Les associations de défense des migrants s’inquiètent d’une possible suppression de l’aide médicale d’Etat

Le débat sur la politique migratoire débute aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Au cœur des discussions : l’aide médicale d’Etat (AME), qui divise au sein de la majorité. Plusieurs associations de défense des migrants s’inquiètent de sa pérennité. 

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« C’est une protection sociale de merde, un raté de l’universalité, martèle le secrétaire général de l’association Médecins du monde, le Dr Patrick Bouffard, à propos de l’aide médicale d’État (l’AME). Ca n’a aucun rapport avec la sécurité sociale, c’est conçu pour des sous-citoyens. » Patrick Bouffard paraît désemparé, ce lundi, lors d’une conférence de presse organisée par les Etats généraux des migrations à l’occasion du débat parlementaire sur la politique migratoire de la France, qui a débuté à l’Assemblée nationale lundi après-midi.

Créé en 2000, l’AME permet aux personnes en situation irrégulière de se soigner à condition d’avoir résidé en France depuis au moins trois mois et de disposer d’un revenu inférieur à 8 644 euros par an pour une personne. Un peu plus de 300 000 sans-papiers en bénéficient pour un coût d’environ 930 millions d’euros par an, ce qui représente 0,5% des dépenses de santé.

C’est donc un cri d’alarme que lancent les associations de défense des migrants, telles que Médecins du monde et la Ligue des droits de l’homme ou encore Tous migrants,  alors que des rumeurs circulent sur une possible suppression de l’AME ; l’exécutif, divisé sur le sujet, entend revoir certaines modalités du dispositif. Ses détracteurs, dont la plupart sont issus de la droite et de l’extrême-droite, dénoncent son coût toujours croissant et réclament sa suppression totale ou partielle. Patrick Bouffard mentionne de son côté une « instrumentalisation politique de la médecine », dénotant entre autre, les « fraudes » et les « excès » évoqués par certains députés en référence à l’augmentation de l’immigration des Albanais et des Géorgiens. Une partie d’entre eux viendraient se soigner en France pour des pathologies coûteuses comme le cancer ou l’hépatite B.

Le délégué général de La République en marche, Stanislas Guerini, avait invoqué début septembre, des « abus » d’utilisation de l’AME, « par exemple pour financer des prothèses mammaires ». Sans preuve, ce dernier est revenu sur ses propos. Le taux de non-recours à l’AME s’élevant à 88%, le Dr Bouffard pointe du doigt un autre enjeu de ce débat : « le manque de connaissance qui règne au sein du corps législatif ». 

« Je vais me permettre de jouer au docteur, poursuit Patrick Bouffard. Ce qui m’inquiète le plus, c’est le mot “violence“. Il y a de nouvelles entités pathologiques comme la santé mentale. Quand on abandonne les gens à eux-même, ils deviennent fous ». « La maladie est un droit », répète-t-il plusieurs fois en appuyant les propos de sa confrère Dominique Noguères, vice-présidente de la Ligue des droits de l’homme : « un migrant n’est pas un objet, il est un sujet de droit ». Le Dr Bouffard ne cache pas son espoir à l’égard de la ministre de la Santé, Agnès Buzyn ; ayant été médecin, elle devrait  comprendre certaines problématiques : « L’éthique, tout le monde s’en fiche. Le dernier argument qui nous reste, c’est celui de la santé publique ».  Patrick Bouffard conclut : « Quand vous soignez les plus démunis, vous soignez l’ensemble de la société ».

En effet, Agnès Buzyn avait évoqué, en septembre dernier, la nécessité de « soigner les gens tôt, au bon moment », lorsqu’elle apportait son soutien à une tribune de 805 médecins contre la limitation de l’AME.

Bertille van Elslande

Quand le cannabis se livre à domicile

Le business de la vente de drogue évolue avec son temps : promotions pour les clients fidèles, livraison à domicile via Internet, centrales d’appel pour répartir les livreurs… Ces nouvelles pratiques facilitent les transactions entre consommateurs et dealers, et compliquent le travail de la police.
Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, 44,8 % des Français ont déjà consommé du cannabis au cours de leur vie. / Crédits : pixabay

Lorsque Benjamin*, 23 ans, emménage à Paris, il commence à se rendre dans un “four” à Gallieni, terminus de la ligne trois, où le commerce de cannabis se fait à ciel ouvert. Consommateur quotidien, il s’y rend régulièrement, jusqu’à ce qu’il se fasse attraper par la police : “ils m’ont dit que s’ils me revoyaient à Gallieni j’aurais un casier et une amende, donc j’évite d’y retourner” explique-t-il. Dans la loi française, l’usage de drogue, quelle qu’elle soit, est en effet puni d’un an de prison et 3 750 euros d’amende. Dans les faits, les consommateurs sont souvent condamnés à des peines alternatives : stages de sensibilisation, suivi thérapeutique, travail d’intérêt général… Mais depuis l’année dernière, les consommateurs pris sur le fait risquent une amende forfaitaire de 200 euros.

