A REVIVRE. Édouard Philippe présente le plan de déconfinement devant les députés

Le Premier ministre Édouard Philippe a présenté mardi après-midi devant les députés les grandes lignes du plan de déconfinement prévu pour le 11 mai. Revivez ses annonces dans ce direct.

Édouard Philippe s’est exprimé à 15 heures devant les députés pour présenter le plan de déconfinement. Flickr / Public Sénat

16h07 :Après une heure de prise de parole, le Premier ministre Édouard Philippe remercie l’hémicycle et laisse la place aux députés qui s’exprimeront après une pause de quinze minutes.

16h05 : »Mesdames et messieurs les députés, la France est dans l’un de ces moments où ceux qui la servent doivent être à la hauteur. »

16h00 : « Dire ici ce que je viens de dire, plutôt qu’ailleurs, montre que la démocratie parlementaire reste vivante, exigeante, parfois bruyante mais indispensable toujours. »

Les députés applaudissent face au choix d’Édouard Philippe d’avoir présenté ces annonces à l’Assemblée nationale. « Nous avons décidé de réserver ces annonces à l’Assemblée nationale« , a affirmé le Premier ministre.

« Je proposerai au Parlement d’adopter prochainement une loi qui prorogera l’urgence sanitaire au-delà du 23 mai, autorisera la mise en oeuvre des mesures nécessaires à l’accompagnement du déconfinement. »

15h58 : « Si nous voulons éviter que la circulation du virus ne s’accélère dans des zones jusque-là préservées, il nous faudra limiter cette possibilité de se déplacer dans un premier temps. Il conviendra donc de légiférer. »

Édouard Philippe évoque l’aspect législatif des mesures nécessaires pour le déconfinement.

« Je donne rendez-vous aux Français à la fin du mois de mai pour évaluer les conditions dans lesquelles nous pourrons poursuivre le déconfinement. »

« D’une façon générale, il nous faut éviter les rassemblements qui sont autant d’occasions de propagation du virus. Les rassemblements sur la voie publique et dans les lieux privés seront dont limités à 10 personnes. »

15h55 : « Les cimetières seront à nouveau ouverts au public dès le 11 mai. »

« Les cérémonies funéraires pourront continuer à s’organiser dans la limite de 20 personnes. »

« Les lieux de culte pourront continuer à rester ouvert, mais je crois qu’il est légitime de demander de ne pas organiser de cérémonies avant cette barrière du 2 juin. »

« Les grandes manifestations sportives et culturelles, tous les événements qui regroupent plus de 5 000 participants, ne pourront se tenir avant le mois de septembre. La saison 2019-2020 de sport professionnel ne pourra pas non plus reprendre. »

15h53 : « Les grands musées, les cinémas, les théâtres, ne pourront pas rouvrir. Les salles des fêtes et salles polyvalentes resteront également fermées jusqu’au 2 juin. »

15h52 : « Les parcs et jardins ne pourront rouvrir que dans les départements où le virus ne circule pas de façon active. Les plages resteront inaccessibles au public au moins jusqu’au 1er juin. »

« Il sera à nouveau possible de circuler librement, sans attestation, sauf pour les déplacements à plus de 100 kilomètres du domicile, qui ne seront possibles que pour un motif impérieux, familial, ou professionnel. »

« La vie sociale va reprendre progressivement. »

« Je demande aux personnes les plus âges, les plus fragiles, de la patience« , affirme le Premier ministre. « En vous protégeant, vous protégez le système hospitalier, et les plus fragiles d’entre nous. »

15h51 : « Nos aînés doivent se protéger en limitant leurs contacts et leurs sorties, tout cela en se reposant sur le principe de la confiance. »

« Les bus scolaires pourront circuler, avec la même règle du un sur deux, et l’obligation du port du masque pour les chauffeurs et les écoliers à partir du collège. Il sera également obligatoire dans les taxis et VTC qui ne disposent pas de la séparation en plexiglass. »

