Des réunions d’Alcooliques Anonymes réservées aux femmes

« Le but de ces réunions est de pouvoir lâcher le paquet », lance Evelyne, 49 ans, abstinente depuis douze ans. « Pouvoir dire des choses qu’on ne peut pas partager en groupes mixtes : des choses qui touchent à l’intimité, à des expériences particulièrement dégradantes, des abus, des viols, de la maltraitance. Ces réunions libèrent la parole et apportent un soulagement », développe-t-elle.

L’idée lui est venue, à elle et à d’autres, de créer des réunions d’Alcooliques Anonymes non mixtes dès les débuts de la crise sanitaire. Confinement oblige, les séances de l’association ont désormais lieu dans une salle virtuelle. Très vite, Evelyne s’aperçoit que les femmes qui y assistent sont de plus en plus nombreuses : d’après elle, les tâches ménagères et la garde des enfants les empêchaient de se rendre physiquement aux réunions. Les visioconférences attireraient même davantage de femmes que d’hommes selon la quinquagénaire.

« Je ne peux déposer ça qu’ici »

Ce dimanche matin de mai, elles sont une vingtaine à se retrouver sur Zoom pour discuter de leur maladie et des difficultés qu’elles rencontrent pour ne pas reprendre « la première goutte du premier verre ». Si certaines ne montrent pas leur visage, Laetitia finit elle tranquillement son petit déjeuner devant la caméra tandis qu’Anne tire compulsivement sur sa cigarette électronique.

Lorsque Séverine finit de lire les douze étapes de rémission des Alcooliques Anonymes, vient le temps des témoignages. « Je ne savais pas qu’il y avait des réunions de femmes, c’est cool ! » s’extasie Gaëlle, nouvelle venue. D’une voix douce et posée, la jeune femme se met alors à partager ses astuces pour ne pas retomber dans ses travers de femme alcoolique. « Coucou les filles, ravie de vous retrouver », s’exclame Laetitia lorsque son tour arrive.

Si toutes participent également à des réunions mixtes, les femmes présentes ce jour-là expliquent apprécier la bienveillance de ce groupe qui leur est réservé. « Une affinité s’est créée, je m’y trouve bien » affirme Anne. Pour Irène, ces rendez-vous destinés aux femmes sont l’occasion de parler des problématiques qu’elle a vis-à-vis des hommes. « Je ne peux déposer ça qu’ici », raconte-t-elle.

 

« Les partages sont différents »

Josette, qui participe aux Alcooliques Anonymes depuis 1996, soutient qu’elle se sent « très à l’aise » lorsque seules des femmes sont présentes. Valérie explique qu’en réunions mixtes, « une barrière se crée ». « Les partages sont différents » ajoute-t-elle. Quant à Christine, qui se présente comme « lesbienne et féministe », « la présence des hommes [l’]agace ».

Au coeur de la parole de ces femmes, il y encore et toujours le tabou que constitue l’alcoolisme au féminin. Pour Anne, « on [les femmes, ndlr] se sent vachement plus honteuses. Le sentiment de culpabilité est très fort ». Et Valérie de conclure : « un homme qui boit, c’est un épicurien, tandis qu’une femme, c’est une pochtronne ».

 

Lola Dhers et Baptiste Farge 

De Mesmer à Milton Erickson : retour sur l’histoire de l’hypnose

L’hypnose semble avoir existé dès la Grèce antique, mais gagne sa célébrité au XVIIIe siècle. Dix ans avant la Révolution française, le médecin viennois Franz Anton Mesmer s’installe à Paris. En 1778, sa théorie du « magnétisme animal » se développe et investit les salons parisiens, connue également sous le nom de mesmérisme. Selon lui, l’univers est empli d’un fluide qui connecte les hommes, la terre et les animaux entre eux. Il peut être utilisé de manière thérapeutique quand il est canalisé et redistribué par un magnétiseur. A l’époque, cette conception fascine autant qu’elle inquiète. Dans la sphère médicale, l’hypnose est jugée contraire aux bonnes mœurs. 

Au XIXe siècle, le professeur Charcot utilise l’hypnose pour étudier les symptômes de ce qui était appelé l’hystérie. Puis au début du XXème siècle, l’hypnose n’éveille plus le même intérêt. Cependant, elle est à nouveau beaucoup utilisée pendant la Seconde Guerre mondiale car elle permet d’apaiser des soldats victimes de troubles post-traumatiques. 

Les hypnothérapeutes sont aujourd’hui très influencés par les travaux de Milton Erickson au début du XXe siècle. Ce psychiatre américain étudie d’abord les méthodes classiques d’hypnose avant de créer sa propre technique, fondée sur le respect du sujet. Celui-ci n’est plus plongé dans un sommeil absolu mais est éveillé et actif. Il découvre également la technique de l’autohypnose, qui permet de se mettre soi-même en léger état de transe.

Nolwenn Autret et Aglaé Gautreau

Soigner soi-même ses addictions grâce à l’autohypnose

Trois questions à Alexandre Lockert, psychologue clinicien et psychothérapeute spécialisé en hypnothérapie.

Qu’est-ce que l’autohypnose ? 

C’est le fait de se faire de l’hypnose à soi-même. L’hypnose, c’est rentrer à l’intérieur de soi, c’est-à-dire utiliser un état modifié de conscience pour accéder à son inconscient, notre structure psychologique, où se trouvent nos émotions, nos souvenirs, notre mémoire, nos expériences, … Ce serait apprendre à mettre de côté notre petit mental, notre logique, pour pouvoir accéder à tout ce monde d’émotions. Parfois, on essaye de changer mais on n’y arrive pas. Par exemple, j’ai envie d’arrêter de fumer mais je n’y arrive pas. Qu’est-ce qui fait que ça bloque ? C’est que ma structure psychologique tourne en boucle. Des schémas se répètent et je n’arrive pas à les changer. Il faut mettre de côté le mental, pour accéder à l’inconscient, pour ensuite travailler sur ces mécanismes et mettre en place des changements. Faire de l’autohypnose, ce serait se recentrer sur soi et retrouver ses émotions.

Comment peut-on s’autohypnotiser ? 

D’abord, il faut apprendre ce que c’est l’autohypnose. Soit on suit une formation, soit on regarde dans des livres, soit on regarde des vidéos sur Internet. C’est de la pratique et de l’entraînement. C’est comme le vélo. Au début, généralement, on a les petites roues. Au bout d’un moment, on les enlève et on n’y arrive pas soi-même. Les premiers procédés sont les focalisations : se focaliser sur son corps, sur le souffle, sur quelque-chose que l’on peut observer devant soi. À force de me focaliser, je vais commencer à oublier tout ce qui se passe autour de moi. 

Exercice d’autohypnose: 

Pour quel type d’addiction l’autohypnose fonctionne-t-elle le mieux ? 

Alors, ça marche très bien pour l’arrêt du tabac. Il y a eu un effet de mode il y a une petite dizaine d’années. Après ça fonctionne pour toutes les addictions. Mais certaines sont plus compliquées que d’autres. Par exemple, les addictions aux stupéfiants, notamment l’héroïne. Quand il y a une dépendance, il faut un suivi médical en plus du suivi psychologique, c’est important. L’autohypnose ne va pas forcément enlever tous les symptômes de manque.

 

 

Nolwenn Autret et Aglaé Gautreau