Féminicide dans le Nord : une femme de 33 ans succombe à ses blessures

Une femme a été retrouvée morte à son domicile de Douai (Nord), tôt ce lundi 31 mai. Elle aurait été battue à mort par son compagnon, porteur d’un bracelet électronique à la suite d’une condamnation pour des faits de vol aggravé.

Son compagnon a été placé en garde à vue. © Illustration Unsplash

L’effroi touche ce lundi 31 mai la ville de Douai. Une femme âgée de 33 ans a été retrouvée morte à son domicile du Nord, après avoir été rouée de coups. Les pompiers, appelés à 4 h 45, sont arrivés sur les lieux et ont découvert une femme en arrêt cardiaque. L’AFP ajoute que la victime a été « retrouvée couverte d’hématomes et traces de coups multiples, et [a succombé] à ses blessures. Son conjoint avait des traces de sang sur les mains ».

Son compagnon, un homme âgé de 38 ans porteur d’un bracelet électronique suite à une condamnation pour des faits de vol aggravé, a été placé en garde à vue. Il était alcoolisé lors de son arrestation. Des traces de sang ont également été retrouvées dans leur domicile. La thèse du féminicide ne fait que peu de doutes. Il s’agit du 46ème féminicide de l’année, selon le comptage réalisé par le collectif Nous Toutes.

Marine Ledoux

 

Les avocats entre adaptation et incertitude sur l’après-confinement

L’épidémie de coronavirus et le confinement en France ont entraîné la fermeture quasi totale des tribunaux, engendrant une modification importante des méthodes de travail pour le personnel judiciaire. Face à un système qui tourne au ralenti, les avocats adaptent leur organisation et attendent des informations quant à la reprise des audiences.

Les avocats voient leurs méthodes de travail modifiées par la crise sanitaire. (Pixabay)

Depuis le début du confinement mis en place pour lutter contre le coronavirus, ils ne fréquentent plus aussi assidûment qu’avant les tribunaux. Distanciation sociale oblige en période de crise sanitaire, le travail des avocats a été largement touché. Plus de contacts directs avec leurs clients, plus de plaidoiries en public.

Si, lors des rares audiences qui se tiennent encore, les gestes barrières sont respectés autant que possible, les institutions judiciaires ne sont pas en mesure de fournir des équipements de protection adéquats à tout leur personnel. Les magistrats qui siègent portent un masque, les distances et l’absence de contact sont évidemment respectées, mais pour le reste on ne nous fournit rien de particulier, et donc on évite au maximum les audiences…”, explique Me Jean-Yves Moyart, avocat pénaliste au Barreau de Lille. 

Sans moyen de protection, les juridictions privilégies la visioconférence, quand cela est possible. Mais là encore, entre problèmes de connexion et qualité de son variable, le système laisse entrevoir certaines limites.

Si certains avocats s’accordent sur la nécessité d’un tel système en période de confinement, d’autres y voient un obstacle au bon fonctionnement de la justice, comme le rapporte Me Moyart : “Ils tentent aussi d’imposer de plus en plus la visio et autres moyens modernes d’échanger, ce à quoi les pénalistes sont très hostiles, pour des questions d’humanité et de justice correctement rendue notamment”.

Une justice au ralenti

Depuis le début du confinement, Christian Saint-Palais, avocat depuis près de 25 ans, fait face, comme la grande majorité de ses confrères, au ralentissement de son activité. Avec la plupart des procès suspendus ou reportés, les contacts avec son cabinet se résument à l’envoi et la réception de courriers recommandés pour maintenir un lien avec les tribunaux. 

L’essentiel de son travail, Me Saint-Palais le fait de chez lui. Même si les appels de nouveaux clients se font rares, l’avocat doit encore gérer la situation des détenus face aux inquiétudes d’une propagation du virus dans les prisons : “Les trois premières semaines, il fallait plaider pour obtenir la libération de ceux que nous défendons. Nos clients voulaient notamment savoir comment la nouvelle ordonnance s’appliquait à leur cas”, rapporte l’avocat au sujet d’une décision rendue le 25 mars. L’ordonnance valide notamment le prolongement automatique de la détention provisoire pendant l’état d’urgence sanitaire, une mesure qu’il juge “liberticide” : “Ce bouleversement des règles de détention provisoire est inacceptable. Il y a une grande préoccupation à propos de la situation sanitaire des détenus.