15h49 : « Le port du masque sera rendu obligatoire dans les transports, métros et bus. La capacité du métro parisien sera drastiquement réduite. »

« 70 % de l’offre de la RATP sera disponible au 11 mai. »

« Nous allons augmenter au maximum l’offre de transport urbain. Nous voulons aussi baisser la demande, en continuant le télétravail, et en rappelant aux Français que les transports en heures de pointe doivent être laissés aux gens qui travaillent. »

15h47 : « Le respect des distanciations physiques et des gestes barrières est particulièrement difficile dans les transports. »

Édouard Philippe rappelle que l’annonce d’une date de réouverture des cafés et restaurants sera donnée à la fin du mois de mai.

15h46 : « Les préfets pourront décider de ne pas laisser ouvrir les centres commerciaux de plus de 40 000 m2 qui risquent de susciter d’importants mouvements de population. »

15h45 : « Tous les commerces, sauf les cafés et restaurants, pourront rouvrir à compter du 11 mai. Les marchés seront en général autorisés. Il faudra respecter les règles de distanciation d’un mètre entre chaque personne. Le port du masque grand public sera recommandé lorsque les mesures de distanciation physique ne peuvent être garanties. »

« Le dispositif d’activité partielle restera en place jusqu’au premier juin. Il faudra ensuite l’adapter progressivement. »

15h44 : « Le télétravail doit être maintenu partout où cela est possible pendant au moins les trois prochaines semaines. »

15h42 : « Il n’y aura pas de port du masque pour les enfants de moins de trois ans. »

15h41 : « Les crèches seront aussi rouvertes à partir du 11 mai avec des groupes de 10 enfants maximum. »

15h39 : « Le port du masque pour les enfants est prohibé, celui pour les collégiens sera obligatoire. Nous fournirons des masques aux collégiens qui n’auront pas pu s’en procurer. »

15h38 : Il n’y aura pas plus de 15 élèves par classe, et tous les enseignants et encadrants de la vie scolaire auront des masques qu’ils devront porter quand ils ne pourront pas respecter les règles de distanciation.

« Fin mai, nous déciderons s’il est possible de rouvrir les lycées début juin en commençant par les lycées professionnels. »

« À partir du 18 mai, nous verrons s’il est possible de rouvrir les collèges en commençant par les 6e et les 5e. »

« Nous souhaitons une ouverture très progressive des maternelles et écoles primaires à partir du 11 mai sur la base du volontariat dans tout le territoire. »

15h37 : « Le retour de nos enfants sur le chemin de l’école est un impératif pédagogique et de justice sociale. »

Édouard Philippe va désormais aborder la stratégie de déroulement du quotidien des Français, à savoir l’école, les entreprises, les commerces, les transports et la vie collective.

15h36 : « À compter de jeudi, le directeur général de la santé présentera tous les soirs la carte département par département. »

« Trois ensembles de critères pour identifier les départements où le déconfinement doit prendre un sens plus strict. Ces indicateurs seront cristallisés le 7 mai, afin de déterminer quel département bascule le 11 mai dans la catégorie rouge, circulation élevée, ou vert, circulation limitée. »

15h33 : « Si tout est prêt le 11 mai, alors commencera une phase qui durera jusqu’au 2 juin. Ensuite débutera la phase suivante, qui statuera jusqu’à l’été. »

« Nous préparons le 11 mai en surveillant tous les indicateurs pour vérifier département par département que nous pouvons en effet lancer le déconfinement à cette date. (…) Si les indicateurs ne sont pas au rendez-vous, nous ne déconsignerons pas au 11 mai, ou de manière plus stricte. »

15h31 : Le déconfinement se fera de manière progressive, et selon les territoires. Le Premier ministre va d’abord aborder l’aspect progressif du déconfinement.

« Lorsque l’application fonctionnera, nous organiserons un débat spécifique, suivi d’un vote spécifique. »

Des voix contestataires s’élèvent dans l’hémicycle.

