Russie – Corée du Nord : Un accord gagnant-gagnant
Vladimir Poutine a reçu mercredi Kim Jong Un au cosmodrome de Vostotchny à l’Est de la Russie. Premier déplacement du dirigeant nord-coréen à l’étranger depuis le début de la pandémie, cette rencontre multidimensionelle inquiète bien Washington.
Poignée de mains, démonstration militaire, visite d’usines d’équipements et de hautes technologies, tout cela dans une atmosphère fraternelle. La Russie et la Corée du Nord trinquent littéralement au « renforcement de l’amitié et de la coopération » entre les deux pays.
Le président russe, Vladimir Poutine, a ainsi levé mercredi son verre en l’honneur de son invité le dirigeant nord-coréen, Kim Jong Un, en visite sur le cosmodrome de Vostotchny dans l’Extrême-Orient russe.
« Je suis très content de vous voir. Je vous remercie d’être venu en Russie », a déclaré M. Poutine précisant que les discussions porteront notamment sur la « situation dans la région », la « coopération économique » et « des questions humanitaires ».
Premier voyage à l’étranger de Kim Jong Un depuis le début de la pandémie de Covid-19, cette rencontre entre les deux dirigeants semble porter en elle multiples promesses.
Éventuel accord militaire
À la veille de ce sommet exceptionnel entre les deux dirigeants, Washington s’est inquiété que le rapprochement de ses deux ennemis ne consolide la possibilité que la Corée du Nord, elle-même sous sanctions, livre de l’armement à la Russie pour soutenir son invasion en Ukraine.
Ainsi le gain majeur que pourrait récolter la Russie d’une telle rencontre serait avoir accès au stock d’obus d’artillerie de la Corée du Nord pour poursuivre son invasion de l’Ukraine.
« Concernant la possible visite du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un en Russie, les États-Unis suivront de très près les résultats de cette réunion et n’hésiteront pas à imposer de nouvelles sanctions« , avait déclaré Matthew Miller, le porte-parole du département d’État américain.
Rien à ce stade n’a toutefois été communiqué, ni de la part de Pyongyang ni de la part de Moscou, concernant un éventuel accord sur le sujet. Pourtant, précédemment à la rencontre, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avait souligné que les deux homologues parleraient de « sujets sensibles » sans prêter attention « aux mises en garde » américaines.
« Du côté russe, il y a un réel sentiment d’urgence. La Russie cherche à obtenir de la Corée du Nord des obus d’artillerie. Elle a utilisé une grande partie de ses stocks dans le conflit contre l’Ukraine et doit désormais les reconstituer », a confié à FranceInfo James D. J. Brown, professeur en sciences politiques, qui considère que la coopération militaire entre Pyongyang et Moscou est inéluctable.
À noter que Kim Jong Un a assuré à Vladimir Poutine que la Russie remporterait « une grande victoire » face à ses ennemis, principalement occidentaux, faisant l’éloge de l’armée russe « héroïque » dans la zone « de l’opération militaire spéciale » en Ukraine, selon les agences de presses russes TASS et Interfax.
Il a également affirmé son « soutien total et inconditionnel à toutes les mesures prises par le gouvernement russe » assurant que la Corée du Nord serait « toujours avec la Russie ».
Des technologies avancées pour Pyongyang
Le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un a qualifié mercredi de « priorité absolue » le renforcement des liens entre Moscou et Pyongyang, soulignant « être parvenu » avec Vladimir Poutine « à un consensus satisfaisant”.
En effet, la Corée du Nord souhaiterait, pour sa part du gâteau, obtenir de la Russie des technologies avancées pour moderniser ses équipements datant de l’ère soviétique, en particulier son armée de l’air et sa marine.
Le choix du cosmodrome pour tenir cette réunion est ainsi en cela fort symbolique.
De ce fait, Vladimir Poutine a souligné la possibilité que la Russie aide la Corée du Nord à construire des satellites. Cela après que Pyongyang a récemment échoué à deux reprises à mettre en orbite un satellite militaire espion.
« C’est pourquoi nous sommes venus ici. Le dirigeant de la Corée du Nord montre un grand intérêt dans la technologie des fusées. Ils essaient de développer leur programme spatial », a dit M. Poutine selon des agences de presse russes.
