Le Défenseur des droits Jacques Toubon toujours plus sollicité en 2017

Difficultés dans les relations avec les services publics, défense des droits de l’enfant… Le rapport publié ce mercredi montre une augmentation des saisines en 2017.

Jacques Toubon, défenseur des droits. Crédit : Wikimedia Commons
Jacques Toubon, défenseur des droits. Crédit : Wikimedia Commons

Avec plus de 140 000 demandes d’intervention, près de 94 000 dossiers de réclamations et quelque 51 000 appels aux plateformes de conseil, les réclamations auprès du Défenseur des droits Jacques Toubon ont connu une hausse de 7,8% en un an, et de 17,3% depuis 2015, selon le rapport dont l’AFP a obtenu copie. Difficultés dans les relations avec les services publics, défense des droits de l’enfant mais également protection des lanceurs d’alerte, nouvelle mission du défenseur des droits, les sujets à traiter n’ont pas manqué.

« Replis identitaires, relégations sociales, culturelles et économiques, des discriminations (qui) continuent » : les maux de la société sont nombreux, a souligné mercredi matin Jacques Toubon au micro de France Inter. Au-delà de cette analyse globale, le Défenseur des droits a tenu à alerter les auditeurs de Nicolas Demorand sur plusieurs points.

« Un retrait des services publics »

« Le pays souffre d’un retrait des services publics », a-t-il estimé, relevant que « l’accès au droit semble plus difficile, plus complexe et plus rare » dans certaines régions. La dématérialisation des documents et l’usage devenu indispensable d’Internet pour les démarches administratives ne sont pas suffisants pour pallier la fermeture des services. Ainsi, le Défenseur des droits s’alarme dans son rapport de la « marginalisation probable des personnes les plus vulnérables touchées par la fracture numérique ». Les relations entre usagers et services publics concernent différentes institutions : les CAF (Caisses d’allocation familiale), les CPAM (Caisses primaires d’assurance maladie), le  Pôle Emploi, le RSI (Sécurité sociale des indépendants) ou encore l’Urssaf, indique le rapport d’activités de cette institution indépendante de l’Etat, créée en 2011.

Un état d’urgence permanent ?

Jacques Toubon a évoqué une « ère de la suspicion » en rappelant ses désaccords avec la loi antiterroriste promulguée fin 2017, qui instaure une partie des mesures de l’état d’urgence dans le droit commun. « On a le sentiment qu’il y a un code pénal et à coté de cela, pour le terrorisme, non défini précisément, un droit administratif pour lutter contre le terrorisme. Mon inquiétude est que l’on soit là dans un domaine où l’équilibre entre la liberté et la sécurité ne soit pas garanti  » a-t-il prévenu.

La loi « asile et immigration », un texte déséquilibré

Le texte de loi qui doit s’appliquer aux migrants, et qui divise au sein même de la majorité, « n’est pas indispensable » selon Jacques Toubon. Le Défenseur des droits appelle à prendre les choses « froidement » et à « ne pas faire du phénomène migratoire un drame alors qu’on pourrait le traiter par l’accueil, l’hébergement. »

Lucas Martin avec AFP

Que masque la déclaration d’Emmanuel Macron sur les réfugiés ?

En début de semaine, Emmanuel Macron s’est engagé à accueillir 10.000 réfugiés de plus d’ici 2019. Mais aussi, il souhaite rapprocher l’organisation de l’asile en France à celle de l’Allemagne. Une politique d’asile outre-rhin qui justement, change radicalement.

Emmanuel Macron, Ministre de l'économie, au forum économique de Davos. January 22, 2016. Michele Limina
Emmanuel Macron, Ministre de l’économie, au forum économique de Davos. January 22, 2016. Michele Limina

La décision est tombée, lundi 9 octobre: la Chancelière allemande, Angela Merkel, a finalement accepté de limiter à 200.000, par an, le nombre de demandeurs d’asile. Un engagement pris à la suite d’une réélection tendue, le 23 septembre, où son parti enregistre l’un de ses pires résultats (32,9%). Et surtout, c’est le résultat de la politique d’accueil des réfugiés menée jusqu’en 2015. Très généreuse par rapport au reste de l’Europe, elle conduit à l’accueil de plus d’un million de réfugiés en Allemagne. Une arrivée importante qui déclenche de fortes réactions de peur, ainsi que le rejet des réfugiés chez une partie de la population allemande.

Les modalités de ce rapprochement avec la politique d’asile de l’Allemagne demeurent floues

Une volonté de rapprochement des politiques d’asile qui interroge. D’une part, parce que les moyens engagés par l’Allemagne sont plus importants qu’en France. En 2016, le gouvernement allemand alloue 20 millions d’euros pour héberger et former les nouveaux arrivants (soit 4,2% de hausse des dépenses publiques). Sur la même année en France, le montant s’établit à 6 millions d’euros. D’autre part, parce que l’État fédéral a organisé l’accueil des réfugiés en accord avec les Länder. Une répartition qui fait que les États les moins peuplés, ou avec les populations les plus pauvres, reçoivent moins de demandeurs d’asile que les plus riches.

En 2016, le gouvernement allemand qualifie certains États comme « sûrs », à l’exemple du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie, afin de faciliter l’expulsion des ressortissants de leurs territoires. Une modalité d’accueil dont semble vouloir s’inspirer la France. Peut-être que ce rapprochement des politiques d’asile va en réalité se faire sur une requalification des pays dits « sûrs ». D’ailleurs, le projet de loi de Gérard Collomb, évoqué le 7 octobre, ouvre une brèche dans le droit d’asile français. Il prévoit notamment qu’un demandeur d’asile pourra être renvoyé légalement vers un « pays tiers sûr » sans que son dossier n’ait été étudié par la France. La France qui  justement n’a pas encore dressé de liste de « pays sûrs ».

Julien Percheron

Suède : suppression des contrôles à la frontière danoise

La Suède a annoncé ce mardi la suppression des contrôles d’identité systématiques à sa frontière avec le Danemark, mis en place en janvier 2016 pour endiguer l’afflux de réfugiés qui avaient traversé toute l’Europe.

Le gouvernement a décidé parallèlement de renforcer les moyens de la police et des douanes pour surveiller cette frontière, ont indiqué lors d’une conférence de presse à Stockholm Anders Ygeman, ministre de l’Intérieur, et Anna Johansson, la ministre des Infrastructures.

 

Sarafina Spautz