Pourquoi la Tchétchénie traque-t-elle les homosexuels ?

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Début avril, le journal russe indépendant Novaïa Gazeta a révélé que la Tchétchénie mène une purge à grande échelle envers les homosexuels : plus d’une centaine de personnes ont été arrêtées de manière arbitraire et torturées, trois seraient mortes. Cinq ministres européens ont écrit mercredi au ministre russe Sergueï Lavrov pour faire part de leur « profonde inquiétude ». Les autorités elles démentent. Comment expliquer cette traque ? Explication en trois points.

Emprisonnés et torturés parce qu’ils sont homosexuels. En Tchétchénie, société conservatrice, en majorité musulmane, le gouvernement organise depuis la fin du mois de mars une vaste purge, destinée à éliminer les homosexuels de la société, a révélé début avril le journal Novaïa Gazeta, un des derniers organes d’opposition au gouvernement russe. Mercredi, cinq chefs de la diplomatie de pays européens, dont la France et l’Allemagne, ont écrit à leur homologue russe Sergueï Lavrov pour exprimer leur « profonde inquiétude » concernant le sort des homosexuels en Tchétchénie.

Passages à tabac, privations, humiliations, soumissions à des chocs électriques, c’est ce qu’ont raconté ceux qui ont été relâchés des prisons secrètes, non loin de Grozny, la capitale du pays. Le but des tortures : que les prisonniers avouent connaître d’autres homosexuels, pour que ceux-ci soient arrêtés à leur tour. Cette répression ferait suite à des démarches entreprises début mars par des membres de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels et trans) en vue de l’organisation de Gay Prides dans des villes du Caucase du Nord. Après la révélation des arrestations et des tortures, le gouvernement tchétchène et son dirigeant, Ramzan Kadyrov, ont réagi par le biais du porte-parole, Alvi Karimov, qui a déclaré qu’ « il était impossible de détenir et de persécuter des personnes qui n’existent simplement pas dans la République ».

Qu’est-ce qui rend une telle situation possible dans ce petit Etat du Caucase, administré par la Russie ? Comment expliquer cette chasse à l’homme orchestrée par les dirigeants au pouvoir ? Explication en trois points.

1. Tchétchénie – Russie : les liens de la violence

Si l’histoire ne suffit pas à tout expliquer, elle est néanmoins nécessaire pour comprendre comment la Tchétchénie s’est développée, notamment dans ses relations avec sa voisine et ex-meilleure ennemie, la Russie. Celle-ci administre le territoire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale entre les deux pays (1999-2000). La présence russe sur le territoire, elle, remonte à bien plus loin, dès le XVIème siècle.

Carte : La Tchétchénie

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Aude Merlin, spécialiste du Caucase du Nord de l’Université libre de Bruxelles, rappelle l’attitude de la Russie vis-à-vis de l’homosexualité : « Les pratiques judiciaires, policières et politiques, largement empreintes du passé soviétique en la matière, sont très répressives en Russie et ont poussé de nombreux homosexuels à quitter le pays ». Ainsi, avec une telle politique de répression mise à l’œuvre en Russie-même, il est peu étonnant que le jeu d’influence politique, judiciaire et culturel conduise à une reproduction des actes dans les Etats de la Fédération.

Mais si les associations de promotion des droits des personnes LGBT et de défense des droits de l’Homme dénoncent depuis un certains temps le traitement fait aux personnes homosexuelles en Russie, cela n’est jamais dans des proportions mises en place en Tchétchénie. C’est bien le régime en place qui appelle à l’élimination pure et simple des individus et qui organise les purges.

2. Ramzan Kadyrov, dictateur sans limite

Le président Tchétchène Ramzan Kadyrov

« La Tchétchénie est un  » État dans l’État « , où les lois russes ne sont pas appliquées (…) Ramzan Kadyrov a reçu un blanc-seing total de la part de Moscou en terme d’exercice de la coercition et de la violence (…) », affirme Aude Merlin. Fils d’un mufti, d’abord nommé Premier ministre par intérim par Vladimir Poutine après l’accident de voiture de celui de l’époque, il devient pleinement Premier ministre et accède ensuite à la fonction de président. Il est l’un des plus fervents soutiens de Vladimir Poutine, qui lui laisse en échange les rênes du pays pour gouverner comme bon lui semble.

