Malgré un taux d’emploi accru, les seniors toujours discriminés à l’embauche

Le taux d’emploi des seniors a atteint son pic en 2023. Selon les données de la Dares (ministère du Travail), 58,4% des 55-64 ans ont un emploi : une nette progression par rapport à l’année précédente. Une tendance constante depuis plusieurs années, mais qui n’empêche pas les demandeurs d’emploi seniors d’être confrontés à d’importants obstacles. 

La Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques (Dares) a annoncé mercredi que le taux d’emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans était de 58,4% en 2023, soit une augmentation de 1,5 points par rapport à l’année précédente. Mais ce taux varie en fonction de l’âge des seniors : si les 55-59 ans sont 77% encore en emploi, ce n’est le cas que de 38,9 % des 60-64 ans. Cependant, ce dernier taux est le plus haut enregistré dans les 50 dernières années.

Si l’emploi des seniors a atteint un record cette année, cela s’inscrit dans une tendance générale à la hausse de la participation de nos aînés au marché du travail ces dernières années. L’un des principaux facteurs n’est d’autre que les trois réformes des retraites successives qui ont eu lieues ces dernières années. « Le taux d’emploi des seniors augmente quasi continûment depuis 2000, en lien avec les réformes des retraites allongeant les durées de cotisation puis reculant l’âge d’ouverture des droits », indique la Dares. La nouvelle réforme l’établissant à 64 ans, entrée en vigueur en septembre, devrait accélérer cette tendance. 

Malgré ses progrès, la France reste toutefois mauvaise élève en Europe en matière d’insertion professionnelle des seniors, où elle reste inférieure à la moyenne européenne. Elle occupe en effet la 17e place sur les 27 pays de l’UE à ce sujet, soit 5 points et demi en-dessous de la moyenne européenne s’élevant à 63,9%, selon les données d’Eurostat.. Par exemple, l’Allemagne dépassent les 74 %, la Suède les 78 % et en Islande ce taux atteint même les 81 %.

L’âge, un critère d’embauche toujours discriminant

Parmi les explications qui compliquent l’accès à l’emploi des seniors : la discrimination à l’embauche. Selon une étude publiée par Grant Alexander en octobre 2023, menée par Opinionway, 45% des DRH affirment avoir déjà reçu pour consigne de la part de sa direction de privilégier à ces seniors des profils plus jeunes, s’ils ont le choix. Et plus d’un tiers (32%) aurait déjà écarté d’emblée les candidatures de profils seniors, toujours sur demande de sa direction.

Parmi les raisons mises en avant dans cette étude, les DRH interrogés évoquent l’idée d’une difficile compréhension par les seniors des attentes des jeunes talents rejoignant leur équipe (72 %) et de leur processus de travail (70 %), ou encore l’appréhension d’une mauvaise adaptation aux évolutions technologiques et digitales (63%)

Une crainte de discrimination qui se fait ressentir parmi les demandeurs d’emploi. D’après la synthèse du baromètre de perception de l’égalité des chances en entreprise du Medef de 2022, sur les personnes qui craignent d’être victime de discrimination sur le marché du travail, 43% des répondants cite le critère de l’âge comme principale préoccupation. Cela constitue la première source de discrimination potentielle selon eux, devant l’apparence physique (23 %), le diplôme (23 %) et le sexe (21 %).

Des initiatives pour favoriser l’insertion des seniors

Face à cette problématique, des initiatives voient le jour pour aider les seniors en recherche d’emploi. L’association Senior4Good accompagne par exemple des professionnelles de plus de 45 ans qui cherche un emploi, et tente de visibiliser et valoriser leurs profils auprès des entreprises en luttant contre les stéréotypes. Frédérique Jeske, présidente de l’association, évoquait dans un article du Figaro un contexte favorable à l’emploi des seniors : «  Les tensions de recrutement poussent les entreprises à garder leurs salariés expérimentés en emploi, motivés et productifs. Mais également à élargir leur palette à l’embauche vers des profils plus âgés. »

Des propositions au niveau politique, bien que très débattues voient aussi le jour. C’est le cas de la proposition du « bonus emploi seniors » dans le cadre de la réforme de l’assurance chômage.  Cette dernière consisterait à allouer au employeur une prime permettant d’embaucher un senior à un coût moins élevé et permettrait à un demandeur d’emploi âgé de plus de 57 ans de cumuler, pendant un an, son indemnité chômage avec un salaire perçu dans le cadre de son nouvel emploi.

Marie Scagni 

« Je dois ma reconversion au confinement » : ces cadres devenus artisans grâce au Covid-19

L’épidémie de Covid-19 et ses conséquences sur l’économie française semblent avoir été un moteur de reconversion dans l’artisanat, en particulier chez les cadres.

Perte d’emploi, chômage partiel, travail à distance, chute brutale du chiffre d’affaires, contraintes sanitaires, réorganisation des entreprises… Le Covid-19, et les trois confinements auxquels les Français ont été confrontés en un peu plus d’un an – entre mars 2020 et mai 2021 –, ont considérablement modifié le marché du travail dans le pays. Cette situation inédite a non seulement impacté les entreprises mais aussi le ressenti et les aspirations des travailleurs. « Aujourd’hui, je m’accorde du temps, j’avais besoin de donner du sens à mon métier et de me recentrer sur moi-même », explique Camille Lassin, ancienne cadre désormais artisan brodeuse. 

Alors cheffe de projet marketing dans un grand groupe de cosmétiques, elle se met à la broderie pendant le premier confinement. Puis décide, lors du deuxième confinement, de vendre ses créations – des broderies sur des vêtements – sur Etsy et Instagram. Un pari gagnant : en avril 2021 lorsqu’elle se rend compte qu’elle peut vivre de la broderie, la Lyonnaise pose sa démission auprès de son employeur pour se consacrer à plein temps à son auto-entreprise créée en janvier 2021.