Pour prendre le moins de risques possible, Benjamin décide de se tourner vers une méthode “plus pratique” et plus discrète. Quand il veut se fournir, il envoie un message banal au numéro d’un dealer qu’il connaît, pour lui demander s’il est disponible “pour aller boire un verre”, avec l’adresse où il souhaite le retrouver. Entre “20 minutes et une ou deux heures plus tard”, une voiture vient le chercher en bas de chez lui, comme s’il prenait le taxi. Une fois dans la voiture, “il me demande ce que je veux, on fait l’échange tranquillement, on discute un peu et il me re-dépose devant chez moi, tout simplement” déclare Benjamin.

Une entreprise presque comme les autres

Le système est extrêmement rodé : “c’est une tour de contrôle le truc, le type est dans son appart et il envoie ses employés faire les livraisons. Ce sont souvent des filles parce qu’elles ont moins de chance de se faire attraper par les flics” raconte Tomàs, 23 ans, consommateur régulier. Souvent, la personne qui est contactée par le client n’est pas la même que celle qui effectue la livraison.

C’est ce que confirme Ouss, parisien de 23 ans. Après un BTS management il commence à dealer. « Je fais les livraisons, mais je ne suis jamais en contact direct avec les clients. Je reçois l’adresse par téléphone et quand j’y suis je préviens mon collègue qui contacte le client” explique Ouss. Ce collègue, il ne l’a jamais vu. La seule personne du réseau qu’il rencontre régulièrement, c’est celui qui le fournit en marchandise. Il lui remet une “recharge” qui doit lui tenir toute la journée. Sa tournée peut alors commencer.

Ouss travaille dix heures par jour, tous les jours, pour un salaire allant de 4 000 à 5 000 euros par mois. Il préfère la vente à domicile parce qu’il en profite pour découvrir Paris dit-il. Quand il fait ses livraisons, il prend les transports en commun “c’est plus lent, mais beaucoup plus fiable” s’exclame-t-il.

 

Conversation avec Ouss, dealer parisien de 23 ans. / Crédits : captures d’écran

 

Pour les clients, plus besoin de se déplacer, “c’est comme n’importe quel produit qu’on peut commander sur Internet. Aujourd’hui même les piétons peuvent faire leurs courses sur un drive et aller chercher leur commande directement en magasin” estime Adrien*, 23 ans, consommateur occasionnel. Le trafic de stupéfiants vit avec son temps. De véritables techniques marketing sont mises en place par les vendeurs : “quand tu passes le numéro à quelqu’un, après avoir demandé si tu avais le droit, tu as un sachet gratuit, parce que tu leur amènes de nouveaux clients” raconte Benjamin. La fidélité est également récompensée et il y a régulièrement des promotions : un sachet offert pour deux sachets achetés, presque comme n’importe quelle enseigne de grande distribution.

Inconvénient pour les clients, ils sont obligés d’acheter de plus grosses quantités. “Ce n’est pas forcément plus cher que dans un four, mais tu es obligé de prendre un minimum (autour de 50 euros) pour qu’il ne se déplace pas pour rien.” témoigne Adrien. Par ailleurs, dans la rue, le client n’est pas à l’abri de mauvaises surprises : qualité aléatoire, fournisseurs qui changent souvent… “Et tu n’as pas vraiment le temps de regarder ce qu’on te donne, donc tu te fais plus facilement avoir” ajoute Benjamin.

Le « deepweb », allié des consommateurs ?

Mais la commande par téléphone n’est pas la seule manière de se faire livrer à domicile. Nombre de consommateurs passent par le darknet, aussi connu sous le nom de deepweb, pour acheter de la drogue. Via le navigateur Tor, les utilisateurs ont accès au “hiddenwiki”, le Wikipédia du darknet. Celui-ci recense une quantité colossale de sites qui mettent en vente tous types de drogues, mais aussi des faux-billets, faux-papiers, ou des armes… Parmi tous ces liens, Tim, 23 ans, étudiant en école d’informatique et consommateur régulier, sélectionne un site francophone qui vend du cannabis. Pour payer en ligne sur le darknet, il faut d’abord convertir ses euros en crypto-monnaie. Les tarifs sont souvent indiqués en bitcoins ou en ethereum. Après tout ce processus, Tim commande 150 euros de cannabis… Mais son colis n’arrivera jamais.

Une mauvaise expérience qui ne le décourage pas pour autant puisque Tim assure qu’il renouvellera l’expérience. Il estime que le cannabis qu’il peut trouver à Paris n’est “pas le meilleur” et préfère “payer peut-être un peu plus cher, mais pour quelque chose d’un peu plus pur, qui ne soit pas coupé à n’importe quoi”. La prochaine fois qu’il passera commande sur Tor, il choisira un “plus gros site” sur lesquels les vendeurs ont des notes et des commentaires. “Un peu comme un vendeur sur Amazon : plus il est bien noté, plus il aura des clients et plus tu peux être sûr qu’il est fiable” explique-t-il.

