Burger Mania

Alimentée par les réseaux sociaux, la tendance des burgers n’en est finalement plus une. Le burger est totalement rentré dans les moeurs des Français, et n’est pas prêt de quitter nos assiettes.

 

Le burger, sandwich préféré des Français. (photo Sylvia Bouhadra)

 

Deux tranches de pain, un steak haché, du fromage, des sauces. La recette d’un succès. En 2017, le burger a été élu “sandwich préféré des Français”, devançant le traditionnel jambon-beurre. Il s’en est vendu à pas moins d’1,46 milliards, soit 46 burgers par seconde. Des chiffres pharaoniques, qui se vérifient facilement dans les rues de la capitale. Accoudée devant Le Camion qui fume, célèbre food-truck parisien, Kenya déguste son burger “Barbecue” avec deux amis mexicains, son pays d’origine. « C’est le meilleur burger que j’ai jamais mangé, affirme-t-elle entre deux bouchées. Pourtant je connais bien ceux des Etats-Unis et du Mexique, ils en vendent partout dans les rues ». Kenya raffole tellement de ces burgers qu’il lui arrive parfois de faire 1h30 de trajet depuis son domicile pour venir les déguster. Une habitude qui témoigne de la success story du Camion qui fume, lancé en 2011 et devenu la référence food truck à Paris. Mais comment s’explique réellement cette folie du burger ? Bernard Boutboul, président de Gira Conseil, société spécialisée dans la consommation alimentaire hors-domicile, livre un premier élément de réponse : « Le burger rassemble en un seul produit les quatre aliments préférés des français : le pain, le bœuf, le fromage et les frites ». Il va même plus loin dans son constat, affirmant que le burger « est en train de remplacer petit à petit notre steak-frites national ». L’époque où le burger était l’emblème des fast-foods américains est donc révolue. C’est, en somme, devenu un plat admis dans la gastronomie française.

Depuis l’installation en France de McDonald’s en 1979, le burger est en constante expansion. « C’est plus qu’une simple augmentation des ventes, affirme Bernard Boutboul, parce que les volumes de burgers ont été multiplié par 14 en l’espace de 10 ans. Aucun produit de consommation alimentaire n’a eu cette ascension ». Au début des années 2010, les food-truck se multiplient et le burger prend peu à peu place dans les cartes des restaurants. « Avant que les restaurants se mettent à proposer des burgers, McDo et Quick détenaient 98% du marché. Maintenant, ces enseignes possèdent 21% du marché. » Un phénomène qui, selon lui, n’est pas uniquement de passage. « Le burger n’est pas une mode, les ventes sont continues et ce depuis des dizaines d’années, souligne Bernard Boutboul. Le sushi était un phénomène de mode par exemple, qui est monté et redescendu très vite ». Mais le burger, lui, est fait pour rester.

 

 

Un plat pas si calorique

Longtemps servi exclusivement dans les enseignes de fast-food telles que McDonald’s ou Quick, le burger a l’image d’un plat très calorique et de mauvaise qualité. Un menu Big Mac au McDonald’s pouvant atteindre 1157 kcal. Avec sa démocratisation, celui qui est considéré comme le symbole de la malbouffe et de la junk food (littéralement « nourriture poubelle ») est-il toujours mauvais pour la santé ? « Pour moi c’est un plat sain », répond Sandra Ferreira, diététicienne et nutritionniste. Tout dépend en fait de ce que l’on met entre les deux tranches de pain : « Il faut que les aliments à l’intérieur soient équilibrés. Globalement, l’équilibre d’un repas c’est un féculent, ici le pain, à condition qu’il soit de qualité, une viande, le steak haché ou le poisson, et des fruits et légumes. Un bon burger équilibré peut se consommer plusieurs fois dans la semaine », continue la spécialiste. Attention néanmoins à ce qui accompagne votre hamburger. Si le plat en lui-même peut être équilibré, les frites et la boisson qui vont souvent avec peuvent augmenter drastiquement le nombre de calories. Autre critère pour que le burger sorte de la catégorie malbouffe : le temps que l’on prend à le déguster. Il ne doit pas être mangé sur le pouce mais être savouré tel un vrai plat. « Ça a son importance de s’asseoir et de prendre son temps notamment au niveau du système digestif. Le corps assimile moins les nutriments si on le mange rapidement. » Dans une époque où l’on fait attention à son alimentation, la vogue du burger n’est donc pas paradoxale.

