Les violences éducatives et ordinaires en augmentation dans les sphères familiale et sportive

Ce jeudi 6 juin, la Fondation pour l’Enfance présentait les résultats de la deuxième édition de son baromètre sur les Violences Educative Ordinaires (VEO) à la Maison de la Radio. Si le public est de plus en plus sensibilisé aux VEO, leurs pratiques persistent, voire augmentent et s’observent au-delà du cercle familiale.

 

« 81% des parents reconnaissent avoir encore recours à différentes formes de violences éducatives ordinaires », alerte la Fondation pour l’Enfance dans sa 2e édition du baromètre sur l’ancrage des violences éducatives ordinaires (VEO). Réalisé par l’IFOP, ce second baromètre constate une augmentation de 2% des recours aux VEO, par rapport à 2022, année du premier baromètre. Pourtant, 79% des 1 007 parents d’enfants âgés de 0 à 10 ans confirment savoir ce que sont les VEO, 46% d’entre eux déclarent identifier précisément ces violences éducatives ordinaires (une augmentation de 8 points par rapport à 2022).

En cette année olympique, la Fondation pour l’Enfance a fait le choix d’élargir son terrain d’enquête au-delà de la sphère familiale pour y inclure le sport de loisir. Le constat est édifiant : 38% des parents sondés confirment que leur enfant a subi des comportements inappropriés dans le cadre des activités sportives. Sur ce dernier point, la fondation créée en 2012 a organisé deux tables rondes jeudi 06 juin à la Maison de la Radio à Paris où sportifs, chercheurs et acteurs du sports ont pu partager leur expérience douloureuse.

La lutte contre les VEO dans le sport doit devenir une priorité

« Les violences sont omniprésentes dans le sport. Les enfants et les personnes en situation de handicap sont les plus exposées » déplore Aurélien Lacour, ancien joueur de l’équipe de France de paragolf. Ces violences éducatives ordinaires s’opèrent dès lors qu’une personne détient une autorité éducative. En ce sens, le sport de haut niveau et sa quête de la performance peuvent devenir un environnement propice au développement de ces abus.

« Je me suis sentie comme dépossédée de mon corps. On m’exerçait une pression constante sur mon corps et mes résultats, tout au long de ma carrière » explique Emma Oudiou, ancienne athlète spécialiste du demi-fond. En 2021, elle fait le choix de tirer un trait sur son rêve olympique à la suite de violences sexuelles et psychologiques qu’elle a subies sept ans auparavant. Alors âgée de 19 ans, elle porte plainte pour agression sexuelle à l’encontre d’un entraîneur national de la Fédération Française d’Athlétisme, en juillet 2014. Une commission de discipline suspend l’entraîneur en 2018, puis annule sa suspension. En décembre 2022, le parquet d’Amiens classe la plainte sans suite. « Aujourd’hui, je peux compter sur le soutien de mes parents pour me reconstruire »  conclut-elle.

Depuis les révélations de l’ex-championne de patinage Sarah Abitbol, à l’origine du #MeToo dans le milieu du sport français, les témoignages se multiplient. Benjamin Ecuyer, ancien joueur de tennis de table devenu journaliste, a révélé avoir été victime de violences sexuelles commises par son ancien directeur de club à l’âge de 13 ans : « Je n’ai eu aucun soutien de la Fédération Française de Tennis de Table. Ma reconstruction a nécessité cinq à six années de suivi psychologique, pendant lesquels j’ai écrit mon livre Je vais t’aimer jusqu’à ce que mes poumons cèdent. L’écriture a été un exutoire pour moi ».   

Quels dispositifs prévoit la loi pour venir en aide aux victimes de violences dans le sport ?

Les pouvoirs publics se sont saisis du sujet face à l’affluence des témoignages de victimes. Une proposition de loi « visant à renforcer la protection des mineurs et l’honorabilité dans le sport » a été voté à l’unanimité le 29 février dernier par l’Assemblée nationale.

Cette loi portée par la députée Claudia Rouaux et le sénateur Sébastien Pla oblige les dirigeants de clubs et les fédérations sportives à signaler aux services de l’Etat les comportement à risques des éducateurs sportifs. En cas de manquement, les dirigeants s’exposent à une interdiction de diriger un club. La loi prévoit aussi un renforcement des contrôles de la moralité et des casiers judiciaires des éducateurs sportifs et des bénévoles des clubs. Les personnes déjà condamnées pour des infractions violentes et/ou sexuelles recevront une interdiction d’exercer.

Les victimes peuvent aussi recourir à trois procédures : pénale après un dépôt de plainte, fédérale auprès des fédérations sportives et administratives afin de signaler les éducateurs sportifs mis en cause auprès des services de l’Etat. Le Ministère des Sports et le Comité Paralympique et Sportif Français ont aussi mis au point un Réglo’Sport afin d’identifier les comportements inappropriés. Une plateforme en ligne, Signal-sports, pour recueillir la parole des victimes est également opérationnelle depuis 2019.

La Reglo’Sport est un dispositif mis en place par le Ministère des Sports et le Comité Paralympique et Sportif Français afin d’aider les acteurs du sport à identifier les comportements problématiques.