Comme lui, de nombreux avocats s’inquiètent du manque de protection des détenus face à la vitesse de propagation du virus dans les lieux fermés.

« Trop de personnes sont encore détenues alors que les prisons atteignent 150% de leur capacité d’accueil. Cela ne doit pas être accepté« , ajoute Me Saint-Palais.

Dans le flou de l’après-confinent

Préparer la reprise, c’est donc la tâche à laquelle s’attellent les avocats en période de confinement. Mais, sans compter les défis que posent la rémunération du personnel des cabinets et le paiement des charges sans perception de revenus immédiats, c’est une question de nature organisationnelle qui les touche. La reprise des audiences comporte encore beaucoup d’inconnues au niveau du planning et du retard pris avec les nombreux reports et suspensions.

À défaut d’avoir des informations claires sur l’après-confinement, Me Moyart avance : « On peut imaginer une reprise avec convocations restreintes et échelonnées, pas ou peu d’ouverture au public, et un parcours dans le Palais, le tout avec un strict respect des mesures barrières je suppose, mais nous n’avons aucune visibilité…« .

Son planning sous les yeux, Me Saint-Palais constate la charge de travail qui l’attend dès la fin du confinement : 

“Quand je regarde l’agenda, à partir du 12 mai, on a une audience par jour jusqu’au 15 octobre”

Alors qu’il met à profit son temps pour travailler sur le dossier du procès Mediator qui devrait se tenir en juin, l’avocat se demande dans quelles conditions de nouvelles affaires pourront être intégrées dans un planning déjà très chargé : “Les disponibilités sont assez rares, certaines affaires ne pourront sûrement pas être plaidées avant un an. Il va falloir les faire rentrer dans l’agenda de force…”.

Elisa Fernandez

Confinement : une plateforme pour contester les contraventions abusives

Alors que le confinement est en place en France depuis le 17 mars pour endiguer l’épidémie de coronavirus, les contraventions pour non-respect de ces dispositions se multiplient. Fin avril, des avocats ont mis en ligne la plateforme pvconfinement.fr afin de contester les amendes jugées abusives.

 

Des avocats ont lancé une plateforme de conseils pour contester les contraventions abusives pendant le confinement. / (Capture d’écran pvconfinement.fr)

915 000 procès-verbaux dressés depuis le début du confinement le 17 mars et 15,5 millions de contrôles effectués par les forces de l’ordre. Ce sont les derniers chiffres fournis par le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, jeudi 23 avril.

Mais selon 60 millions de consommateurs, parmi les contrevenants, certains contestent le motif de l’amende, jugé abusif. Me Elisa Lashab et Me Xavier Nogueras ont donc eu l’idée de lancer une plateforme pvconfinement.fr. « Notre équipe est consciente de la crise sanitaire que le pays traverse mais reste soucieuse de la protection des droits et libertés de tous. Face aux inquiétudes suscitées par de trop nombreuses dérives arbitraires, nous constatons une violation régulière de nos libertés fondamentales », précise le site. Me Lashab et Me Nogueras ont rassemblé plusieurs confrères pour accompagner les contrevenants tout au long de la procédure de contestation.

« Contester, c’est se défendre », assurent les avocats à l’initiative de la plateforme.

Comment contester une contravention

Les avocats présents sur la plateforme proposent leurs services dans trois cas de figure. Premier cas, l’agent-verbalisateur aurait fait une erreur manifeste d’appréciation en contrôlant l’attestation de sortie. Deuxième cas, la contravention contiendrait une erreur formelle (date, signature, adresse). Troisième cas, la personne contrôlée sans attestation de sortie estime que la verbalisation est dénuée de tout fondement juridique.

