Opération séduction pour le RN et la Nupes dans la 3ème circonscription des Hauts-de-Seine

La 3ème circonscription des Hauts-de-Seine, un bastion qui vote traditionnellement à droite durant les législatives. (© Alyssia Gaoua)

La course aux législatives est lancée. Et dans une circonscription qui a tendance à voter à droite, le RN et la Nupes n’ont pas dit leur dernier mot et tentent de convaincre les indécis qu’un autre choix est possible les 12 et 19 juin prochains. 

Sous le grand dôme du marché des Vallées à la Garenne-Colombes (Haut-de Seine), les habitants sont plus prompts à négocier les prix des légumes qu’à discuter des législatives. « Tous des pourris », peste une passante. Et pourtant, le 12 et le 19 juin, les Français devront élire les députés qui siègeront à l’Assemblée nationale. Mais à quelques jours du scrutin, la campagne n’a pas l’air d’avoir totalement démarré.

Le 30 mai, la campagne des législatives est timidement lancée à la Garenne-Colombes. (© Alyssia Gaoua)

Dans la troisième circonscription des Hauts-de-Seine, les panneaux d’affichage sont encore vides. Dans le cas contraire, le duel se joue entre les candidats de droite, Aurélie Taquillain (Ensemble) et Philippe Juvin (LR). 

Dans cette circonscription, qui unit les cantons de la Garenne-Colombes, Bois-Colombes, Courbevoie-Nord et Courbevoie-Sud, le vote se situe traditionnellement à droite. Aux dernières législatives (2017), c’est LREM qui a remporté la circonscription sous la bannière de Christine Hennion. Avec 46,59% des voix au premier tour, la députée sortante a pu bénéficier du vote d’une population plutôt aisée composée majoritairement de cadres sup quadragénaires. Un résultat proche de l’abstention dans la circonscription : 44,40% au premier tour et plus de 50% au second. 

« C’est l’abstention qui va nous tuer »

Une des causes d’un tel taux d’abstention : le désintérêt des habitants pour ces élections. « Il faut aimer se prendre des vents », ironise Waleed Mouhali, élu EELV à la Garenne-Colombes et militant pour Sara Tij, la candidate investie par la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes). En ce matin de tractage à l’arrêt du T2 de Charlebourg, il essuie les refus des passants. Un phénomène symptomatique, selon lui, de la déception et de la lassitude envers les politiques, deux maux qui contaminent la conscience des électeurs. Une seule issue : « c’est l’abstention qui va nous tuer ».

Lors du tractage pour la candidate Sara Tij (Nupes), à la Garenne-Colombes, peu d’habitants acceptent les flyers. (© Alyssia Gaoua)

Agnès Laffite, candidate du Rassemblement national (RN), connaît la même difficulté : « On va essayer de toucher les abstentionnistes. Le pays se désintéresse de la politique. Je peux comprendre que les gens soient déçus mais il faut qu’ils sachent que si eux ne vont pas à la politique, la politique ira de toute manière à eux », avertit-elle.

Les législatives ont aussi moins d’intérêt que les autres élections aux yeux de la population. Pas assez « impliqués » au niveau local, les Altoséquanois de la troisième circonscription n’ont pas d’attentes précises pour les candidats aux législatives. « On a toujours voté, mais cette fois-ci, c’est moins important », analyse un retraité garennois, qui préfère rester anonyme. Son vote sera identique à celui de la présidentielle. « Nous avons un peu mis de côté les propositions locales : entre ce que propose le maire de la Garenne-Colombes (Philippe Juvin), et ce qu’on ressent chez nous, il y a une différence », poursuit-il. Son épouse et lui déplorent les immeubles qui ne cessent d’être construits – parfois au détriment d’espaces verts – et une ville de plus en plus peuplée. Sur les jeunes, ils portent un regard tout aussi critique. « On a l’impression que les jeunes sont moins intéressés par le vote », souligne la retraitée. Un choix qu’ils jugent « regrettable »

Autre raison : le peu d’informations sur les législatives. Nicolas Lacara a 34 ans. Réalisateur-scénariste, il vit et vote à Bois-Colombes depuis quatre ans. D’un point de vue local, il regrette le manque de communication autour des législatives, à tel point qu’il ne connaît pas le nom du candidat investi par son parti. «Je suis surpris de voir qu’on ne reçoit pas tous les programmes », ajoute-t-il. Adèle, la trentaine, professeure dans le Val d’Oise, soulève le même problème. « On n’est pas assez bien informé, il y a moins de sensibilisation : on a pas assez parlé des législatives », estime-t-elle. 