« Il me semble que le débat est un peu prématuré. »

15h30 : Le Premier ministre aborde la question de l’application StopCovid.

« Nous laisserons le choix à la personne testée positive de s’isoler chez elle, ce qui entraînera le confinement de tout le foyer pendant 14 jours, ou de s’isoler dans un lieu mis à sa disposition, notamment dans des hôtels réquisitionnés. »

15h28 : « Nous prévoirons des dispositifs de contrôle, mais notre objectif est de largement se reposer sur le civisme de chacun. »

15h27 : « L’objectif final de cette politique est de permettre d’isoler au plus vite les porteurs du virus. L’isolement n’est pas une punition ni une sanction. C’est une mesure de précaution collective. »

15h26 : « Tous les cas contacts sont testés et invités à s’isoler. »

15h25 : « Nous allons faire passer à 100 % la prise en charge de ces tests par l’Assurance maladie. »

15h24 : « Selon les estimations scientifiques, il devrait y avoir entre 1000 et 3000 nouveaux cas par semaine à compter du 11 mai. »

15h23 : « Nous nous sommes donnés comme objectif de réaliser au moins 700 000 tests virologiques par semaine au 11 mai. »

15h22 : « Les pharmacies et la grande distribution seront invitées à vendre des masques jetables ou lavables. »

15h21 : « Nous soutiendrons les collectivités territoriales pour l’achat de masques en prenant en charge 50 % du prix des masques lavables. »

15h18 : Le Premier ministre explique le choix du gouvernement qui a été fait de réserver les masques au personnel soignant, quitte à en priver une partie de la population.

15h17 : Édouard Philippe explique les deux obstacles qui ont mené la France à une pénurie de masques : « L’importation a été bloquée, et la consommation de masques a considérablement augmenté. »

Édouard Philippe aborde devant les députés la question du masque, en évoquant les voix discordantes qui ont pu se faire entendre depuis le début de la crise sanitaire.

15h16 : « Le respect des gestes barrière et des mesures de distanciation sociale prendra encore plus d’importance. »

15h15 : Edouard Philippe déclare que la mise en œuvre du plan de déconfinement sera faite autour du triptyque « Protéger, tester, isoler. »

15h14 : « Je rencontrerai dès demain des associations d’élus locaux, les préfets et jeudi les partenaires sociaux pour adapter le plan aux réalités de terrain. »

« Le troisième axe à prendre en compte est géographique. (…) Certaines parties ont été durement touchées (…) mais dans d’autres, le virus est quasiment absent. Cette circulation hétérogène du virus crée de fait des différences selon les territoires. »

15h13 : « Le deuxième axe de notre stratégie sera donc la progressivité. »

15h12 : « Le risque d’une seconde vague (…) qui imposerait un reconfinement est un risque sérieux. »

15h11 : « Notre système hospitalier a tenu. Il a tenu au prix d’une fatigue bien compréhensible des femmes et des hommes, au prix d’une consommation de médicaments de réanimation jamais constatée, au prix d’une déprogrammation des opérations chirurgicales non nécessaires à court terme, mais qui finiront bien par l’être. »

Certains députés siègent dans l’hémicycle avec leur masque, comme Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, Sébastien Chenu ou encore Ludovic Pajot du RN.

15h10 : « Toutes les stratégies reposent sur des constats. Le premier est médical : nous allons devoir vivre avec le virus, dès lors qu’aucun vaccin n’est prévu à court terme, qu’aucun traitement n’est à ce jour approuvé. Le virus va continuer à circuler. »

15h09 : « Il nous faut donc, progressivement, prudemment, mais aussi résolument procéder à un déconfinement aussi attendu que risqué et redouté. »

« Un confinement prolongé au-delà du strict nécessaire aurait des conséquences gravissimes. »

15h08 : « Le confinement aura permis d’éviter au moins 65 000 décès en un mois, et 105 000 lits de réanimation auraient manqué en l’absence de confinement. Je ne crois pas que notre pays l’aurait supporté. »

