Le lobby des armes se rallie à Trump : quel impact sur l’élection ?

Donald_Trump

En lice pour les élections présidentielles américaines, Donald Trump a reçu ce week-end le soutien du lobby pro-armes à feu le plus puissant des États-Unis : lors de sa convention annuelle, la National Rifle Association (NRA), très active dans la société américaine, a appelé ses adhérents à voter pour le candidat à la primaire républicaine. L’impact de ce ralliement, qui ne sera réellement connu que le jour de l’élection, ne doit toutefois pas être surestimé.

Donald Trump ne cache pas être favorable au port d’armes. On se souvient qu’après les attentats du 13 novembre en France, il avait affirmé que les choses se seraient passées différemment si les victimes avaient été armées :

Aussi, la déclaration de soutien de la NRA n’a-t-elle rien d’inattendu.
« Ce n’est absolument pas une surprise. Dans un système à un seul tour et dans la mesure où Hilary Clinton a pris une position favorable à un meilleur contrôle des armes, il était évident que la NRA allait apporter son soutien à Trump », confirme Vincent Michelot, professeur d’histoire politique à Sciences po Lyon, spécialiste des États-Unis.
L’association des détenteurs d’armes prend systématiquement position pour un candidat ou contre un autre, lors des élections présidentielles mais également législatives, sénatoriales, locales, ou encore lors de l’élection des magistrats fédéraux. Son soutien n’est pas seulement oral, il est aussi financier : si la loi lui interdit de financer directement une campagne, la NRA peut tout de même lever des fonds pour son candidat et lui faire de la publicité. Vincent Michelot explique ainsi que lorsque la NRA cible un sénateur à l’opposé de ses convictions, sa stratégie est d’assister la campagne de l’adversaire de ce sénateur, afin « d’obtenir le scalp » de ce dernier.
Association créée en 1871, consacrée d’abord principalement aux sports de tirs, la NRA est peu à peu devenue un puissant lobby politique (dont Barack Obama a dénoncé par exemple « l’emprise extrêmement forte » sur le Congrès, en juin 2015), qui revendique aujourd’hui cinq millions d’adhérents : assez pour faire basculer une élection ? Certains n’hésitent pas à qualifier l’association de « faiseur de roi », soulignant la victoire de Ronald Reagan en 1980. Mais Barack Obama, explicitement opposé au port d’armes, a bien été élu en 2008 puis réélu en 2012 : ses adversaires, John McCain puis Mitt Romney ont, eux, échoué malgré le soutien de la NRA.
Pour Vincent Michelot, ce soutien ne devrait donc pas avoir une grande influence dans l’élection à venir. Des sondages réalisés à la sortie des urnes visent à mesurer les priorités des électeurs, or le port d’armes n’en fait pas partie : « Chaque fois, l’économie et l’emploi sont en tête des sondages. La question du port d’armes ou non ne va pas faire se déplacer des milliers d’électeurs. C’est une question trop microscopique pour faire pencher la balance au niveau national ».

Au niveau des États en revanche, il n’est pas impossible que le soutien de la NRA joue un rôle par endroits, comme dans le Vermont ou en Virginie occidentale, où les chasseurs sont nombreux. Mais pour les États décisifs lors de l’élection, comme la Floride, ce ralliement à Donald Trump ne devrait pas faire de différence.
Pour Vincent Michelot donc, « il faut ramener les choses aux proportions. Si le lobbying est efficace, c’est dans le blocage des propositions de loi visant à restreindre la circulation des armes. Après chaque massacre, on voit bien que la législation n’a jamais évolué. Là, il y a une vraie efficacité ».
Pour l’élection présidentielle par contre, le ralliement de la NRA à Trump ne suffira donc pas à lui assurer une victoire. Il n’a en tout cas pas manqué de faire réagir sur les réseaux sociaux :

Richard Duclos

En France, les Américains préfèrent Bernie Sanders

A l'étranger, les démocrates ont massivement voté pour Bernie Sanders (Phil-Roeder. Flickr-Creative Commons)
A l’étranger, les démocrates ont massivement voté pour Bernie Sanders (Phil-Roeder. Flickr-Creative Commons)

Les Américains démocrates installés en France n’ont qu’un nom en tête pour la course à la Maison Blanche : Bernie Sanders. Le 4 mars, 2 800 Américains avaient fait entendre leurs voix dans les primaires par le biais de l’association Democrats Abroad, qui représente le parti à l’étranger. Bernie Sanders l’a largement emporté avec 63 % des votes contre 36 % pour sa rivale, Hillary Clinton.