Outre la qualité des produits, il pense aussi que le risque de se faire arrêter est minime. “Le meilleur truc à faire c’est prendre une boite postale, pour ne pas lier la commande à son domicile, et “blender” la crypto-monnaie pour qu’on ne puisse pas la tracer. En plus, les produits sont sous vide, dans des emballages normaux, donc ils ont peu de chance d’être attrapés par la douane”. Pourtant, “les douanes font beaucoup de saisies, notamment quand la drogue transite dans de gros aéroports tels que Roissy” déclare Bruno Cossin de l’intersyndicale UNSA police. Un perpétuel jeu du chat et de la souris se livre entre policiers, dealers et consommateurs.

*pour préserver leur anonymat, les prénoms ont été modifiés

Iris Tréhin

Le nouvel élan du féminisme

En 2019, la parole des femmes s’est libérée. Une nouvelle génération de féministes a repris le flambeau. Ces nouvelles activistes investissent les réseaux sociaux et s’engagent sur de nouveaux terrains.

« Une génération bien énervée se prépare », se réjouit Anaïs Bourdet, créatrice de Paye ta schnek, le réseau qui recense, depuis 2012, des témoignages de femmes harcelées dans la rue. Elle s’exprime ce soir au Carreau du Temple, à Paris, dans le cadre du cycle de conférences Présent.e.s. La salle est comble et le public presque exclusivement composé de femmes. Elles sont majoritairement jeunes et représentent bien cette nouvelle génération de féministes qui reprennent le flambeau de leurs aînées. Elles veulent mettre fin au harcèlement de rue, voir plus de femmes à des postes de pouvoir et obtenir l’égalité salariale en entreprises. Elles veulent aussi briser les tabous qui entourent la vie de nombreuses femmes : les règles, le refus d’être mère, le plaisir féminin… En un mot, elles veulent obtenir une égalité réelle entre femmes et hommes.

Lauren Bastide et Anaïs Bourdet lors de la conférence sur le harcèlement de rue. (Photo Pauline Weiss)

« Tu as l’impression que les choses ont bougé ? » questionne Lauren Bastide, la journaliste qui reçoit ce soir Anaïs Bourdet. « Le seul moment où je pourrai dire que ça a avancé, c’est quand on pourra dire que le harcèlement a reculé », répond la graphiste et militante. « L’évolution qu’il y a eu, en six ans, c’est que les femmes ont pris conscience que ces comportements sont anormaux. Mais ils n’ont pas disparu », pointe du doigt Lauren Bastide.

Comment décrire ce nouvel élan, représenté par une grande diversité de femmes ? Des Femen aux Antigones, toutes les militantes n’ont pas le même mode d’action. Le mouvement Femen est né en Ukraine en 2008. Arrivé quelques années plus tard en France, il vise à lutter contre « les trois piliers du patriarcat » : dictature, religion et industrie du sexe. Leurs actions sont spectaculaires : seins nus et poing levé, la tête ornée d’une couronne de fleurs, slogans scandés et peints sur le corps. Un mode d’action très médiatisé qui propulse leur revendications sur le devant de la scène.

En 2016, Iseul, qui appartient au groupe Les Antigones, infiltre le mouvement Femen. Pendant deux mois, la jeune femme observe les militantes et participe à certaines actions. Elle diffuse ensuite une vidéo pour montrer combien les revendications des Femen sont aux antipodes de celles des Antigones. Ces deux mouvements montrent deux visages du nouveau féminisme français. Les Antigones se positionnent comme « différentialistes ». Pour elles, femmes et hommes sont naturellement différents. Elles se considèrent féministes, mais sont très critiques des mouvements actuels qui, selon elles, « prennent les formes imposées par les sphères médiatiques et politiques du jour : obsession du buzz, réaction émotionnelle à l’actualité sans recul critique, absence de réflexion de fond », explique Anne Trewby, présidente des Antigones.

Pour les femmes, se revendiquer féministe est moins simple qu’il n’y paraît. Marion Charpenel, docteure en sciences politiques est auteure d’une thèse consacrée aux mémoires féministes. Elle estime que le mouvement Me Too, né en octobre 2017 après l’affaire Weinstein, a permis à de nombreuses femmes et hommes de s’assumer comme étant féministes. « Mais cela reste un terme qui est toujours un peu connoté négativement ». Elle explique : « Le fait que la question des violences faites aux femmes prenne plus de place dans le débat public a fait que de nouvelles militantes ont rejoint le mouvement, de nouveaux collectifs ont vu le jour et des personnes qui n’étaient initialement pas du tout proches du mouvement féministe ont commencé à s’impliquer ».

Depuis quelques mois, le nombre de comptes féministes explose sur Instagram. En parlant de sexualité, de plaisir, de la place des femmes dans la société, des règles et du corps féminin, les « nouvelles féministes 2.0 » se sont emparées des réseaux sociaux. Marie Bongars en est un exemple. Suivie par plus de 14 400 personnes, elle propose quotidiennement, sur Instagram, une revue de presse sur la place des femmes dans le monde. En parallèle de son métier de kinésithérapeute, elle a également lancé un podcast Une sacrée paire d’ovaires. Chaque semaine, elle y présente une femme et son histoire. Cet engagement féministe a été renforcé par son expérience professionnelle : « En travaillant dans un univers quasi exclusivement masculin, j’ai dû me forger un caractère et être capable de répondre à toutes les stupidités ». L’activité de Marie Bongars sur Instagram est partie d’un constat, celui de la faible représentation des femmes dans les médias.