 

« La street-food ça touche tout le monde, même les grands chefs »

Pour suivre la tendance, de nombreux restaurants proposent aujourd’hui des burgers, loin de ceux que l’on trouve dans les chaînes de fast-food. 85% des restaurants français ont un burger à leur carte et le revisitent de bien des manières. Produits biologiques et locaux, originalité des recettes… le burger monte en gamme et devient forcément plus cher. C’est ce que l’on appelle les burgers “gourmets”. Florian est vidéaste sur YouTube et tous les jours, il publie une vidéo où il teste des restaurants et des spécialités culinaires à travers le monde. Sa chaîne “Florian On Air” cumule aujourd’hui 500 000 abonnés. A travers ses “food tours” il a testé une multitude de burgers gourmets : « Quand je voyage en France, chaque région a son burger, les restaurateurs essaient de travailler local. Certains ajoutent du foie gras, il y a des burgers de poisson, au confit ou au magret de canard…Ce n’est pas parce que c’est un burger que ça va être quelque chose de vite fait ou bâclé ». Cette année, le règlement du concours du meilleur burger de France demandait aux participants de proposer une recette valorisant le patrimoine gastronomique français. Le gagnant de l’édition 2017 et patron du restaurant asiatique Goku à Paris, Vincent Boccara, raconte comment il a réalisé le “Black OG”, son burger phare : « Les seuls produits américains dans ce burger sont le cheddar, le bacon, les cornichons, et la sauce BBQ qui est au Jack Daniels. Mais tous les autres ingrédients sont faits avec des produits japonais. Le pain est au charbon végétal, ce qui permet de digérer plus facilement, ajoute-t-il. J’ai mis deux mois à le créer et le mettre au point ». Son Black OG s’est même retrouvé en 2017 à la carte du Mandarin Oriental à Paris, où le double chef étoilé Thierry Marx officie. « Ça a cartonné, ils le vendaient à 38 euros », se réjouit le patron du Goku. Cet intérêt que portent les restaurants gastronomiques pour le burger n’est plus si rare aujourd’hui. A la carte du Meurice à Paris, on peut également le retrouver. « Le burger est un plat simple et international, c’est pourquoi nous le retrouvons dans notre offre de restauration », explique le palace. Même chose pour le Ritz, le Bristol, ou encore le Royal Monceau. Rien d’étonnant pour Vincent Boccara : « Les burgers, tout le monde aime ça. Que tu sois riche, middle class, ou que tu sois pauvre. La street-food ça touche tout le monde, même les grands chefs. »

 

Vincent Boccara a collaboré avec le chef étoilé Thierry Marx en septembre 2017. (photo DR)

 

