Les manifestants peuvent-ils bloquer l’économie ?

Le mouvement de lutte contre la loi travail se poursuit et sera caractérisé cette semaine par la pénurie de carburant qui affecte déjà des centaines de stations-service. Le blocage des sites pétroliers est une stratégie récurrente dans la lutte syndicale, afin de verrouiller l’économie et de toucher le plus grand nombre. Les automobilistes, les groupes pétroliers, les entreprises et le gouvernement partagent la peur de voir les pompes à sec, mais les manifestants peuvent ils réellement fermer le robinet à essence ?

Lundi, six raffineries de pétrole sur les huit existantes en France étaient concernées par les mouvements de grève de leurs salariés et des routiers selon la CGT. Les raffineries Total sont notamment touchées par ces arrêts à Gonfreville-l’Orcher (Seine-Maritime), Donges (Loire-Atlantique), Feyzin (métropole de Lyon) et à Martigues (Bouches-du-Rhône). Les raffineries de Grandpuits (Seine-et-Marne) et Provence-la-Mède (Bouches-du-Rhône) ne sont pas arrêtées mais les grévistes bloquent toute entrée ou sortie de produits. Mardi matin, la CGT annonçait que la grève avait été votée maintenant dans toutes les raffineries restantes, où le blocage commencera dès mercredi.

Les grévistes investissent également les dépôts de carburant qui approvisionnent les stations-service, même si le gouvernement a plusieurs fois affirmé sa volonté de débloquer les sites occupés. Vendredi dernier, « six sites (étaient) libérés soit par la négociation, soit par l’intervention des forces de l’ordre », indiquait Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, sur TF1 vendredi soir. Lundi, cinq dépôts étaient encore cernés par les manifestants, dont celui de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), investi par les militants CGT dans la nuit. Mardi matin, la police évacuait les manifestants de Fos-sur-Mer, accentuant le conflit entre le syndicat et le gouvernement.

Y a-t-il pénurie de carburant ?

« Le terme pénurie serait inapproprié. Il y aurait plutôt un risque de rupture partielle d’approvisionnement des stations-service », explique Frédéric Plan, délégué général de la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage. Il existe une centaine de dépôts de carburant en France, rendant en effet improbable un blocage généralisé des dépôts et donc limitant le risque d’une pénurie durable dans le pays. Plus qu’un problème de production, c’est une difficulté logistique qui provoque aujourd’hui les ruptures de stock dans les stations-service. « Nous avons les produits nécessaires mais nous ne pouvons pas les distribuer normalement », explique l’Union Française des Industries Pétrolières dans un communiqué.

Les camions citernes devant se rendre vers des sites plus éloignés pour fournir les stations, le blocage de certains dépôts pétroliers provoque donc des pénuries temporaires dans les stations environnantes. Lundi, 1500 stations sur les 12000 existantes en France étaient en situation de rupture de stock totale ou partielle. Les régions du Nord et de l’Ouest sont notamment concernées, comme à Amiens, où toutes les stations étaient fermées lundi ou à Nantes, fortement touchée par l’arrêt de la raffinerie de Donges. Un effet d’anticipation des automobilistes a également accentué ce phénomène, avec une consommation doublée voire triplée dans certains départements.
Selon Frédéric Plan, la situation de rupture de stock que connaissent actuellement certaines stations-service est « en voie de résorption », les stations pouvant davantage anticiper les blocages des dépôts, mais il faudra encore quelques temps avant de retrouver un fonctionnement classique : « Le fait que des raffineries se mettent à l’arrêt, ça va mettre une dizaine de jours avant un retour à la normale », explique-t-il, l’arrêt et le redémarrage des raffineries se faisant en plusieurs jours.

Quelles sont les solutions de secours si le mouvement de blocage perdure ?

Pour pallier ces pénuries, plusieurs départements ont déjà instauré des arrêtés pour restreindre la distribution de carburant aux automobilistes. Le gouvernement a également autorisé les camions citernes à circuler le week-end dernier afin de pouvoir approvisionner les stations impactées par les blocages. Selon la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage, les stocks actuels peuvent suffire pour 7 à 10 jours d’approvisionnement des stations-service.

Si le mouvement de blocage venait à durer, il resterait encore la possibilité pour les groupes pétroliers d’avoir recours à l’importation ou, le cas échéant, de se tourner vers des raffineries non occupées. En cas d’urgence, l’État peut également puiser dans ses stocks stratégiques : 17,4 millions de tonnes de pétrole brut et de produits pétroliers permettant de tenir 98,5 jours. Ces stocks sont en théorie prévus pour faire face à des crises internationales graves et doivent être utilisés en accord avec l’Union Européenne et l’Agence Internationale de l’Énergie. Toutefois, l’État les a déjà utilisé partiellement par le passé pour faire face à des grèves, comme en 2010 lors du mouvement social contre la réforme des retraites.

Si cette batterie de solutions peut théoriquement compenser l’arrêt des raffineries, les cas de pénurie existants aujourd’hui sont davantage dus à des problèmes d’acheminement du carburant plus difficiles à anticiper. Les outils existent pour prévenir une pénurie générale mais tant que dureront les actions ponctuelles des grévistes sur les dépôts pétroliers, les ruptures temporaires dans les stations-service risquent donc de perdurer.

Simon Chodorge

Un plan de 2 milliards d’euros annoncé pour les hôpitaux

La ministre de la santé Marisol Touraine, a annoncé mardi dans une interview aux Echos, un plan d’aide pour l’hôpital public d’un montant de 2 milliards d’euros. Objectif : soutenir la réorganisation hospitalière qui sera mise en œuvre à partir du 1er juillet. Chaque hôpital se retrouvera dans un « groupement hospitalier de territoire » (GHT) à partir de cette date, afin de mutualiser un certain nombre de fonctions support et médicales, et in fine, réaliser des économies.

