Le ticket de métro parisien emportera dans sa tombe un bout d’histoire

Dimanche, la présidente de l’Île-de-France Valérie Pécresse annonçait la suppression du ticket de métro parisien à l’horizon 2021. Smartphones, nouvelles cartes magnétiques: les usagers valideront leur voyage par des titres dématérialisés. Les parisiens devront faire leurs adieux à ce petit bout de carton rectangulaire. « Il y aura un deuil à faire », estime Grégoire Thonnat, auteur de la « Petite histoire du ticket de métro parisien ». Un deuil qui s’explique selon lui par le caractère iconique du ticket.

Le ticket de métro est apparu en France il y a plus d’un siècle : le 19 juillet 1900 à 13 heures, précisément. Nous sommes alors en pleine exposition universelle à Paris, et à cette occasion, la première ligne de métro est inaugurée. « C’est l’exposition qui a activé le projet de métro, qui datait d’un petit moment. Londres avait un métro depuis plus de 30 ans, et d’autres villes comme Budapest ou Istanbul avaient déjà un réseau de transports souterrains », explique Grégoire Thonnat, auteur de « La petite histoire du ticket de métro » paru en 2010 aux éditions Thélémaque. 30 000 tickets seront vendus au jour de l’inauguration de cette première ligne, déclinés en trois tarifs. Les voyageurs devaient s’acquitter, en anciens francs, de 15 centimes pour un ticket seconde classe, 20 centimes pour un aller-retour et 25 centimes pour la 1ère classe.

« Le reflet du mode de vie des Parisiens »

Les tickets étaient alors de couleur rose ou jaunâtre selon leur type. Les tarifs et couleurs n’ont cessé d’évoluer au fil du temps, une évolution qui « n’est que le reflet de l’évolution des modes de transport et donc du mode de vie des Parisiens » pour ce passionné. Et pour cause : la première augmentation tarifaire intervient 19 ans plus tard, après la fin de la guerre. L’année 1930 voit la création d’un quatrième tarif. Nous sommes dans l’entre-deux-guerres, et les anciens combattants obtiennent un tarif réduit auprès de la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (CMP), ancêtre de la RATP. Une création purement contextuelle donc, tout comme la suivante en 1941, avec la création de la « carte hebdomadaire de travail ». En pleine occupation, les restrictions qui accablent la capitale laissent peu de choix aux Parisiens pour se déplacer et le métro devient la solution préférentielle. Il connaît d’ailleurs une fréquentation record cette année-là, proche du milliard et demi de voyageurs.

 

Puis, en 1948, en pleine période de baby-boom, un nouveau ticket à tarif réduit est créé pour les familles nombreuses. Au fil du temps, l’offre s’étend. En 1975 est créée la « carte orange », une révolution du transport parisien. Une révolution sociale également pour Grégoire Thonnat : « l’idée c’est d’offrir sur une durée limitée, à un prix forfaitaire, un usage illimité ». Une carte synonyme de « liberté de mobilité, vendue à des gens qui n’en avaient pas forcément un besoin quotidien ».

Un attachement irrationnel

Cette révolution sociale s’est ancrée dans la « carte orange », un support auquel les usagers se sont véritablement attachés. La carte a disparu il y a quelques années seulement, et continuait d’être préférée au pass Navigo par une partie des voyageurs.

Un attachement qui peut sembler irrationnel, mais que le spécialiste comprend : « le ticket de métro, c’est une des icônes de l’imagerie parisienne ». Chanteurs, comme Gainsbourg et Piaf, peintres, historiens, mais aussi cinéastes ont fait de ce simple bout de carton un symbole de la capitale. « On retrouve partout des références au métro parisien, à son odeur, à son ticket. Dans les dialogues d’Audiard, ou dans le film Le salaire de la peur de 1953, où la scène finale montre la main ensanglantée d’Yves Montand qui s’ouvre sur son porte bonheur : un ticket du métro Pigalle. »

Et l’engouement autour de cette icône a fait des émules : Pablo Picasso était lui-même un collectionneur de tickets de métro, un « ésithériophile ». L’image du ticket qui restera la plus emblématique reste celle de la campagne publicitaire « Ticket chic, ticket choc » de la RATP en 1981. Le ticket jaune à bandes marron est resté dans les mémoires. Et il n’est aujourd’hui qu’un lointain souvenir pour qui l’a connu, comme le seront probablement les tickets d’aujourd’hui pour les parisiens de demain.


William Rouzé

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