– à voir : reportage d’Envoyé Spécial (France 2) :  » Tchétchénie, vitrine et arrière-boutique  » : ce reportage montre combien le culte de la personnalité du président est intense. lien : https://youtu.be/abQwCU2tI1Y

Comme son idole Vladimir Poutine, Ramzan Kadyrov est extrêmement attaché aux valeurs morales conservatrices et à l’imagerie guerrière et virile héritée de l’époque soviétique.

Un député britannique et ministre d’État au Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth, sir Alan Duncan, a récemment déclaré devant le Parlement britannique détenir des informations sur les persécutions des homosexuels. Selon ce député, Ramzan Kadyrov « « veut que la communauté gay soit éliminée d’ici le début du Ramadan« , (soit le 26 mai)» afin de purifier la Tchétchénie de ces « sous-hommes ».

3. Les coutumes tchétchènes

La société tchétchène est en elle-même largement intolérante avec les personnes LGBT. Dans ce pays où l’islam sunnite est la religion de 86% des habitants et où le chef de l’Etat promeut un retour aux pratiques les plus traditionnelles, l’homosexualité n’est pas la bienvenue. Les coutumes familiales exercent une pression très lourde sur les personnes, car si un individu faute, c’est toute sa famille qui est précipitée avec lui dans la honte.

Les crimes d’honneur sont encore très nombreux, comme l’explique un jeune homosexuel qui a été torturé par le régime tchétchène interrogé par France 2 : « Si les membres de ma famille venaient à apprendre que je suis homosexuel, ils me tuerait. Sans hésitation. parce que c’est une honte pour nous, les Tchétchènes, une honte qui ne peut être lavée que dans le sang ». Un autre, questionné par France 24, confirme : « Ils disent aux parents de tuer leurs enfants. Ils appellent ça laver l’honneur par le sang ».

Cette société machiste, homophobe et patriarcale fait également peser son poids sur les femmes, souvent réduites au rôle de mère et de femme au foyer. Entièrement dépendantes de leurs maris, elles subissent de nombreuses injustices, comme la perte de leurs enfants sans condition en cas de divorce, ou encore la polygamie, interdite par la Russie mais pourtant répandue en Tchétchénie. Une affaire datant de 2015 a défrayé la chronique, celle de Louisa Goïlabieva, jeune fille de 17 ans mariée de force à un proche de Kadyrov de trente ans de plus qu’elle et déjà marié. La jeune fille a été contrainte d’accepter sous la menace de représailles, ce que dément fermement le gouvernement.

Asmaa Boussaha

 

Changement d’état civil pour les personnes trans : les associations s’insurgent

L’Assemblée nationale a adopté, jeudi 19 mai, un amendement au projet de loi “justice pour le XXIème siècle”, qui propose de simplifier le changement de sexe à l’état civil pour les personnes transgenres et transsexuelles. Pour certaines associations d’aide et de soutien aux personnes trans, cet amendement ne va pas assez loin.

 

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L’adoption de l’amendement visant à simplifier le changement de sexe à l’état civil pour les transgenres n’a pas été accueilli comme prévu par les associations LGBT. “Les associations, comme les personnes trans que je connais sont très en colère contre cette manoeuvre du gouvernement” : Sun Hee Yoon est la présidente de l’association Acthe. Selon cette dernière et plusieurs autres associations d’aide et de soutien aux personnes trans, cet amendement “anéantit les droits des personnes trans”. Selène Tonon, vice-présidente du centre LGBT de Rennes, elle, considère que cette nouvelle disposition ne représente pas une amélioration, « alors que l’urgence est vitale« .

 

Proposé par les deux députés socialistes Pascal Crozon et Erwann Binet, cet amendement est inclu dans la loi de modernisation de la justice, qui permettra de la rendre plus efficace, simplifiée.

A voir, à partir de 3 heures et 59 minutes, le vote de l’amendement déposé par les députés Erwann Binet et Pascale Crozon à l’Assemblée nationale.

