Le Sidaction tourne-t-il le dos aux jeunes ?

Vingt-cinq ans après sa création, le Sidaction poursuit sa prévention et son appel aux dons via des campagnes publicitaires. Aujourd’hui, 31% des jeunes estiment avoir moins de risques que les autres d’être contaminés. Le Sidaction manque-t-il de visibilité auprès de ce public ?

 « N’oublions pas que le virus du SIDA est toujours là » : c’est le message du Sidaction, diffusé cette année dans le métro et les médias. Cette campagne peut sembler destinée aux jeunes. Ils sont nés lorsque la trithérapie, le traitement qui combat le VIH, est arrivée en France, et peuvent donc parfois avoir l’impression que le Sida n’est plus important. En réalité, cette campagne vise les adultes d’une cinquantaine d’années. Florence Thune, directrice générale du Sidaction, explique qu’ils  « ont vécu les débuts de la maladie et face à l’avancée de la recherche, ils oublient que le virus est toujours là ». En effet, une étude de Santé publique France dévoile que 20% des Français qui ont découvert leur séropositivité en 2016 avaient plus de 50 ans.

Léonie, Max, Salomé et Anouk sont en Première au Lycée Turgot, dans le 3ème arrondissement de Paris. Aucun d’eux n’a vu passer la campagne de prévention du Sidaction. S’ils ont entendu parler du Sidaction et du Sida, c’est grâce au film « 120 battements par minute », réalisé par Robin Campillo et primé au Festival de Cannes en 2017. Pour Salomé, les seuls moments où elle entend parler du Sida, c’est à la télévision ou dans les films. Elle admet : « C’est vrai qu’aujourd’hui, on peut vivre avec, donc c’est chiant oui, mais c’est moins grave ». C’est ce contre quoi le Sidaction se bat actuellement : l’invisibilisation de la maladie.

Les jeunes ne sont pas la cible…

Si les jeunes ne voient pas les campagnes du Sidaction, c’est aussi parce qu’ils ne s’informent pas de la même manière que leurs aînés. Ils sont beaucoup à délaisser la télévision pour les réseaux sociaux. Si le Sidaction a du mal à s’adapter, c’est aussi un choix de leur part. « Nous visons les quinquagénaires parce qu’ils sont susceptibles de faire des dons, mais on essaie quand même d’être plus présents sur les réseaux sociaux. On fait parfois appel à des youtubeurs pour faire passer des messages. Malgré tout, une vidéo génère des vues, mais pas des dons », explique Florence Thune. Les campagnes du Sidaction sont destinées à récolter des dons dans l’immédiat, plutôt qu’à faire de la prévention. Cette vision à court terme empêche donc de toucher les jeunes.

… Et pourtant, ils restent mal-informés

Un manque d’accès à l’information ressort d’un sondage mené par le Sidaction cette année. 23% des jeunes interrogés s’estiment mal informés sur le VIH, soit une augmentation de 12 points par rapport à 2009. Au lycée de Turgot, aucun ne se sentait capable d’expliquer clairement ce qu’est le sida. S’ils ont des cours sur la sexualité, ils les jugent « inutiles ». Léonie explique « cette année par exemple, on devait aller au planning familial, mais ça n’a jamais eu lieu, la personne qui devait nous accueillir était malade. » En effet, 73% des jeunes estiment que l’Education Nationale n’en fait pas suffisamment en matière d’information sur le VIH. Pourtant, c’est elle qui  demande aux enseignants de biologie de faire de la prévention du sida depuis 1988. Florence Thune en a conscience : « Si les professeurs donnaient réellement les trois heures d’éducation sexuelle, ça serait beaucoup plus simple. Mais ça n’est pas non plus évident de parler de sexualité avec son professeur. »

Que ce soit à l’école ou dans l’espace publique, les jeunes entendent moins parler du sida que dans les années 1990 et ont donc l’impression qu’il est moins présent. Léonie ne «  se sent pas concernée », « j’ai l’impression que c’est un mythe le sida, que c’est un truc qu’on n’attrapera jamais ». Max lui rétorque « ouais, jusqu’à ce que tu l’aies ». A 17 ans, Max avoue avoir déjà eu peur d’être contaminé, suite « à des rapports sexuels avec des corps pas très propres ».

Si l’usage du préservatif s’est banalisé, certain restent réticents. « Moi la capote, ça me casse les couilles » exprime Max, de façon catégorique. Salomé, elle, explique vouloir l’utiliser avec son copain, mais « ça le gêne, il me dit que  ça le saoule et qu’il ne sent rien. Du coup il l’enlève. Mais je vais bientôt prendre la pilule ». Un silence s’installe. « Ah oui, c’est vrai que ça ne protège pas. »

Camille Kauffmann

Une nageuse qui n’a pas froid au yeux

Marion Joffle a 20 ans. Victime enfant d’un cancer des tissus mous, elle rêve aujourd’hui de traverser la Manche à la nage. “Je suis une femme de défi, j’aime tenter de nouvelles expériences. Mon élément, c’est l’eau.” Après 11 ans de natation, Marion découvre la nage en eaux glacées. En janvier 2018, elle est la première Française à participer à une course de 1000 mètres, dans une eau à 3,8 degrés. Cette pratique soumet le corps à une forte pression et rentre dans la catégorie des sports extrêmes. “Il me faut toujours entre 10 et 30 minutes en sortant de l’eau pour vraiment me réchauffer. On ne peut pas parler, on a la bouche paralysée, les doigts et les orteils gelés. C’est un froid qui ne fait pas claquer les dents et qui ne donne pas la chair de poule mais qui vous brûle.“

Marion Joffle participait à un championnat de 1000m en eaux glacées, à Mourmanks en Russie en mars dernier. ©️ Marion Joffle

Aussi déterminée soit-elle, Marion connaît les risques de sa discipline et s’applique à ne jamais franchir ses propres limites. “Si je sens que ça ne passe vraiment pas et que ma santé est en danger, je sors de l’eau. Mais je me bats pour tenir mes objectifs.” La jeune femme a espoir de voir un jour l’ice swimming au programme des Jeux Olympiques et souhaite voir se développer des structures en France.

A.H. & M.L.

Accompagner les jeunes et protéger leur santé

L’union des joueurs de rugby a été créée en 1998.

Le syndicat national de joueurs de rugby Provale, créé en 1998, offre notamment un suivi juridique et médical à ses quelque 500 adhérents, entre témoignages et conseils d’anciens auprès des plus jeunes et accompagnement à la reconversion des joueurs en fin de carrière. “On insiste auprès des jeunes sur le fait que le corps est leur outil de travail et qu’il faut prendre soin de soi, explique son vice-président Laurent Semperé, joueur au Stade Français. Dans la culture de ce sport, il n’est pas admis de dire quand on a mal. On pense que pour se dépasser, il ne faut pas parler de ses souffrances.”

La structure veille particulièrement à ce que les joueurs préservent leur intégrité physique et alerte sur les dangers, notamment en organisant une à deux visites annuelles dans les clubs. “Les jeunes que l’on forme découvrent souvent les risques. Lorsqu’un joueur confirmé apporte son témoignage, cela a du poids car il connaît le fonctionnement du système de l’intérieur.” L’organisation insiste également sur l’importance de ne pas délaisser une formation scolaire parallèle à la pratique sportive.

 

A.H. & M.L.