Le burger, star des réseaux

Cette fascination pour les burgers s’est intensifiée grâce aux réseaux sociaux. Les chaînes de fast-food américaines ont su utiliser des outils comme Twitter et Facebook pour mettre en scène leur arrivée mais aussi leur retour, comme Burger King en 2013. La chaîne Five Guys arrivée en 2016 était quant à elle déjà bien connu des français comme le burger préféré de Barack Obama… rien que ça.  « En France, il y a une certaine fascination américaine, reconnaît Florian. Les réseaux sociaux quel que soit le sujet, prennent le pouvoir dans notre vie et c’est vrai que c’est une façon d’amplifier le bouche-à-oreille », ajoute le vidéaste. Le succès des vidéos de Florian est la preuve d’un certain engouement pour la nourriture sur les réseaux : « Je crois que beaucoup de gens ont plaisir à manger et le fait de voir des trucs qui ont l’air bon à l’écran, ça les met en appétit. Je fais un peu de tout sur ma chaîne mais c’est vrai que tout ce qui est fast-food et surtout les burgers, en général ça marche bien. » D’ailleurs, c’est la vidéo dans laquelle il mangeait un burger à six steaks qui a fait exploser les compteurs de sa chaîne et qui a créé un réel buzz. Vincent Boccara quant à lui ne s’en cache pas, s’il a décidé de mettre un burger à la carte de son restaurant asiatique c’est pour une raison bien précise : « Tu ne buzzes pas sur des nouilles, une salade, ou un curry mais sur ce qui est à la mode, c’est-à-dire un burger. Que ce soit le ramen burger (NDLR : également créé par Goku, les galettes de pain étant remplacées des nouilles japonaises) ou le Black OG, je l’ai fait dans une optique marketing. »Depuis, certains clients viennent exclusivement pour goûter son fameux burger qu’ils ont découvert grâce à Instagram. « Les réseaux sociaux m’ont beaucoup aidé, un burger c’est très visuel. Tu prends un jambon beurre en photo, ça ne va pas être stylé ! Et ça m’a aidé à gagner en notoriété sur les réseaux, c’est sûr ». Attention néanmoins à ne pas en faire trop. Certains restaurateurs créent des burgers de plus en plus fous seulement pour plaire aux réseaux sociaux. Florian qui a récemment testé un burger dans lequel il fallait ajouter le cheddar soi-même grâce à une seringue, explique : « Il y a de la surenchère. On fait des burgers, on sait que personne ne va le finir, mais on va le faire juste parce que ça buzz sur les réseaux sociaux. C’est un peu l’effet pervers de la chose. »

 

 

Alice Ancelin & Sylvia Bouhadra

 

Pour compléter

La recette : l’avocado burger

On a testé pour vous : le « Beyond Meat »

L’hamburger à la conquête du monde

Quinze recettes de quartiers populaires réunies dans un livre

Ce jeudi, le Goncourt 2011 Alexis Jenni publie un livre de recettes originales. Femmes d’ici, cuisines d’ailleurs réunit les plats de quinze femmes issues de quartiers populaires.

Le livre Femmes d'ici, cuisines d'ailleurs réunit quinze recettes de cuisinières issues de quartiers populaires. crédits photo : pixabay/oceanverde

Le livre Femmes d’ici, cuisines d’ailleurs réunit quinze recettes de cuisinières issues de quartiers populaires.
crédits photo : pixabay/oceanverde

Femmes d’ici, cuisines d’ailleurs n’est pas qu’un livre de recettes. « Certes, on y parle de cuisine, mais c’est surtout un focus sur 50 ans d’immigration : de l’immigration espagnole des années 50/60 à celle récente d’Irak ou du Soudan, en passant par Ladda la Cambodgienne qui a fui les Khmers rouges », a expliqué à l’AFP Boris Tavernier, directeur de VRAC, à l’initiative du projet. L’association lyonnaise milite pour proposer des produits bio et/ou locaux à prix coûtants aux habitants des banlieues.

Dans ce carnet de voyage culinaire, les portraits et témoignages se mêlent aux recettes. A découvrir notamment, l’histoire de Nansy, Égyptienne copte élevée au Soudan qui habite en France depuis onze ans. Parmi les recettes, il y a les feuilles de vigne et les légumes farcis de Sondes, les cornes de gazelle de Fazia, le gâteau de foies de volaille de Chantal ou encore la paella d’Eperanza.

L’objectif du livre est « de mettre en valeur ces femmes ordinaires aux parcours extraordinaires et surtout de changer le regard des gens sur les quartiers populaires et leurs habitants » a ajouté Boris Tavernier.

Lou Portelli

Thierry Marx revisite pour Chefs de gare le sandwich SNCF

thierry marxDu 9 au 21 octobre, les gares de France se mettent à la gastronomie. Huit grands chefs viennent revisiter la gastronomie de comptoir et distiller leurs conseils au public. Le coup d’envoi de Chefs de gare est donné aujourd’hui à la gare Montparnasse à Paris, avec en vedette le parrain de cette cinquième édition, Thierry Marx. Avec un objectif : bannir la malbouffe des gares françaises.

