Mission Polaris Dawn : L’espace est-il vraiment plus occupé par le secteur privé qu’avant ?

Avec la sortie extravéhiculaire d’astronautes non-professionnels, effectuée jeudi 12 septembre 2024, dans le cadre de la mission Polaris Dawn, une première dans l’histoire, la place des entreprises privées dans le milieu spatial est souvent évoquée. Le milieu était pourtant déjà occupé par des organismes autres que le public lors de la course à l’espace entre les États-Unis et l’URSS. Explications avec Pierre-François Mouriaux, journaliste et spécialiste de la question.

Le monde du spatial se souviendra du jeudi 12 septembre 2024 comme la journée ayant vu les premiers astronautes non-professionnels réaliser une sortie extravéhiculaire, comprenez une sortie en dehors de leur capsule. Cette opération risquée, est menée dans le cadre de l’opération Polaris Dawn à bord d’une Falcon 9 de la société privée SpaceX du milliardaire Elon Musk. À son bord, deux chanceux parmi les quatre membres se sont aventurés à l’extérieur de la capsule Crew Dragon : le milliardaire Jared Isaacman, commandant de la mission qu’il finance en partie, ainsi que Sarah Gillis, une employée de SpaceX.

Depuis des décennies, le milieu est composé d’acteurs étatiques comme la NASA (agence gouvernementale américaine), Roscosmos (pour les Soviétiques, puis les Russes), mais aussi d’entreprises privées (SpaceX, Virgin ou Blue Origin) comme l’explique Pierre-François Mouriaux, spécialiste de l’espace : « Le spatial a toujours été occupé par le public et le privé. Tout est question de communication ».

La course à l’espace

Vers la fin des années 60, c’est le début des avancées technologiques dans le domaine spatial. Innovations poussées par la guerre froide entre bloc de l’ouest et bloc de l’est. « Les Etats-Unis ont toujours sous-traité lors de la construction de leurs lanceurs, explique-t-il. Lors du programme Gemini, démarré en 1961, le constructeur était McDonnell. » Pour le spécialiste, ces relations ont toujours existé, mais étaient moins visibles : « La différence par rapport à avant, c’est la question des fonds propres. Lorsque la Nasa est allée sur la Lune, elle a fait appel à des sociétés comme Boeing pour construire le lanceur lunaire Saturn V, développe le journaliste. Maintenant, le privé investi plus avec un développement financé en partie par le public, les contrats sont juteux… » À l’époque, la communication était moindre comparée à l’époque actuelle.

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La communication des start-ups

Dès le début des années 2000, de nouveaux acteurs privés s’intéressent au milieu. C’est le début des start-ups, fondées par des milliardaires comme Elon Musk ou Jeff Bezos. L’objectif pour eux ? Développer l’aérospatial, nouveau terreau fertile pour y développer une économie, notamment le tourisme pour les ultra-riches (vols paraboliques dans la New Shepard de Blue Origin, vol aux limites de l’atmosphère dans le VSS Unity de Virgin Galactic jusqu’aux missions chez SpaceX comme la dernière en date, Polaris Dawn, ce jeudi). « On est à l’ère de la com. Aujourd’hui, Elon Musk dispose d’une grande aura et d’une base de fans qui fait caisse de résonance. Le privé est très médiatisé », précise Pierre-François Mouriaux.

Depuis plus de 20 ans et pour le futur, la Nasa continue ses appels d’offres vers ces nouvelles start-ups qui ne le sont plus vraiment, « SpaceX possède maintenant des milliers d’employés ». Contrairement à avant, certains de ces organismes privés possèdent leurs véhicules. Les appareils permettant d’aller sur la Lune étaient détenus par la Nasa. Maintenant, l’entreprise d’Elon Musk possède par exemple ses lanceurs comme la Falcon 9.

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Un tourisme spatial innovant ?

Avec cet essor du tourisme spatial qui reste cependant très restreint, de l’ordre de « 3 vols privés par an actuellement », Pierre-François Mouriaux reste sceptique quant aux avancés technologiques que cette économie peut développer : « Est-ce que la mission Polaris Dawn avec Jared Isaacman va vraiment servir à quelque chose de concret ? Est-ce que la science a vraiment besoin de ça ? Ce sont des questions qui méritent d’être posées. »

Déjà commandant lors de la mission Inspiration4, lancée en 2021 par SpaceX (premier vol spatial où les gens à bord ne provenaient pas d’une agence gouvernementale), le milliardaire Jared Isaacman ne compte pas s’arrêter là. L’homme d’affaires a, en effet, prévu deux retours dans l’espace, toujours dans le cadre de la mission Polaris qu’il organise en partie.