Trois sous-amendements critiqués

Si l’amendement était présenté au départ comme une avancée sociale, les trois sous-amendements adoptés changent profondément la nature du texte. Et pour cause : le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas a apporté des modifications au texte initial, une manoeuvre gouvernementale vivement critiquée par les associations. Ces dernières exigent le retrait “pur et simple” de l’amendement. L’association Acceptess-Transgenres, de son côté, réclame le retrait de l’amendement également mais aussi la mise en place d’un changement d’état civil libre et gratuit devant un officier d’état civil, en mairie.

Les trois sous-amendements

  • Le Tribunal de Grande Instance et non le procureur. Initialement, une personne transgenre faisant une requête de changement d’état civil devait apporter à un procureur des documents de son choix “sans qu’aucune condition médicale ne soit exigible ni suffisante à rejeter la demande”. Le procureur avait alors trois mois pour statuer. Cependant, la requête devra se faire devant le tribunal de grande instance : ce qui promet des procédures beaucoup plus longues. Les “trans” attendront donc des mois sans pour autant changer leur état civil, en contradiction avec leur apparence physique.

 

  • Le seul fait de ne pas avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation ne pourra fonder un refus de faire droit à la demande”. Les associations souhaitaient voir disparaître toute prise en compte de l’aspect médical du changement de sexe. Selon Sun Hee Yoon, présidente de l’association Acthe, cela signifie que “l’absence de ces traitements stérilisants peuvent justifier un refus du changement de la mention du sexe à l’état civil s’ils sont associés à d’autres arguments comme la durée de vie sociale par exemple”. Elle ajoute également que la France n’a pas l’intention de traiter respectueusement les personnes trans, et préfère laisser le pouvoir aux institutions juridiques et médicales pour s’occuper des personnes trans.

 

  • La nécessité de prouver l’appartenance au sexe opposé par une réunion suffisante des faits”. Stéphanie Nicot, présidente de la fédération LGBT, a commenté au Monde : “Réunion implique qu’il y ait plusieurs critères, “suffisante” implique que la décision est soumise à un juge et “de faits” implique que des preuves sont exigibles ». En effet, les personnes trans doivent apporter de nombreux indices pour prouver qu’elles vivent bien “de manière sincère et continue” dans le sexe qu’elles souhaitent : elles ne peuvent donc pas obtenir le changement d’état-civil au nom d’un ressenti personnel sur simple déclaration, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays.

 

Selon un communiqué publié par l’association Acthe, le “gouvernement a rédigé des sous-amendements qui usent de subtilités juridiques éhontées pour continuer à humilier les personnes trans dans le but de conserver un contrôle absolu sur leurs identités et les contraindre à subir des traitements médicaux portant atteinte à l’intégrité du corps humain”.

Un enjeu contre les discriminations

Il existe parfois des personnes ressentant le besoin d’appartenir au sexe opposé : elles suivent alors des transformations physiques (personnes transsexuelles), d’autres non (les transgenres).

Alors que l’on compte environ 15.000 personnes trans en France, c’est seulement maintenant qu’un amendement est adopté afin qu’elles ne subissent plus les discriminations dont elles font souvent l’objet. Et pour cause : leur état civil, leur identité personnelle et leur apparence physique ne s’accordent pas, et elles en sont bien trop souvent victimes. Cette absence de changement d’état civil était la première cause de discrimination de ces personnes. Cela les empêche d’accéder notamment à un logement, un emploi, à des soins pendant des années, “et même à vie pour celles et ceux qui ne peuvent pas, ou ne souhaitent pas subir de très lourdes chirurgies”, s’insurge l’association Acthe.

Pour les porteurs de l’amendement, c’est “un enjeu central de la protection de leurs droits fondamentaux”. D’ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) garantit depuis 25 ans la modification de la mention de leur sexe à l’état civil : mais rien n’était prévu jusqu’à présent par la loi française.

C’est d’ailleurs un point que les associations dénoncent : pour elles, la France tente de se prémunir de futures condamnations de la CEDH. Ces amendements servent seulement à “éviter à la France le paiement d’une amende liée à sa condamnation prochaine par la CEDH, pour non respect de la liberté de chaque individu de disposer librement de son corps et de son identité de genre” (Association Acceptess-Transgenres).