Dans le hall de la gare Montparnasse à Paris, des regards voraces et des bouches pleines traquent les plateaux de sandwichs qui circulent. L’attroupement se concentre autour d’un plan de travail rutilant. Au-dessus, un écran transmet en direct l’image en gros plans des doigts habiles de Thierry Marx. L’ex juré de Top Chef garnit des petits pains briochés de saumon et d’avocat. La cinquième édition de l’opération Chefs de Gare, à l’initiative de la SNCF, est de nouveau sur les rails du 9 au 21 octobre. Entre deux trains, les grands chefs mettent leurs étoiles à la portée des appétits voyageurs.

Dire adieu aux sandwichs industriels

Le coup de com’ est joli. Mais, Thierry Marx l’assure, le but de l’opération est tout autre. « Ça ne sert à rien de faire venir les chefs dans les gares si ce n’est que pour le côté cosmétique. Notre but, c’est de changer les habitudes alimentaires dans les gares. Il faut absolument y réintroduire l’artisanat des métiers de bouche, surtout que les gens voyagent de plus en plus aujourd’hui ». Le chef aux deux étoiles Michelin se prend à rêver que le bun brioché qu’il vient de concocter viendra un jour remplacer les jambon-beurre et poulet-crudités industriels qu’il aperçoit derrière la vitrine d’une sandwicherie, à quelques mètres de là. « Vous voyez, dans ma fenêtre de tir, c’est que de la merde ! s’exclame-t-il en pointant la devanture éclairée de néons. Là-dedans, il n’y a qu’un quart des aliments qui est sain. Le reste, c’est du sucre, du sel, des conservateurs, et tout ce qu’il vous faut pour vous rendre diabétique. » Militant pour l’ouverture de la gastronomie à tous les publics, Thierry Marx s’y connait en matière de table de gare, puisqu’il a lui-même ouvert, il y a un an, l’Etoile du Nord. Cette brasserie de la gare du Nord est appréciée pour sa carte appétissante et accessible. « Il n’y a pas de raison que l’on impose au consommateur des produits qui ne sont pas étiquetés et dont on ignore la provenance » assène Thierry Marx.

Des pains de qualité, venus du fournil de la boulangerie de Thierry Marx.
Des pains de qualité, venus du fournil de la boulangerie de Thierry Marx.

 

De la cuisine grand public ?

Le pari semble en tout cas réussi pour le coup d’envoi parisien de cette cinquième édition. Pas sûr en revanche que les recettes soient toutes accessibles. L’aura de la haute gastronomie impressionne, même quand elle se destine au grand public. Elisabeth Desplanques, une jeune retraitée de passage à Paris, écoute plus en spectatrice qu’en cuisinière les conseils du chef de l’Etoile du Nord, appliqué à faire revenir des oignons rouges. «J’ai un livre des recettes de Thierry Marx à la maison, mais j’avoue que je n’ai pas encore réussi à en faire une. C’est trop compliqué ! Il utilise des produits qui ne sont pas forcément faciles à trouver en dehors de Paris. A ce stade, c’est vraiment de l’art… » rigole-t-elle.

Mais parmi les spectateurs, beaucoup ne sont pas là par hasard. Eric Detourre, qui enseigne les mathématiques dans un lycée de Chartres, prend tous les jours son train à la gare Montparnasse. Aujourd’hui, il ne donne cours que l’après-midi, mais il est arrivé à la gare avec deux bonnes heures d’avance pour être sûr de ne pas louper la leçon de cuisine. A la vue des verrines qui viennent d’être concoctées, cet amoureux des fourneaux se rue sur le plateau. Et c’est en critique culinaire que le professeur de maths livre son verdict : « C’est excellent… la crème de châtaigne est très bonne, les champignons sont très gouteux… analyse-t-il, sa cuillère en plastique suspendue dans les airs. La petite touche de vinaigre apporte juste ce qu’il faut d’acidité, pour contrebalancer avec la douceur de la châtaigne. » Demain, Thierry Marx passera ce relais gourmand au chef Nicolas Pourcheresse, qui installera sa cuisine dans la gare de Lille. Que ce soit pour glaner de bonnes recettes ou simplement s’offrir un gueuleton gratuit,  l’attente sera, dans tous les cas, bien plus sympathique.

Verrine de champignons sur mousse de châtaigne, une entrée sophistiquée expliquée pas à pas
Verrine de champignons sur mousse de châtaigne, une entrée sophistiquée expliquée pas à pas

Emilie Salabelle