Alors que le gouvernement vient tout juste de dévoiler sa première campagne de sensibilisation aux violences sexuelles sur les enfants, dans lequel le mot inceste est prononcé pour la première fois. La secrétaire d’État chargée de l’Enfance, Charlotte Caubel, a quant à elle affirmé mardi 12 septembre, sur le plateau de l’émission Quotidien que les enseignants étaient « formés régulièrement au repérage des violences subies par les enfants ». Un propos qui fait réagir les concernés.
« C’est un manque que je ressens au quotidien, on se sent complètement démunis ! » assure Karim* enseignant dans un collège à Marseille. Ce dernier exerce depuis sept ans en SEGPA (section d’enseignement général et professionnel adapté des classes accueillant des jeunes élèves présentant des difficultés personnelles et scolaires importantes) et regrette le manque de formation sur les violences sexuelles.
« Ce sont des élèves qui subissent d’autant plus les violences et ce n’est pas normal de ne pas avoir eu de formation sur cette question en formation initiale et continue », déplore-t-il.
« On ne comprend pas cette absence de formation »
Le Code de l’éducation nationale prévoit, depuis le 22 juin 2000, que les professeurs reçoivent obligatoirement une formation initiale et continue dans le domaine de la protection de l’enfance en danger. Pourtant, l’ensemble des témoignages convergent. Ils n’ont jamais bénéficié de cette formation sur les violences sexuelles. « J’ai effectué un signalement oral il y a quelque temps pour une élève de 14 ans, ce n’était pas une affaire d’inceste mais il s’agissait de violences sexuelles, elle fréquentait un adulte de 32 ans. J’ai signalé ce cas à la CPE mais on est assez seul dans ce processus », résume Pierre, un enseignant d’arts plastiques à Metz.
Le temps passé par les enfants dans les établissements scolaires est important et les enseignants se trouvent logiquement en première ligne pour détecter, repérer et signaler les violences sexuelles. Pour rappel, d’après la Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) 160.000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France. Un chiffre impressionnant qui nécessite une meilleure prise en charge.
Karim* a récemment effectué un signalement « on doit se débrouiller, le formulaire n’est pas évident à trouver et à compléter. On ne sait pas à qui l’envoyer, on ne connaît pas ses interlocuteurs, c’est vraiment flou », regrette-t-il.
Un plan d’action gouvernemental de lutte contre les violences sexuelles intrafamiliales a été mis en place depuis la rentrée scolaire 2021, dans lequel on retrouve un guide à destination des personnels et en particulier des enseignants. L’objectif de ce guide est d’améliorer la connaissance et la compréhension des violences sexuelles/ d’outiller les personnels afin de favoriser la libération de la parole et le repérage des élèves victimes et renforcer les actions de préventions, notamment en éducation à la sexualité.
« On ne sait pas vers qui se tourner donc on bricole »
Confrontés à ce manque de formation, d’outils mis à disposition pour écouter et accompagner les enfants victimes d’inceste, les enseignants se débrouillent seul pour repérer les victimes. « Ça fait des années que je travaille au rectorat de Paris et la question de la formation aux violences sexuelles n’est jamais venue dans les discussions, donc les propos de la ministre sont hypers violents pour nous ! », fulmine Elisabeth Kutas membre du syndicat Snuipp-FSU Paris et professeur des écoles. Toutes les trois minutes un enfant est victime d’inceste en France, entre un et deux élèves par classe est concerné, « on ne nous apprend pas du tout à les repérer, à les prendre en charge, à écouter la parole de l’enfant. On ne sait pas vers qui se tourner donc on bricole »
Les assistantes sociales et les psychologues sont essentiels pour repérer les enfants victimes et sont un soutien pour le corps enseignant. Certains professeurs décèlent des indices dans les copies des élèves, dans les comportements et plus rarement des élèves peuvent se confier. « J’ai de la chance d’avoir une assistante sociale et une équipe géniale qui intervient mais ce ne sont pas des gens internes à l’éducation nationale », explique l’enseignante.
Sollicité par notre média, le cabinet de la secrétaire d’État chargée de l’Enfance indique que les enseignants sont de plus en plus sensibilisés à cette question et qu’il existe des dispositifs pour lutter contre ce fléau.