 

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C’est pour ça qu’il est PRIMORDIAL de se battre tous les jours ✊🏿✊🏼✊🏽

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Selon une étude menée par l’Institut National de l’Audiovisuel, les femmes n’occupent en moyenne qu’un tiers du temps de parole à la télévision et à la radio. Ce chiffre a « révolté » la journaliste Lauren Bastide et c’est d’ailleurs ce qui l’a poussée à lancer son podcast La Poudre, dans lequel elle donne la parole à une femme artiste, activiste, politique… Pour elle, c’est une « proposition de compensation » face à la sous-représentation des femmes dans les médias.

Les podcasts et les activités des militantes sur les réseaux sociaux ont un impact énorme sur les jeunes qui les écoutent ou les suivent. Âgées de 20 à 40 ans, ces nouvelles porte-paroles du féminisme ne se revendiquent pas comme héritières des icônes classiques. Fiona Schmidt avoue ne jamais avoir lu Simone de Beauvoir. Son icône à elle serait plutôt Virginie Despentes.

De son côté, Sarah, étudiante de 23 ans, s’inspire des nouvelles figures des réseaux sociaux qui animent des comptes féministes, comme l’illustratrice Diglee et Dora Moutot, du compte tasjoui. Elle a réellement découvert le féminisme au début de ses études en histoire de l’art, « sensibilisée par des amies ».  Mais la « vraie » révélation survient l’été dernier.  Pour Sarah, c’est tout ou rien : elle suit aujourd’hui plus d’une centaine de comptes sur Instagram et passe des heures à écouter des podcast tels que Quoi de meuf, Mansplaining et Les couilles sur la table. «  C’est un lieu où on se cultive, on apprend des choses. C’est un relai d’actualité culturel et politique », explique-t-elle. Son engagement féministe est désormais bien ancré : « C’est comme si j’avais mis des lunettes et que je voyais désormais le monde à travers ces lunettes que je ne peux plus enlever ». Scroller son fil Instagram serait-il devenu une activité militante ?

Parmi les comptes Instagram récemment créés, 28 jours compte 48 700 abonnés. (Photo Pauline Weiss)

Irenevrose, son pseudo, étudiante en arts de 20 ans et féministe, partage sur les réseaux sociaux son combat contre la précarité menstruelle. « La société ne considère pas que les protections hygiéniques sont un besoin ». Pour prouver le contraire, en février dernier, la jeune femme a passé une journée dans Paris, sans protection hygiénique. Elle a laissé son sang tâcher son pantalon clair. « Je ne demande pas la prise en charge des protections périodiques réutilisables pour toutes les personnes menstruées. Je l’exige. Vous n’êtes pas d’accord. Je tâche. Le sang coule et le sexisme tâche », écrivait-elle alors.

Parler librement des règles, c’est aussi l’objectif du documentaire 28 jours, sorti en octobre dernier. Il a été pensée par Angèle Marrey, Justine Courtot et Myriam Attia pour « briser un tabou ». Justine Courtot alimente le compte Instagram 28 jours qui « décomplexe les règles ». Sa « petite pierre à l’édifice », basé sur la collaboration, recense les questions que les intéressés lui posent. Elle informe avec des textes, des témoignages, des conseils, mais également des illustrations. « Beaucoup de mamans me remercient et me disent que grâce à moi, elles auront un support à montrer à leurs filles quand elles auront leurs règles », détaille la journaliste de 23 ans.

L’autre tabou brisé par 28 jours, c’est l’endométriose. Cette maladie touche aujourd’hui plus d’une femme sur dix. Un chiffre largement sous-estimé, selon la gynécologue obstétricienne Laura Berlingo. L’endométriose, c’est lorsque les cellules de l’endomètre (le sang qui s’écoule pendant les règles) vont, de manière aléatoire, dans des endroits où elles ne devraient pas aller : la vessie, les ovaires, le rectum… « Au moment des règles, ces cellules saignent aussi et font très très mal. Mais les douleurs peuvent aussi survenir lors des rapports sexuels ou en dehors des règles », explique la gynécologue. Elle ajoute qu’il y a « un très grand décalage entre les premiers signes et le diagnostic », environ sept ans.

Emma, créatrice du compte Féminise ta culture, est âgée de 25 ans. L’année dernière, elle a été diagnostiquée de l’endométriose.  « Le fait de mettre un mot dessus c’est un soulagement, jusque-là on disait que c’était dans ma tête ». Elle en parle sans tabous, mais ses proches ne comprennent pas toujours son état de fatigue chronique : « C’est une maladie invisible, donc je passe pour une flemmarde. Même ma mère ne comprend pas que j’ai parfois besoin de dormir 11 heures par nuit. »  

Pour la gynécologue Laura Berlingo, les maladies des femmes sont négligées par rapport à celles des hommes et ce, même dans la recherche. Après un accouchement difficile, certaines femmes ayant subi une épisiotomie [incision du périnée pour éviter les déchirures]  ont été mutilées. Elle a aussi pris conscience que dans les hôpitaux, les chefs de service sont souvent des hommes et qu’en cas de harcèlement, ils sont protégés. Laura Berlingo dénonce une « culture du secret réelle et forte, ce qui freine la libération de la parole ». Face à tout cela, elle a décidé de transmettre son savoir à travers des podcasts, tels que Coucou le Q et Qui m’a filé la chlamydia.

