Paris : les cimetières extramuros sous pression ?

Face à la saturation des cimetières parisiens, les habitants doivent faire face à une hausse du prix des concessions, ou se reporter sur les communes en périphérie. Mais y sont-ils les bienvenus ? Et comment cette saturation touche-t-elle les cimetières extramuros ?

Le cimetière du Père-Lachaise dans le 20e arrondissement arrive à saturation, selon un rapport de la chambre régionale des comptes publié début octobre. Crédits : Carlos Delgado
Le cimetière du Père-Lachaise dans le 20e arrondissement arrive à saturation, selon un rapport de la chambre régionale des comptes publié en juin.
Crédits : Wikimédia/Carlos Delgado

 

Pour sortir de Paris, les habitants du 16e arrondissement n’ont qu’un pas à faire pour se retrouver à Neuilly-sur-Seine. Mais pas facile d’y être enterré. La loi prévoit pourtant que l’on puisse acquérir une concession en dehors de sa commune, même si on ne répond pas à un des quatre critères retenus (habiter dans la commune visée, y être décédé, y avoir une concession familiale, ou être inscrit sur ses listes électorales). Il est possible de faire la demande à la mairie, qui l’approuve ou non.

Cette démarche, nombre de Parisiens sont obligés de l’effectuer. Les 14 cimetières de la capitale sont saturés et la situation deviendrait même alarmante, selon la chambre régionale des comptes. Dans son rapport publié début octobre, elle note qu’entre 2010 et 2016, plus de 5000 demandes de concessions perpétuelles, c’est-à-dire octroyées à vie, ont été faites aux cimetières intramuros. La ville n’a pu en satisfaire que 700.

Saturation des cimetières extramuros ?

Les Parisiens se reportent alors sur les cimetières situés de l’autre côté du périphérique, comme Neuilly ou Levallois-Perret. Or, Neuilly n’est pas épargné par le manque de parcelles. Le « cimetière ancien » et ses 3500 emplacements arrive à saturation, avec chaque année seulement 10 à 15 tombes exhumées, donc libérées. « 65% des concessions y sont perpétuelles. C’est énorme ! Donc il n’y a quasiment plus d’achats de nouveaux emplacements », commente le conservateur.

Alors, les habitants de Neuilly se reportent sur le « cimetière nouveau »… situé sur la commune de Nanterre. Sur ce cimetière de 9 hectares, pas de problème de pression : les Parisiens pourraient donc y être accueillis.

En théorie, mais pas en pratique. La mairie donne la priorité aux Neuilléens. « Mais ça arrive que des gens de Paris sollicitent le maire pour une concession », souffle un salarié. A Levallois-Perret, même chose : « Les places sont réservées à nos résidents », tranche Isabelle Prigent, la conservatrice du cimetière de la commune, qui raconte recevoir « pas mal de demandes du 17e arrondissement. »

Des prix attractifs

Pour les Parisiens en quête de place, la municipalité leur réserve six lieux mortuaires en dehors des 14 cimetières intramuros : La Chapelle (18e), Bagneux (92), Saint-Ouen (93), Pantin (93), Ivry (94), et plus loin, Thiais (94), à une petite vingtaine de kilomètres de Paris. La pression foncière y est moins élevée, donc les concessions moins chères.

Ainsi, au lieu de débourser 2790€ pour une concession de 2m2 sur 30 ans dans un cimetière intramuros, il en coûtera 1262€ à Saint Ouen, et 754€ à Pantin… Mais à Levallois-Perret, c’est encore moins cher : 658€. Comme Neuilly, la commune contient la hausse de prix, alors qu’elle connaît la même pression démographique que la capitale. Alors comment font-elles pour s’extraire de cette pression ?

Une mauvaise gestion des durées de concessions ?

En fait, la capitale a longtemps eu une gestion singulière de ses parcelles : jusqu’en 2007, elle ne vendait que des concessions perpétuelles. Résultat : 97% des tombes intramuros sont octroyées à vie ! Donc plus de place pour les nouveaux.

Les autres communes françaises ont toujours proposé des concessions de 15, 30 ou 50 ans. Si les familles ne renouvellement pas le bail, la parcelle tombe au bout de deux ans dans les mains de la ville, qui peut la revendre. Donc renouveler son « offre ». C’est ce que confirme Henrique Antunes : « A Neuilly, on a peu de pression car tous les ans la ville fait des reprises administratives pour assurer le roulement. » Mais visiblement pas assez pour accueillir d’éventuels Parisiens.

« La durée perpétuelle n’existe plus dans beaucoup de communes », continue le conservateur. « Et maintenant, les communes font des prix prohibitifs pour les tombes perpétuelles », complète un responsable de cimetière. Ce qui explique la hausse spectaculaire de 40% du prix des concessions octroyées à vie dans les 14 cimetières parisiens entre 2008 et 2017. Quand les concessions sur 30 ans n’ont augmenté « que » de 25%.

 

Fanny Guyomard

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