Les fonctionnaires de santé dénoncent des « conditions de travail intenables »

Baisse des effectifs, blocage des salaires, regroupement des hôpitaux : les soignants se sont rassemblés ce mardi 10 octobre pour protester contre les mesures gouvernementales sur la fonction publique. Pour la première fois depuis une dizaine d’années, l’ensemble des syndicats de la santé ont marché côte à côte.

« On veut des sous et du personnel ! », lance Catherine, puéricultrice à l’hôpital Necker à Paris. « Nos conditions de travail sont devenues intenables, nous travaillons trop souvent sur nos jours de repos », ajoute Johanna, sa collègue. En grève, elles sont venues toutes les deux manifester ce mardi 10 octobre contre les mesures annoncées par le gouvernement. Pour la première fois depuis la loi Bachelot en 2009, une dizaine de syndicats de praticiens hospitaliers s’unissent pour battre le pavé ensemble.

« Mon salaire n’a pas bougé depuis dix ans »

Aux alentours de 14 heures, la place de la République se remplit doucement. Les blouses blanches se rassemblent, sortent les pancartes d’un camion à l’effigie du syndicat Sud Solidaires. Sur l’une d’entre elles est inscrit, en lettres capitales, « L’hôpital n’est pas une entreprise ». Patrick, 55 ans, distribue les tracts aux passants. « C’est pour les générations futures que je suis là aujourd’hui, lâche cet agent logistique. Les salaires sont bloqués, les CDD ne sont pas titularisés… Entrer dans la fonction publique aujourd’hui, c’est devenu tellement plus compliqué ».

Patrick, 55 ans, agent logistique, tracte sur la place de la République avant le début de la manifestation. (L.D)

Patrick pointe du doigt les plans d’austérité successifs, le regroupement des hôpitaux qui « signe la mort de l’hôpital de proximité ». Il engage la conversation dès qu’il le peut avec les passants, aux abords de la place. « Les horaires de travail ne sont plus respectés. Mon salaire n’a pas augmenté depuis dix ans. Nous ne sommes pas responsables de la dette, que le gouvernement aille chercher l’argent ailleurs », poursuit Patrick.

La crainte de la privatisation

Médecins, pharmaciens, dentistes, personnels paramédicaux et employés administratifs sont présents dans le cortège. Tous sont concernés par le gel du point d’indice et le rétablissement du jour de carence qui n’indemnise plus le premier jour de congé maladie. Les soignants s’inquiètent d’une baisse de leur pouvoir d’achat, mais ils sont nombreux à demander, en priorité, des conditions de travail décentes. « Nous voulons dire stop à la baisse des effectifs et à la privatisation de la santé. La question des salaires est importante mais elle reste secondaire », estime Marie-Christine, ancienne cadre de santé à Meaux et déléguée syndicale des fonctionnaires autonomes (FGAF).

L’hôpital dans lequel elle travaillait, à Meaux, est déjà en fusion avec d’autres établissements de santé. « On en voit déjà les effets, assure Marie-Christine. Au mois d’août, 40 postes d’ASH (assistantes de soin, NDLR) ont été supprimés. Le gouvernement compte sur notre bonne volonté. Ce n’est plus tenable. »

Parmi les soignants qui manifestent, le secteur public, davantage représenté, n’est pas seul. « Une convergence des revendications est possible avec le privé, mais n’oublions pas qu’ils n’ont ni les mêmes moyens, ni les mêmes salaires », commente Catherine.

 

Léa DUPERRIN

Grève des fonctionnaires : les raisons de la colère

Hospitaliers, enseignants, policiers, cheminots : ce mardi 10 octobre, neuf syndicats de la fonction publique appellent à la grève. Pour la première fois depuis 2007, ils sont parvenus à se mettre d’accord pour une manifestation commune. Retour sur les enjeux de la mobilisation.

Le gel du point d’indice

« En 2018, il n’y aura pas d’augmentation du point d’indice, déclarait en juin Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics. Cela ne veut pas dire qu’il n’y en aura pas pendant tout le quinquennat ». Cette déclaration avait immédiatement suscité la colère des fonctionnaires. Une telle décision traduisant, selon certains syndicats, la baisse du pouvoir d’achat pour les salariés concernés. Une mesure « aussi injuste qu’inefficace (…) qui bloque la rémunération de 20 % de la population », avait réagi en juin Bernadette Groison (FSU).

