Ce jeudi 1er juin dès l’aube, une joyeuse foule s’est réunie aux abords du Stade de France. De nombreux fans attendent avec impatience le concert de leur idole pop Harry Styles. Sous les couvertures de survie des plus courageux, sur place dès la veille, les tenues les plus extravagantes sont permises, à l’image du chanteur qui revendique sa bienveillance et son ouverture d’esprit. Si certains accusent ce dernier de s’approprier les codes de la culture queer pour vendre, ses fans affirment qu’il représente un véritable changement bénéfique des critères de masculinité.
Derrière les barrières qui les séparent de l’entrée, Marine et Marion se maquillent assises par terre. Les deux jeunes femmes de 19 et 23 ans sont là depuis six heures du matin. Elles racontent l’histoire qui les lie à leur idole : dès 2010, elles écoutaient les CD des One Direction dans leur chambre de jeunes adolescentes. Le boysband auquel appartenait Harry Styles se démarquait déjà par la bienveillance de ses paroles : « On regarde souvent avec mépris les groupes de fans féminins, elles passent pour des hystériques. Les One Direction ont réussi à former une grande communauté très forte, bienveillante et majoritairement féminine. On les aimait en tant que groupe, mais on aimait aussi chacun des membres pour leur personnalité« , témoigne Marine.
Autour d’elles, beaucoup de groupes se sont formés au gré des nouvelles rencontres. De nombreuses fans sont venues seules, persuadées qu’elles trouveraient des consœurs avec qui partager ce moment. C’est de cette manière que Linda et Morgane, 50 ans, se sont rencontrées. Ses deux fans de la première heure ont sympathisé dans la fil d’un concert et depuis elles parcourent le monde pour suivre leur idole ensemble. Linda affirme : « Nous sommes dans un monde régi par les hommes et Harry Styles est une figure qui permet de casser les codes. Il prône des valeurs de liberté et de respect qui sont importantes à transmettre. C’est comme cela qu’il a créé toute une sororité autour de lui ».
La majorité des personnes présentes ont grandi avec les One Direction et sont entrées dans l’âge adulte au rythme des chansons d’Harry Styles : une évolution au diapason qui renforce encore l’attachement. Pendant qu’elle peint de grands cœurs rouges sur une pancarte, Pauline, 18 ans, raconte : « Quand j’étais plus petite, j’aimais que le groupe parle des histoires d’amour entre adolescents. Aujourd’hui ce n’est plus ce que j’attends d’un artiste. Harry Styles évoque beaucoup les thèmes de la santé mentale dans ses chansons, et ça me parle« . Un discours qui évolue au rythme de son audience, et qui prend en compte des sujets de société comme le harcèlement, l’anxiété ou la dépression. En somme, Harry Styles se fait le porte-drapeau des luttes émergentes chez les adolescents en refusant de s’inscrire dans les stéréotypes de la masculinité.
« Pas besoin de faire partie de la communauté pour la soutenir »
Certains considèrent que les engagements d’Harry Styles ne sont qu’une manière de rester en vogue. Il est accusé de « queerbaiting« , une pratique marketing visant à tenter d’attirer les personnes de la communauté LGBT en reprenant leurs codes. Du côté des fans, c’est la levée de boucliers : Evan, 20 ans, dénonce ce qu’il considère comme les travers de sa communauté : « Je suis LGBT et pour autant je trouve que ces accusations sont injustes. Le propos de la lutte est de mettre fin aux cases qui définissent les êtres humains de manière arbitraire, et lorsque quelqu’un d’extérieur reprend ces principes ça déplaît. Ça n’a aucun sens« .
Quelques mètres plus loin, Juliette, 24 ans, continue à coller les strass multicolores sur son costume. Pour elle, les figures très médiatisées comme Harry Styles permettent de mettre en lumière les luttes féministes et LGBT : « Il remet en question ce que représente la masculinité et c’est comme ça qu’il participe à l’évolution des mentalités. Pas besoin de faire partie de la communauté pour la soutenir« . Devant le Stade de France, les avis sont dithyrambiques : cette icône contemporaine est positive et joyeuse, il ne faut pas chercher au-delà. Gwen, 20 ans, estime qu’une distance est nécessaire entre les artistes et le public : « Avec les réseaux sociaux, on essaye de faire coller nos idoles à nos idéaux, ce n’est pas sain. Je l’aime pour ce qu’il représente, au fond je ne sais pas ce qu’il est« .
Léa warrin