Entre 4 et 7 millions d’Américains vivent à l’étranger. Côté démocrates, certains électeurs votent à distance dans leur État d’origine, mais les membres de Democrats Abroad, eux, représentent un 51e État à part entière, comme la Floride ou le Texas. « À l’issue des scrutins organisés entre le 1er et le 8 mars dans plus de 170 pays où nous sommes présents, nous élirons 17 délégués, qui seront à la Convention nationale », explique Joseph Smallhoover, président de Democrats Abroad France. Côté républicains, les Américains de l’étranger votent tous dans le dernier État où ils ont été inscrits.

L’influence du socialisme français

« Les membres de Democrats Abroad sont souvent des personnes installées en France depuis vingt ou trente ans », explique Jean Eric Branaa, maître de conférences à l’université Paris II Panthéon-Assas et spécialiste de la politique américaine.  » Ils connaissent depuis des années la sécurité sociale pour tous et l’école gratuite. Pour eux, Bernie Sanders, c’est le candidat qui introduit ces idées dans leurs pays d’origine. »

Lire aussi : « Sanders, candidat le plus radical depuis Jesse Jackson »  sur LeMonde.fr

Il y a 30 ans, Kathleen Higgins Sanchez posait ses valises en France. Originaire du Minnesota, cette chercheuse en sciences de 55 ans n’a pas hésité une seule seconde avant de voter pour Bernie Sanders. « Je vois les choses différemment des gens qui n’ont jamais quitté les États-Unis. J’ai déjà connu des politiques socialistes et j’en ai vu les bénéfices », explique t-elle.  » Je n’ai plus peur du mot socialisme ». Julia Edward est arrivée en France il y a six mois pour travailler comme jeune fille au pair. Comme beaucoup d’autres étudiants, la jeune femme de 18 ans soutenait déjà activement le candidat avant son départ. «  Maintenant, je suis totalement convaincue. J’ai pu voir que le socialisme fonctionne et je suis sûre que certaines politiques peuvent être facilement instaurées aux États-Unis », témoigne-t-elle. Parmi les promesses préférées des Américains installés dans l’Hexagone : la réforme des impôts et de l’éducation, une refonte du droit du travail ou encore une politique étrangère pacifiste.

Lire aussi : J-231 : des violences à répétition lors des meetings de Donald Trump sur LeMonde.fr

La nouveauté contre l’establishment

A 48 ans, Elizabeth Schub Kamir a aussi donné sa voix à Bernie Sanders, malgré son envie de voir une femme à la tête des États-Unis. « Hillary Clinton a des idées trop conservatrices, surtout en matière d’affaires étrangères », confie la professeure à l’école internationale de création audiovisuelle et de réalisation. À l’inverse, c’est l’expérience de l’ancienne Première dame qui a séduit Suzy Glespen. «  Ça fait vingt ans que je soutiens Hillary Clinton. Elle a la maturité et l’expérience suffisante pour diriger le pays « , affirme la femme de 65 ans. « Elle a été sénatrice et a mené avec brio son mandat de secrétaire d’État. C’est certain qu’elle saura mener à bien ses projets à Washington. »

 » Clinton représente l’establishment américain que les expatriés ont parfois fui « , analyse Jean-Eric Branaa. « Pour autant, elle est appréciée et ceux qui ont voté Sanders sauront se mobiliser derrière elle le moment venu. »

Qu’ils aient voté Sanders ou Clinton, tous refusent de voir Donald Trump accéder à la présidence des États-Unis. « Les Américains à l’étranger ont plus à cœur que quiconque l’image de leur pays. Sanders a une bonne réputation et renvoie une image positive des États-Unis. A l’inverse, ils ont honte de Trump comme ils avaient eu honte de Bush père », résume le politologue. « Le succès de Trump n’aide pas à améliorer notre image », s’agace Elizabeth Schub Kamir.