Dans son cabinet, la naturopathe Ilhame Boirie reçoit essentiellement des femmes. Souvent, leurs « problèmes de santé sont liés à des traumatismes suite à des agressions sexuelles », témoigne la praticienne. « Force est de constater que ces agressions sont donc très répandues », ajoute-t-elle. Selon une enquête réalisée par l’Institut national d’études démographiques, 1 femme sur 7 est agressée sexuellement au cours de sa vie. Cela touche particulièrement les jeunes femmes, et les violences sont très souvent perpétuées par un proche.

D’après le ministère de l’Intérieur, les plaintes pour viol ont augmenté de 17% en 2018. Le chiffre monte à 20% pour les agressions sexuelles. Une hausse sensible certainement liée au mouvement Me Too. Pour Anaïs Fuchs, avocate au Barreau de Strasbourg, les choses n’ont pas changé pour « Madame Tout le monde » : « Me Too a donné du courage aux femmes mais il n’y a pas eu de changement du côté des policiers ». Lorsqu’une femme va porter plainte, elle est souvent « mal reçue » et doit faire face à « une nouvelle violence ». « Ce n’est pas toujours le cas », modère l’avocate, « j’ai l’impression qu’aucune instruction n’a été donnée aux forces de police et qu’ils essaient de les décourager ».

Au Planning familial, les bénévoles ont bien mesuré l’ampleur du phénomène des violences sexuelles au moment de Me Too. Les femmes osent enfin en parler plus librement. Alors, la question des violences sexuelles et conjugales est devenue systématique, rapporte Nathalie Marinier, salariée depuis 1987. Mais ce n’est pas le seul combat qui se prépare dans les petits locaux du 10 rue Vivienne, dans le IIe arrondissement de Paris : « L’égalité salariale, l’acceptation de toutes les sexualités, la contraception masculine qui devrait exister depuis des décennies, le congé paternité égal à celui des femmes qui devrait être obligatoire depuis toujours… » énumère Bénédicte Paoli, militante bénévole.

Au Planning familial du IIe arrondissement de Paris, la question des violences sexuelles est désormais centrale. (Photo Iris Tréhin)

Et le combat passe aussi par les mots : « Le langage est fondamental. Employer le terme de salope à tout bout de champ pose question. Ceux qui l’emploient ne se rendent pas compte que ça induit un comportement et des représentations », déclare Sylvie Brodziak, professeure de littérature et d’études de genre à l’université de Cergy-Pontoise. Depuis toujours, elle se présente comme maîtresse de conférence. Face aux universitaires et éditeurs, ce fut une véritable lutte pour imposer ce terme. On lui opposait l’argument du statut : « Ça fait maîtresse des écoles, donc institutrice, ça dévalorise le titre » ou encore « Ça fait maîtresse, soit femme illégitime ». On lui disait aussi qu’il y a « beaucoup plus d’autorité dans le mot « maître » ». Pour elle, tout cela n’est qu’une question de pouvoir. Le 28 février dernier, l’Académie Française a voté en faveur de la féminisation des noms de métiers, actant ainsi de l’évolution de la langue. Sylvie Brodziak le vit comme « un acte de liberté », un moyen de tendre vers plus d’égalité.

Le combat est le même, sur les réseaux sociaux et sur le papier. À la Libraire des femmes, fondée en 1973, le personnel a remarqué un vrai changement ces dernières années. La clientèle s’est largement diversifiée : des jeunes femmes viennent les voir pour être conseillées dans leurs premières lectures féministes et des personnes plus âgées y ont aussi leurs habitudes. Mais depuis quelques temps, la Librairie des femmes reçoit également des hommes, de tous âges.

Pour appréhender le féminisme, la Librairie des femmes conseille un livre : « Chère Ijeawele. Un manifeste pour une éducation féministe » de Chimamanda Ngozi Adichie. (Photo Iris Tréhin)

Il faut dire que le féminisme n’est pas qu’une question de femmes. Les hommes ont un rôle à jouer dans ce combat vers l’égalité. Pour Anaïs Bourdet de Paye ta schnek, cela passe par l’éducation, mais aussi par leur détermination à « ne pas laisser des situations d’oppression continuer. Il faut que les hommes prennent cette question à leur charge de temps en temps ».

Iris Tréhin et Pauline Weiss

 

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Et pour les hommes, ça a changé quelque chose Me Too ?