Outre les technologies de pointe, « la Corée du Nord cherche surtout à recevoir de la Russie ce que cette dernière offre à Bashar al-Assad, autrement dit la reconnaissance internationale et la fin de son profond isolement », affirme Christian Taoutel, chef du Département d’Histoire et de Relations Internationales à l’Université Saint Joseph de Beyrouth.
Un accord économique
Pour Carole Grimaud, experte de l’Observatoire Géostratégique de Genève et enseignante de la géopolitique de la Russie, la rencontre en question n’est pas totalement centrée sur le militaire. Elle porte également un fort aspect économique.
« La Russie qui, comme la Corée du Nord, croûle sous les sanctions, tente de les contourner en établissant des relations avec d’autres états qui pourraient pourvoir les manques profonds de l’économie russe », explique la chercheuse, faisant allusion au taux de chômage et à la pénurie de main d’œuvre, extrêmement graves en Russie.
« Quelques centaines de milliers de nord-coréens travaillent en Russie aujourd’hui », ajoute-elle.
L’accord pourrait, de plus, se baser sur des échanges commerciaux alimentaires, selon la chercheuse. « La Russie a, grâce à la Corée du Nord, entre autres, pu exporter sa production de blé malgré toutes les difficultés auxquelles elle fait face suite aux sanctions », détaille mme Grimaud.
En effet, selon la chercheuse, les échanges commerciaux entre la Russie et la Corée du Nord ont toujours été très faibles variant aux alentours de 2 à 3 %. « Cet accord économique pourrait augmenter ce taux de plus de 10 points », affirme la spécialiste.
« Un vieil ami vaut mieux que deux nouveaux »
Lors du déjeuner officiel réunissant les deux dirigeants, Vladimir Poutine a regardé droit dans les yeux son homologue nord-coréen lui assurant qu’« Un vieil ami vaut mieux que deux nouveaux ».
D’autant plus, le président russe n’a pas hésité à rappeler que les relations entre la Russie et la Corée du Nord « ont été établies lors de la lutte pour la liberté de la Corée en 1945, lorsque les soldats soviétiques et coréens ont écrasé côte-à-côte les militaires japonais ».
C’est cette vieille alliance entre les deux pays, que met en emphase Christian Taoutel.
« Cette rencontre est loin d’être étonnante », souligne-t-il. « Il ne faut pas oublier que l’URSS a longtemps été l’allié de la Corée du Nord dans sa guerre face à la Corée du sud qui a duré pratiquement un demi-siècle ».
Selon l’historien, « cette relation n’est pas nouvelle et devient de plus en plus étroite puisque les deux pays sont aujourd’hui ensemble sur le banc de la communauté internationale ».
Selon les deux experts interrogés, cette poignée de main entre Moscou et Pyongyang est avant tout un message menaçant à la communauté internationale.
« Les deux pestiférés du globe cherchent ainsi à faire comprendre qu’ils sont invincibles ensemble, ce qui explique le tir d’un missile balistique de la Corée du Nord vers la mer de l’Est dès l’arrivée de Kim Jong Un en Russie », détaille Christian Taoutel.
Yara EL GERMANY
Etats-Unis : comment la police américaine a résolu un meurtre vieux de 53 ans
Résoudre un meurtre vieux de plus de cinquante ans ? Difficile mais pas impossible pour le département « cold case » de la police de l’état de Floride, aux États-Unis, qui a identifié la « Dame du coffre ». Retour en trois questions sur cinquante-trois ans du plus vieux mystère de l’état de Floride.
Un corps, une malle, et désormais, un nom. La « Dame du coffre », affaire criminelle énigmatique qui a bouleversé l’état de Floride à la fin des années 1960, pourrait enfin être résolue. Plus de cinq décennies après, l’ADN parle et relance l’espoir des enquêteurs de découvrir la vérité sur ce meurtre barbare.
Qu’est-ce que l’affaire de la « Dame du coffre » ?
St Petersburg, en Floride, 1969. Nous sommes le soir d’Halloween. La police est appelée : deux enfants ont signalé deux hommes traînant un coffre de couleur noire dans les bois, derrière le restaurant Oyster Bar, et en repartir les mains vides. Les officiers se rendent sur les lieux er découvre la malle. À l’intérieur, le corps supplicié d’une femme, enveloppé dans une bâche, selon les déclarations de la police. Sa tête comporte des blessures visibles, et la victime ne porte qu’un haut de pyjama. L’autopsie conclut qu’elle est morte étranglée par une « bolo tie », une cravate de cow-boy.
