« Plus protégé qu’un mannequin en France, c’est dur à trouver ! »

INTERVIEW. Isabelle Saint Félix est secrétaire général du Syndicat National des Agences de Mannequin (SYNAM) qui représente plus d’une quarantaine d’agences, le principal du secteur. Un milieu très encadré en France.

Comment la profession de mannequin est-elle encadrée ?

Entre les agences, les clients, les mannequins et toutes les administrations, tout est très réglementé. Nous sommes le seul pays au monde où il est interdit d’être mannequin indépendant. Tous sont salariés d’une agence. Cela leur confère une sécurité en termes de revenus, mais aussi en termes de protection sociale. Par contre, l’agence n’est pas propriétaire des droits des mannequins, elle n’est que mandataire. La seule chose à laquelle elle est autorisée, c’est de faire signer un contrat de collaboration.

Quelles différences avec les pays étrangers ?

A l’étranger, un mannequin peut travailler pour son propre compte. S’il lui arrive un malheur, qu’il ne peut plus travailler ou qu’un client décide de ne pas honorer son contrat, il ne pourra que s’en mordre les doigts. Aucun mannequin étranger ne se plaint du système français, alors qu’il doit obligatoirement s’y soumettre. D’ailleurs, il y a un an et demi, après 20 ans de bataille, nous avons enfin obtenu qu’il dispose exactement des mêmes droits que les Français grâce à la mise en place d’un système de déclaration sociale nominative. Si je voulais en rajouter, je vous dirais que plus protégé qu’un mannequin en France, c’est dur à trouver !

A-t-on idée du nombre de personnes qui exercent cette profession en France ?

Je n’ai pas de chiffres précis, mais à l’occasion de la dernière Fashion Week j’ai réalisé un petit échantillonnage. En tout, 857 mannequins ont défilé et 87 % étaient de nationalité étrangère. En France, on estime qu’ils sont environ 3 000 à en vivre, mais les disparités de revenus peuvent être immenses.

Une agence a-t-elle le droit d’exiger quelque chose d’un mannequin avec lesquel elle collabore ?

Non, un mannequin est libre de faire ce qu’il ou elle a envie de faire. Il y a, comme partout, des exigences en termes de comportement, mais c’est tout. Par contre, si un mannequin décide de se teindre les cheveux en rouge, il faut qu’il prévienne son agence, son bookeur et/ou les clients pour lesquels il doit prochainement travailler, c’est une évidence…

Laëtitia Casta (Wikimedia Commons)
Laëtitia Casta (Wikimedia Commons)

En quoi internet a-t-il modifié le milieu ?

Internet est rempli de gens malhonnêtes, de fausses annonces, de promesses extravagantes. Je reçois régulièrement des coups de fils de modèles qui me demandent ce que je pense d’un shooting où il leur serait promis des milliers d’euros… Je leur dis une chose : si on vous promet de l’argent, n’y allez pas. 70 % des offres sont foireuses sur internet.

Sur le fond, cela n’a pas tant bouleversé les choses. Depuis 1993, les agences doivent disposer d’une licence pour exercer leur activité. Cette année-là, 94 licences avaient été délivrées. Aujourd’hui, nous n’en comptons plus que 85. Pourquoi ? Car monter une agence est financièrement très compliqué et devenir attractif n’est pas aisé non plus. Dans les faits, j’ai vu et je vois toujours autant d’agences ouvrir que fermer. Seules les meilleures perdurent.

Comment un mannequin est-il censé trouver du travail ?

Il est censé développer une relation de confiance avec ses bookeurs, ce sont eux qui leur trouvent du travail. Tout ce qui est “hors circuit” est dangereux car cela signifie aucune sécurité, aucune garantie, aucune assurance. On peut facilement se faire piéger, voire pire…

Que dire à quelqu’un qui souhaiterait se lancer dans le mannequinat ?

Surtout, n’incitez personne. Si vous êtes un homme, vous aurez beau faire 1m88, avoir une taille 46-48, les yeux bleus et une gueule d’ange, ça ne suffit pas. Le petit plus, la magie, ça ne se décrète pas. Laetitia Casta n’avait rien des critères “classiques” d’une mannequin, et pourtant…En France, on s’imagine souvent que tout le monde peut devenir acteur, chanteur ou mannequin, que tout le monde peut devenir ce que souhaite tout le monde… Non ! C’est malheureux, mais ce n’est pas le cas.