« Depuis le 8 avril, le nombre de cas de Covid-19 en réanimation diminue. Il dépassait 7500, il est désormais de 4600. La décrue est engagée, elle est régulière, lente, mais régulière. »

15h07 : « Le confinement a été un instrument efficace pour lutter contre le virus, pour protéger les Français les plus fragiles. »

15h06 : « Jamais, dans l’histoire de notre pays, nous n’avons connu cette situation. Ni pendant les guerres, ni pendant l’occupation, ni pendant les précédentes épidémies. »

« Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, voilà donc le moment où nous devons dire à la France comment la vie va reprendre. »

15h05 : Le Premier ministre Edouard Philippe débute sa prise de parole.

Richard Ferrand donne la parole à Edouard Philippe.

15h04 : Richard Ferrand s’adresse aux députés qui sont seulement au nombre de 75 pour respecter les gestes barrières.

« Puisse cet ébranlement général nous apprendre à aborder les sujets dans toute leur profonde complexité et non dans leur apparente simplicité. »

« Aujourd’hui, le Premier ministre, vous savez que vous ne gouvernez pas un domaine qui nous domine, et nous savons que la pandémie est plus forte que n’importe laquelle de nos lois« , déclare le président de l’Assemblée nationale.

15h00 : Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, ouvre la séance par un bref discours.

Dinah Cohen

Coronavirus : les librairies indépendantes organisent le « drive » du livre

Alors que le géant Amazon enregistre des ventes de livres records depuis le début du confinement, les librairies indépendantes s’organisent elles aussi pour faire face à cette concurrence. Elles sont de plus en plus nombreuses à proposer un retrait des commandes pour atténuer les effets du confinement.

Les librairies organisent le retraits des commandes effectuées sur leur site web. (Crédit : Flickr)

Pouvoir ouvrir afin d’assurer le retrait des commandes : voilà ce que réclamaient depuis plusieurs semaines les libraires indépendants français pour faire face à la fermeture mise en place avec le confinement le 17 mars dernier. C’est chose faite depuis le 16 avril, où le ministre de la culture, Franck Riester a annoncé la possibilité pour les librairies de mettre en place ce système. Une solution rapidement adoptée dans de nombreuses librairies.

Des retraits de commandes sur internet

Le concept est très simple. Comme avec le « drive » des magasins de grande distribution, les clients commandent les livres qu’ils désirent via le site internet de la librairie ou par téléphone. Mais attention, seuls les livres déjà en stock dans la librairie peuvent être commandés, les livraisons des maisons d’édition n’étant pas assurées avec le confinement. Les acheteurs payent en ligne ou à la libraire et un créneau leur est attribué afin qu’ils puissent récupérer leurs commandes.

C’est le cas de la Librairie Antoine, à Versailles qui propose ce service tous les jeudis. Les clients peuvent ainsi retirer les commandes effectuées par le biais du « click and collect » et profiter de leurs nouvelles lectures.


Et certains libraires ont même poussé la démarche encore plus loin en proposant à leurs clients un système de livraison à domicile.

Parmi les clients des libraires, on trouve autant les habitués que de nouveaux arrivants. « Grâce à ce dispositif presque 150 personnes qui n’avaient jamais fréquenté la librairie ou qui n’avaient pas l’habitude d’y commander des livres m’ont contacté« , explique Antoine Michon, gérant de la Librairie Antoine.

Le livre, produit de première nécessité

Le libraire est convaincu du caractère essentiel du livre : « Nous, libraires, nous avons autant besoin économiquement de vendre des livres que les lecteurs ont besoin de s’évader et de trouver un équilibre dans la lecture. Pour certains de mes clients, le premier réflexe pour rompre l’isolement d’un proche en EPHAD, ça a été d’envoyer un livre« , raconte le libraire.

Les libraires n’en oublient pas pour autant leur rôle de conseil et adaptent leurs recommandations à cette période de confinement.  » Bien sûr que mon devoir de conseil a pu jouer, raconte Antoine Michon. On prend beaucoup le temps de discuter, de répondre et de reconseiller les clients si besoin. On conseille des choses plus légères pour les gens qui veulent s’évader« .