L’enquête piétine. La police ne parvient pas à identifier la victime, enterré sous le nom de « Jane Doe ». Pour les enquêteurs comme pour le grand public, elle devient la « Dame du coffre ».
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Comment les enquêteurs sont-ils parvenus à identifier la victime ?
Aux États-Unis, le pôle cold case réunit d’importants moyens et continue d’enquêter sur ce mystère. Pendant ce temps, émissions criminelles, journalistes mais aussi détectives amateurs se passionnent pour l’affaire.
En 2010, le corps de la victime est exhumé pour tenter d’effectuer des prélèvements ADN. Mais le mystère reste entier ; les os et les dents examinés sont en trop mauvais état pour pouvoir être analysés, déplore la police.
Mais en début d’année 2023, un nouveau rebondissement change la donne. Un échantillon ADN est prélevé à partir des cheveux et de la peau, collectés lors de la première autopsie de la « Dame du coffre ». La génétique parle : la victime se nomme Sylvia Atherton. Âgée de 41 ans au moment de sa disparition, elle est mère de cinq enfants rapporte la police de St Petersburg.
« Après 53 ans, cette femme a désormais un nom. Sa famille peut tourner la page« , a commenté Michael Kovacsev, chef adjoint au procureur.
Et ensuite ?
Les enquêteurs ont pris contact avec la famille de la victime. Sa fille, Syllen, peine encore à croire que le corps de la « Dame du coffre », est celui de sa mère. « C’était choquant, cela faisait si longtemps« , s’est-elle exprimé à la conférence de presse.
La jeune femme était âgée de 5 ans lorsque sa mère, originaire de Tucson, en Arizona, a quitté la ville pour s’installer à Chicago avec son nouveau mari, Stuart Brown, et trois de ses enfants, rapporte CNN. Avec son frère de 11 ans, Syllen reste vivre chez son père. « Nous pensions avoir des nouvelles au bout d’un moment… Et puis, les années passent. J’étais très jeune« , explique la jeune femme. « C’est un triste soulagement de savoir ce qui lui est arrivé. C’est évidemment une façon de mourir absolument horrible, à peine quelques années après avoir quitté la ville où nous vivons. »
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Le nouveau mari de Sylvia Atherton, décédé en 1999 à Las Vegas, n’a jamais signalé sa disparition, et ne la mentionne pas sur son testament, a affirmé la police de St Petersburg.
Les enquêteurs tentent désormais de lever le voile sur le dernier mystère de cette affaire : l’identité du meurtrier. « Nous voudrions que cette enquête soit résolue. Savoir qui a fait cela. Et je voudrais aussi retrouver mes sœurs », répète la fille de la victime.
« C’est là que les détectives amateurs entrent en jeu. Toute aide est la bienvenue pour résoudre cette enquête », a lancé la police de St Petersburg.
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Lise Tavelet / CNN
Iran : une escalade nucléaire sur fond de coopération
L’Iran a considérablement augmenté sa réserve d’uranium enrichi ces derniers mois, ce qui témoigne d’une escalade dans son programme nucléaire, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Cependant, cette dernière note des « progrès » dans la coopération avec l’Iran.
L’Iran poursuit son escalade nucléaire. La République islamique a nettement accru son stock d’uranium enrichi ces derniers mois, selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Un stock de plus de 23 fois la limite
Les stocks de Téhéran ont grandement augmenté depuis octobre, passant à plus de 4 500 kg le 13 mai dernier. Cette rapide évolution fait que le stock est désormais 23 fois plus haut la limite autorisée par l’accord international de 2015.
Ce n’est pas la seule limite franchie par Téhéran, qui s’affranchit des engagements pris dans le cadre de cet accord. Cela intervient après le retrait des États-Unis de l’accord, décidé en 2018 par l’ex-président Donald Trump. En effet, l’Iran enrichit l’uranium à des niveaux beaucoup plus élevés, bien loin de la limite fixée à 3,67% par l’accord de 2015. Aujourd’hui, l’Iran possède 470,9kg d’uranium enrichi à 20% et 114,1 kg à 60% : des stocks en nette augmentation par rapport à l’année dernière.