À l’échelle mondiale, l’ancien sénateur du Vermont obtient 69 % des suffrages, soit environ 23 700 voix sur 34 500. L’influence du vote des Américains de l’étranger reste donc minime de part l’avance accumulée par Hillary Clinton. « Il n’y aura pas d’influence mathématique mais Sanders pourra au moins se vanter d’avoir su capter cet électorat particulier », conclut Jean-Eric Branaa.

Lire aussi :   Elections américaines : la campagne du tout est permis (de dire) sur LeMonde.fr

Cyrielle Cabot

Article initialement publié sur le Monde.fr le 21/03/2016

Le référendum de Notre-Dame-des-Landes est-il légal ?

François Hollande a annoncé le 11 février la mise en place d’un référendum d’ici au mois d’octobre pour connaître l’avis de la population sur le dossier brûlant de Notre-Dame des Landes. Or, le référendum, local, concerne un projet national. De quoi douter de la légalité du projet. 

Loïc Venance/AFP
Loïc Venance/AFP

« A un moment, il faut prendre une décision. D’ici le mois d’octobre, je demande au gouvernement d’organiser un référendum local pour savoir exactement ce que veut la population. » Ce sont les mots prononcés par François Hollande sur TF1 et France 2 le 11 février, en réponse à la question de David Pujadas : où en est le dossier de Notre-Dame des Landes ? D’ici à octobre, la question devrait donc être posée aux électeurs des régions Pays-de-la-Loire et sans doute en Bretagne également. Oui ou non : une réponse simple à un dossier fort complexe, qui au-delà de l’avis du peuple, offre plusieurs scénarios possibles.

Si l’annonce est intervenue ce jeudi dans la soirée, de nombreux rebondissements ont relancé le sujet ce vendredi. De grandes questions restent en suspens et l’une d’elles fait tâche : ce projet de référendum est-il vraiment légal ? « Non » répond Me Arnaud Gossement, avocat à Paris et également docteur en droit à la Sorbonne. Dans une tribune publiée sur le site Mediapart, il explique clairement que la dimension nationale propre à ce projet d’aéroport s’oppose au questionnement des collectivités locales.

La question de droit est donc de savoir si un référendum local peut être organisé pour permettre à la population de trancher l’avenir du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. A notre sens, le droit actuel ne le permet pas. (…) L’aéroport de Notre-Dame des Landes étant un projet d’intérêt national qui a déjà été autorisé, il ne peut faire l’objet de cette procédure, à supposer que celle-ci soit définitivement créée. 

Il cite notamment l’article LO.1112-1 du code général des collectivités territoriales, selon lequel, précise-t-il sur Mediapart, « une collectivité territoriale ne peut pas soumettre à référendum un projet de délibération qui ne relève pas de sa compétence. » Et cette compétence, ce pouvoir décisionnel, les régions de l’Ouest ne l’ont pas selon lui. L’aéroport du Grand Ouest resterait donc un projet d’ordre national. Retrouvez également son interview sur France Info. 

Même son de cloches du côté de certains médias. Les Echos rappellent notamment que les référendums locaux viennent directement de la réforme constitutionnelle sur la décentralisation, qui date de mars 2003. Encore une fois, il est indiqué que ce type de scrutin ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une affaire concernant uniquement la collectivité. A référendum local, contexte local. En attendant, le président français n’a pas réagi à ces remarques portant sur la légalité du référendum.

Margaux Malinge

De quoi l’égalité réelle est-elle le nom ?

Le président de la République a annoncé hier le remaniement du gouvernement. Trois ministres s’en vont, tandis que huit nouveaux ministres ou secrétaires d’État font leur entrée. Parmi eux, Ericka Bareigts, en charge du mystérieux secrétariat d’État à l’égalité réelle.

