A Stalingrad, le temps suspendu en attendant l’évacuation

Environ 2.000 migrants vivent toujours sur le boulevard Stalingrad à Paris dans des conditions sanitaires désastreuses, dans l’attente de leur évacuation prochaine. Reportage de Jeanne Bulant.

Les réfugiés patientent sur les canapés ou les chaises usées, faute de savoir ce qui va se passer.
Les réfugiés patientent sur les canapés ou les chaises usées, faute de savoir ce qui va se passer.

Des milliers de tentes colorées sont toujours entassées jeudi 3 novembre sur le boulevard Stalingrad, au nord-est de Paris. Les jeunes enfants courent ou jouent assis dans les allées jonchées de détritus, tandis que leurs parents patientent en file indienne, parfois deux heures pour un repas. Pain et salade pour certains, fruits et bols de riz pour d’autres. Comme chaque midi et chaque soir depuis le 3 septembre, une dizaine de bénévoles de l’association humanitaire Adra distribue 1.200 repas aux réfugiés de Stalingrad. La moitié de leurs denrées provient de partenariats avec des grandes enseignes telles que Carrefour, Paul ou encore Prêt-à-Manger. Au milieu des bénévoles débordés, la jeune Farida se laisse prendre par l’émotion et distribue ses demi-pommes en pleurant « je viens là tous les jours et à chaque fois ça me fait aussi mal au coeur».

Le froid… et une interminable attente
Dans les allées, des rumeurs disent que la police interviendra demain matin très tôt. Charles Drane de l’association Adra le confirme: « c’est notre dernier jour de distribution, ensuite la mairie et la préfecture ne veulent plus de nous». Mais sans confirmation officielle, c’est surtout la confusion et une interminable attente qui règne, d’autant que la perspective d’une évacuation cette semaine semblait avoir été écartée, mercredi 2 novembre dans la soirée, à l’issue d’une énième réunion entre les protagonistes de l’opération d’évacuation.
Alors faute de savoir ce qui va se passer, les hommes patientent dans des canapés éculés en étudiant des cartes routières ou font sécher leurs quelques vêtements entre deux arbres, sous un soleil radieux mais frais. Le sourire aux lèvres malgré leurs conditions d’hébergement, Omaima et Yeshehahge, 45 et 18 ans, veillent sur le petit Nasser qui joue près de la route. Les deux femmes sont arrivées il y a un mois du Soudan et d’Ethiopie et se sont rencontrées à bord du bateau de fortune qui les a mené de la Libye à l’Italie. Elles non plus n’ont aucune idée de ce qui va leur arriver. « Le seul problème c’est le froid » lance l’une d’elle dans un anglais approximatif. Autour d’elles les hommes spéculent sur les jours à venir, tandis qu’Odile, une enseignante bénévole originaire de banlieue parisienne fait le tour de la place afin de distribuer de la brioche et des yaourts aux enfants, tout en baragouinant quelques mots en arabe. Et tandis que les familles tentent tant bien que mal de se constituer un modeste habitat, le camp humanitaire de la porte de La Chapelle est toujours vide et la ville de Paris attend que l’Etat évacue les 2.000 personnes de Stalingrad pour pouvoir l’ouvrir, car celui-ci ne dispose que d’’une capacité d’accueil maximale de 400 personnes.

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