Drones russes abattus en Pologne : un incident inédit qui ravive la crainte d’une escalade

Dans la nuit du 9 au 10 septembre, la Pologne a abattu des drones russes ayant pénétré son territoire, peu après une attaque dans l’ouest de l’Ukraine. Un événement exceptionnel qui pose la question d’une escalade du conflit, bien qu’aucune victime ne soit à déplorer et que les intentions de la Russie demeurent floues.

Sommes-nous à l’aube d’un conflit ouvert entre la Russie et la Pologne ? Dans la nuit du mardi à mercredi, l’armée de l’air de l’État européen a abattu plusieurs « objets hostiles » identifiés comme des « drones », après que huit de ces appareils ont « violé » son espace aérien, a annoncé sur X le ministre de la Défense polonais. Mercredi matin, le commandement de l’armée polonaise a directement accusé la Russie de cet « acte d’agression », qui a eu lieu en parallèle d’une attaque russe sur l’Ukraine.

« On est au pied du mur, avec une incursion trop importante pour que la Pologne ne réagisse pas », alerte Céline Bayou, géopolitologue et spécialiste de la Russie, auprès de CelsaLab. Selon elle, la question est à présent de savoir s’il existe « un risque d’entraînement » ou si au contraire cet événement, « inédit parce que massif », représente l’occasion d’une « désescalade ». Tout dépend de la mesure dans laquelle l’Europe considère que la Russie « est allée trop loin » et qu’elle a « franchi un cap avec cette incursion ».

En tout cas, l’interception polonaise des drones russes constitue un « acte important » et « exceptionnel ». Jusqu’ici, « soit les drones russes repartaient après avoir survolé le territoire, soit on ne retrouvait que des débris ». Selon Céline Bayou, il s’agit là d’une « réaction légitime de la Pologne pour défendre la souveraineté de son territoire », face à une incursion dangereuse et contraire au droit. Reste à savoir, pour l’Union européenne, si l’entrée de drones dans l’espace aérien polonais était accidentel ou volontaire. La Russie a nié, mercredi après-midi, avoir visé des cibles en Pologne, sans remettre en question l’incursion de ses drones.

Des « réactions surdimensionnées »

Pour Guillaume Ancel, ancien officier et chroniqueur de guerre, on assiste néanmoins à des « réactions surdimensionnées » : « On a l’impression que la Pologne va entrer en guerre. » Or, « on ne peut pas dire que la Russie a envahi la Pologne », indique-t-il à CelsaLab. En cause : la nature des drones, des « vecteurs » (c’est-à-dire des engins capables de transporter des armes) sans pilote. Une particularité qui peut permettre aux Russes de dégainer le prétexte d’une simple erreur de trajectoire, d’après l’expert.

C’est aussi la raison pour laquelle la Pologne peut légitimement descendre de tels appareils. Dans le doute, « avec un drone, on ne discute pas : on l’abat », affirme Guillaume Ancel. En revanche, « on n’abat pas un pilote ». En cas d’incursion par un véhicule occupé par un humain, l’usage est d’essayer de prendre contact via la radio et d’envoyer des avions, afin d’effectuer des manœuvres à proximité de l’appareil étranger et lui signifier de partir.

Il ne s’agit donc « absolument pas d’un début de guerre », aux yeux de Guillaume Ancel. Au contraire, « ce qui étonne, c’est que cela n’a pas été fait plus tôt », alors que des drones russes se sont déjà approchés de la frontière polonaise, par le passé. Pour l’ancien lieutenant-colonel, cette incursion pose la question de l’extension de la zone de protection aérienne à l’est de l’Ukraine, toutefois « sans aller au-delà de la ligne de front ». « Intercepter les missiles et les drones hostiles qui viennent frapper des cibles constitue une œuvre de salut public, défend l’ancien officier. C’est comme éteindre un incendie. »

« Intensification » des frappes russes

Quant à savoir ce que des drones russes faisaient si près de la frontière polonaise, rien n’est moins sûr. « On n’identifie pas d’objectif visé par les Russes en Pologne », admet Guillaume Ancel. Selon lui, le but est peut-être de « saturer les défenses ukrainiennes ». « Les Russes savent que s’ils attaquent frontalement, ils sont attendus. » Ils adoptent donc des trajectoires complexes afin de « perturber les défenses anti-aériennes ». Or, les drones sont parfaitement adaptés à ce genre de tactique, qui oblige à « disperser les moyens d’interception ».