Sur la plateforme, les avocats rappellent que « toute contravention est contestable« , mais il faut pour cela respecter trois points : ne pas payer la contravention, respecter le délai de 90 jours à compter de la réception de la contravention, et conserver les justificatifs.

Pour lancer la procédure, il suffit de « remplir en ligne le formulaire, de signer et dater la convention d’honoraires, puis de scanner ou prendre en photo l’avis de contravention », détaille le site. Le montant de cet accompagnement personnalisé ? 60 euros d’honoraires, dont 10% sont reversés à l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP).

135 euros d’amende minimum

Pour rappel, le non-respect des mesures de confinement est sanctionné d’une amende de 135 euros. Et en cas de paiement hors délai, elle s’élève à 375 euros. Enfin, si la personne récidive dans les quinze jours, elle s’expose à une amende de 200 euros avec une majoration possible à 450 euros.

Mélanie Leblanc

Violences policières : « Si le ministre de l’Intérieur n’est pas convaincu du problème, il n’y aura pas de changement »

Le 26 avril dernier, l’IGPN, souvent appelée la « police des polices », a été saisie de deux enquêtes pour des propos racistes proférés par des policiers lors d’une interpellation en Seine-Saint-Denis. Depuis le début du confinement, des vidéos d’interpellations violentes se multiplient, dans les médias et sur les réseaux sociaux. Pour Sébastien Roché, sociologue et chercheur au CNRS, spécialisé dans les relations entre police et populations, « il faut des outils pour faire évoluer les comportements des agents ».

Depuis le début du confinement, des vidéos d’interpellations violentes fleurissent dans les médias, comme sur les réseaux sociaux. Flickr

Sébastien Roché, sociologue et chercheur au CNRS, spécialisé dans les relations entre police et populations, nous explique pourquoi malgré ce recensement inédit des violences policières, le changement des comportements de policiers n’en sera pas accéléré car « beaucoup de maillons manquent« . Pour lui, il faut une « reconnaissance par le Premier ministre du problème. Si le ministre de l’Intérieur n’est pas aussi convaincu du problème de violences dans la police, il n’y aura pas de changement« . Ensuite, « il faut des outils de diagnostic du problème, et des outils pour faire changer la formation« .

Comment expliquer que le confinement donne l’impression d’un accroissement des violences policières, depuis quelques semaines ?

Sébastien Roché : On retrouve des déterminants structurels connus des violences policières dans cette situation de confinement. Le confinement donne un instrument supplémentaire aux policiers, puisqu’il leur permet de vérifier toute personne, en tout lieu, et à tout moment. Il n’y a plus de nécessité pour la police de justifier le contrôle. Et à partir de là, l’outil qui est confié aux policiers est alors dangereux. On leur donne un pouvoir extraordinaire. Mais on voit que le déroulement des vérifications est différent, selon l’endroit où il se déroule. On n’a pas de prise à partie violente dans le 16ème arrondissement de Paris par exemple. Les éléments objectifs matériels que nous avons montrent que c’est le détournement de l’usage de l’outil de surveillance qui est dangereux. Cet usage est limité à certains territoires en pratique : souvent les territoires les plus pauvres, où il y a davantage de mixité ethnique. Aucune personne ne peut se soustraire au contrôle, et les policiers n’ont pas à justifier le motif. De façon alors très soudaine, le niveau de contrôle des comportements devient extrêmement préoccupant.

Par ailleurs, beaucoup d’études montrent qu’il y a une réalité des discriminations sur une base ethnique. Les études de l’Agence européenne des droits fondamentaux, celles du Défenseur des Droits, notamment. On a beaucoup de preuves de la discrimination policière, mais elle n’est pas reconnue en dépit de ces preuves par le ministre de l’Intérieur. Le président de la République l’a d’ailleurs aussi reconnu pendant sa campagne, mais ne le reconnaît plus depuis qu’il a été élu.

De plus en plus de vidéos circulent sur les réseaux sociaux, et permettent un recensement, au moins partiel, des violences policières. Cela a-t-il un effet sur l’institution policière ?