La droite en terrain conquis 

Le fait que les électeurs de la circonscription soient déjà convaincus par les candidats de droite peut également expliquer la lenteur du démarrage de la campagne. Demandez aux passants dans les rues de la Garenne-Colombes ou de Bois-Colombes quels sont les candidats dans le 92.3 et tous résumeront ces élections à deux personnes : Aurélie Taquillain et Philippe Juvin. Un scénario qui s’est déjà produit en 2017 avec d’autres candidats. «Même si on arrive au second tour, on a aucune réserve de voix : LREM appellera à voter LR, et LR votera LREM”, note Waleed Mouhali. La candidate LREM n’était d’ailleurs pas présente au débat sur France 3 Paris, une absence que ses homologues ont dénoncé en chœur sur Twitter.

Dans la 3ème circonscription des Hauts-de-Seine, le manque de communication sur la campagne fausse les choix des habitants. (© Alyssia Gaoua)

Pourquoi changer de bord quand il fait bon vivre dans la circonscription. Les habitants des trois communes semblent satisfaits. Claudie Thilloy, 80 ans, n’a pas encore totalement fait son choix : « Il y a de grandes chances pour que je sache pour qui je vais voter, mais on hésite tout de même », indique-t-elle. Garennoise depuis 70 ans, elle n’a pas beaucoup de reproches à faire à ses élus. Même les immeubles qui sortent de terre ne la dérangent pas. « Ils sont très jolis », commente-t-elle lorsqu’elle en parle. La seule chose dont elle pourrait se plaindre serait l’absence de métro entre Levallois-Perret et la Garenne-Colombes. « Mais on a beaucoup de transports autrement. Il y a le bus, c’est très bien », nuance-t-elle peu après. 

Andreia Barros, commerçante, partage le même avis. Elle a toujours voté pour les législatives. Plus soucieuse des enjeux locaux, elle demande tout de même aux candidats plus d’honnêteté, de « dire la vérité, de plus écouter les gens qui ont des besoins, qui veulent aider ». Mais elle ne souhaite qu’une chose : « que ça continue comme ça, on est très bien à la Garenne-Colombes ». « On ne peut rien dire, on a tout ce qu’il faut, je conseille à tout le monde », continue-t-elle. Pourtant, dans ses yeux, les larmes ne sont pas loin. L’émotion la gagne. Sans franchise et face à l’augmentation des loyers, Andreia n’a plus les moyens de maintenir son commerce.

Même s’il fait « bon vivre » dans cette région des Hauts-de-Seine, les loyers en constante augmentation poussent des franciliens à quitter la commune. (© Alyssia Gaoua)

Elle devra bientôt céder son magasin, pour s’installer ailleurs. Elle ignore encore où.

Sa fille a déjà vendu son studio garennois pour acheter un deux pièces dans une autre commune des Hauts-de-Seine. A-t-elle remarqué d’autres changements ? « Ce n’est pas comme avant…», élude-t-elle. Elle n’en dira pas plus.

Nupes et RN : battus mais pas abattus 

Claudie aussi a pu observer les changements dans sa ville. « Il n’y a pas beaucoup de commerçants, ils essaient de venir… Moi j’ai connu la Garenne il y a 40,50 ans, et il y avait plein de commerçants, ça marchait bien », se souvient-elle, « ça a beaucoup augmenté, c’est très prisé, même mes enfants sont partis vers Colombes »

Si Emmanuel Macron est arrivé en tête des scores, c’est Jean-Luc Mélenchon qui s’est hissé à la seconde place, avec près de 20% des voix, à la présidentielle. Un témoignage des mutations électorales dans cette circonscription où la droite semble déjà l’avoir remportée. « Le territoire est en train de changer », constate Waleed. Un résultat qui s’explique aussi par la diversité de la population : la circonscription abrite beaucoup de cadres mais également une classe moyenne basse, en quête de programme social et écologique, à l’image de Nicolas ou d’Adèle. Mais ces derniers « sont trop peu nombreux pour peser sur le vote », souligne l’élu. 

