Elections fédérales allemandes : les enjeux d’une future coalition

Appelés aux urnes le 26 septembre, les citoyens allemands s’apprêtent à élire de nouveaux députés. Face à la multiplication des partis politiques, ils seront très probablement chargés de former une nouvelle coalition pour diriger le pays. 

© Maheshkumar Painam

Elle incarnait la stabilité. La chancelière allemande s’apprête à tirer sa révérence après seize années passées à la tête du pays. Quatre mandats, donc, mais qu’Angela Merkel aura exercés en formant des coalitions avec d’autres partis que la seule CDU dont elle fut longtemps la cheffe de file.

« Depuis toujours, l’Allemagne est calée sur un mode de fonctionnement collectif », explique Isabelle Bourgeois, chargée de recherches au Centre d’information et de recherche sur l’Allemagne contemporaine (Cirac). Selon elle, aucun doute qu’une nouvelle coalition verra le jour au lendemain des élections fédérales du 26 septembre : « la dernière fois qu’un parti a obtenu une majorité absolue, c’était dans les années 1960″, rappelle-t-elle.

Peu de chance, aujourd’hui, qu’un parti obtienne plus de 50% des voix des électeurs allemands. En cause, notamment, la multiplication des mouvements politiques.« Les parts sont plus petites quand il y a plus de convives », souligne Isabelle Bourgeois. Si, jusque dans les années 1980, seuls trois partis étaient représentés au Bundestag, l’équivalent de l’Assemblée nationale française, ils sont aujourd’hui au nombre de six. Se sont progressivement ajoutés aux socio-démocrates du SDP, aux conservateurs de la CDU et aux libéraux du FDP le parti écologiste (Die Grünen), Die Linke -soit le parti le plus à gauche de l’hémicycle- ainsi que le parti d’extrême droite, AfD.

Une coalition de trois partis, une « quasi-certitude »

Face à cet éclatement du paysage politique allemand, une coalition formée par trois partis est d’ailleurs plus que probable. C’est même « une quasi-certitude » pour Elisa Goudin-Steinmann, maître de conférence à l’Université Sorbonne Nouvelle. Ce serait une première en Allemagne. Mais alors, quelles conséquences sur la gouvernance du pays si trois partis étaient amenés à diriger ensemble ?

Si certains soulignent de possibles difficultés pour gouverner, d’autres n’y voient aucune importance. Isabelle Bourgeois insiste, « dans les Länder [les provinces allemandes, ndlr]  il y a différentes configurations avec déjà des coalitions à trois.Ce ne serait donc que la première fois que la question se pose à l’échelle fédérale ». Et si les négociations pour former un traité de coalition et désigner un nouveau chancelier dureront sûrement plus longtemps à trois, « rien ne sera plus compliqué : les institutions allemandes sont établies sur la difficulté. »

Elisa Goudin-Steinmann ne partage pas exactement le même avis. « Beaucoup de choses peuvent se passer sur lesquelles les partis au pouvoir seront en désaccord. Il y a encore plus de raisons d’être en désaccord à trois qu’à deux« , affirme-t-elle. Sur la politique énergétique, par exemple, si l’Allemagne venait à être dirigée par une alliance constituée, entre autres, des libéraux et des Verts.

Une « grande coalition » mauvaise pour la démocratie allemande

 » Le problème est le temps perdu pour former un gouvernement, note Paul Maurice, chercheur au Comité d’études des relations franco-allemandes (Cerfa) à l’Ifri (institut français des relations internationales).  En 2017, les négociations entre la CDU-CSU, le FDP et les Verts avaient échoué et cela avait conduit à la reconduction d’une grande coalition ». 

Or, cette « grande coalition », soit l’union des deux partis majoritaires, le SDP et la CDU n’en veulent plus. Elle n’est d’ailleurs « pas bonne pour la démocratie » pour Elisa Goudin-Steinmann : « avec une grande coalition, les gens ne voient plus trop la différence entre la gauche et la droite. Il y a de toute façon trop à perdre pour les deux partis ».

Quoi qu’il en soit, que l’alliance soit « jamaïque », « feux tricolores » ou « R2G », Angela Merkel restera à la tête de l’Allemagne en attendant qu’un traité de coalition soit signé. Si elle restait en poste jusqu’au 17 septembre, elle battrait alors le record de longévité de son prédécesseur Helmut Kohl.

Lola Dhers

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