Avant l’usage généralisé des médias sociaux, il n’y avait que des myriades de petites associations, fragmentées, isolées les unes des autres, qui se plaignaient des violences commises par les policiers et essayaient de poursuivre les policiers en justice. Ça concernait alors peu le public. Avec les médias sociaux, et l’épisode des gilets jaunes, il y a eu cet usage beaucoup plus généralisé des vidéos. On a pu constater l’effet que ça a eu sur le gouvernement. La prise de conscience a été longue, mais il est arrivé un moment où le gouvernement n’a pas pu nier les violences policières plus longtemps. Mais aujourd’hui encore, ce n’est pas l’Etat qui est capable de recenser les violences de manière précise : c’est la mobilisation des citoyens qui produit ça. C’est un petit résultat, ça ne changera pas les pratiques des policiers rapidement, mais c’est aussi un énorme changement. C’est la première fois dans l’histoire qu’il y a une sorte de mobilisation à travers cet outil, pour dire que certains comportements ne sont pas acceptables.

La médiatisation des violences policières pourrait-elle apporter un changement radical et rapide à venir dans les comportements policiers ?

Non, ça ne peut pas être rapide. Ces organisations sont énormes. La police, c’est 150 000 agents. Et les outils pour faire changer ces comportements réellement n’existent pas, en fait. Cette sensibilité nouvelle du public ne se transforme pas en une modification quelconque. Beaucoup de maillons manquent pour cela. Quels sont-ils ? La première chose, c’est la reconnaissance par le Premier ministre du problème. Si le ministre de l’Intérieur n’est pas aussi convaincu du problème de violences dans la police, il n’y aura pas de changement. La deuxième chose, c’est qu’il faut des outils de diagnostic du problème, et des outils pour faire changer la formation. Il faut un contrôle sur ces formations et ces jeunes policiers. Et pour l’instant on a rien de tout ça.

En ce qui concerne la formation des policiers, le ministère de l’Intérieur n’a pas d’outils pour diagnostiquer par exemple la bonne connaissance par les agents des droits fondamentaux. Le ministère ne sait pas comment évaluer le fait que les agents ont bien compris ou non comment respecter ces droits. Il n’a pas d’outils pour former les commissaires de police au leadership. Le ministère ne sait pas non plus comment former des commissaires, pour que le racisme n’ait pas sa place dans la police. Ils n’ont pas d’outils pour enregistrer ces phénomènes au niveau local non plus. Il faut qu’une personne se noie pour que l’IGPN enquête. Et c’est trop tard, l’enquête devrait avoir lieu avant le drame.

Les violences policières serait donc un problème intrinsèque à la formation des policiers ?

Ce que nous savons, c’est que les élèves policiers sont plus respectueux de la loi, plus ouverts, plus empathiques envers la population quand ils arrivent à l’école. Le problème est donc en partie dans la formation, mais c’est surtout après le passage en école, que le plus important se déroule. Les élèves font des stages, et sont pris en charge par un tuteur. Ensuite, dans le groupe professionnel, ils désapprennent un certain nombre de choses, les collègues ont tendance à les former autrement encore. Et ça, c’est ce qu’on appelle la culture professionnelle, les normes que partagent les agents. Ce n’est pas en changeant la formation qu’on va changer le système donc.
Il faut changer aussi l’encadrement local, les retours d’expériences. Il faut des outils pour faire évoluer les comportements des agents, on ne peut pas juste changer les nouveaux policiers. Il faut changer aussi ceux qui vont les former. Mais ces retours d’expériences, ces outils, sont peu existants. Cette analyse des pratiques devrait se faire au niveau des commissariats. Le patron du commissariat doit faire en sorte que ses agents réfléchissent à ce qu’ils font. Ce ne serait pas une sanction, ni une formation, mais des pratiques qui permettraient d’analyser la qualité de la police tout au long de l’exercice du métier.

Propos recueillis par Pauline Linard-Cazanave