L’ex-chargé de mission a continué à utiliser, après son départ de l’Elysée, un document délivré au titre de missions diplomatiques de première importance.
Depuis son départ du cabinet de la présidence de la République, au mois de mai, Alexandre Benalla a continué à utiliser un passeport diplomatique pour se déplacer à l’étranger, selon des informations publiées par Mediapart (accès abonnés) et Le Monde, jeudi 27 décembre. L’ex-chargé de mission de l’Elysée, notamment mis en examen pour « violences volontaires » après les manifestations du 1er-Mai, possédait deux passeports diplomatiques pendant sa mission auprès du président – dont l’un, renouvelé le 24 mai, lui aurait notamment servi à se rendre au Tchad, au Cameroun et au Congo-Brazzaville, en novembre et en décembre.
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Vendredi 28 décembre, le ministère des affaires étrangères a décidé de saisir la justice sur cet usage d’un passeport hors du cadre d’une mission pour l’Etat. « Toute utilisation de ces passeports [diplomatiques] postérieure à la fin des fonctions qui avaient justifié l’attribution de ces documents serait contraire au droit », a expliqué le Quai d’Orsay dans un communiqué. L’attribution et l’usage d’un passeport diplomatique – document réservé aux cadres de la diplomatie française pour faciliter leur déplacement à l’étranger – sont, en effet, strictement encadrés par la loi.
A quoi sert un passeport diplomatique ?
Théoriquement, tout porteur d’un passeport diplomatique bénéficie de la protection de la convention de Vienne de 1961, qui garantit aux diplomates d’éviter toute arrestation ou perquisition à l’étranger. Dans les faits, avoir un passeport diplomatique ne suffit pas à disposer de l’immunité ni de l’inviolabilité, protections réservées aux ambassadeurs et cadres diplomates de métier – qui sont identifiés autrement que par leur passeport.
Plus concrètement, il s’agit surtout d’un coupe-file, accélérant les procédures dans les aéroports et aux frontières. De couleur bleue, il peut notamment permettre d’éviter le contrôle des douanes, sans le garantir systématiquement. L’inscription suivante, symbolique, figure sur l’une des pages du passeport : « Nous, ministre des affaires étrangères, requérons les autorités civiles et militaires de la République française et prions les autorités des pays amis et alliés de laisser passer librement le titulaire du présent passeport et de lui donner aide et protection. »
Comme tous les voyageurs, les porteurs d’un passeport diplomatique doivent demander un visa pour se rendre dans les pays qui en exigent un. Un guichet spécifique existe, cependant, en France pour faciliter les demandes avant un départ – et certains pays mettent en place des procédures spécifiques pour les passeports diplomatiques.
De son côté, le Quai d’Orsay n’a pas la possibilité de suspendre l’utilisation d’un passeport : si l’Etat peut être tenu au courant de l’utilisation d’un titre d’identité sur son territoire (à l’aéroport par exemple), un titre d’identité français reste valable à l’étranger si sa date de validité n’est pas dépassée.
Alexandre Benalla a restitué mercredi ses passeports diplomatiques aux enquêteurs chargés des investigations sur leur utilisation controversée par l’ex-collaborateur de l’Elysée, a appris l’AFP auprès de sources concordantes https://t.co/SAt7ZKNREQ #AFP
— Agence France-Presse (@afpfr) January 9, 2019
Qui peut en bénéficier ?
L’arrêté ministériel encadrant les passeports diplomatiques établit une liste précise des ayants droit :
- les cadres de la diplomatie : les ambassadeurs, les conseillers et secrétaires des affaires étrangères, les responsables des systèmes d’information et de communication à l’étranger ;
- le président de la République, le premier ministre, le président du Sénat, le président de l’Assemblée nationale et les membres du gouvernement, pour la durée de leur fonction ;
- les conseillers spécialisés occupant un poste de chef de service auprès d’une mission diplomatique française à l’étranger, uniquement pour la durée de leur mission ;
- à titre exceptionnel, les titulaires d’une mission gouvernementale diplomatique « lorsque l’importance de cette mission est jugée suffisante par le ministre des affaires étrangères » ;
- à titre de courtoisie, les anciens présidents de la République, premiers ministres et ministres des affaires étrangères, ainsi que les anciens agents ayant obtenu la « dignité d’ambassadeur de France ».
- les conjoints et enfants mineurs des titulaires d’un passeport diplomatique peuvent également en faire la demande.
En complément, il existe aussi un « passeport de service » destiné aux fonctionnaires qui ne peuvent pas demander le passeport diplomatique. Il sert notamment aux militaires ou logisticiens qui doivent se rendre à l’étranger pour une mission précise au service de l’Etat et a une durée de validité de cinq ans.
Comment l’utilisation d’un tel passeport est-elle encadrée ?
Le titulaire d’un passeport diplomatique ne doit pas, selon les règles du ministère des affaires étrangères, l’utiliser lors de voyages privés, mais uniquement dans le cadre de ses déplacements pour l’Etat. « Il est restitué au ministère des affaires étrangères à l’expiration de sa validité », explique, par ailleurs, l’arrêté dédié aux passeports. La durée maximale de validité est de dix ans mais peut être moindre : un des passeports diplomatiques d’Alexandre Benalla, renouvelé le 24 mai 2018, expire le 19 septembre 2022 – une date potentiellement choisie pour assurer sa validité jusqu’à la fin du mandat d’Emmanuel Macron.
Les passeports délivrés « à titre exceptionnel » ont, eux, une validité maximale d’un an. La loi précise qu’en cas d’arrêt de la mission avant la date de fin de validité d’un passeport, celui-ci doit être restitué « dès lors que son utilisation n’est plus justifiée ». C’est sur cette base que le Quai d’Orsay a envoyé à l’ex-chargé de mission, après son départ de l’Elysée, une lettre recommandée à la fin du mois de juillet pour demander la restitution des passeports – lettre à laquelle Alexandre Benalla n’a, jusqu’à maintenant, pas apporté de réponse. C’est aussi sur cette base que le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a décidé de saisir le procureur de la République.