 

Une procédure judiciaire, contrairement à d’autres pays.

Les opposants à l’adoption de cet amendement s’insurgent surtout sur le caractère judiciaire de la procédure. Pour les personnes trans, le changement d’état-civil est un véritable parcours du combattant. Elles considèrent cette procédure comme complexe, discriminante, onéreuse et longue.

Alors, pourquoi le gouvernement écarte la possibilité d’obtenir le changement d’état-civil au nom du ressenti personnel ? Pour les associations, cette nouvelle disposition reflète une pensée transphobe et rétrograde. Sun Yee Yoon pense que la “France hérite d’une vieille tradition psychiatrique et les institutions considèrent encore les personnes trans comme des malades mentaux à qui il faut retirer leur libre arbitre”. C’est ce que l’on appelle la transphobie : la phobie des personnes transgenres.

Dans un communiqué publié le 21 mai, l’association Acceptess-transgenres confirme cette assimilation entre personne trans et malade : “cette éternelle surenchère dans les certificats médicaux nous méprise et nous rabaisse en nous maintenant dans une position de malades (…) laissant la voie libre aux équipes hospitalières autoproclamées “officielles” et à quelques psychiatres transphobes de maintenir leur contrôle sur la validité de nos vies”.

D’ailleurs, Brigitte Goldberg, présidente de Tran-Europe, a réagi dans un édito publié dans l’Obs. Elle s’insurge du fait que le texte sur les transexuels n’ait suscité aucune réaction, “fait révélateur alors que quelques heures auparavant, l’opposition s’acharnait contre la proposition du gouvernement visant à acter le divorce par consentement mutuel devant un notaire”.

Alors que dans d’autres pays, comme l’Irlande ou la Colombie, les personnes trans peuvent changer d’état civil sur une simple déclaration, les associations considèrent que les parlementaires et le gouvernement français se montrent « dramatiquement conservateurs en votant un amendement inadapté aux besoins des personnes transgenres« . Solène Tonon déplore que le « pays des droits de l’Homme », contrairement à de nombreux autres pays, soit autant à la traîne, s’il attend trop : « malheureusement, la politique actuelle ne rend pas très optimiste« . Elle ajoute que les personnes transgenres, dont elle fait partie, ont « honte d’un tel traitement de la part de leur pays, l’indignation est très largement partagée ».

Les associations espèrent que les prochains mois apporteront des réponses et que la loi française permettra, un jour, une procédure plus humaine et non judiciaire.

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Léa Broquerie

 

Un Etat australien demande pardon aux homosexuels

« Au nom du Parlement, du gouvernement et du peuple de Victoria, pour les lois que nous avons adoptées et les vies qui nous avons ruinées, les normes que nous avons établies, nous sommes désolés, profondément, humblement désolés« . Ce discours pourrait bien être historique. Aujourd’hui, Daniel Andrews, Premier ministre de l’Etat de Victoria (Australie), a présenté des excuses officielles pour d’anciennes lois contre les homosexuels.

Jusqu’en 1981 dans cet Etat, l’homosexualité était un crime, et nombreux sont ceux qui ont été condamnés à la prison (avec des peines pouvant aller jusqu’à 15 ans), pour sodomie et indécence. Cela aura pris du temps, mais ces lois ont finalement été qualifiées de « honteuses » par Daniel Andrews. Une première : « A notre connaissance, aucune juridiction du monde n’a présenté d’excuses complètes et officielles pour des lois telles que celles-là« , a-t-il précisé.

Le Centre législatif des droits de l’Homme a salué ces excuses, « puissant symbole qui aide à réparer le mal causé par ces lois injustes et reconnaît la valeur de la sexualité des personnes gays, lesbiennes et bisexuelles« .

Les réactions positives n’ont pas manqué sur les réseaux sociaux, surtout après que le Premier ministre a tweeté : « Faites-moi une faveur. La prochaine fois que vous serez dans le tram avec votre partenaire, tenez-vous la main. Faites-le avec fierté et défi« .

 

 

 

Richard Duclos (avec AFP)