Yan DANIEL

Présidentielle américaine 2024 : en difficulté lors du débat, Donald Trump maintient le flou sur l’avortement

L'ancien président des États-Unis et candidat républicain à la présidence Donald Trump s'exprime lors d'un débat présidentiel au National Constitution Center à Philadelphie, Pennsylvanie, le 10 septembre 2024. (Photo : Saul Leob / AFP)

Il a bien évidemment été question d’avortement lors de la première (et dernière ?) joute verbale entre les deux candidats à l’élection présidentielle américaine, ce mardi 10 septembre sur ABC. Donald Trump n’a eu d’autres choix que le funambulisme sur la position « pro-life » voulue par sa base mais perdante électoralement.

« Il n’y a aucun État dans ce pays où tuer un bébé après sa naissance est légal. » Telle est la vérification qu’a dû apporter la journaliste Linsey Davis, qui animait le débat présidentiel entre Donald Trump et Kamala Harris sur ABC ce mardi 10 septembre, après une tirade de l’ancien président des États-Unis sur l’avortement. L’ancien président s’est montré hésitant sur ce sujet qui polarise la société américaine, tout en répétant le mensonge que les Démocrates souhaitent autoriser l’avortement jusqu’à après la naissance. La séquence, largement en sa défaveur, illustre le numéro d’équilibriste que joue Trump. Si ses militants prônent une interdiction totale de l’avortement, l’électorat reste favorable à un rétablissement de ce droit.

Ce premier débat présidentiel entre Donald Trump et Kamala Harris s’est, de l’avis des observateurs et des sondés, soldé par une victoire de l’actuelle vice-présidente. L’avortement n’y est pas pour rien. « Passer autant de temps, par égo, sur ce sujet est sûrement la pire erreur qu’il pouvait faire, confirme Lakshya Jain, analyste électoral et co-fondateur de Split-Ticket.org. Il s’agit de la position républicaine la plus impopulaire. Il ne peut pas, en tant qu’homme républicain, gagner un débat contre une femme démocrate sur ce terrain. » Selon un sondage instantané conduit par CNN, 63% des téléspectateurs estiment que Harris a livré une meilleure performance que Trump.

Un flou cultivé de longue date

Le 45e président des États-Unis a ainsi tourné autour du pot sur une potentielle interdiction de l’avortement dans tout le pays. Jusqu’à désavouer son colistier J.D. Vance, lequel a déjà affirmé son soutien à une telle mesure : « Je ne lui ai pas parlé de ce sujet, pour être honnête, balbutie Donald Trump lorsque la journaliste Linsey Davis le pousse à répondre par oui ou par non. Qu’il ait ses propres opinions ne me dérange pas, mais je ne veux pas qu’il parle en mon nom. »

À la défense de J.D. Vance, il faut dire que la position de Donald Trump sur l’avortement n’est pas très lisible. Celui qui se surnomme « le président le plus pro-life de l’histoire » soutient historiquement le mouvement anti-avortement et les propositions de loi pour une interdiction fédérale. Mais rien que cette année, il a un temps suggéré une interdiction fédérale après la quinzième semaine de grossesse avant de revenir à l’idée de laisser la liberté à chaque État, comme c’est le cas actuellement. Il a même avancé, dans un message sur son réseau social Truth, que son mandat serait « formidable pour les femmes et les droits reproductifs ». Puis, il y a quelques semaines, en Floride, il a de nouveau créé la confusion en s’opposant puis en soutenant, à 24 heures d’intervalle, une interdiction de l’avortement après six semaines de grossesse.

Réelle incertitude ou brouillage de piste ? Le flou de Donald Trump sur l’avortement s’explique par les résultats électoraux catastrophiques de la position « pro-life » depuis que la Cour suprême a signé la fin du caractère constitutionnel du droit à l’avortement en juin 2022. Dans les urnes comme dans les sondages, les candidats démocrates qui se battent pour protéger ou rétablir ce droit surperforment face aux républicains anti-avortement. Même son de cloche du côté des référendums, dont certains se tiendront dans des États-clefs en même temps que l’élection présidentielle le 5 novembre prochain.