Pour séduire les jeunes, il faut changer le storytelling européen

Seuls 29% des Français pensent encore à l’Union Européenne avec “espoir” selon un récent sondage Odoxa. Qu’en est-il des jeunes ? À quelques semaines du scrutin européen, une génération divisée entre pro-Europe et souverainistes s’éveille.

L’association Jeunes européens France organise des journées de sensibilisation à la question européenne, comme ici, à Bobigny, le 12 avril 2019.

Monsieur le Président, merci de me donner la parole ». Non, la personne au micro n’est pas un député européen au parlement de Strasbourg, mais Bakary, 15 ans, élève de troisième au collège Georges Brassens de Sevran (Seine-Saint-Denis). Vendredi 12 avril, à la préfecture de Bobigny, réunis autour de l’eurodéputé Alain Lamassoure (Parti Populaire Européen – centre droit) une cinquantaine de jeunes ont participé à une simulation d’un sommet européen et expérimenté le rôle de la Commission européenne le temps d’une journée.

 

Pour Hervé Moritz, président de l’association Jeunes européens France, à l’initiative de cette journée, il s’agit tout d’abord de faire prendre conscience aux jeunes du rôle des institutions, parfois compliqué, souvent opaque. « C’est important d’avoir ces différents temps d’éveil à la citoyenneté européenne ». La journée est divisée en deux temps : le matin, ils se sont répartis en quatre commissions parlementaires : glyphosate, minerais de sang mais aussi huile de palme et vêtements “low-cost”. L’après-midi, ils ont défendu leurs propositions de loi lors d’une assemblée plénière dirigée par Alain Lamassoure. « Règle numéro 1 : c’est moi qui donne la parole et qui la reprend » lance l’eurodéputé, mi-sérieux, mi-amusé, alors que les jeunes jouent avec les micros. Sur les tables organisées en arc de cercle, des étiquettes indiquent dans quels partis se trouvent les députés.

À Bobigny, vendredi 12 avril, à l’issue de chaque débat, les apprentis eurodéputés devaient voter pour ou contre les propositions de leurs collègues.

 

“Parler aux jeunes est indispensable”

« La séance est ouverte » clame Alain Lamassoure en tapotant sur son micro. Chacun à leur tour, les rapporteurs présentent les propositions, les détracteurs argumentent. Ils sont timides, le moment est impressionnant. Pourtant les élèves prennent leur rôle très à cœur, et leurs propositions sont rigoureuses, et inspirées. Lors des votes, c’est toujours un peu décousu. Certains élèves votent en fonction du parti qu’ils représentent tandis que d’autres, plus fougueux, oublient leur rôle et font un vote de cœur. « Mais baisse ton carton, toi tu dois voter contre ! « lance une élève à l’un de ses “collègues”.

 

À la fin de la séance, Alain Lamassoure les félicite. « Je ne m’attendais pas à une telle mesure dans vos propos. Je suis épaté de voir la clarté de vos propositions ». Il prend le temps de leur expliquer les propositions votées à la Commission qui ressemblent aux leurs. Les élèves s’en réjouissent.  « Maintenant je comprends mieux et ça m’intéresse » lance l’un d’eux à la sortie. Pour l’eurodéputé, la tâche est importante. « On peine à parler aux jeunes. Bien sûr, on leur met toujours sous le nez le système Erasmus, mais c’est aussi lors de journées comme celle-ci que les choses se jouent. Parler aux jeunes, c’est indispensable ».

L’Europe de Klapisch VS l’Europe Marvel

Effectivement, l’UE paraît parfois lointaine. Alors qu’au printemps dernier, 61% des 15-24 ans se disaient attachés à l’Union européenne, selon un Eurobaromètre, aujourd’hui la tendance s’inverse. La cause ? Le sentiment d’une Europe acquise, mais lointaine. Beaucoup de jeunes ne savent pas concrètement ce que l’Europe fait pour eux. C’est le cas d’Eva, Ilona et Emma, étudiantes en deuxième année de lettres modernes à la Sorbonne Nouvelle (Paris 3). Pour Eva, c’est surtout le Brexit qui l’a poussée à s’informer sur la question européenne. « Je ne pensais pas qu’un pays puisse demander à sortir de l’UE, quand on sait que beaucoup d’autres, comme la Turquie, se battent pour y rentrer ».Toutes les trois expliquent le désintérêt de la jeunesse pour le scrutin européen par un manque de médiatisation et une absence de transparence dans les discours.

Une autre cause émerge, selon Matthieu Amaré, directeur de la rédaction française de Cafébabel, un média européen fait par et pour les jeunes : une vision duale de la politique française et européenne. Ces deux approches opposées sont le résultat d’une mythologie européenne née avec la crise économique. « En 2008, alors que des jeunes entraient sur le marché du travail, alors qu’ils essayaient de vivre une Europe “cool”, ils se sont rendus compte en allumant la télé ou leur radio qu’on faisait porter le chapeau à nos institutions européennes ». C’est selon lui dans cette mesure qu’une génération de jeunes européens angoissés a pu se construire, se détournant de l’Union.

Eva, Ilona et Emma, étudiantes à la Nouvelle Sorbonne (Paris 3), avouent avoir conscience de l’importance de la question européenne, sans parvenir à y comprendre tous les enjeux.

