Si Dieu existe, que ferait-il ?

Critique – Au lendemain des attentats du 7 janvier, Joann Sfar, l’auteur du désormais célèbre Chat du rabbin livre dans le second volume de ses carnets ses inquiétudes quant à la France, qu’il entremêle de ses propres états d’âme.

 

Extrait des carnets de Joann Sfar
Extrait des carnets de Joann Sfar

 

La France est déprimée, et visiblement Joann Sfar l’est à ses côtés, pour des raisons qui se rejoignent parfois mais qui diffèrent aussi souvent. La France est en désordre, en phase de « déconstruction » et les carnets sont solidairement foutraques, les idées fusent dans tous les sens. Si Dieu existe, le second volet du journal de bord de l’auteur et dessinateur Joann Sfar, paru le 27 mai dernier, est fidèle à la philosophie du premier : à mi-chemin entre journal intime, essai et bande-dessinée.

Sfar est en colère. En colère contre « l’impuissance du système », qui ne parvient pas à protéger « les juifs et les laïcs« . En colère contre le racisme, les relents d’antisémitisme qui restent bien coincés, en travers de la gorge. En colère contre son père, qui lui a longtemps caché la mort de sa mère. En colère contre le terrorisme religieux, contre les lacunes du système éducatif, qui a échoué à faire de certains hommes des citoyens. En colère contre les élites qui ont « donné une vision univoque des musulmans », premières victimes des islamistes radicaux. En colère contre lui-même, faible, lorsqu’il s’agit d’amour.

Seules les femmes sont placées sur un piédestal, inaccessibles, intimidantes. Belles et supérieures, philosophes et maternelles, elles ne sont pas trop égratignées par sa plume. Sa quête de l’amour absolu; de sa mère, disparue trop tôt, occupe presque toutes les pages du carnet, qui en devient presque un acte féministe.

« Parvenir à sortir d’une lecture religieuse du monde »

La place de la religion dans le monde est l’autre sujet central, voire obsessionnel de Sfar. Sa judéité aussi. Il la questionne, la rationalise, l’embrasse en quelques pages seulement. Au lendemain des attentats du 7 janvier, il est en deuil, car il a perdu des amis. On lui a aussi volé une France qu’il aimait, et qu’il s’efforce de continuer à aimer, malgré tout ; qu’il refuse de quitter, malgré « cette volonté de détruire les juifs« . Il faut « parvenir à sortir d’une lecture religieuse du monde », martèle-t-il. Et la seule solution envisageable ne peut résulter que d’un travail sur soi-même. La France doit pouvoir regarder le problème de l’islam radical en face.

Ce dernier carnet de Sfar est intelligent, souvent drôle, et parfois même encourageant. On ne peut cependant s’empêcher de remarquer qu’au détour d’un coup de colère, d’une introspection douloureuse, il y a aussi une discrète auto-promotion, une analyse de soi qui frôle parfois l’impudeur, une démonstration de bienveillance et de tolérance certes sincère mais souvent à la gloire de l’auteur. Cela constitue peut-être la seule limite de cet exercice littéraire, pourtant bien mené.

Fanny LAUZIER.

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