Il faut aussi prendre en compte la présence de cibles nombreuses dans l’ouest de l’Ukraine, où se trouve la frontière polonaise. « L’ouest du pays est utilisé pour stocker, entraîner et placer des centres logistiques et administratifs, étant donné qu’on se trouve loin de la ligne de front », explique Guillaume Ancel. Le nord-ouest de l’Ukraine, attaqué dans la nuit de mardi à mercredi, était « relativement épargné jusqu’ici », ajoute Céline Bayou. Selon elle, il faut placer l’incursion russe sur le territoire polonais « dans le cadre de l’intensification des frappes russes en Ukraine, qui prennent maintenant pour cibles des lieux moins touchés qu’auparavant ». Même si les Russes ont fait preuve d’inadvertance, « cela montre qu’ils osent prendre le risque de dépasser les frontières de l’Ukraine ».

Risque véritable ou non, la Pologne a immédiatement pris des mesures d’urgence mercredi matin, notamment la fermeture, pendant près d’une heure, de son espace aérien. Le temps pour les troupes aériennes polonaises de mener à terme leurs opérations d’interception. Le Premier ministre du pays, Donald Tusk, a également appelé l’Otan à déclencher l’article 4 du traité de l’Atlantique nord, qui vise à lancer des consultations dès lors qu’un membre de l’alliance subit des menaces.

Eliott Vaissié.

La Corée du Nord : une puissance nucléaire pleine de zones d’ombre

Ce vendredi 13 septembre, l’agence de presse officielle du gouvernement nord coréen, KCNA, a publié une photo qui a rapidement fait le tour du monde. On y voit le chef d’État Kim Jung Un se promener dans les rangées d’appareils censés enrichir l’uranium. Retour sur ce que l’on sait de l’armement nucléaire en Corée du Nord.

C’est une première pour la Corée du Nord. L’agence de presse nord-coréenne, KCNA, a publié ce vendredi 13 septembre une photo où l’on voit Kim Jung Un se mettre en scène devant des machines que l’on soupçonne d’être utilisées pour de l’enrichissement en uranium. A savoir que Pyongyang n’avait jamais exposé publiquement ces installations.

Rapidement, avec seulement quelques informations qui accompagnent cette photo, des médias américains ont pointé du doigt la Corée du Nord qui menace ses ennemis avec cet uranium ultra enrichi, habituellement utilisé pour construire des ogives nucléaires.

Ce média américain basé en Pennsylvanie, CBS 21 News, avance l’idée que cette photo nous prouve que la Corée développe sa production « d’uranium à qualité militaire ». Rien n’est clair concernant cette photo mais c’est une manière pour le chef d’Etat de laisser un doute au monde concernant ses intentions mais aussi d’envoyer un message, comme l’explique Pierre-Olivier François, réalisateur et journaliste spécialiste de la Corée du Nord : « Le but du jeu de la Corée du Nord est de faire passer des messages. Le message pour le monde, dans un contexte de tension avec plusieurs pays comme la Corée du Sud, les Etats Unis et le Japon, est de montrer qu’elle veut augmenter de manière exponentielle sa production d’armes atomiques. » Le spécialiste ajoute : « C’est un message aussi plus spécifique pour les spécialistes du nucléaire qui se sont tous demandés la localisation de la photo, la nouveauté dans ces infrastructures… C’est une image polysémique. »

Ce que l’on sait de l’armement nucléaire de la Corée du Nord

Dans les années 1970 la Corée du Nord, avec l’aide l’Union Soviétique, a construit un centre de recherche nucléaire afin de retraiter du plutonium (un métal radioactif). Pourtant, quelques années plus tard, en 1985, elle signe le traité de non-prolifération de l’arme nucléaire (TNP). La Corée s’est présentée en tant que « État d’armes non nucléaires ».