Pour Trump, l’arrêt de la Cour suprême est un accomplissement

Mais Donald Trump reste fier d’avoir marqué le cours de l’histoire en tant que véhicule législatif et judiciaire de la droite religieuse. Renverser la jurisprudence Roe contre Wade, qui consacrait depuis 1973 le droit à l’avortement dans la Constitution au nom de la vie privée, constituait une mesure prioritaire de sa campagne en 2016. Une condition sine qua non pour que les mouvements évangélistes chrétiens, dont c’est l’objectif assumé de longue date, accordent leur confiance à une personnalité aussi sulfureuse. Durant son mandat, Trump a nommé plus de 200 juges conservateurs au niveau fédéral, dont 3 des 6 juges de la Cour suprême qui ont renversé Roe contre Wade.

 

Derrière l’aboutissement de ce combat judiciaire s’étalant sur trois décennies, une lecture « originaliste » de la Constitution. Elle plaide pour une interprétation du texte suprême qui s’appuie sur les supposées pensées de ses rédacteurs originels. Cela permet de simplement débattre sur ce qu’autorise la Constitution et d’éviter le fond du sujet, alors que l’on devine l’avortement assez éloigné des préoccupations de Benjamin Franklin, Thomas Jefferson et James Madison.

Quant à l’attachement aux « droits des États », c’est une pièce dans la machine à séduction des anciens bastions du Sud confédéré. Les conservateurs y ont toujours revendiqué cette indépendance envers l’État fédéral pour protéger leur droit à l’esclavage puis à la ségrégation. La fracture mesure aujourd’hui la polarisation autour de l’avortement. Depuis 2022, 22 États ont rendu l’avortement illégal quand 21 autres en ont renforcé l’accès.

Matthias Troude

Crédit photo : Saul Leob / AFP

VIDEO. Premier gros succès pour le méga-lanceur Starship de SpaceX

La quatrième fut la bonne. Depuis la base « Starbase » à Boca Chica au sud du Texas, le lanceur le plus puissant de tous les temps, le Starship, a réussi tous ses objectifs durant son nouveau vol test aux alentours de 14 h 50 (heure de Paris) ce jeudi 6 juin. Les trois vols précédents s’étaient conclus par des échecs avec l’explosion du lanceur, ceux-ci avaient cependant permis d’emmagasiner des informations précieuses pour l’entreprise fondée par le milliardaire Elon Musk.

D’un grondement sourd accompagné d’un impressionnant nuage de fumée et de poussière, le Starship a terminé les pieds dans l’eau à deux endroits distincts, jeudi 6 juin 2024, après un décollage à 7 h 50 (heure locale) depuis Boca Chica au Texas. L’objectif de ce nouveau vol test ? Réussir un retour dans l’atmosphère contrôlé, là où le précédent avait échoué après une rentrée dans la haute atmosphère, menant à la désintégration du second étage le 14 mars dernier.

Après son décollage, permis par les 33 moteurs Raptor du premier étage développant une poussée d’environ 5 000 tonnes, le lanceur super lourd s’est élevé dans le ciel. Après quelques minutes, le premier étage, le « Super Heavy », s’est détaché du Starship pour descendre et amerrir avec succès dans le golfe du Mexique.

Le second étage, le « Starship », donnant son nom au lanceur entier, a quant à lui continué sa course autour de la Terre. Alors que le précédent modèle s’était désintégré à une soixantaine de kilomètres d’altitude, celui-ci a entamé cette périlleuse entrée dans l’atmosphère, 40 minutes après le décollage. Beaucoup plus stable que son prédécesseur, le second étage a finalement réussi à toucher l’océan indien plus d’une heure après le début de la mission. Cette descente n’a cependant pas été de tout repos, de nombreuses tuiles et ailerons du vaisseau ont été arrachés du fait du plasma, du fait de la friction de l’engin avec les couches suffisamment denses de l’atmosphère.

Pour les deux étages, il n’est pas encore question d’un atterrissage sur une cible définie, comme actuellement avec les Falcon 9 de la même firme. Le succès de la mission d’hier s’est vraiment décidé après la rentrée atmosphérique du Starship, un grand pas en avant pour les projets futurs de SpaceX.

Le lanceur de tous les records

Ce succès du lanceur super lourd de la firme américaine permet encore une fois d’augmenter la visibilité sur ses statistiques incroyables. D’une hauteur de 120 mètres, le Starship est l’engin spatial le plus haut de tous les temps, dépassant ainsi la Saturn 5 de la NASA, le célèbre lanceur ayant envoyé les Américains sur la Lune lors des missions Apollo.

