Paris, capitale de l’amour, perd l’un de ses piliers. Le pont des Arts, où des couples venus des quatre coins du monde accrochent des cadenas pour sceller leur engagement, sera débarrassé de toutes ses grilles recouvertes de loquets d’ici la fin de la semaine. Une mesure de sécurité qui a attristé les nombreux touristes présents lundi matin, lors du lancement des travaux.
L’un des espaces les plus idylliques de la capitale, où des milliers de visiteurs viennent chaque année sceller leur amour, résonne ce matin au bruit des marteaux-piqueurs. Ce lundi 1er juin, la Ville de Paris commence à retirer les grilles qui bordent le pont des Arts, sur lesquelles des milliers de cadenas ont été accrochés par des amoureux du monde entier. Sous un ciel de plomb, les clôtures recouvertes de ces gages d’amour sont décrochées une à une par de petites grues et entassées à l’arrière de camionnettes.
C’est par mesure de sécurité que la mairie de Paris a décidé de mettre fin à cette tradition. Le poids des cadenas menace la stabilité de l’édifice. Chacune des grilles recouverte de cadenas pèse environ 500 kg. Depuis plusieurs mois, ces lourds témoignages d’amour étaient déjà régulièrement retirés par les agents de la mairie… et immédiatement remplacés par d’autres. La sentence est irrévocable : d’ici la fin de la semaine, le pont sera intégralement débarrassé de ces petits loquets, soit 45 tonnes de métal. Une nouvelle qui ne plaît pas aux touristes, venus admirer les cadenas une dernière fois.
Kara et Danny sont venus spécialement de Montréal pour déposer un cadenas sur le pont : « nous savions qu’ils étaient retirés aujourd’hui, ils en parlent partout aux infos, jusqu’au Canada ! Mais on avait quand même envie de déposer un petit cadenas avant qu’ils ne disparaissent. » Cependant, les deux amoureux n’ont pas respecté la tradition à la lettre : « on a fait graver un cadenas, on l’a accroché à une grille du pont et puis… on l’a retiré ! On va le garder avec nous, on ne veut pas qu’ils mettent notre amour à la poubelle ! ».
Un symbole mondial
« On comprend pourquoi ils font ça, mais c’est vraiment dommage », se désolent Amy et Jess. Les deux jeunes anglaises de 23 et 21 ans, en vacances à Paris, insistent sur le charme international du pont des Arts : « il y a tellement de gens qui sont venus ici déposer un petit cadenas, où tous ces objets vont-ils aller? »
Jusqu’à présent, tous les cadenas retirés ont été stockés par la mairie dans un hangar, en attendant de trouver un moyen de les exploiter. Aucune décision n’a pour l’instant été prise, mais les autorités compétentes réfléchissent à une réutilisation artistique de ces milliers de bouts de métal. Malgré tout, les Américaines Mercedes et Lena (23 et 20 ans), sont « upset » : « c’est le symbole de l’amour universel qui disparaît », s’exclame Mercedes, alors qu’elle participe à une visite groupée dans Paris. « Il faut trouver un autre endroit, plus sécurisé, où les gens pourront continuer à déposer des cadenas ». Un sentiment que l’on retrouve chez la plupart des touristes, à en croire leur guide, Ludovic Laballe: « ils sont tous vraiment déçus. Chez les Anglais et les Américains, notamment, la déception est palpable : le Ponts des Arts est une institution à travers le monde, au même titre que la tour Eiffel ».
Beatriz et Ricardo ont eu de la chance. Ces deux touristes brésiliens, venus déposer eux aussi un petit cadenas, ignoraient tout de la décision de la mairie de Paris de les retirer et ont pu accrocher le leur à la dernière minute. Les deux amoureux, tout sourire, se moquent de savoir que leur gage d’amour disparaîtra aussi vite qu’il a été déposé : « Peut-être que nous reviendrons dans quelques années et que notre cadenas ne sera plus là. Mais ce n’est pas grave : nous, nous savons que notre affection restera toujours dans la capitale de l’amour ».
« Nous ne voulons pas sacrifier la réputation de Paris »
Ainsi, la disparition des cadenas du pont des Arts n’entache en rien le capital romantisme de la Ville Lumière. Un point sur lequel Bruno Julliard, premier adjoint de la Maire de Paris, insiste : « en aucun cas nous ne voulons sacrifier la réputation de Paris, qui restera la capitale de l’amour et du romantisme. Je pense qu’il existe d’autres moyens de déclarer son amour que de verrouiller un cadenas ».
Dès le 8 juin, jour de la réouverture du pont au public, des œuvres de street art sur le thème de l’amour et de Paris seront exposées et rendront inaccessibles les parapets du pont. À l’automne, de larges panneaux vitrés viendront définitivement protéger les grilles des preuves d’engagement des amoureux du monde entier.
Benjamin PIERRET.