La valeur du point d’indice, restée inchangée entre 2010 et 2016, avait connu une légère hausse (0,6%) en juillet 2016, ainsi qu’en février 2017 (0,6%).

La suppression de 120 000 postes

Sont concernés par cette annonce les agents de la fonction publique territoriale et la fonction publique d’Etat. « Les effectifs de la fonction publique hospitalière seront en revanche maintenus », a précisé le gouvernement. Plus précisément, cela correspondra à un volume de 50 000 postes non renouvelés dans la fonction publique d’Etat et d’environ 70 000 dans la fonction publique territoriale.

Le retour du jour de carence

Cette mesure, qui supprime la rémunération d’un premier jour d’absence pour congé maladie, avait été mise en place sous Nicolas Sarkozy. Le gouvernement entend par ce biais réduire l’absentéisme dans la fonction publique. Rétablir le jour de carence se traduit par l’absence d’indemnisation de l’employé le premier jour d’absence. Il sera alors indemnisé à partir du deuxième jour de son congé maladie qui dure trois jours au total. « Les fonctionnaires ne l’avalent pas, c’est une erreur de le réintroduire », avait alors réagi le secrétaire général de Force ouvrière (FO), Jean-Claude Mailly, à l’annonce de cette mesure.

La hausse de la CSG

« L’augmentation de la CSG (Contribution sociale généralisée) sera totalement neutralisée », a précisé hier le Premier ministre Edouard Philippe, invité sur Europe 1. La CSG est un impôt qui permet de financer la protection sociale, la hausse décidée par le gouvernement doit permettre de financer la baisse des cotisations sociales. Cette décision touche en particulier certains travailleurs indépendants, les fonctionnaires mais aussi les retraités. Ainsi, Alexis Corbière, député de La France insoumise déclarait en juillet dernier que « baisser l’ISF mais augmenter la CSG pour nos anciens, c’est honteux, immoral, scandaleux ».

A la veille de la journée de mobilisation aujourd’hui, Edouard Philippe a voulu rassurer les syndicats en précisant que cette hausse de l’impôt serait compensée. Il a ensuite détaillé cette compensation qui se ferait en diminuant les cotisations calquées sur les cotisations salariales et ensuite par un versement de primes.

Gérald Darmanin doit rencontrer les syndicats de la fonction publique le 16 octobre prochain. Il sera notamment question des salaires.

Léa DUPERRIN

 

 

Barcelone : 350 000 Espagnols disent « non » à l’indépendance

Les partisans de l’unité espagnole ont manifesté, hier, dans les rues de Barcelone. Ils étaient plusieurs centaines de milliers à crier leur refus de l’indépendance, alors que le gouvernement espagnol et le pouvoir catalan sont dans une impasse.

 

Les rues de Barcelone se sont parées, dimanche, du drapeau espagnol, alors que les partisans de l’unité du pays manifestaient contre l’indépendance de la Catalogne. Ils étaient 350 000 selon la police locale et plus de 900 000 selon les organisateurs, à s’être rassemblé dans la capitale catalane. C’était la première manifestation des partisans du « non » depuis le référendum du 1er octobre. Celui-ci avait fait ressortir une large majorité de « oui », plébiscité à 90%, mais seulement 42% des Catalans y avaient participé.

« Vive la Catalogne! Vive l’Espagne! » scandaient les manifestants dans la rue, eux qui se considèrent comme la majorité silencieuse.

 

Pour le moment, la situation est dans l’impasse : le président de la région, Carles Puigdemont, a laissé entendre qu’il déclarerait l’indépendance de la région mardi, si le gouvernement espagnol ne répondait pas aux propositions de médiation. Les indépendantistes estiment qu’ils ont recueilli une majorité écrasante de « oui » à l’indépendance. Cependant, selon les sondages, les Catalans voudraient qu’un référendum en bonne et due forme soit organisé, mais le « non » l’emporterait.

De son côté, le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy n’envisage pas de dialogue tant que les séparatistes menacent de rompre avec le reste du pays. « On ne peut rien construire si la menace contre l’unité nationale ne disparaît pas», a déclaré Mariano Rajoy au quotidien El Pais, dimanche.

La ministre française des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, a quant-à-elle annoncé ce lundi sur CNews que, si la Catalogne annonce son indépendance de manière unilatérale, elle ne « serait pas reconnue » par la France. « On ne peut pas résumer la Catalogne à la consultation que les indépendantistes [ont] organisée », a-t-elle justifié.