Sarafina Spautz et Antoine Colombani

Quand les GAFA s’intéressent aux enfants (1/3)

Apple et Google, deux des GAFA les plus importants. Libre de droits
Apple et Google, deux des GAFA les plus importants. Libre de droits

Google, Amazon, Facebook et Apple : les géants du numériques se tournent aujourd’hui vers les plus jeunes utilisateurs d’Internet, en leur proposant des contenus adaptés. Les moins de 12 ans passent chaque année un peu plus de temps sur la toile. En tant que futurs consommateurs, ils sont les cibles privilégiées des annonceurs.

Dimanche 10 décembre, le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer a rappelé son intention de renforcer l’interdiction des téléphones portables au collège. Un objectif ambitieux, à l’heure où les enfants obtiennent leur premier téléphone à l’âge de dix ans. Au total, 63% des 10-14 ans ont un téléphone et 34% des 7-12 ans possèdent une tablette. Chaque année, les heures passées sur les écrans s’allongent, dès le plus jeune âge. Les 1-6 ans passent en moyenne 4 h 37 sur internet par semaine, contre 2 h 10 en 2012.

Des applications spécialement conçues pour les jeunes enfants ont fait leur apparition, proposant des jeux éducatifs dès l’âge de 3 ans. Les GAFA ne sont pas en reste et se tournent désormais vers ce nouveau public. Après “YouTube kids” c’est au tour de Facebook de se lancer à la conquête des 7-12 ans. “Messenger kids” permet aux enfants de communiquer entre eux, sous réserve de l’accord parental. L’application n’est pour l’heure pas disponible en France. Si l’inscription sur Facebook reste limitée à 13 ans, cette nouvelle application pourrait faire des enfants de futurs utilisateurs du réseau social.

Capture d'écran -Messenger Kids
Pour accéder à Messenger Kids, les parents doivent créer un compte à leurs enfants et accepter les contacts, sans toutefois pouvoir lire les conversations. Capture d’écran – Messenger Kids

Jusqu’ici, rien d’alarmant. Ce qui inquiète en revanche, c’est l’utilisation des données personnelles des jeunes utilisateurs. “Pour les GAFA, les enfants sont des cibles privilégiées car ils sont les futurs consommateurs. Les marques vont faire appel aux GAFA pour avoir des informations sur eux”, explique Clara-Doïna Schmelck, journaliste et spécialiste des médias. De son côté, Facebook promet de ne pas diffuser de publicités via “Messenger Kids” et de ne pas vendre les données aux marques.

Numérique à l’école, entre outil d’éducation et de dispersion

Pour Clara-Doïna Schmelck, il est impératif que le téléphone portable soit interdit à l’école.  » L’école doit être l’endroit où l’on peut écouter un cours, sans être surveillé par ses parents avec le téléphone. Le téléphone, c’est un outil de dispersion. En plus, il développe chez les enfants un esprit plus narcissique, parce qu’il y a toujours un écran, donc vous ne vivez plus qu’avec vous et les personnes qui vous contrôlent  » commente la journaliste.

À l’heure du tout numérique, les écrans ont progressivement fait leur entrée dans les établissements scolaires. “ Il existe une catégorie d’outils que l’on appelle les exerciseurs, qui permettent de valider l’acquisition d’un savoir faire sous une forme ludique, tempère André Tricot, professeur en psychologie. Avec les tablettes, les élèves n’ont pas à se déplacer en salle informatique et ne sont pas encombrés d’un ordinateur. C’est un gain de temps très important. ”

Si les outils numériques peuvent se révéler utiles dans l’apprentissage, leur utilisation en dehors de l’école pose une autre question. Difficile de s’assurer que les enfants ne soient un jour confrontés à des contenus violents ou des publicités habilement dissimulées. “ Ce problème est ancien, et il est particulièrement aigu pour les enfants chez qui les dégâts peuvent être terribles. Certaines pathologies se développent, chez des enfants complètement coupés du monde réel ”, explique André Tricot. En 2015, l’agence américaine Federal Trade Commission dénonce la diffusion abusive de publicités pour McDonald’s et Coca-Cola sur la plateforme destinée aux enfants.