Malgré tout, Nupes a senti le vent tourner et s’est engagé dans la brèche, tentant de changer les habitudes de vote.  Entre la finale de la Ligue des Champions et une rencontre avec Caroline de Haas diffusée sur Twitch, Sara Tij multiplie les réunions publiques et s’affiche sur le terrain; Pour Adèle, le choix était « plutôt facile ». Elle qui « veut être entendue sur des questions sociales et écologiques » va suivre la ligne directrice de la présidentielle, où elle avait voté Mélenchon, et voter Nupes le 12 juin prochain. « J’aimerais bien que les idées soient plus tournées vers le social et l’éducation », justifie-t-elle. Nicolas quant à lui votera pour la première fois aux législatives. « Je crois qu’il y a une urgence politique : c’est le moment, et n’importe quelle voix compte », déclare-t-il. Il s’est même étonné de « la mobilisation surprenante » pour ces élections. 

A l’autre extrémité du spectre politique, tout aussi est mis en œuvre pour tenter de séduire les électeurs. Malgré une campagne « très difficile », Agnès Laffite veut « faire barrage à l’abstention ». Et de continuer : « le département des Hauts-de-Seine n’est pas trop favorable au RN, même s’il y a une progression des voix depuis 2017 ». Si la droite semble croire en sa victoire, dans la troisième circonscription des Hauts-de-Seine, la gauche et l’extrême-droite n’ont pas encore rendu les armes.

Danaé Piazza et Alyssia Gaoua

Catalogne: L’arrestation de Puigdemont fragilise les négociations

Après plus de 1400 jours en exil, l’ex président de Catalogne et eurodéputé Carles Puigdemont a été arrêté ce jeudi par les autorités italiennes. Un raz-de-marée qui divise la scène politique espagnole, et met en danger la récente reprise des négociations entre l’autorité centrale et le gouvernement régional catalan.

« Quand on vous tend la main d’un côté, et qu’on vous met une claque de l’autre, comment voulez-vous avoir confiance ? » réagit avec colère Daniel Camós, délégué du gouvernement de Catalogne en France, à l’évocation de l’arrestation de l’ex-président de la région autonome Carles Puigdemont, par les autorités italiennes ce jeudi soir. Il se rendait en Sardaigne dans le cadre d’un festival culturel catalan.

« Double discours », « assez de répression »: Cette arrestation ravive les passions en Catalogne. Alors que quelques quatre cents personnes manifestent depuis 9h ce matin devant le consulat italien à Barcelone, cet événement remet en cause le récent réchauffement des relations entre le pouvoir central et régional. Accusé de détournement de fonds publics, de sécession… Carles Puigdemont fuyait l’Espagne depuis l’organisation du référendum d’indépendance qui avait agité le pays en 2017

Le contexte n’est pas anodin : l’arrestation de l’ex-président de Catalogne intervient une semaine après la table ronde entre le chef du gouvernement central Pedro Sanchez et le gouverneur régional de Catalogne Pere Aragonès, le 15 septembre. Les deux élus en avaient chacun dressé un bilan en demi-teinte. « Nos positions sont très éloignées, mais nous avons convenu que le dialogue est la meilleure façon d’avancer », avait déclaré le chef de l’Etat. Mais pour tous, un seul objectif : essayer de sortir de cette crise politique latente depuis dix ans.

