Souvent nécessaire pour les sportifs de haut niveau, la prise de compléments alimentaires comporte des risques liés au dopage, lorsque des substances interdites font partie d’une composition parfois floue.
En moins d’une journée, les cas du footballeur Paul Pogba et de la tenniswoman Simona Halep ont mis en lumière deux affaires de dopage qui semblent avoir un dénominateur commun : les compléments alimentaires.
Dans le cas du milieu de terrain de la Juventus Turin, contrôlé positif lundi à la testostérone, et dans celui de l’ancienne n°1 mondiale roumaine, suspendue pour quatre ans mardi après un test positif au roxadustat, un médicament antianémique, les traces retrouvées seraient, selon les accusés, dus à une consommation involontaire suite à une prise de compléments alimentaires. Une manière pour eux de prendre de la distance avec ces accusations et de s’assurer une ligne de défense.
My fight continues. pic.twitter.com/kx5uzrLWCz
— Simona Halep (@Simona_Halep) September 12, 2023
Une optimisation nécessaire
Ces compléments rythment la vie de nombreux sportifs, afin d’optimiser au mieux leurs performances. « Dès que vous faites de l’activité physique, c’est presque indissociable », expose Nicolas Aubineau, diététicien nutritionniste du sport à La Rochelle. « Ce n’est pas obligatoire, mais ça va souvent de pair avec la pratique à haut niveau », ajoute-t-il.
La prise de compléments alimentaires permet aux sportifs de combler des besoins spécifiques pour l’effort demandé par le haut niveau. « La complémentation vient boucher des trous », explique Nicolas Aubineau. Leur consommation a des bénéfices directs sur les performances, notamment au niveau de la récupération. « C’est le plus important. Plus vous récupérez vite, plus vous êtes performants », précise-t-il.
Confiance totale aux médecins
Dans cette optique, il est donc courant que les sportifs de haut niveau se tournent vers des médecins pour avoir recours à des compléments alimentaires. Et souvent, la prise de ces compléments pour le sport passe par une confiance presque aveugle dans un médecin et le fabricant des compléments. « Vous pouvez faire tout avaler, et c’est là où c’est un risque et il faut être totalement honnête », affirme Nicolas Aubineau.
Dans le cas de Paul Pogba, le joueur aurait d’ailleurs fait confiance à un ami médecin américain, lui qui, selon ESPN, a admis à son club qu’il avait pris des compléments alimentaires sans savoir ce qu’ils contenaient.
Paul Pogba has admitted to Juventus that he took some food supplements not knowing they contained testosterone that led to his positive drug test and provisional four-year ban, a source told @LaurensJulien. pic.twitter.com/xnD7liU1jr
— ESPN FC (@ESPNFC) September 13, 2023
À cela s’ajoute un possible manque de clarté sur la composition de ces produits. En juillet, des chercheurs américains ont notamment montré qu’aux Etats-Unis, là où Pogba se serait fourni, 89 % des compléments sportifs à base de plantes sont mal étiquetés. Une raison de plus pour les sportifs d’être particulièrement vigilants à ce qu’ils ingèrent, pour ne pas se retrouver face à des tests anti-dopage positifs.
Un risque de dopage à assumer
A propos de cette possibilité, l’Agence française de lutte anti-dopage (AFLD) rappelle d’ailleurs que « le sportif est responsable de toutes substances retrouvées dans son organisme ». Ainsi, si des produits interdits sont consommés à cause de la prise de compléments alimentaires, une suspension peut-être prononcée pour sanctionner l’infraction, même si elle est involontaire.
Les cas de tests positifs à cause de compléments alimentaires peuvent cependant être évités si l’on se renseigne suffisamment bien. Spécialiste du dopage dans le sport, le docteur Jean-Pierre de Mondenard a rappelé sur X (anciennement Twitter) que l’Agence française de normalisation (AFNOR) avait mis en place une mention pour labelliser les produits « exempts de substances prohibés ».
Compléments alimentaires sécurisés : depuis 2012, l’Agence française de normalisation (AFNOR) garantit aux sportifs que les produits comportant sur l’emballage la mention NFV94-001 sont labellisés exempts de substances prohibées. Certains athlètes savent-ils lire ?
— Docteur de MONDENARD (@DeMONDENARD) September 13, 2023
Il a également soutenu que la plupart des instances conseillaient de faire vérifier par un organisme spécialisé les « produits hors médicament que des fabricants peu scrupuleux contaminent à dessein de substances illicites pour les rendre efficaces ». Ce qui montre une potentielle négligence de certains sportifs dans leurs renseignements, lorsqu’ils n’ont pas recours à ces contrôles.
Foot- #PaulPogba piégé par un complément alimentaire ? Depuis 20 ans les instances conseillent de faire vérifier par un organisme spécialisé les produits hors médicament que des fabricants peu scrupuleux contaminent à dessein de substances illicites pour les rendre efficaces.
— Docteur de MONDENARD (@DeMONDENARD) September 13, 2023
Sans vigilance, l’athlète risque donc une longue suspension allant, selon l’AFLD, jusqu’à quatre ans dans les cas les plus graves. Et ce même s’il n’y avait aucune intention de se doper.
Crédit image en une : Thomas Breher/Pixabay