Tim Burton : une esthétique blanche qui noircit l’écran

C’est le grand retour de Tim Burton au cinéma. Beetlejuice beetlejuice est sorti en salle le 11 septembre et si le retour d’un de ses personnages les plus emblématique a su ravir les fans, sur Internet, les réactions face au casting se sont faites nombreuses. C’est la fameuse « esthétique » blanche du réalisateur qui dérange. Pourquoi Tim Burton refuse la diversité ?

Winona Ryder, Monica Bellucci, Michael Keaton : à première vue, rien à reprocher. Seulement voilà, c’est sans compter les dernières polémiques qui ont bousculé le travail du maître de l’esthétique gothique et sombre. Lors de la sortie de la série Mercredi, avec Jenna Ortega en tête d’affiche, les communautés racisées ont tenu à pointer du doigt la rareté des personnages de couleurs porté à l’écran par Tim Burton. Et de fait, en 31 ans de carrière, on dénombre très peu de personnages noirs. Un seul dans Miss Peregrine et les enfants particuliers, avec Samuel L. Jackson qui incarne le vilain de l’histoire et plus tard dans Mercredi avec Joy Sunday et Iman Marson, des « méchants ». Alors à l’annonce du nouveau film, des premières réactions sur Tik Tok n’ont pas tardé à pleuvoir et les accusations de racisme à l’encontre de Tim Burton ont refait surface.

Il faut dire que le réalisateur aux citrouilles et à l’humour noir a plusieurs fois justifié ses castings entièrement composés de personnes blanches avec une maladresse qui n’est pas passée. En 2016, alors qu’on lui reprochait le manque de diversité dans Miss Peregrine et les enfants particuliers, il avait répondu : « Je me souviens que, lorsque j’étais enfant, je regardais l’émission The Brady Bunch et qu’ils commençaient à devenir politiquement corrects. Par exemple, on peut avoir un enfant asiatique et un enfant noir. Ça m’offusquait plus que… J’ai grandi en regardant des films de blaxploitation. Et j’ai dit, c’est super. Je ne me disais pas qu’il devrait y avoir plus de blancs dans ces films ». D’ailleurs, lorsqu’on lui demande pourquoi ses castings sont très peu diversifiés, sa réponse est souvent la même : les personnes noires ne collent pas avec son « esthétique ». Car cette fameuse esthétique correspond surtout à des tons pâles, une peau diaphane, des joues creusées et de grands yeux cernés.

Burton reste Burton

Avec le nouveau Beetlejuice beetlejuice, nombreuses se font les réactions. Pour montrer que les personnes racisées peuvent jouer dans des ambiances burtoniennes, l’on voit sur les réseaux la communauté noire se filmer avec un filtre aux traits caractéristiques des personnages des Noces funèbres et déjà les réactions pleuvent.

@yourlocdgirlfriend U tell me #fypシ #foryou #timburton #locs ♬ Tears to Shed – Tim Burton’s Corpse Bride Soundtrack-Helena Bonham Carter, Jane Horrocks And Enn Reitel


Car la seule scène de Beetlejuice beetlejuice à montrer des personnes racisées à l’écran est une scène de danse sur du jive où tous les clichés du disco sont réunis.

@boymommylife2 This was some mess frfr#fyp #beetlejuixebeetlejuicebeetlejuice #beetlejuice #likemyvideos🥺❤4kشكراا #timburtonracist #jive ♬ original sound – Boymommylife2

Sous cette vidéo, parmi les commentaires on retrouve : "Tout ce que l'on sait faire c'est danser le jive".

Pour Fleur Hopkins-Loféron, directrice du Labo des histoires à Paris, historienne des images et auteur du livre Mercredi Addams. Icône gothique, il ne faut pas s’emparer des réactions de Tim Burton par le biais du racisme.  Il s’agit plutôt de se demander si Tim Burton est « une icône ou un cliché ». « L’esthétique de Tim Burton, c’est d’abord une manière de revisiter les contes de fée » avec un soupçon d’horreur car Tim aime faire peur. « Mais après, il se pastiche, il joue Tim Burton. Lorsque l’on regarde le clip Predictable de Good Charlotte, on reconnait les décors d’Eward aux mains d’argent, les chanteurs se déplacent toujours dans les mêmes environnements. » En fait, plutôt que de voir dans les choix de Tim Burton un racisme assumé, force est de constater que le réalisateur « a beaucoup de mal à renouveler son univers ». Quand on est face à du Burton, on le sait.

Racisme ou passéisme ?

Ce qui reste néanmoins incompréhensible pour Fleur Hopkins-Loféron c’est que Tim Burton arrive à sans cesse à « réinvestir ses propres clichés : une esthétique éthérée, longiligne, de grands yeux chez les femmes et des hommes qui rappellent le romantisme allemand, une fragilité » mais il semble incapable de réinventer ses personnages en donnant des rôles à des personnes racisées. « C’est étrange qu’il ne se saisissent pas de manière contemporaine de cette diversité. Burton nous montre qu’il n’a rien appris de J. K. Rowling et pourtant les créateurs ont un devoir d’exemplarité. Pour Tim Burton, c’est plutôt qu’il ne se sent pas concerné par le fait de représenter la diversité ».

Si les films de Disney travaillent largement sur la diversité des représentations, Tim Burton « a un temps de retard » affirme Fleur Hopkins-Loféron. Bien sûr, l’on retrouve la culture latino dans la série Mercredi, mais non seulement celle-ci n’est pas vraiment revendiquée et en plus elle est très stéréotypée. « Le personnage de Mercredi est certes latino mais présenté selon un point de vue américain. Les musiques qu’elle écoute sont hyper clichées. » Pourtant, dans cette culture latino, on retrouve des personnages d’envergure qui pourraient largement inspirer Tim Burton. En citant Blade (1998) ou La reine des damnés (2002), Fleur Hopkins-Loféron fait référence à ce mouvement de l’horreur féminin latino : le latinx horror, qui a des ingrédients burtonniens. L’historienne des images le résume la drôle de position du réalisateur en une phrase. Finalement « Tim Burton tombe dans une vision passéiste d’il y a dix ans ».

Eléonore Claude

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *