États généraux de l’information : l’éducation aux médias, la mère des batailles

Ce jeudi, les États généraux de l’information (EGI) ont rendu publiques leurs propositions à Paris pour « sauvegarder et développer le droit à l’information à l’ère du numérique ». Après un an de travail, quinze propositions majeures ont été présentées, à commencer par l’éducation aux médias. Les principaux intervenants du secteur s’en réjouissent, malgré un bilan en demi-teinte.

 

© Fred Benaglia. Bayard Jeunesse s’engage pour l’éducation aux médias

 

« Les citoyens se méfient de plus en plus de l’information qui leur est proposée. Ils sont également exposés à des vagues de désinformation toujours plus puissantes », c’est le constat dressé lors des Etats généraux de l’information (EGI). Réunis au Conseil économique, social et environnemental à Paris, les professionnels du secteur ont écouté le comité de pilotage insister sur l’importance de « l’éducation aux médias ». Cette proposition arrive en tête parmi quinze autres concernant la concentration des médias, la place grandissante de l’IA, des plateformes numériques, la lutte contre les procédures-bâillons, etc.

L’éducation aux médias, priorité numéro un

« Il y a eu des dizaines d’autres rapports qui ont tous appuyé l’importance de l’éducation aux médias (EMI) ces dernières années. Mais cette fois, c’est différent. Ce ne sont pas des législateurs qui disent “il faut faire plus d’éducation”, non. Cette fois, les conclusions viennent de professionnels au cœur du système informationnel », explique Serge Barbet, directeur général du Centre de Liaison de l’Enseignement et des Médias d’Information (CLEMI), une entité rattachée au Ministère de l’Éducation nationale chargée de coordonner l’EMI sur le territoire. Il était dans l’audience jeudi matin lorsque le comité de pilotage a présenté son travail. « J’interprète les EGI comme une prise de conscience extrêmement forte de l’importance de l’éducation », a-t-il confié au Celsalab.

Quatre grandes mesures

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron, ce chantier pour l’information dresse quatre lignes directrices pour renforcer l’EMI. Il faudra d’abord la généraliser dès le CM1 dans chacune des disciplines (lettres, langues, histoire, sciences, etc.). Il faudra également l’inclure explicitement dans l’enseignement d’éducation morale et civique. Pour superviser cet enseignement, « une cellule de pilotage dotée des moyens nécessaires doit être constituée au sein de la direction générale de l’enseignement scolaire ». Enfin, le « pass information », inspiré du « pass culture », a été pensé pour les élèves dès la classe de cinquième. Il leur permettrait d’accéder, via leur espace numérique de travail (ENT), à des « abonnements aux journaux d’information politique et générale et à la presse d’information jeunesse (arts et lettres, histoire) ».

« C’est un peu en deçà de nos attentes »

Les deux premières mesures ont laissé sceptique le directeur général du CLEMI : « Ce qui a été annoncé est un peu en deçà de ce que nous attendions », analyse Serge Barbet. « Pour l’éducation morale et civique, les programmes ont été rénovés pour cette rentrée 2024, et l’EMI a été incluse comme prévu. Ce n’est donc pas nouveau. Même pour la généralisation de l’EMI dès le CM1, c’est déjà le cas dans de nombreux établissements. » Il rappelle également le travail du CLEMI, qui, dès 2018, a mis en ligne des ressources pour les professeurs des écoles. Élodie Gautier, référente CLEMI à l’académie de Créteil, insiste à son tour : « Nous avons formé 850 directeurs d’école dans le département de Seine-Saint-Denis en 2022-2023, et 240 de plus cette année. C’est à eux ensuite d’inciter leurs collègues enseignants à aller dans le bon sens. La généralisation de l’EMI dès le CM1 a déjà commencée ».

Des initiatives déjà en place

Au-delà des propositions des EGI, de nombreuses autres actions ont déjà été mises en place pour l’éducation aux médias. La Semaine de la Presse, par exemple, rencontre beaucoup de succès, notamment dans l’académie de Créteil où le nombre d’inscriptions d’établissements est en constante augmentation, affirme Élodie Gautier. Elle compte déjà plus de 1 400 structures, soit quasiment 100 % des établissements du secteur.

Certains enseignants prennent aussi l’initiative d’inviter des journalistes pour des sessions ponctuelles à la journée. Guillaume Bouvy, journaliste indépendant engagé pour l’EMI depuis 15 ans, a l’habitude d’apprendre l’esprit critique aux enfants. Il note cependant une baisse des sollicitations : « Il y a trop d’enseignants qui estiment pouvoir faire ce type de cours seuls, en interne. Moi, je dis souvent la même chose : est-ce que si demain je regarde plein de vidéos YouTube pour apprendre à devenir boulanger, je serai capable de faire classe aux plus jeunes ? Non. Eh bien, journaliste, c’est pareil », explique-t-il. « C’est important de faire venir de véritables professionnels qui ont des années d’expérience ».

 

En définitive, tous s’accordent pour dire que les EGI ont permis de mettre un coup de projecteur bienvenu sur l’éducation aux médias. Elle semble désormais primordiale, surtout dans un monde où 73 % des 16-30 ans utilisent un réseau social ou un média en ligne pour s’informer quotidiennement (étude Ipsos et Sopra Steria, 2022).

 

Fanny Séguéla

Même après les Jeux olympiques, les croisiéristes peinent à « sortir la tête de l’eau »

A la suite de la clôture des Jeux olympiques (JO) 2024, les croisiéristes des quais de Seine comptaient surfer sur l’engouement des JO pour renflouer les caisses d’un été délicat. L’été indien tardant à pointer le bout de son nez, la réalité pour ces travailleurs saisonniers reste compliquée.

« On ramassera les fruits des Jeux olympiques dans les prochaines semaines », espère Olivier B, croisiériste depuis neuf ans sur la Seine, dont le bateau est amarré, dans le 15e arrondissement de Paris, au port de Grenelle. Lui qui a constaté une baisse drastique d’affluence cet été, en raison d’un temps maussade et des complications liées aux JO, se rassure avec l’espoir de jours plus heureux. « Le contrecoup va arriver. On table sur l’image dorée dont Paris a bénéficié durant l’été. » Salim Makacem, gérant de Paris WaterWay, agence de location de bateaux à ponton et d’embarcations privées, croise également les doigts : « On compte surfer sur les souvenirs magnifiques qu’ont laissé les Jeux dans l’esprit des gens. »

Une fin de saison pourtant mal embarquée

Pierre Turon, responsable commercial de Green River Cruises, est plus prudent que ses confrères sur la fin de saison : « Même avec l’engouement des Jeux, le temps est toujours trop aléatoire pour s’assurer d’avoir beaucoup de clients ». À l’instant où il nous répond au téléphone, Pierre Turon est contraint de s’abriter de la grêle qui touche les quais d’Austerlitz. Pour le moment, pas d’été indien pour les Parisiens.

Pour les croisiéristes, la fin de saison se finit habituellement au déclin des beaux jours. « Dès la mi-octobre on constate généralement un gros ralentissement de la demande, reconnaît le responsable commercial. Nos bateaux sont ouverts. A cause du froid et de la pluie, les touristes ne souhaitent plus monter à bord de nos navires. C’est tout de suite moins agréable pour eux. » Le temps passe sans que la météo ne change. « Si cela continue, je doute vraiment que l’on puisse sortir la tête de l’eau pour cette saison », conclut Pierre Turon.

Tous ne sont pas dans le même bateau

Le discours n’est pas tout à fait le même pour les gérants de certaines embarcations, notamment celles couvertes et destinées à la restauration. C’est le portrait-robot du Diamant Bleu, une longue péniche blanche, qui en plus des habituels touristes et ceux venus profiter des Jeux olympiques, constate une vive recrudescence des clients parisiens venus redécouvrir la capitale le temps d’une croisière dinatoire. En effet, les habitants de la ville lumière reviennent en nombre dans certains secteurs touristiques de la capitale, grâce au boom des JO. « Pour nous, c’est la belle surprise de l’été », admet Pierre Turon à propos du retour de la demande parisienne. Il y a un désir nouveau chez eux d’apprendre à mieux connaître leur ville. »

« L’été prochain, on va capitaliser sur l’image des JO, explique, quant à lui, Salim Makacem. Notre clientèle est principalement étrangère, notamment en provenance des États-Unis. On espère que le fantasme des jeux perdura. On est convaincu que l’on aurait plus de travail. C’est certain. »

Pourtant, il semble que les gérants d’embarcations privées et d’agences fluviales touristiques ne jugent pas encore nécessaire de proposer des balades sur le thème des JO. « On a eu beaucoup de Parisiens qui nous ont appelés pour faire le même trajet que durant la cérémonie d’ouverture, explique le responsable commercial de Green River Cruises. On leur répond que c’est le trajet naturel des bateaux. C’est déjà ce que l’on propose. »

Une saison estivale maussade pour les croisiéristes

Dans la ville de l’amour, contrairement à l’effervescence et l’ébullition ambiantes, l’été n’a pas été rose pour les gérants de l’activité touristique fluviale. « Un couac total », selon Olivier B., Salim Makacem parle lui « d’une petite catastrophe » en se remémorant le bilan de la saison. « Par rapport à l’année dernière on va faire face à une perte de revenus élevée, environ 40 % en moins, détaille-t-il. Pour un travail saisonnier comme le nôtre, cela peut être compliqué. »

Plusieurs facteurs ont occasionné cet important manque à gagner. Tout d’abord, le temps gris, non-amputable aux JO, qui n’a jamais complètement cessé depuis le printemps. « On alterne entre averses battantes et légères accalmies. Personne n’est responsable. Il faut faire avec », reconnaît fataliste le gérant. Paradoxalement, malgré l’énorme coup de projecteur braqué sur ces bateaux lors de la cérémonie d’ouverture du 26 juillet, l’activité a pâti « d’un manque de visibilité certains ». Entre gradins et barricades qui jalonnaient certains quais parisiens, « les touristes ne nous voyaient pas ou n’osaient pas s’approcher de nos embarcations », explique Olivier B. qui ne regrette pourtant en rien d’avoir eu l’honneur de participer avec son bateau à la cérémonie.

 

Les employés de Renault F1 en grève devant l’usine historique de Renault, à Boulogne-Billancourt

Alors que le groupe Renault, qui fournit les moteurs à l’écurie Alpine, souhaite abandonner la Formule 1 en 2026, les employés installés à Viry-Châtillon se sont mobilisés devant l’usine historique du groupe, jeudi 12 septembre. Ils luttent pour le maintien du groupe en F1, alors que le futur moteur a déjà passé les premiers tests avec succès.

Pour Alpine, la course contre la montre se joue sur la piste – en Azerbaïdjan ce week-end -, mais aussi en dehors. La direction du groupe Renault, avec à sa tête son PDG, Luca De Meo, souhaite arrêter la collaboration de la marque française avec Alpine, son entité sportive qui roule en Formule 1 et à qui elle fournit le moteur.

Jeudi 12 septembre, plus d’une centaine de salariés d’Alpine F1, installés à Viry-Châtillon, se sont donnés rendez-vous, à 11 heures, devant l’usine historique de Renault, à Boulogne-Billancourt. L’ambiance est calme, la musique accompagne les discussions et le message sur les banderoles est clair : « Non à l’abandon du moteur F1 Renault. Oui au maintien d’Alpine F1 à Viry-Châtillon ».

Tous les salariés sont d’ailleurs vêtus du même t-shirt blanc, tagué du hashtag #Viryontrack, qu’ils arborent depuis plusieurs semaines déjà – des salariés se sont notamment rendus au Grand Prix d’Italie, à Monza, avec ce t-shirt. Ils comptent une nouvelle fois faire entendre leur voix et faire changer d’avis les décisionnaires du groupe Renault, qui envisagent d’équiper les voitures Alpine avec un moteur Mercedes en 2026.

Les employés de l’usine Renault de Viry-Châtillon sont vêtus d’un t-shirt avec le #Viryontrack. © Romain Tible

À Lire aussi : F1 : Place à l’Azerbaïdjan ! 

« La Formule 1, c’est la raison d’être de Viry-Châtillon »

« La Formule 1, c’est la raison d’être de Viry-Châtillon », affirme fièrement Clément Gamberoni, chef du département turbo et porte-parole du Conseil social et économique d’Alpine à Viry-Châtillon, le regard grave,mais déterminé, comme tous ses collègues présents. Pour l’illustrer, il met notamment en avant le nouveau pôle livré en 2021 et qui regroupe tous les équipements nécessaires pour la confection d’un moteur de Formule 1, alors que de nombreuses pièces étaient pensées à l’extérieur auparavant.

Clément Gamberoni, chef du département turbo et porte-parole du Conseil social et économique d’Alpine à Viry-Châtillon. ©Romain Tible

Selon l’ingénieur, le nouveau moteur a d’ailleurs été testé avec succès au mois de juin. « Nous sommes en train de remettre un autre {moteur} en banc, avec des items nouveaux. Et nous voyons déjà les gains qui arrivent », souffle celui qui travaille, comme tous les autres employés présents, depuis plusieurs années sur ce projet. L’abandonner revient donc à anéantir tout le travail et renoncer à tous les investissements effectués jusqu’alors. « Audi et Red Bull investissent un milliard d’euros pour concevoir leur moteur en Formule 1. Nous, nous sommes au même niveau d’investissement. Il nous reste quelques centaines de millions à investir pour avoir ce moteur », explique Clément Gamberoni.

Le projet Renault F1, c’est aussi plus de 300 emplois qui font la renommée de Viry-Châtillon et qui seront chamboulés à court terme. Pour le maire de la commune, Jean-Marie Vilain (divers droite), « c’est le berceau de la Formule 1 française. Et donc nous n’arrivons pas à comprendre que l’on puisse se priver d’ingénieurs », s’offusque-t-il, visiblement ému. « C’est du gâchis », regrette pour sa part Claire Lejeune (LFI), députée de la septième circonscription de l’Essonne. « Il y a de l’argent privé mais aussi de l’argent public qui a été mis du côté du groupe Renault, pour développer ce moteur pour la saison 2026. Donc quoi, on prend tout ça et on le met à la poubelle maintenant ? », s’est-elle interrogée, ironiquement. 

Accueillir les projets « haute technologie » d’Alpine

Les raisons de la fin de cette relation entre la Formule 1 et Renault, elle qui a pourtant été si fructueuse, en glanant notamment douze titres de champion du monde (dix fois en tant que motoriste et 2 fois en tant que constructeur), sont floues. S’explique-t-elle par le manque de performance de Renault depuis dix ans ? Peut-être. L’écurie Alpine est d’ailleurs très critiquée depuis le début de la saison, alors que les performances en piste ne cessent de se détériorer (l’écurie française se trouve actuellement à la huitième place du championnat constructeur).

Mais selon Clément Gamberoni, Renault souhaite restructurer l’usine de Viry-Châtillon pour accueillir « les projets de haute technologie » d’Alpine. Une transformation pour laquelle les employés sont favorables « mais uniquement avec la F1 », insiste l’ingénieur.

 

Romain Tible