Alexandre Delaitre

Education : 81% des parents reconnaissent avoir eu recours à une forme de violence en 2023

Les parents sont-ils bien informés sur les violences éducatives ordinaires ? 81% d’entre eux reconnaissent avoir eu recours à au moins une forme de violence, psychologique ou physique, pour éduquer leur enfant en 2023. C’est ce qu’a révélé le deuxième baromètre de la Fondation pour l’Enfance sur l’ancrage des violences éducatives ordinaires (VEO) dans les sphères familiale et sportive, réalisé par l’Ifop, et mentionné par France Bleu ce jeudi. Ce chiffre est 10% plus élevé qu’en 2022. Pourtant, 58% des interrogés se disent bien informés sur les VEO, soit 10 points de plus par rapport à l’année d’avant. Plus d’un tiers des parents ont aussi connaissance de comportements inappropriés subis par leurs enfants dans le cadre sportif, mais 36% adhèrent à l’idée que pour faire progresser un enfant dans son sport, il faut lui faire ressentir une forme de pression régulière.

Emma Launé-Téreygeol

Inceste: la difficile formation des enseignants

Alors que le gouvernement vient tout juste de dévoiler sa première campagne de sensibilisation aux violences sexuelles sur les enfants, dans lequel le mot inceste est prononcé pour la première fois. La secrétaire d’État chargée de l’Enfance, Charlotte Caubel, a quant à elle affirmé mardi 12 septembre, sur le plateau de l’émission Quotidien que les enseignants étaient « formés régulièrement au repérage des violences subies par les enfants ». Un propos qui fait réagir les concernés.

« C’est un manque que je ressens au quotidien, on se sent complètement démunis ! » assure Karim* enseignant dans un collège à Marseille. Ce dernier exerce depuis sept ans en SEGPA (section d’enseignement général et professionnel adapté des classes accueillant des jeunes élèves présentant des difficultés personnelles et scolaires importantes) et regrette le manque de formation sur les violences sexuelles. 

« Ce sont des élèves qui subissent d’autant plus les violences et ce n’est pas normal de ne pas avoir eu de formation sur cette question en formation initiale et continue », déplore-t-il.

« On ne comprend pas cette absence de formation »


Le Code de l’éducation nationale prévoit, depuis le 22 juin 2000, que les professeurs reçoivent obligatoirement une formation initiale et continue dans le domaine de la protection de l’enfance en danger. Pourtant, l’ensemble des témoignages convergent. Ils n’ont jamais bénéficié de cette formation sur les violences sexuelles. « J’ai effectué un signalement oral il y a quelque temps pour une élève de 14 ans, ce n’était pas une affaire d’inceste mais il s’agissait de violences sexuelles, elle fréquentait un adulte de 32 ans. J’ai signalé ce cas à la CPE mais on est assez seul dans ce processus », résume Pierre, un enseignant d’arts plastiques à Metz.

Le temps passé par les enfants dans les établissements scolaires est important et les enseignants se trouvent logiquement en première ligne pour détecter, repérer et signaler les violences sexuelles. Pour rappel, d’après la Ciivise (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) 160.000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France. Un chiffre impressionnant qui nécessite une meilleure prise en charge.

Karim* a récemment effectué un signalement « on doit se débrouiller, le formulaire n’est pas évident à trouver et à compléter. On ne sait pas à qui l’envoyer, on ne connaît pas ses interlocuteurs, c’est vraiment flou », regrette-t-il.

Un plan d’action gouvernemental de lutte contre les violences sexuelles intrafamiliales a été mis en place depuis la rentrée scolaire 2021, dans lequel on retrouve un guide à destination des personnels et en particulier des enseignants. L’objectif de ce guide est d’améliorer la connaissance et la compréhension des violences sexuelles/ d’outiller les personnels afin de favoriser la libération de la parole et le repérage des élèves victimes et renforcer les actions de préventions, notamment en éducation à la sexualité.

« On ne sait pas vers qui se tourner donc on bricole »

Confrontés à ce manque de formation, d’outils mis à disposition pour écouter et accompagner les enfants victimes d’inceste, les enseignants se débrouillent seul pour repérer les victimes. « Ça fait des années que je travaille au rectorat de Paris et la question de la formation aux violences sexuelles n’est jamais venue dans les discussions, donc les propos de la ministre sont hypers violents pour nous ! », fulmine Elisabeth Kutas membre du syndicat Snuipp-FSU Paris et professeur des écoles. Toutes les trois minutes un enfant est victime d’inceste en France, entre un et deux élèves par classe est concerné, « on ne nous apprend pas du tout à les repérer, à les prendre en charge, à écouter la parole de l’enfant. On ne sait pas vers qui se tourner donc on bricole »

Les assistantes sociales et les psychologues sont essentiels pour repérer les enfants victimes et sont un soutien pour le corps enseignant. Certains professeurs décèlent des indices dans les copies des élèves, dans les comportements et plus rarement des élèves peuvent se confier. « J’ai de la chance d’avoir une assistante sociale et une équipe géniale qui intervient mais ce ne sont pas des gens internes à l’éducation nationale », explique l’enseignante.

Sollicité par notre média, le cabinet de la secrétaire d’État chargée de l’Enfance indique que les enseignants sont de plus en plus sensibilisés à cette question et qu’il existe des dispositifs pour lutter contre ce fléau.