La députée de la Réunion Ericka Bareigts a été nommée secrétaire d'Etat à l'égalité réelle (Photo AFP)
La députée de la Réunion Ericka Bareigts a été nommée secrétaire d’État à l’égalité réelle (Photo AFP)

« Un ministre en charge de l’égalité réelle ? La prochaine fois on fera l’égalité supposée ? » s’indigne sur Twitter Jérémy Kreins, l’ancien directeur du cabinet de Nicolas Sarkozy. Sur les réseaux sociaux, l’intitulé du nouveau secrétariat d’État d’Ericka Bareigts interroge.

Du côté du service presse de Matignon, on indique n’avoir aucune « idée ni renseignement » à donner concernant les prérogatives dudit secrétariat d’État. « Il est encore trop tôt pour le dire », répète-t-on.

Un secrétariat d’État pour l’égalité réelle des Outre-Mer ?

« Je véhicule aussi une fierté réunionnaise, c’est important de se souvenir qu’on représente aussi une population », insistait Ericka Bareigts hier soir sur Réunion Première.

Dans les territoires d’Outre-Mer où le chômage bat des records, le Conseil représentatif des Français d’Outre-Mer se félicite de sa nomination, estimant qu’elle permettra une accélération « de la mise en œuvre des projets en meilleure adéquation avec les attentes des populations ultramarines dans les Outre-Mer comme dans l’hexagone.» L’intitulé du poste rappelle d’ailleurs le plan pour « l’égalité réelle entre les outre-mer et l’Hexagone« , confié à l’ancien ministre Victorin Lurel en juin 2015.

Fonctions « interministérielles », de l’emploi, à la religion, aux Outre-Mer

Un secrétariat d’État pour l’égalité réelle des Outre-Mer ? Pas vraiment. « Ça n’est pas l’égalité réelle pour les Réunionnais, c’est l’égalité réelle pour la France », expliquait hier soir Ericka Bareigts, défendant son objectif de « faire en sorte que nous puissions avoir l’égalité, quelle que soit notre origine sociale, notre race, notre couleur ou notre religion. »

« Cette nomination est aussi une reconnaissance de l’engagement politique des femmes », a par ailleurs déclaré la désormais ex-députée de l’île. Le terme est d’ailleurs aussi connoté égalité homme femme : l’année dernière, Marisol Touraine et Pascale Boistard avait porté la loi « sur l’égalité réelle entre les hommes et les femmes »

« Si c’était cohérent, la notion d’égalité homme-femme devrait être comprise dans ce secrétariat d’État », estime Marie-Laure Fages, chargée d’enseignement en droit public à Paris I et auteure de « Egalité-Parité, une nouvelle approche de la démocratie ? ». « Il s’agit d’un ministère transversal, qui devra être la plaque tournante et fédérer les différentes compétences contenues dans les autres ministères », résume la chercheuse, joint par CelsaLab.

En effet, Ericka Bareigts est rattachée au Premier ministre. Et qui dit secrétaire d’État au Premier ministre, dit fonctions interministérielles. Ericka Bareigts prend en main un poste d’envergure nationale, pas cantonné à l’ultramarin, et dont les prérogatives pourront donc aller de l’emploi à la religion en passant par l’égalité homme-femme.

Un clin d’œil à la gauche de la gauche

« Le terme « égalité réelle » a été utilisé pour la première fois par Condorcet en 1793. Par opposition à l’égalité « formelle » en droit, l’égalité réelle s’attaque au freins qui empêchent deux citoyens d’être égaux, alors même qu’ils le sont juridiquement », explique Marie-Laure Fages.

« Généralement, le terme renvoie à la notion de discrimination positive », relève Laurent de Boissieu, spécialiste politique et journaliste à La Croix, contacté par CelsaLab. « Même si je ne pense pas que François Hollande aille jusque là, c’est un signe certain à la gauche de la gauche », analyse-t-il.

En 2010, Benoit Hamon avait concocté un texte pour « l’égalité réelle ». Le texte, balayant des sujets aussi vastes que l’éducation, le logement ou la fiscalité, avait reçu le soutien de Martine Aubry. Récemment, le terme a même fait l’objet d’un plaidoyer sur le blog de Jean-Luc Mélenchon. De quoi donner du grain à moudre à ceux qui voient dans le remaniement un moyen de flatter tout le monde en vue de 2017.

Retour sur le parcours d’Ericka Bareigts :


Marine Brossard