L’économie de l’attention en question

Helena R, 23 ans, passe beaucoup sur certaines applications comme Youtube ou Instagram. (Photo : Bénédicte Gilles / Celsa)

Qui n’a jamais passé une demi-heure sur Instagram après avoir furtivement ouvert l’application pour répondre à un simple commentaire ? Les réseaux sociaux ont un pouvoir quasi hypnotique, qui absorbe l’utilisateur, le faisant tomber dans une sorte de puits sans fond où le temps ne s’écoule plus… L’utilisateur est happé. Et il ne s’agit pas d’un hasard : c’est ce qu’on appelle l’économie de l’attention.

Lors d’une conférence, Sean Parker, ancien président de Facebook de 2004 à 2005, expose la principale interrogation à l’œuvre au sein du géant du numérique pour lequel il a travaillé : “Comment consommer autant de votre temps et de votre attention consciente que possible ?” Il précise ensuite : “Nous devons vous donner un petit peu de dopamine de temps en temps – lorsque quelqu’un a aimé ou commenté l’un de vos posts. Cela vous pousse à produire plus de contenu, ce qui vous procure plus de likes et de commentaires… Il s’agit d’exploiter une vulnérabilité de la psychologie humaine.” L’objectif des entreprises du numérique est de faire en sorte que les personnes naviguent sur leur plateforme le plus longtemps possible. Derrière l’économie de l’attention, il y a une course à l’exploitation du temps et de l’esprit des utilisateurs. C’est ce qui explique les publicités ciblées entre les storys Instagram, les vidéos s’enchaînant sur Facebook et Youtube, directement imposées par l’algorithme, ou encore le fait que Tik Tok bloque l’arrivée des notifications d’autres applications, pour s’assurer que l’utilisateur reste sur le réseau social.

Ancien employé de Google, Tristan Harris a participé au développement du concept d’économie de l’attention. En 2015, il mettait en garde contre les conséquences délétères que la constante distraction peut avoir pour soi-même, et pour la société : « Notre démocratie repose sur la capacité des gens à concentrer leur attention sur des sujets qui nous concernent collectivement, et quand nous sommes séduits par le nouveau « truc du moment », nous sommes incapables de faire ça. »

Bénédicte Gilles

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