Clara Charles

 

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Un 1er mai sous le spectre de l’élection présidentielle

A moins d’une semaine du second tour de l’élection présidentielle entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, le défilé du 1er mai 2017 a réuni entre 142 000 et 280 000 personnes dans toute la France. Au coeur de la manifestation : la question du Front national.

A l’arrière du cortège syndical, dominé par ses autocollants rouges, des affiches jaunes et noires attirent l’oeil. Ce sont celles du collectif #LePenNON. Un seul mot d’ordre : faire barrage à Marine Le Pen, coûte que coûte. Clara, 25 ans, a voté Jean-Luc Mélenchon au premier tour, pourtant elle votera Macron au second. « Je me souviens de 2002. Mes parents m’avaient emmenée manifester et il était important pour moi de se rassembler autour du rejet des idées véhiculées par le Front national. Je n’ai pas envie que l’idée du Front national, au second tour de la présidentielle soit banalisée« , explique-t-elle, même si elle admet qu’elle votera Emmanuel Macron à contre-coeur. Un discours que l’on retrouve sur les affiches, qui appellent toutes à voter le candidat d’En Marche !. « En Marche forcée » ou « voter blanc c’est voter FN à 50%« , peut-on lire sur certaines affiches.


#LePenNon pic.twitter.com/8t7yZdhEfd

Le Front national en ligne de mire

Si le 1er mai est traditionnellement la Journée internationale des travailleurs, elle revêt tous les cinq ans un caractère plus politique que syndical à l’occasion de l’élection présidentielle. Ce 1er mai 2017 n’échappe pas à la règle même si les différents appels à manifester contre le Front national n’ont pas eu autant d’écho qu’en 2002. Selon le ministère de l’Intérieur, 142 000 personnes ont manifesté dans toute la France, contre 280 000 pour la CGT. La qualification de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle en 2002 avait fait descendre entre 1,3 et 2 millions de personnes dans les rues. A Paris, ils étaient entre 30 000 et 80 000 personnes à avoir rejoint la place de la République dès 14 heures 30.

A Paris, le cortège, bon enfant, réunit des familles avec enfants, des jeunes et des moins jeunes. La sono diffuse des titres populaires, qui font danser des pancartes anti Marine Le Pen, entre deux slogans contre le Front national. Dans le cortège, peu sont ceux qui invitent ouvertement à l’abstention le 7 mai, malgré un appel lancé, par des militants de la France Insoumise, à défiler contre Le Pen et Macron. Voter Macron ou s’abstenir, la question divise en ce 1er mai.

Un rassemblement en ordre dispersé

A l’inverse de 2002, les différentes organisations n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur le mot d’ordre à adopter. Le cortège syndical, dominé par une intersyndicale CGT-FO-FSU-Solidaires, appelle à faire barrage au Front national sans pour autant se prononcer en faveur d’Emmanuel Macron. Un peu plus loin au métro Jaurès à Paris, dans une autre manifestation, la CFDT et l’UNSA, appellent ouvertement à voter Emmanuel Macron au second tour.

Pas de mot d’ordre officiel de la part de l’intersyndicale et des militants laissés à leur libre arbitre. Guillaume, 29 ans, syndicaliste CGT, reconnaît faire face à un dilemme. « Je me suis battu toute l’année dernière contre Macron et sa loi Travail, et ce second tour c’est, pour moi, choisir entre la peste et le choléra« , déclare-t-il. Pourtant, ce syndicaliste qui s’est toujours abstenu aux élections confie qu’il votera pour le candidat d’En Marche! dimanche. « Ce sera le début de la lutte« , conclut-il. Une vision critiquée par un collègue syndicaliste, qui refuse de voter Macron. « Pour moi, ce sera le vote blanc, je ne peux pas mettre un bulletin Macron dans l’urne, ce serait une trahison. Mais ça ne nous empêche pas de trinquer tous ensemble !« , expose ce quinquagénaire, béret vissé sur la tête et mojito à la main.

Une ambiance joviale, qui tranche avec l’atmosphère tendue qui règne en tête du cortège. Une centaine de manifestants s’est rassemblée, prête à en découdre. Les slogans « Tout le monde déteste la police » remplacent les considérations électorales. Dès la place de la Bastille, des affrontements avec les CRS éclatent. Vers 18 heures, les premiers manifestants arrivent eux place de la Nation où ils se dispersent dans le calme.

A Paris, six CRS ont été blessés, selon le ministre de l’Intérieur Mathias Fekl, et deux manifestants ont été placés en garde à vue.

Dorine Goth