Ainsi, deux Europes s’opposent : une antérieure à 2008 et une postérieure. Une Europe insouciante et heureuse, celle que Cédric Klapisch montrait dans son film “L’auberge espagnole”, opposée à une Europe digne d’un Marvel, où les bons et les méchants se battent. Il revient à ce titre sur la portée narrative de la crise de 2008 auprès des jeunes. « On a un ministre des finances allemand, sur une chaise roulante – Wolfgang Schäuble, ndlr – dépeint comme le méchant de l’histoire, à côté de ça il y a Yanis Varoufakis qui arrive comme le super-héros avec sa moto pour sauver les gens. On est en plein Marvel. Forcément pour les jeunes, ça monte à la tête ». Au milieu de cette bataille européenne, les jeunes se divisent entre eurosceptiques et europhiles, comme s’il s’agissait d’un combat entre le bien et le mal. Dans les faits, comment s’exprime cette division ?

 

À 22 ans, Irénée Dupont, étudiant en master de commerce à Audencia (Nantes), a choisi son camp. Il votera pour François Asselineau le 26 mai, le seul candidat qui demande ouvertement le Frexit. Comment explique-t-il son opinion politique ? L’étudiant, parallèlement inscrit en master 2 d’Histoire à la Sorbonne, évoque un virage eurosceptique récent. « J’étais très pro-Europe avant. Courant 2017, beaucoup de critiques sont sorties sur l’Union européenne et les langues se sont déliées. Dans ma famille il y a des frexiters et au début,  assez naturellement, j’étais contre ces idées. Puis je me suis renseigné sur la question ». C’est notamment Etienne Chouard, l’un des penseurs du mouvement des Gilets jaunes, qui a inspiré Irénée. Dans ses lectures, on retrouve aussi Murray Bookchin, un sociologue américain qui, s’il ne parle pas directement de l’Europe, remet en cause les institutions supranationales pour leur caractère anti-démocratique. Père de l’écologie sociale, anarchiste de la première heure, cette référence semble étrange chez un jeune souverainiste. Et pourtant.

C’est en effet le caractère anti-démocratique par essence de l’Union européenne qui pousse Irénée à demander une sortie de la France de l’Union. « L’Union européenne est supranationale et non pas internationale. Il faut quand même se rendre compte que les gens qui dirigent l’Union à la Commission sont des gens nommés et non pas élus, et ça, c’est profondément antidémocratique ». Les arguments du jeune homme feraient le bonheur de Charles de Gaulle. Pour Irénée, la politique française a été dévoyée à partir du moment où elle a déléguée – toujours de façon non démocratique – autant de pouvoir à la construction européenne. Et cette supranationalité ne correspond pas à la « vocation universaliste et souveraine de la France dans le monde ».

 

L’Europe, “une colocation à 28” impossible.

Irénée n’est pas seul dans son cas. Du côté de Bois-Colombes, (Hauts-de-Seine) Gwenhaël Jaouen, 25 ans, a une opinion similaire. Le 26 mai prochain son vote ira lui aussi chez François Asselineau. « Je ne suis pas eurosceptique, je ne suis pas souverainiste, je ne suis pas populiste, je suis simplement anti-Union européenne et patriote”, précise-t-il. “Pour être patriote, il faut être anti-Union européenne, pas le choix ».

Gwenhael, 25 ans, se méfie de l’Europe. Il lui reproche de priver les 27 pays de l’UE de leur souveraineté. « L’Europe est dangereuse », dit-il.

Qu’est-ce qui rassemble ces deux jeunes ? L’Union Européenne vue comme une dictature. Absence de séparation des pouvoirs, propagande… les arguments se ressemblent. Le raisonnement de Gwenhaël Jaouen est limpide. « Je fais souvent la comparaison entre l’UE et une colocation. Une coloc à deux, trois ou quatre, ça va, mais une coloc à 28, c’est simplement impossible de parvenir à des décisions importantes, ça ne peut pas fonctionner ».

Que répondre à tout cela ? Cécile Bialot, 23 ans, et fraîchement élue présidente de l’association étudiante Eurosorbonne, rejette le discours identitaire des souverainistes. « Ils accusent les institutions européennes de retirer aux nations leur souveraineté, d’être anti-démocratiques. « Mais quelle est la définition de la liberté pour ces gens qui accusent l’Europe d’être liberticide ? La démocratie la plus directe qui existe en Europe, c’est celle du Parlement à Strasbourg, où l’on vote à la proportionnelle » souligne la jeune femme.

De son côté, Jeanne Saliou, étudiante en master d’Affaires Européennes à Sciences-Po Paris se dit « profondément européenne ». Pour cette jeune femme de 21 ans, il existe un socle culturel européen. « Je me suis jamais posé la question d’une Europe politique. Pour moi c’est une communauté citoyenne ». Si elle n’est pas militante politique, Jeanne Saliou défend l’Europe dans une association de son école. Aux arguments eurosceptiques, d’un Bruxelles isolé qui prendrait toutes les décisions dans son coin, elle répond sans ménagement. « C’est facile de partir fleur au fusil pour aller négocier des lois à Bruxelles et de revenir bredouille en disant “c’est l’Union Européenne qui n’a pas voulu” mais l’Union c’est quoi ? C’est les 28 États membres. Donc il faut faire des compromis ».