L’investissement, qui s’étalera sur cinq ans, ne représenterait pas une dépense supplémentaire mais une réallocation de moyens. Il devrait également faciliter l’uniformisation des systèmes d’information des hôpitaux, jugés trop souvent incompatibles entre eux. Cette annonce de la ministre, intervient alors que s’ouvre mardi la Paris Healthcare Week, le salon de l’hôpital, Porte de Versailles à Paris.

Victorien Willaume

Live tweet: Le deuxième jour du procès « Babu »

Live Blog Deuxième jour du procès « Babu »
 

La fragile position de médiateur de la France dans le dossier israélo-palestinien

Le premier ministre Manuel Valls est depuis dimanche en Israël où il a rendu hommage aux victimes de l’Hyper Casher mais également à Ilan Halimi, victime de meurtre antisémite avant de rencontrer le premier ministre israélien. Il compte négocier un futur accord de paix chapeauté par la France.

Le but avoué de son voyage est avant tout de marcher sur les traces du ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, qui l’a précédé la semaine dernière afin de convaincre l’État israélien de participer à la conférence de Paris. Cette réunion, en présence de l’Union Européenne et des États-Unis, aurait pour objectif de négocier un potentiel accord de paix entre Israël et la Palestine. Prévue originellement pour le 30 mai, elle a été reportée au 3 juin prochain. Toutefois, si la conférence représente une opportunité pour la France d’être un interlocuteur privilégié au niveau international, Benjamin Netanyahu, Premier ministre Israélien, a indiqué à Jean-Marc Ayrault privilégier des négociations bilatérales avec la Palestine plutôt que l’ingérence de nations étrangères au conflit. Ce qui rend la visite de Valls cruciale pour mener à bien le projet.

« Un grand scepticisme de la part du gouvernement israélien actuel »

Selon David Khalfa pour iTELE, spécialiste du conflit israélo-palestinien et chercheur associé à l’IPSE, la froideur des politiques envers la négociation préconisée par la France  est due à « un grand scepticisme de la part du gouvernement israélien actuel » causé par la « vague d’attaques subies depuis octobre » par une population « qui a fait le constat de l’échec répété des négociations« . Quant aux autorités palestiniennes, plus enthousiastes sur la question de la conférence, cela s’explique à ses yeux par le fait qu’ils « estiment que l’initiative française pourrait remettre le dossier palestinien au centre des préoccupations de la communauté internationale ».

Toutefois la visite est compliquée par la ratification par la France le 16 avril dernier d’une disposition de l’UNESCO qui lie certains lieux saints de Jérusalem à l’islam, ce qui a indigné les autorités israéliennes. L’article a été qualifié de « tentative honteuse de réécrire l’histoire, dans le cadre de la campagne politique contre Israël et le peuple juif » par Yaïr Lapid, alors ministre des finances et président du parti centriste Yesh Atid. De surcroît, la nomination d’Avigdor Lieberman, leader du parti d’extrême-droite israélien, au poste de ministre de la Défense, est un signe décourageant pour toute tentative de paix entre les deux États.

Une tension renforcée par les échecs de diplomatie française

Une tension que Manuel Valls a voulu effacer en déclarant dès son arrivée dimanche à Tel-Aviv: « Je suis l’ami d’Israël« . Celui-ci a également tenu à rassurer Benjamin Netanyahu en affirmant que, malgré la menace de Laurent Fabius selon laquelle la France reconnaîtrait la Palestine en cas d’échec des négociations, une telle décision n’était pas à l’ordre du jour. Le premier ministre a également réitéré les propos qu’il avait tenu lors du dîner du CRIF le 7 mars 2016, qui assimilaient antisémitisme et antisionisme.

Des tentatives de conciliation qui devraient aller dans le sens de Benjamin Netanyahu, qui a rappelé la semaine dernière que son « gouvernement aspire à la paix« . Mais celles-ci n’ont toutefois pas suffi, puisque Netanyahu a déclaré renoncer cet après-midi à toute participation à la Conférence de Paris.

D’autre part, de tels propos ont été généralement mal accueillis par les défenseurs de l’Etat palestinien, qui considèrent que Manuel Valls n’est pas un interlocuteur impartial. Aussi, Taoufiq Tahani, président de l’Association France-Palestine, déclare : « Celui qui a très bien décrit Manuel Valls, c’est Roger Cukierman, le président du CRIF ; il a déclaré que c’était le meilleur interlocuteur français pour Israël. Il ne s’est pas trompé dans son jugement : Oui, Manuel Valls sert beaucoup plus les intérêts d’Israël que les intérêts de la France« . Il ajoute : « Le bilan de la visite est extrêmement négatif. La première raison étant que, alors que la France avait voté la résolution de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine palestinien, il a dit là-bas que c’était une erreur. Le deuxième recul qui nous semble extrêmement grave c’est de renier la parole de la France donnée par Laurent Fabius selon laquelle il y aurait reconnaissance de la Palestine ». Taoufiq Tahani parle également de « déclarations extrêmement choquantes » lorsqu’à l’université de Tel-Aviv, il a évoqué le boycott européen contre les produits israéliens : « Il a parlé d’une détestation de l’état d’Israël et des juifs dans leur ensemble : il continue sur sa politique d’amalgame entre critique de l’état d’Israël et antisémitisme« . Il semble donc que malgré ses efforts, Manuel Valls ne fasse qu’aggraver le mécontentement dans un conflit déjà vieux de plus de cinquante ans.

Myriam Mariotte