De nombreuses librairies ont également mis en ligne sur leurs sites des « sélections spéciales confinement » avec des livres choisis avec soin, pour s’évader ou au contraire réfléchir davantage à la situation.

Un moyen de survivre

Mais pour beaucoup de libraires, rouvrir les portes de leur magasin est indispensable pour assurer la survie de leur boutique. « Ça va mal. Nous avons fait 20% du chiffre d’affaires d’un mois d’avril normal. Malgré tout je préfère rester optimiste et penser qu’Amazon ne peut pas tout faire« , confie Antoine Michon. Même si le succès est donc au rendez-vous, l’avenir de nombreuses librairies indépendantes est menacé.

Pour soutenir les librairies proches de chez vous, vous pouvez vous rendre sur le site qui regroupe les initiatives en faveur des librairies,  qu’il s’agisse de livraisons, de bon d’achats à faire valoir au moment du déconfinement ou encore de cagnottes.

Pauline Paillassa

 

Confinement : pourquoi est-il difficile de vivre sans contact physique ?

Si le confinement protège notre santé en limitant la propagation de l’épidémie de Covid-19, il restreint aussi nos déplacement et nos échanges sociaux. A tel point que le manque de contacts physiques affecte le bien-être de certains d’entre nous. Comment s’explique-t-il, quels sont ses effets et comment les pallier ?

Des invités se tiennent sur des croix marquées au sol dans le respect des exigences de distanciation sociale lors de l’ouverture officielle du NHS Nightingale Hospital Bristol, en Angleterre, lundi 27 avril 2020. (Illustration / Photo by Ben Birchall / POOL / AFP)

Les personnes confinées seules, les célibataires et les personnes âgées isolées peuvent en témoigner : la période actuelle est d’autant plus éprouvante que les mesures de distanciation sociale et de confinement font obstacle aux contacts physiques. Qu’ils soient partenaires sexuels, amis ou parents, l’absence de toucher des autres provoque un manque.

Un phénomène bien connu des Américains, des Danois ou des Allemands, pour qui les expressions skin hunger, hudsult et hauthunger – comprendre « faim de peau » – désignent cette soif d’affection. En 2013, Kory Floyd, professeur à l’école de communication de l’université d’Etat de l’Arizona (Tempe, Etats-Unis) a étudié ses conséquences sur 509 adultes. « De la même façon que le manque de nourriture, d’eau et de repos provoque des effets néfastes, le manque d’affection aussi », en a-t-il conclu dans le magazine américain spécialisé Psychology Today. Comment ce phénomène s’explique-t-il, et quels sont les « effets néfastes » qu’il induit ?

« Pas faits pour ça »

La soif d’affection s’explique d’abord à travers l’évolution des espèces. « Nous sommes des animaux sociaux. Tous les grands singes sont des animaux sociaux« , développe Aurore Malet-Karas, docteure en neurosciences et sexologue. « Les singes se papouillent tout le temps. Evidemment, ils s’enlèvent les puces, mais il y a vraiment un lien social qui se crée par ce biais. En confinement, il est normal que les gens qui sont seuls manquent cruellement de chaleur humaine, d’un corps, de câlins… »

« Le manque de contacts peut générer de l’anxiété. Nous ne sommes pas faits pour ça ! »

A cette première explication, d’ordre comportemental, vient toutefois s’en ajouter une seconde, plus surprenante : les contacts physiques favorisent la sécrétion d’ocytocine. « C’est une neurohormone qu’on a découverte en étudiant les liens d’attachement mère-enfant : on a vu que des sécrétions d’ocytocine permettaient de renforcer leur lien« , précise Aurore Malet-Karas. « Mais, avec le temps, on s’est rendu compte qu’elle avait un rôle beaucoup plus complexe : elle agit notamment sur tous les muscles lisses. Ce sont des muscles profonds, qu’on contrôle inconsciemment, et dont le relâchement permet une détente profonde. »