Pour Daniel Camós, l’arrestation de Carles Puigdemont brise ce nouvel élan. « Il faut que tout le monde se mette d’accord pour arrêter de judiciariser la politique ! », exhorte le délégué du Gouvernement catalan. Sans vouloir prédire le futur des négociations entre autorités centrale et régionale, il explique au Celsalab « que l’essentiel dans un dialogue est de construire un lien de confiance, et que ce lien est maintenant fragilisé. » Car selon lui, aucun doute : cette arrestation « est illégale,» le mandat d’arrêt européen à l’encontre de Carles Puigdemont étant suspendu, d’après lui, depuis le 30 juillet.

A cette date, la Cour de Justice de l’Union européenne a confirmé à la demande de l’Espagne la levée de l’immunité parlementaire de l’ex-président de Catalogne, qui en bénéficiait depuis son élection comme eurodéputé en 2019. Cette décision fait depuis l’objet d’un recours.

« Certains juges nationaux disent que le mandat d’arrêt de 2017 était inactif depuis 2019, que l’immunité a été levée car Puigdemont ne risquait rien », détaille au Celsalab Maria-Elisa Alonso, politologue et spécialiste des questions liées à l’organisation des partis politiques espagnoles. Il n’a d’ailleurs pas été inquiété lors de ses allers-retours en France, ou en Suisse cet été. « D’autres disent que le mandat ne s’était pas arrêté, chacun a sa propre interprétation, » poursuit Maria-Elisa Alonso. « Personne ne sait ce qu’il en est, il faut attendre la réponse de l’Union Européenne et des tribunaux italiens, très à cheval sur le délit de sécession ».

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Un seul constat fait l’unanimité : la fin du conflit entre pouvoir central et indépendantistes n’est pas pour bientôt. « La politique peut parfois être irrationnelle », décrypte David Baez, professeur de droit constitutionnel espagnol à l’Université Catholique de Lille. « Les indépendantistes vont devoir suivre leur électorat, pour qui Puigdemont est une figure très importante, et qui verra surement d’un mauvais œil la reprise du dialogue diplomatique. » Mais pour lui, si le gouvernement régional catalan est honnête, il doit comprendre « que c’est une affaire aux mains des juges, que le gouvernement central ne peut rien faire. »

Pere Aragonès, qui exigeait « la libération immédiate du président Puigdemont », a été entendu : sans pouvoir quitter la Sardaigne, ce dernier a été relâché cette après-midi. Le chef de l’Etat Pedro Sanchez a formulé pour sa part un nouvel appel au dialogue. Un dialogue « aujourd’hui plus nécessaire que jamais », pour que « la Catalogne puisse surmonter le traumatisme de 2017 », selon ses mots.

Charlotte de Frémont 

Elections fédérales allemandes : comment fonctionne le mode de scrutin ?

Scrutin uninominal ou proportionnel, coalition des partis, élection du chancelier… On vous explique comment marchent les élections fédérales en Allemagne qui auront lieu le 26 septembre prochain.

© Maheshkumar Painam

Angela Merkel s’apprête à tirer sa révérence après seize années passées à la tête de l’Allemagne. Le 26 septembre prochain, les Allemands se rendront donc aux urnes pour élire un nouveau chancelier ou une nouvelle chancelière à la tête de leur pays ainsi que de nouveaux députés. Mais, comment ça marche, les élections allemandes ? Explications.

Commençons par les bases. La République fédérale d’Allemagne est un Etat organisé en démocratie parlementaire et composé de 16 Länder, c’est-à-dire des Etats fédéraux. Le pays est ainsi dirigé par un chancelier fédéral. Le pouvoir législatif outre-Rhin est, comme en France, exercé par deux assemblées : le Bundesrat et le Bundestag.

Pour qui s’apprêtent à voter les électeurs en Allemagne ? Ils éliront dimanche les députés du Bundestag, l’équivalent de l’Assemblée nationale en France, pour une législature de quatre ans au scrutin uninominal et proportionnel par compensation. Was ?

Deux voix pour un bulletin

Les législatives allemandes, c’est deux voix pour un bulletin : le jour du scrutin, l’électeur allemand coche donc deux cases. Dans la colonne de gauche, il doit choisir un candidat qui se présente dans sa circonscription. Celui qui arrive en tête remporte nécessairement un siège au Parlement fédéral, le Bundestag, donc. C’est la moitié des représentants allemands qui sont élus par cette voix, dite majoritaire.