L’augmentation de ces stocks intervient dans un contexte où les pourparlers visant à restreindre les activités atomiques de l’Iran en échange de la levée des sanctions internationales sont au point mort. Depuis l’été 2022, les négociations n’ont pas repris. Aucun signe positif ne semble se profiler à l’horizon, même si Téhéran exprime publiquement sa volonté de relancer les négociations.
L’Iran coopère, affirme l’AIEA
Cependant, l’AIEA note des « progrès » dans leur coopération avec Téhéran, selon les deux rapports confidentiels consultés par l’AFP à quelques jours d’une réunion du Conseil des gouverneurs.
L’instance onusienne a de ce fait clôturé un dossier empoisonnant depuis longtemps ses relations avec l’Iran. Ce dossier portait sur une présence de matière nucléaire sur le site de Marivan, situé dans le sud du pays aux alentours de la localité d’Abadeh. Ce site, qui fait partie des trois sites nucléaires non-déclarés, l’AIEA dit avoir reçu des « explications plausibles » de la République islamique affirmant n’avoir « pas de questions supplémentaires ». L’organisation internationale considère donc ce dossier en suspens depuis plusieurs années comme étant « réglé à ce stade ». Cependant, elle se base sur ses précédentes évaluations sur le sujet, selon lesquelles Téhéran prévoyait en 2003 d’entreposer à Marivan des matières nucléaires pour des essais d’explosifs. En parallèle, l’AIEA rappelle que les deux autres sites de Turquzabad et Varamin posent toujours problème.
Le rapport pointe aussi la présence de particules d’uranium enrichies à 83,7% sur le site de l’usine souterraine de Fordo. Un niveau dangereusement proche du seuil de 90% pour fabriquer une bombe nucléaire. Pourtant, le gouvernement iranien, qui assure enrichir l’uranium jusqu’à 60% à des fins civiles, nie vouloir se doter de l’arme atomique et invoque des « fluctuations involontaires » au cours du processus d’enrichissement. L’AIEA, chargée de vérifier le caractère pacifique du programme nucléaire iranien, a estimé que « les informations fournies n’étaient pas incompatibles avec les explications de l’Iran sur l’origine de ces particules » et assure ne plus avoir de questions sur le sujet.
Par ailleurs, l’Iran semble avoir autorisé l’AIEA à installer des équipements de surveillance sur trois sites, selon les rapports de l’Agence, qui soutient que ce processus « doit être poursuivi ». Elle réclame également un accès aux données enregistrées par ces caméras, y compris pendant les mois d’interruption. En effet dans un contexte de détérioration des relations entre l’Iran et les puissances occidentales, Téhéran avait fortement limité ses échanges avec l’instance onusienne l’année dernière, et avait débranché une multitude de caméras de surveillance.
Accusations et craintes internationales
Le Conseil des gouverneurs de l’AIEA se réunira à Vienne avant la mi-juin, afin d’évaluer la situation du programme nucléaire iranien. Certains pays accusent l’Iran de chercher à se doter de l’arme atomique, bien que Téhéran ait toujours nié ces accusations.
Fin mai, les États-Unis et Israël appréhendaient une toute nouvelle escalade augmentant le risque d’un conflit majeur, notamment après la diffusion de photos satellites par l’Associated Press montrant que Téhéran serait en train de construire une infrastructure atomique dans les profondeurs d’une montagne de Zagros, près du site nucléaire de Natanz. Selon l’agence de presse américaine, la République islamique aurait creusé ces tunnels pour continuer son programme atomique militaire, hors de portée d’un bombardement américain.
En outre, jeudi 25 mai, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Anne-Claire Legendre, a déploré le fait que l’Iran soit engagée dans « une escalade nucléaire extrêmement préoccupante », en réaction à la présentation par le ministère iranien de la Défense d’un nouveau missile balistique d’une portée de 2 000 kilomètres. « La France condamne cette nouvelle violation de la résolution 2231 adoptée en 2015 par le Conseil de sécurité des Nations Unies », a-t-elle déclaré.
Lors de la réunion précédente en mars, l’Iran avait évité l’adoption d’une nouvelle résolution du Conseil grâce aux « accords concrets » obtenus lors de la visite à Téhéran du directeur général de l’AIEA, Rafael Grossi, quelques jours auparavant. Quelque chose qui pourrait ne pas se répéter lors de la réunion à venir.