« L’épilepsie fait peur aux enseignants »

Si la loi de 2005 sur l’accessibilité oblige l’éducation nationale à accueillir tous les enfants handicapés, les parents dénoncent encore des enseignants trop réfractaires à l’arrivée d’un petit épileptique, voire des enfants carrément exclus. Une appréhension liée à une méconnaissance de la maladie. 

«J’ai une fille dont personne ne veut », déplore Raphaëlle Thonnat, maman de Caroline, 12 ans. Pourtant quand on la voit, Caroline est une petite fille « normale ». Sauf qu’elle souffre d’épilepsie. Depuis 10 ans, Raphaëlle a arrêté de travailler, pour pouvoir assurer les trajets entre école le matin, rendez-vous chez l’orthophoniste, le pédopsychiatre ou autre spécialiste l’après-midi. Mais aujourd’hui cette mère divorcée est à bout.

Tabassée par les camarades dans la cour d’école

Caroline a d’abord était scolarisée dans le public, mais c’était « trop dur », se souvient Raphaëlle. « Les enseignants ne faisaient pas l’effort de comprendre ses moments d’absence», regrette-t-elle. Dans la cour de récréation, elle se faisait tabasser par les autres enfants, qui la traitaient de feignasse car elle n’était présente que le matin*, et était traitée de débile à cause de ses absences. Alors Caroline a intégré l’école privée catholique Thérèse Chappuis. « Le corps enseignant avait à l’époque un beau discours. Mais hier, la directrice m’a envoyé un mail m’expliquant que ma fille ne satisfaisait pas les exigences du collège et que je ferais mieux de me renseigner pour un autre établissement», dit-elle désespérée.

A entendre Delphine Dannecker, le cas de Caroline semble banal. «  Il y a un grand nombre d’enfants refusés à l’école, en crèche, ou en club sportif », explique cette mère d’un petit garçon épileptique et par ailleurs responsable communication de l’association Epilepsie France.

Les associations demandent une directive nationale pour une meilleure formation des professeurs à l’épilepsie

Pourtant, en France, la loi de 2005 impose à toutes les écoles publique de recevoir tous les enfants », rappelle Christine Cordiolani, médecin conseiller technique de l’académie de Versailles. « Bien souvent à l’arrivée au collège, les élèves épileptiques ne veulent pas parler de leur maladie. Certains menacent même de se suicider si les parents en parlent à l’infirmière ou au directeur d’établissement », explique cet ancien médecin scolaire. « Or ce défaut d’information, c’est le pire. Il faut dédramatiser et surtout faire en sorte que le professeur sache réagir. »

Justement, en octobre, la fondation française pour la recherche sur l’épilepsie a demandé à Najat Vallaud-Belkacem une directive nationale à ce sujet. La requête : « que les futurs professeurs soient formé aux gestes à adopter face à une crise d’épilepsie et soient capables d’informer leurs élèves à ce sujet », résume Emmanuelle Allonneau-Rouberti, présidente de la fondation.

Dans les faits, aucune réglementations n’empêche la venue d’associations dans les classes. Reste que les enseignants sont parfois réfractaires. Le professeur Rima Nabbout, spécialiste de l’épilepsie a essayé à plusieurs reprises de se rendre dans les classes d’élèves épileptiques pour sensibiliser à la maladie et répondre aux questions des autres élèves. Elle a enregistré refus sur refus.

Une maladie qui fait peur

« On ne peut que constater une méconnaissance incroyable autour de ces maladies dans les écoles et dans la société en général alors qu’elle concerne 1% de la population », note Stéphane Auvin, neuropédiatre spécialiste de l’épilepsie. « L’image de l’épilepsie a toujours été extrêmement négative, souvent rapprochée à la possession du diable… L’image de quelqu’un en crise d’épilepsie est très chargée émotionnellement, car on est face à un sentiment de mort imminente. Alors la maladie fait peur », analyse le docteur.

Cette méconnaissance est à relier au nombre de spécialistes apte à la prise en charge de cette maladie : en France on compte 250 neuropédiatres et environ 500 neurologues pour environ 500 000 malades.  « Nous sommes beaucoup trop peu », déplore le docteur Derambure, epileptologue et directeur de la ligue contre l’épilepsie.

 

Marine Brossard

 

*Caroline bénéficie d’horaires adaptées

 

Comment réagir face à une crise d’épilepsie ?

 

En France, 500 000 presonnes souffrent d'épilepsie. Crédit : passeportsante.net
En France, 500 000 presonnes souffrent d’épilepsie. Crédit : passeportsante.net

A l’occasion de la journée internationale pour l’épilepsie, trois questions au Professeur Stéphane Auvin, neuropédiatre spécialiste de l’épilepsie

Quel est le réflexe à adopter face à une personne en crise d’épilepsie ?

En premier lieu, il faut le protéger la personne, c’est à dire faire en sorte qu’elle ne se blesse pas. Il vaut mieux déplacer les objets que de cherche à déplacer le patient. Souvent on surestime ses forces mais quand le patient fait 1 mètre 90 et 90 kilos on risque plutôt de se faire mal soi-même ce qui ne nous permettra pas de l’aider après.

La personne peut-elle avaler sa langue ?

Non c’est un mythe. Souvent pendant les crises il y a comme un arrêt de la respiration. Cela fait souvent peur, et on dit souvent que le patient peut avaler sa langue mais il ne peut pas. Donc surtout pas de doigts pas d’objet dans la bouche. Ce qui est très important c’est de coucher le patient sur le côté -en PLS (position latérale de sécurité)- parce que cela simplifie les mouvements respiratoires, en PLS. Ensuite on peut prévenir les secours en faisant le 15, en particulier si la crise dure plus de cinq minutes.

Il y a-t-il un risque de mort ?

La plupart des patients qui font une crise sont pas exposés à un risque de mort imminente. Mais on sait que chez les jeunes adultes, il y a une surmortalité chez les patients atteint d’épilepsie. Ces cas surviennent généralement quand le patient se retrouve à faire une crise tout seul la nuit chez lui, il risque par exemple de s’étouffer avec un oreiller. Mais pour la crise standard, la plus fréquente, quand on est assisté, le taux de mortalité est extrêmement faible. C’est plutôt l’objet qui va entrainer la mort en obstruant les tubes respiratoires. Rappelons que biens souvent, les patients n’ont pas conscience qu’ils font une crise donc c’est plutôt l’entourage qui va aider le patient qui lui même ne peut malheureusement pas faire grand chose.

Marine Brossard