Un mal français ?

Cette vision de Bruxelles perché dans sa tour d’ivoire concentre les arguments des jeunes pro et anti Europe. Pour Matthieu Amaré, Bruxelles est vu comme le Mordor, le territoire de Sauron – en référence à la trilogie de J.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux. Et Jeanne Saliou admet que l’opacité des institutions et de leur fonctionnement pose problème. « C’est un monstre bureaucratique, mais compliqué ne veut pas dire inaccessible. Il y a certainement un enjeu pédagogique à mettre en avant ».

Léo-Paul, 22 ans, est étudiant en études européennes et membre de l’association Eurosorbonne. Selon lui, entre mauvaise communication et démocratie directe, l’UE « a le cul entre deux chaises ».

Pour Matthieu Amaré, cet enjeu pédagogique envers les jeunes ne doit pas être le seul fait de l’Europe. « Reprocher à l’Europe de ne pas s’adresser aux jeunes c’est un peu rapide. Il faut aussi regarder si nos gouvernements s’adressent aux jeunes. Est-ce que Macron le fait vraiment ? Je ne sais pas ». Et pour cause : le discours politique destiné aux jeunes est sans doute l’exercice le plus difficile. Il y a toujours le risque d’être à côté de la plaque. « Aujourd’hui les conseillers politiques sont plutôt rajeunissants. Ils disent aux politiques de faire attention quand ils parlent aux jeunes. Mais finalement, pour ne pas prendre de risque, ils arrêtent tout simplement de leur parler » explique Matthieu Amaré. Se détourner des jeunes au sujet de l’Europe serait-il un mal spécifiquement français ?

 

Pour Jean-Baptiste Horhant, 22 ans, tout juste sorti de son master d’études européennes à Strasbourg, ce mal trouve son origine dans les livres d’histoire. « L’enseignement n’est pas vraiment tourné vers l’Europe, ou bien juste dans les faits historiques. On apprend aux élèves la date de 1951 puis les dates des grands traités juste comme ça, sans aucun suivi, sans les impliquer dans le temps actuel. Forcément, c’est compliqué de s’y intéresser quand on ne voit pas en quoi ça nous concerne ».

C’est sans compter sur le discours politique français à l’égard de l’Europe. En France, le scrutin du 26 mai est devenu une élection intermédiaire. C’est en substance ce que la tête de liste La France Insoumise, Manon Aubry, a dit au micro de France Info le 12 avril dernier. « Ce sera l’occasion de sanctionner la politique menée par Emmanuel Macron ». Même son de cloche au Rassemblement National.

 

Comment redresser la barre ?

 

Et si on insistait sur ce que l’Europe a fait en matière de libertés fondamentales ? La liberté et la protection des jeunes européens en matière de données par rapport aux jeunes chinois ou américains, c’est dingue ! C’est un texte fondamental pour l’UE et qui en parle ?

Pourtant, les efforts sont là, même minces. La campagne européenne “#Cettefoisjevote” se mobilise pour faire voter les jeunes. Le compte Instagram du Parlement Européen affiche 182 000 abonnés et les publications sont clairement à destination d’un jeune public. On pense notamment à la campagne “What Europe does for me”, qui explique aux jeunes ce que l’Union fait pour eux. Les codes actuels de la communication sont respectés, l’ambition est là, et pourtant, c’est comme si l’Europe n’arrivait pas à se mettre en valeur.

 

Une chose apparaît comme une évidence : il faut changer le storytelling européen. La génération de Jordan Bardella, Manon Aubry et François-Xavier Bellamy, qui ont respectivement 23, 27 et 33 ans, a changé de discours depuis le Traité de Lisbonne. Pourquoi ? Parce que Lisbonne est pour eux une trahison après le référendum de 2005. Matthieu Amaré se demande alors si l’Europe n’aurait pas autre chose à raconter. « Et si on insistait sur ce que l’Europe a fait en matière de libertés fondamentales ? La liberté et la protection des jeunes européens en matière de données par rapport aux jeunes chinois ou américains, c’est dingue ! C’est un texte fondamental pour l’UE et qui en parle ? «  Une troisième voie se dessine : il faut « raconter l’Europe » comme le dit enfin Matthieu Amaré. Travailler sur un syllogisme simple et efficace – « si l’Europe parle des jeunes, elle parle de toi. Si on parle de toi, tu tends l’oreille. Donc tu t’intéresses à l’Europe, évidemment ». Raconter l’Europe, ce n’est pas seulement expliquer les institutions – qui conserveront toujours un aspect rébarbatif – c’est faire vivre cette absence de frontières pour les jeunes. Leur permettre de voir ce qui se passe dans les 28 pays voisins, bref, ne pas être seulement Français, mais aussi européen.

 

ANNE-CÉCILE KIRRY & AUGUSTE CANIER