« En fait, la sécrétion d’ocytocine permettrait de réduire le stress, de nous calmer. C’est un messager biochimique qui traduit ce qui se passe en nous et autour de nous à notre cerveau pour qu’il comprenne qu’on ne doit pas montrer les crocs ou partir en courant quand on est en sécurité. On s’est aperçu qu’on la secrète (notamment) dans des moments de bien-être. »

C’est le cas après l’orgasme par exemple. Plus largement, c’est le cas lorsque nous nous sentons en sécurité, comme dans les bras de notre mère ou d’une personne qui nous est chère. Un argument sur lequel s’est appuyé la psychologue clinicienne Céline Rivière en 2015, dans un livre intitulé « La Câlinothérapie », pour encourager à « redonner toute sa valeur au toucher » et inciter à rechercher le mieux-être à travers… le câlin.

Quelles alternatives ?

Mais comment les personnes isolées peuvent-elles pallier ce manque ? « Il y a quelque chose qui marche très bien, c’est la zoothérapie. On met des animaux dans des prisons, dans des hôpitaux, dans des EHPAD, et on sait que ça procure un réel mieux être« , indique Aurore Malet-Karas. Voilà qui peut expliquer l’explosion d’adoptions d’animaux de compagnie aux Etats-Unis avec l’épidémie de coronavirus.

« Avoir un contact avec sa propre peau, c’est quelque chose d’important : prendre soin de soi, prendre soin de son corps. Ce sont des choses très simples, mais que je recommande aux clients qui viennent me voir, notamment quand ils ont été victimes de violences dans l’enfance ou qu’ils ne savent pas prendre soin d’eux« , conclut Aurore Malet-Karas. « Et la masturbation peut aussi être un très bon palliatif. »

 

Clémentine Piriou

Détention provisoire rallongée à cause du coronavirus : « On piétine un peu plus la présomption d’innocence »

Le 3 avril dernier, le Conseil d’Etat a validé une ordonnance du 25 mars sur une nouvelle adaptation des procédures judiciaires en raison de l’épidémie de coronavirus et du confinement. L’article 16, qui prolonge automatiquement le délai de détention provisoire des détenus, a fait l’objet de nombreux recours qui ont été rejetés. Des syndicats et associations d’avocats s’inquiètent des répercussions de cette décision. Interview de Vincent Brengarth, avocat au Barreau de Paris.

Avec la nouvelle ordonnance, les détenus verront leur détention provisoire rallongée de deux à six mois. (Pixabay)

Deux à trois mois de plus pour les délits, jusqu’à six mois supplémentaires en ce qui concerne les crimes. Ce sont les délais de détention provisoire accordés par l’article 16 de l’ordonnance relative à l’adaptation des procédures pénale en période de pandémie de Covid-19, validé par Nicole Belloubet, ministre de la Justice, dans une circulaire du 26 mars, puis par le Conseil d’État le 3 avril. 

Adoptée en raison d’un grand retard dans les audiences dû aux exigences sanitaires, cette prolongation pourra s’effectuer sans avoir recours à un juge, alors qu’en temps normal, la question de la remise en liberté fait l’objet d’un débat. Cette disposition, considérée comme un raccourci par un grand nombre d’avocats, est loin de faire l’unanimité et a mené à plusieurs recours que le Conseil d’État a rejetés. Vincent Brengarth, avocat au Barreau de Paris, explique d’où viennent les divergences de point de vue sur cet article.

Quels sont les enjeux que présente l’article 16 et qui font l’objet de débats ?

Vincent Brengarth : La France traverse une situation exceptionnelle et fait face à des difficultés logistiques et matérielles pour que les débats puissent continuer à se tenir. Ce serait donc une erreur de considérer que le droit ne peut pas s’adapter. Il le fait, mais en plusieurs temps. Déjà, les prérogatives sont déléguées au pouvoir exécutif : l’état d’urgence sanitaire lui donne donc la possibilité d’empiéter sur le domaine de la loi, à travers la pratique de l’ordonnance.