Depuis la signature de ce traité, que la Corée a finalement quitté en 2003, difficile de savoir ce qu’il se passe à Pyongyang qui reste toujours flou dans ses déclarations. La Corée ne participe à aucune initiative ou protocole et ne dépose jamais de rapport sur ses activités que le Conseil de sécurité de l’ONU lui réclame.

Il n’est donc pas possible d’affirmer avec certitude l’état de l’armement nucléaire du pays asiatique. Les comptes rendus et recherches sur les puissances nucléaires ne font que supposer les stocks d’armes nucléaires en Corée du Nord.

Dans ce graphique, produit par la plateforme Statista, on lit que la Corée du Nord détiendrait 50 ogives nucléaires prêtes à l’emploi. Pourtant, encore une fois, impossible d’en être sûr, ce sont des « chiffres partiellement estimés ». Un an plus tôt, en janvier 2023, Statista estimait le nombre d’ogives nucléaires détenues par la Corée à 30. Cela nous laisse sous-entendre que Pyongyang tente d’accroitre son stock d’armes nucléaires.

Les zones d’ombre

Au delà de nos incertitudes concernant le niveau d’armement nucléaire de la Corée du Nord, il existe de réelles zones d’ombre. Prenons comme exemple les six essais nucléaires de Pyongyang entre 2006 et 2017. En janvier 2016, la Corée du Nord annonce avoir réalisé avec succès un essai nucléaire d’une bombe à hydrogène alors qu’officiellement, seulement les États-Unis, la Russie, la Grande Bretagne, l’Inde, le Pakistan et la France détiennent cette arme. La bombe H aux mains de la Corée du Nord surprend le monde entier jusqu’à ce que des spécialistes émettent des doutes au vue de la faible puissance que représentait cet essai.

Pour le spécialiste Pierre-Olivier François, la zone d’ombre de l’armement militaire de la Corée du Nord va plus loin : « Il y a toutes sortes de zones d’ombre. La plus grande question c’est de savoir si les armes nucléaires appartenant à la Corée du Nord sont miniaturisables et si elles peuvent atteindre les États-Unis. »

L’objectif nucléaire de Pyongyang est assez clair car la Corée s’est toujours justifiée dans l’élargissement de son stock d’armes nucléaires par l’argument de la défense. « Pour moi, les objectifs nucléaires de la Corée du Nord sont les mêmes que ceux de la France. Les petites puissances comme la Corée du Nord cherche à intimider ses voisins. Le but est de réaffirmer leur souveraineté sur leur territoire puisque nombreux sont les états à vouloir renverser ce régime », conclut Pierre-Olivier François.

Noa Perret

 

Quelles sont les différentes armes nucléaires ?

Arme atomique : Arme produite grâce à l’énergie nucléaire en faisant en sorte que les noyaux d’atomes se divisent. C’est ce qu’on appelle une fission. C’est grâce à ce principe atomique qu’à été créé la bombe atomique (A) qui a rasé la ville de Hiroshima en 1945 lors de la Seconde guerre mondiale.

Arme thermonucléaire :  A la différence de l’arme atomique, la thermonucléaire ou arme à hydrogène fonctionne sur un principe de fusion. L’énergie produite lors d’une explosion avec arme thermonucléaire est encore plus puissante que l’arme atomique.

Ogive nucléaire : Cette arme est la tête d’un projectile qui doit être propulsée par un missile avant d’exploser puisqu’elle contient en son sein une charge destructive.