Les 33 moteurs Raptor de l’étage « Super Heavy » permettent de transformer de 100 à 150 tonnes de matériel, seulement 10.5 tonnes pour Ariane 5, l’ancien lanceur historique de l’ESA (l’Agence Spatiale Européenne), retiré du service dernièrement pour laisser place à Ariane 6.

Conçu pour être entièrement réutilisable, tout comme la Falcon 9, le Starship permettrait ainsi de réduire drastiquement les coûts des lancements.

Des objectifs ambitieux

Une fois les tests passés, les objectifs pour le Starship seront des plus ambitieux. Elon Musk souhaite en faire l’instrument principal pour réaliser son but ultime : l’établissement d’une colonie autonome sur Mars, un souhait que le milliardaire répète depuis de nombreuses années.

En attendant, l’entreprise privée a conclu un accord avec l’Agence spatiale américaine en 2021. D’une valeur de 2.9 milliards de dollars, la NASA suit dès à présent de très près le développement du vaisseau, destiné à emmener des astronautes sur la Lune dans le cadre de la mission Artémis. Bill Nelson, patron de la NASA, a d’ailleurs félicité ce vol réussi : « Félicitations à SpaceX pour ce vol test de Starship réussi. Nous avons fait un pas de plus vers le retour de l’humanité sur la Lune ».

Yan Daniel

Insolite : Le Débarquement, ou comment le chewing gum est arrivé en France

Le 6 juin 1944, les soldats américains débarquaient sur les plages normandes pour mettre fin à l’Occupation. Quatre-vingts ans plus tard, l’Histoire retient surtout l’héroïsme de ces vétérans de la Seconde Guerre mondiale, mais un peu moins ce qu’ils nous ont légué : le chewing-gum !

 

Il n’y a pas que le Débarquement qui fête son 80ème anniversaire. Lorsque les soldats accostent sur les côtes normandes le 6 juin 1944, ils ramènent des produits encore inconnus du sol français dans leur paquetage. Le chewing-gum, confiserie star de l’Hexagone, le deuxième pays consommateur dans le monde après les États-Unis, débarque lui aussi lors de l’opération de libération de la France.

Inventé par le scientifique américain Thomas Adams, le chewing-gum est commercialisé pour la première fois en 1872. Si la gomme à mâcher fait fureur dans le pays de l’Oncle Sam, elle est encore étrangère sur le Vieux continent. Il faut attendre la Seconde Guerre mondiale et la Libération pour que le chewing-gum s’importe en France, un aspect encore méconnu de l’histoire de la guerre.

Des tablettes de chewing-gum par milliers dans les paquetages des soldats américains

 

“Cent cinquante milliards de tablettes vont être fournies aux troupes américaines alliées et les GI’s (ndlr : les soldats américains) n’hésitent pas à les partager avec les populations locales libérées”, explique le sociologue de l’alimentation Eric Birlouez, dans le podcast « Cuisinons l’histoire ».

 

Très vite la pâte à mâcher explose dans le commerce. Jusqu’alors, le fournisseur officiel des combattants américains était la marque Wrigley, fondée en 1891. Seulement, un des GI ayant participé au Débarquement de 1944 flaire une opportunité sur le marché français. En 1952, Courtland E. Parfet fonde la marque « Hollywood Chewing Gum », aujourd’hui incontournable de la confiserie dans l’Hexagone.

Le mode de vie « à l’américaine » s’exporte en France avec le Débarquement

 

Cet aspect insolite de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale n’est pas anecdotique. Pourtant, l’arrivée des soldats américains en Normandie a permis l’importation de beaucoup de produits de notre quotidien d’aujourd’hui. Dans les paquetages de survie des GI’s on trouve aussi du Coca-Cola, dont ils ne pouvaient pas se passer, des Ray-Ban, des jeans, ou encore des dosettes de café. Sans le vouloir, les troupes de l’Oncle Sam importent les modes de consommations de la société américaine en Europe.

D’autres produits américains voient d’ailleurs le jour pendant la Seconde Guerre mondiale. Les chips Pringles, les nuggets au poulet ou encore le pain de mie ont été créés pendant la guerre par l’armée des Etats-Unis pour nourrir les troupes déployées en Europe. Plus qu’on ne peut l’imaginer, l’héritage de la guerre est aujourd’hui encore ancré dans notre quotidien.

Emma Launé-Téreygeol