Violence sexistes : après l’affaire Quatennens, malaise et désillusion des militants

Dans le prolongement du communiqué dans lequel le député Insoumis, Adrien Quatennens reconnait avoir donné une gifle à sa compagne, plusieurs militants ont décidé de quitter le parti. D’autres choisissent de rester. Au delà de cette affaire, tous s’interrogent :  comment établir les critères d’exemplarité de leurs représentants ?

 

« La gauche n’est pas imperméable aux questions de violences, notamment dans les instances de pouvoir. » estime François Fouchet, militant LFI

 

« J’annonce le retrait de mon engagement à LFI et suis la tribune de la #RelèveFéministe ! Nous, les militant⸱e⸱x féministes, nous exigeons la FIN de l’impunité des agresseurs en matières de violences masculines dans le milieu politique et militant. » Ce tweet d’internaute est l’un des nombreux à avoir inondé la toile depuis qu’Adrien Quatennens, député de la France Insoumise a reconnu, dans un communiqué, avoir donné une gifle à sa compagne de laquelle il divorce. Alors que plusieurs figures politiques, dont le leader du parti Jean-Luc Mélenchon, sont accusés de lui avoir apporté son soutien, plusieurs militantes ont décidé de quitter le parti. Certaines se sont réunis autour d’un nouveau collectif en ligne « Relève Féministe » qui a récemment publié une tribune dans le journal Libération. Celle-ci revient sur plusieurs affaires de violences sexuelles, sexistes mais aussi de comportement jugés inappropriés qui touchent la gauche depuis plusieurs mois. En jeu  : la question de l’exemplarité des représentants politiques. 

« Ça a jeté l’opprobre sur tout le parti »

Si plusieurs partis de gauche comme la France Insoumise (LFI) ou Europe Écologie Les Verts (EELV), ont fait de la lutte contre les violences faites aux femmes, un de leur chevaux de bataille, ils restent également concernés par des scandales de violences sexistes et sexuelles. L’affaires Quatennens, n’a, en effet, rien d’un cas isolé. Elle fait suite à des accusations qui ont touché Eric Coquerel (LFI), Taha Bouhafs (LFI) ou encore très récemment Julien Bayou (EELV), mis en retrait de la présidence du groupe parlementaire. Un constat qui n’étonne pas Sihem, 23 ans, militant au parti écologiste : « Il faut déconstruire cette image de la gauche irréprochable. Quand on entre au parti, on est tous animés par la soif de progrès. Mais à terme, le vernis s’écaille, notamment dans la réalité du comportement des hommes au sein des partis. » Idem pour Simon, 35 ans. Ce militant LFI ne croit pas aux « chevaliers blancs« , dès lors qu’on admet que « les violences patriarcales sont systémiques, et ce, même si l’on s’inscrit dans une ligne progressiste. » 

Pour d’autres, c’est une sensation d’inconfort voire de gâchis qui est partagée. François Fouchet est encarté auprès de la France Insoumise depuis janvier 2022. Etudiant en sociologie, il a choisi de s’engager pour enfin passer à l’action. Ce qu’il reproche au parti, c’est la mauvaise gestion et communication vis-à-vis de ces affaires. Il fait notamment référence au tweet de Jean-Luc Mélenchon qui, suite au communiqué d’Adrien Quatennens, a fait part de « sa confiance et de son affection » pour le député. « Ce qui m’énerve, c’est que cela jette l’opprobre sur tout le mouvement et tout le parti. D’une certaine manière, je suis frustrée qu’un tweet puisse faire autant d’effet par rapport à des heures de travail et de tractage. C’est notamment grâce aux militants que nous avons eu un tel résultat aux législatives et que les gens nous ont fait confiance. »

Etudiante en communication politique, Victoria n’est pas militante au parti écologiste. Forte de ses « convictions profondes », elle a toutefois été bénévole auprès de Julien Bayou lors des dernières élections législatives. Après sa mise en retrait du parti après un signalement d’une commission interne pour violences psychologiques envers son ex-compagne, elle fait part de son « inconfort » : « Je ressens une forme de malaise. Je l’ai rencontré et j’ai trouvé qu’il ne correspondait pas à la manière dont il est décrit par les affaires qui le touchent. Il défend ardemment les idées féministes. Et même si je suis attachée à la présomption d’innocence, le fait son ex-compagne ait vraisemblablement fait une tentative de suicide m’interroge. On ne peut pas ignorer ce qui a été révélé. » 

« Accorder leur parole à leurs actes » 

« La chose la plus insidieuse à gauche est que les hommes se déclarent alliés de la cause féministe pour mieux se retourner contre la victime. En coulisses, ils ne respectent pas leur parole » confie Sihem, membre du collectif « Relève Féministe. » Pour elle, il rester difficile d’assurer l’exemplarité des représentants politiques. Pour y tendre, elle compte néanmoins sur « un changement paradigme dans la culture militante et politique. » Elle propose notamment le renforcement de formations autour de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.  Héloïse Gilquin, militante LFI va également dans ce sens. Pour elle, il serait judicieux de faire appel à des « associations féministes qui correspondent aux idées du programme du parti. »

Pourtant, l’affaire Quatennens prouve que la question des violences sexistes et sexuelles va au-delà du cadre d’un parti politique. Aujourd’hui, c’est ce qui se passe dans la vie privée qui est en jeu. Si le député Insoumis reconnait avoir fait preuve de violence envers sa compagne, d’autres affaires comme celles de Julien Bayou ne relèvent pas, pour l’heure d’accusations légalement répréhensibles, ni même d’accusations publiques. Aussi, à quel moment le politique doit-il agir l’intime ? Les militants sont partagés. Certains comme Simon estiment que la priorité est de lutter pour que « la loi protège les femmes » avant de respecter la vie intime. D’autres comme Victoria évoquent leur déception vis à vis du « brouhaha politico médiatique : la militante écologiste Sandrine Rousseau est de bonne foi mais elle tente de se substituer à la justice. J’ai été déconcertée qu’elle révèle à la télévision les accusations qui visaient Julien Bayou. Aucun respect des procédures, aucune bienveillance. »  François Fouchet, quant à lui, pose une limite claire en la personne de Benjamin Grivaux : en 2020, ce candidat aux élections municipales investi auprès de la République en marche avait du se désister après la divulgation d’une sex-tape par un activiste russe : « Il n’y a pas eu de violence mais forcément, ça l’a impacté. En moins de 24 heures, sa vie professionnelle , politique et personnelle était finie. C’est sa vie privée qui a été jetée en pâture, et seulement pour des raisons d’affichage. Je ne souhaite cela à personne. »

Perla Msika 

 

 

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