villes de plus de 10 000 habitants ont augmenté la taxe d’habitation. Le premier prix est décerné à Maizière-Les Metz avec 18.02% d’augmentation.

Qui bénéficie réellement d’une baisse ?

Si la polémique a très vite enflé sur les réseaux sociaux, 18 millions de foyers profitent désormais d’une baisse de leur taxe d’habitation. Sans compter les 6 millions de personnes qui bénéficiaient déjà d’une exonération. Cependant, les célibataires dont le revenu de référence est supérieur à 28 000 euros, un couple sans enfant ou une personne seule avec un enfant ayant un revenu supérieur à 45 000 euros ne pourront pas obtenir de baisse.

La pression monte entre Bercy et les municipalités

Depuis la proposition de la suppression de la taxe d’habitation sur trois ans soit 30% tous les ans, les maires de France manifestent leur mécontentement. Interviewé par le Figaro le 11 octobre, le vice-président de l’Association des maires de France, André Laignel (PS), accuse l’Etat de vouloir exercer une « tutelle morale » sur les élus locaux.

Face à la vive polémique qui a agité Twitter, l’Association des maires de France a publié un communiqué sur le réseau social demandant des excuses suite à l’utilisation du hashtag #BalanceTonMaire, se justifiant encore une fois des raisons de l’augmentation : « 85 % des communes n’ont pas augmenté leurs taux de taxe d’habitation. Les 15 % qui l’ont fait n’ont pas été motivées par des considérations de politique nationale, mais par la recherche de financements nécessaires à l’accomplissement de leurs missions dans un contexte de baisse de leurs moyens. Elles l’ont fait dans le cadre des responsabilités qui leur sont confiées par la loi et qui participent de la libre administration des collectivités locales garantie par la Constitution. »

Pour François Cornut-Gentille, député LR de la Haute-Marne et ancien maire de Saint-Dizier, il s’agit avant tout d’une tactique politicienne :« Tout le monde joue sur les mots, lorsque l’État dit qu’il n’y a pas eu de baisse de dotations, sur le papier c’est vrai. Mais, il y a eu une redistribution qui a largement pénalisé deux tiers des communes. » Bercy accuse ainsi les municipalités de ne pas participer à cette mesure sociale, une vérité bien plus complexe pour François Cornut-Gentille :« Les communicants de Macron étaient à la recherche d’une proposition populaire, le plus rapidement possible. Et cette mesure n’a pas été travaillée, ni fiscalement, ni politiquement avec les municipalités. » L’État devra alors trouver 10 milliards d’euros pour financer la suppression de la taxe d’habitation et espérer que les communes participent à l’effort.

 

Capucine Japhet