En ce qui concerne l’article 16, les débats qu’il suscite se concentrent sur le sens à lui donner. L’interprétation qui en a été faite par le Conseil d’État, dans la circulaire du 26 mars, c’est que la détention provisoire peut être prolongée automatiquement, sans passer par un juge. En tant qu’avocat, par exemple, on peut concevoir cette prolongation, mais pas de façon automatique et sans débats. Là, un juge a la possibilité de maintenir en détention des personnes de plein droit et sans aucun débat. C’est le principe même de cette disposition et son interprétation qui font tout l’enjeu du débat.

Il y a eu de nombreux recours contre cette ordonnance par des syndicats et des associations qui ont été rejetés par le Conseil d’État. Qu’est-ce qui explique que ces demandes n’aient pas été entendues ?

Vincent Brengarth : On a un Conseil d’État gardien de la volonté du pouvoir exécutif. On a tordu le droit et un certain nombre de principes : le droit à la liberté, à la protection contre l’arbitraire, à l’accès à un juge… Tout le droit pénal est structuré autour de l’idée selon laquelle la liberté est la règle, et la détention est l’exception. Ici, on fait fi de ce principe fondamental et on ne prend en compte que des considérations administratives. Avec cette ordonnance, on fait des droits des détenus la principale variable d’ajustement.

En revanche, on voit émerger une résistance de la part de certaines juridictions, comme le tribunal d’Epinal, qui s’y est opposé. Mais le Conseil d’État a rejeté l’essentiel des recours, mais il y a tout un ensemble de détenus qui peuvent être fragilisés par la crise sanitaire. Pour eux, le débat sur la remise en liberté est nécessaire compte tenu de la situation.

On a vu qu’il y avait un certain effort au niveau de la surcharge des prisons, avec plus de 6 000 détenus libérés de manière anticipée entre le 16 mars et le 1er avril. Est-ce que ce n’est pas un peu contradictoire de permettre ces remises en liberté et d’un autre côté de prolonger la détention provisoire ? Qu’est-ce qui justifie cela ?

Vincent Brengarth : Je n’y vois pas une complète contradiction. Parmi les personnes libérées, certaines avaient écopé de peines assez faibles. Si on les a remises en liberté, c’est qu’on a considéré qu’elles étaient quittes de leur « dette sociale ». Il y a deux types de détenus dans notre cas de figure : d’une part, ceux pour lesquels une information judiciaire est en cours. Pour ceux-là, le confinement fait que les investigations et les interrogatoires sont à l’arrêt et ont fait l’objet d’un report. D’autre part, il y a les personnes dans l’attente de leur jugement. Là encore, face à l’impossibilité de réunir la juridiction pour les juger, le Conseil d’État a pris le parti du maintien de la détention provisoire, même pour ceux qui arriveraient au bout du délai maximal habituel. En soi, cela montre que la justice n’est pas en mesure de s’adapter à la situation sanitaire autrement qu’en modifiant la lettre du droit.

Qu’est-ce que cette ordonnance et cet article 16 en particulier changent au niveau de la présomption d’innocence ?

Vincent Brengarth : On piétine un peu plus la présomption d’innocence, de manière encore plus grave pour les personnes qui arrivent au bout des délais légaux de détention provisoire.

Dans l’article 16 est inscrite la possibilité d’obtenir une “mainlevée de la mesure” sur demande du ministère public ou de la personne concernée. 

Vincent Brengarth : Effectivement, une demande de mise en liberté reste possible à tout moment, même avec ce prolongement. Mais c’est aux avocats de prendre cette initiative alors même que la question se pose d’elle-même habituellement, à intervalles réguliers, à travers des débats durant lesquels le juge décide de prolonger la détention provisoire ou de l’interrompre. Ici, la prolongation se fait automatiquement.

 

Propos recueillis par Elisa Fernandez