Colonne de droite à présent : avec sa seconde voix, l’électeur vote cette fois-ci pour le parti de son choix avec une liste prédéfinie. Il s’agit de la même pour tout le pays. La tête de file est alors appelée à devenir chancelier ou chancelière et c’est une règle de proportionnalité qui détermine la part de sièges qui revient à chaque parti. Achtung : seuls les partis obtenant plus de 5% des suffrages à l’échelle nationale peuvent faire entrer leurs députés au Bundestag.

Coalition nécessaire

Pour gouverner, un parti doit nécessairement avoir plus de la moitié des sièges au Parlement. Mais le mode de scrutin allemand rend la chose improbable : c’est pour cela que les partis arrivés en tête des élections doivent s’allier avec un ou plusieurs autres partis. C’est ce qu’on appelle une coalition.

Les partis politiques allemands ont deux mois pour parvenir à s’entendre à compter de la date des élections. S’ils n’y parviennent pas, les élections sont annulées, s’ensuivent alors de nouvelles élections. Lorsqu’ils y arrivent, ils doivent alors s’entendre pour désigner le futur chancelier. Ce dernier se présente alors devant le nouveau Bundestag qui doit l’élire officiellement.

Qui pour succéder à Mutti (comme les citoyens allemands prénomment Angela Merkel) ? Si les sociaux-démocrates d’Olaf Scholz sont donnés gagnants dans les sondages, ils devront former une coalition avec d’autres partis. Et si une alliance avec les écologistes est plus que probable, les deux partis auront sans doute à s’unir à un autre pour obtenir une majorité. Ce serait alors la première fois en Allemagne que trois partis doivent former un gouvernement.

Lola Dhers

Parcoursup : « Le problème n’est pas qu’algorithmique, il est aussi politique »

Des milliers de candidatures « en attente », des jeunes stressés, un manque de place dans les formations… Les résultats d’admissions aux 17 000 offres post-bac proposées sur la plateforme Parcoursup ont commencé à tomber jeudi 27 mai 2021. Le marathon se poursuit jusqu’au 16 juillet.

"Le problème de base sur Parcoursup, c'est qu'il n'y a pas passez de place pour accuillir tout le monde", explique Camille Coti, maîtresse de conférences spécialisée en calcul à hautes performances.
« Le problème de base sur Parcoursup, c’est qu’il n’y a pas assez de places pour accueillir tout le monde », explique Camille Coti, maîtresse de conférences spécialisée en calcul à hautes performances.© Nolwenn Autret

Sur Admission Post-Bac (APB), les choix étaient hiérarchisés. Les candidats classaient leurs vœux. Sur Parcoursup, succédant à son homologue en janvier 2018, ce n’est plus le cas. Cette décision, Camille Coti, maîtresse de conférences spécialisée en calcul à hautes performances, l’explique par « une volonté d’introduire plus d’interventions humaines dans les étapes de sélection des candidats ». Le but ? Un choix plus juste et moins automatisé pour un minimum de stress généré.

L’algorithme des mariages mixtes 

« Un algorithme, c’est une suite d’instructions qu’un ordinateur va exécuter », explique Camille Coti. Celui de Parcoursup se base sur deux suites de calculs, appelé l’algorithme des mariages mixtes : l’algorithme global et les algorithmes locaux. Le premier vient faire l’appareillement entre les seconds. C’est dans ces algorithmes locaux que peut intervenir le facteur humain.

Chaque formation définit des coefficients en fonction de l’importance de certains critères. Olivier Ertzscheid est professeur à l’institut universitaire de technologie (IUT) de la Roche sur Yon au département Information et communication. Pour soixante places, il a reçu près de 700 dossiers complets. Le premier critère, choisi par l’établissement, se base sur les moyennes générales obtenues en classe de première et de terminale. Le deuxième se concentre sur les appréciations des bulletins scolaires. Le troisième se focalise sur le CV, la lettre de motivation et la présentation d’un projet professionnel. Enfin, le dernier élément concerne un compte-rendu d’entretien avec un professionnel.