Les dommages physiques causés par une trop grande exposition aux écrans sont également mentionnés par les professionnels de la santé. Dans une tribune au Monde parue en Mai dernier, des médecins alertent sur les troubles relationnels observés. “Nous recevons de très jeunes enfants stimulés principalement par les écrans, qui, à 3 ans, ne nous regardent pas quand on s’adresse à eux, ne communiquent pas, ne parlent pas, ne recherchent pas les autres, sont très agités ou très passifs.” 

Qu’il s’agisse des outils numériques ou des contenus consultés par les enfants, les pouvoirs publics se penchent de plus en plus sur l’encadrement de ces pratiques. En février dernier, le chargé de l’Enfance et des Droits des femmes organisait une campagne de “sensibilisation aux dangers des écrans”, proposant aux jeunes enfants des contenus appropriés. D’autres associations ou organismes indépendants comme le CNIL publient régulièrement des études pour accompagner les parents dans l’éducation des enfants sur internet.

Julien Percheron et Léa Duperrin

Baby Big Brother is watching you (2/3)

"Mon amie Cayla", la poupée qui suciste l'inquiétude. Crédit - Genesis Toys
« Mon amie Cayla », la poupée qui suciste l’inquiétude. Crédit – Genesis Toys

À l’approche de Noël, les jouets connectés devraient se faire une belle place sous le sapin. Mais ils pourraient porter atteinte à la vie privée, en collectant des données personnelles sur les enfants et leur entourage.

Des jouets connectés qui espionnent les enfants et leurs parents. En pleine course aux cadeaux de Noël, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a épinglé, début décembre, deux jouets connectés disponibles en France. La poupée « Mon amie Cayla » et le robot « I-Que » comportent plusieurs failles de sécurité.

Galerie : Ces 6 jouets connectés qui peuvent espionner les enfants

Par Bluetooth, un pirate peut prendre contrôle du jouet à plus de 9 mètres de distance lors de la première connexion, puis 20 mètres lors de la seconde. Ensuite, il peut activer le haut-parleur et parler directement à l’enfant par la voix du jouet, où recevoir les paroles de l’enfant captées par le jouet. Le pirate peut également passer par le réseau Wifi du foyer pour écouter les discussions ou modifier les réponses du jouet.

30 à 40 dollars pour le profil d’un enfant

Les cas de piratage ne datent pas d’hier. En 2015, le fabricant de tablette pour enfants VTech est victime d’un piratage de sa base de données : 6,4 millions de comptes d’enfants, avec photos, adresses et dates de naissances ont été compromis, dont 800 000 en France. La même année, la poupée connectée « Hello Barbie » équipée d’un microphone et d’un haut-parleur, fait polémique. Les données passent par un Cloud afin d’être analysées via l’intelligence artificielle et apporter à l’enfant une réponse rapide.

Certaines associations craignent que Mattel, le fabricant, utilise des informations livrées par les enfants à des fins commerciales. Des données qui se monnaient très chères sur le “Dark Web”. D’après GData Software, sur le marché noir, un jeu de données complet d’un enfant (nom, date de naissance, adresse e-mail et numéro de sécurité sociale d’un enfant) s’échange pour 30 à 40 dollars. Pour les adultes, ce montant s’élèverait à 20 dollars. Au début du mois de décembre, la Cnil a lancé une campagne de prévention sur Twitter. Un « thread de Noël », pour sensibiliser les parents sur la sécurité de ces jouets qui connaissent chaque année, de plus en plus de succès.

Julien Percheron

La vente en ligne a le vent en poupe (2/3)

(c) Varun S / Wikipediaimage.
(c) Varun S / Wikipediaimage.

 

En sept ans, les ventes en ligne ont plus que doublé en France, selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD). Au premier trimestre 2017, le chiffre d’affaires du commerce en ligne s’élève déjà à 20 milliards d’euros, et 33 transactions sont réalisées chaque seconde. Une manne dont ne profitent pas tous les sites, puisque seuls 5% des plateformes de e-commerce réalisent plus de 60% du chiffre d’affaires généré par ces ventes. Ces chiffres montrent que l’appétence des Français pour le e-commerce ne cesse de croître. Les 46 millions d’internautes présents en France effectuent en moyenne 18 transactions par an. En 2015, les produits les plus plébiscités étaient les vêtements, suivis de près par les voyages, et les produits culturels.

La vente entre particuliers est particulièrement prisée : 70% des internautes achètent ou vendent leurs produits sur des sites de revente. Il y a donc une montée en puissance de l’économie collaborative sur internet.

Aline Bottin et Anaïs Robert