Les professeurs interviennent donc dans l’algorithme lorsqu’ils définissent le seuil des moyennes ainsi que sur l’appréciation des motivations du candidat. L’enseignant déplore la non-intégration de la hiérarchisation des vœux : « Cet algorithme, si on le déploie sans prendre en compte la hiérarchisation, complexifie l’attribution des vœux et le processus de sélection. C’est paradoxal pour un algorithme. »

Une plateforme faisant débat 

Les avis sur le sujet divergent. Olivier Ertzscheid juge l’interface « catastrophique ». Un enseignant en techniques de commercialisation dans un IUT breton, préférant rester anonyme, se dit satisfait de l’algorithme de Parcoursup puisqu’« il est possible pour les enseignants de le paramétrer comme ils le souhaitent ». Ce professeur est néanmoins conscient des progrès restant à faire, notamment concernant la réforme du baccalauréat et les moyennes des élèves selon leurs spécialités.

Pour Lou, lycéenne en terminale dans un lycée à Vannes (56) « les écoles regardent beaucoup le classement dans la classe. Mais tout dépend dans quelle classe tu tombes, avec quel niveau. Je trouve que ce n’est pas trop représentatif ». Elle attend toujours une réponse définitive après avoir candidaté à huit licences et IUT en Info Comm. Avec 15 de moyenne générale, elle se situe au milieu des autres élèves de sa classe. Un classement qui aurait pu être totalement différent parmi d’autres camarades.

« Les enseignants ont dû prendre sur leurs vacances pour faire le recrutement »

Parcoursup permet aux jeunes de choisir plusieurs vœux. Afin de maximiser leurs chances d’être reçus dans un établissement correspondant à la formation de leur choix, leurs professeurs les encouragent à postuler à un maximum de formations. Dans l’IUT de Bretagne, précédemment mentionné, près de 4 000 dossiers complets ont été reçus cette année contre près de 3 000 en 2020 pour 112 places.

Plus de candidatures signifie plus de travail. « Les enseignants ont dû prendre sur leurs vacances pour faire le recrutement », témoigne le professeur breton. Même s’il atteste que l’équipe pédagogique continue d’accorder autant d’importance à la présence humaine dans la sélection des dossiers, Olivier Ertzscheid est plus sceptique. « Les algorithmes locaux sont totalement opaques. Certaines filières comme Polytechnique ne regardent même plus les CV et les lettres de motivation car ils ont trop de demandes. Ils regardent juste les moyennes statistiques. Je suis remonté contre ce système politique de l’Etat qui est d’atomiser le processus de recrutement. Les recruteurs les plus motivés sont en train de se demander si faire un pré-tri par moyenne et basta, ne serait pas la meilleure solution… »

Il ajoute que l’intérêt du recrutement sans algorithme, « c’est qu’on avait du temps sur chaque dossier et que dans ce système sélectif, chacun avait les mêmes chances au départ ».

« Certaines filières comme Polytechnique ne regardent même plus les CV et les lettres de motivation car ils ont trop de demandes », atteste Olivier Ertzscheid.© Gerd Altmann

Une dimension politique 

L’enjeu de la réussite de la plateforme est crucial. Il s’agit de l’orientation de 931 000 candidats qui est en jeu. « L’algorithme de Parcoursup est très important car il est déterminant dans la vie de beaucoup de gens. Il ne faut pas qu’il y ait de bugs. Il existe des filières sous tension, mais le problème n’est pas qu’algorithmique, il est aussi politique. On se focalise trop sur Parcoursup, mais ce n’est pas le seul coupable », avance Camille Coti. « Le gouvernement pourrait se servir des milliers de données récoltés sur cette classe d’âge de la population pour ajuster les formations. Il n’en fait rien », complète Olivier Ertzscheid.

Lou, pour sa part reste confiante. « J’arrive à relativiser. Si je ne trouve rien, je sais que je me débrouillerai. Je ferai un service civique ou je partirai voyager. Une chose est sûre, je ne veux pas ne rien faire », lance-t-elle avec conviction.

Nolwenn Autret