« Ce qui était un passe temps durant le confinement est devenu une passion puis mon métier », résume-t-elle. Finies les contraintes horaires, la jeune femme de 29 ans travaille désormais chez elle. Surtout, la broderie lui apporte cet aspect créatif qui lui manquait. « Ce métier me donne une grande satisfaction et un nouveau sens à ma vie car on produit chaque jour quelque chose, poursuit-elle. On se sert de ses dix doigts ! Je me sens tellement plus heureuse. »

20% des nouvelles entreprises artisanales créées par des cadres reconvertis

Comme elle, de nombreuses personnes se sont lancées dans l’aventure artisanale pendant ou après la crise sanitaire. Selon l’Institut supérieur des métiers (ISM), le nombre d’entreprises artisanales créées a augmenté de 18,2% entre 2018 et 2022, passant de 44 000 à 52 010. Alors qu’un peu plus de 10% d’entre elles avaient été créés par des cadres reconvertis il y a cinq ans, ce cas de figure représentait plus de 20% des nouvelles entreprises artisanales l’année dernière. 

Peut-on y voir un effet Covid-19 ? Oui, selon Antoine Dain, auteur de la thèse “Changer de travail pour être heureux? Reconversions professionnelles des cadres, mobilité sociale et rapport au travail ». « Parmi la centaine de reconvertis que j’ai interrogés, la crise sanitaire et les confinements ont été des moteurs de reconversion. Ils ont accéléré une tendance déjà ancrée en particulier chez les cadres », expose le doctorant en sociologie à l’Université Aix-Marseille, également rattaché au LEST (Laboratoire d’Economie et de Sociologie du Travail). Exercer un métier plus proche de ses passions, donner une nouvelle orientation à sa vie professionnelle ou encore donner plus de sens à sa vie : telles sont les principales raisons évoquées par les personnes souhaitant se reconvertir, c’est-à-dire changer de métier – et parfois même de secteur.

« J’ai redonné un sens à mon métier »

Mais sauter le pas n’est pas toujours évident. Pendant quatre ans, Pierre Passirot a envisagé de quitter son emploi dans la finance, qui lui permet de gagner confortablement sa vie, pour devenir pâtissier, ce métier qui le fait tant rêver depuis le lycée mais que ses parents n’auraient pas aimé le voir exercer à l’époque. Ce n’est qu’en 2020, à l’aube de ses quarante ans et après avoir trouvé le temps d’y réfléchir et de pratiquer sa passion en amateur grâce à la crise sanitaire, qu’il se donne enfin ce défi. « Je dois ma reconversion au confinement et aux vidéos de Cyril Lignac sur Instagram ! », s’exclame le Montpelliérain.

Le voilà désormais aux fourneaux depuis près de deux ans, avec un CAP pâtisserie en poche – une formation d’une année qu’il a financée avec son épargne, lui qui n’a pas d’enfants. Si son ancien et nouvel emplois sont, à première vue, aux antipodes, il leur trouve pourtant des points communs. « Les deux ont des horaires décalés, je n’ai plus de soirées entre amis mais j’ai redonné un sens à mon métier”, fait-il valoir, assurant que malgré cette contrainte, il « ne regrette rien »

Mais avant de poursuivre son rêve, Pierre Passirot s’est confronté à la réalité et s’est interrogé sur la faisabilité et la viabilité de son projet de reconversion. “Je ne me serais pas reconverti si ce n’était pas vers un métier où j’étais assuré d’un emploi derrière, précise-t-il. La pâtisserie embauche beaucoup et c’est une sécurité. Cela rassure énormément [… ] et ça m’a aidé à me projeter et à faire ce choix. »

Le bâtiment et l’alimentation plébiscités par les reconvertis

D’après l’Insee, l’artisanat regroupe toutes les personnes physiques ou morales exerçant à titre principal ou secondaire une activité professionnelle indépendante de production, de transformation, de réparation ou de prestations de services. Un conducteur de taxi est donc artisan, tout comme un boulanger, un maçon, un plombier ou un photographe. L’activité artisanale rassemble ainsi une large palette de métiers. Les secteurs les plus plébiscités sont le bâtiment et l’alimentation.

En 2021, trois activités du BTP figurent parmi les 10 premières activités de création artisanale, selon l’étude sur la démographie des établissements réalisée par l’Insee.  “Ce sont les secteurs qui recrutent le plus, cela explique pourquoi il y a beaucoup de reconvertis dans ces secteurs”, commente le chercheur Antoine Dain. D’après l’Institut supérieur des métiers, près de 58% des reconvertis se dirigent vers l’artisanat du bâtiment ou de l’alimentation en 2021.

Si l’on constate bien une augmentation des cadres reconvertis créateurs d’entreprises artisanales depuis la crise sanitaire, il est difficile de connaître la tendance globale des reconvertis dans l’artisanat. “Nous avons besoin encore de recul sur les trois dernières années pour savoir s’il y a une véritable recrudescence de reconvertis après la crise sanitaire”, tempère Antoine Dain. 

Et d’ajouter cependant : “La crise sanitaire, bien que source d’incertitudes à de nombreux égards, n’aurait par ailleurs pas découragé les bifurcations et aurait même pu en susciter de nouvelles.” Selon le troisième baromètre de la formation et de l’emploi (Centre Inffo / CSA), 21% des actifs préparaient une reconversion en janvier 2022. Des opportunités qu’ils n’auraient peut-être pas saisi sans cette crise.

Juliette Picard & Laura Pottier

500 personnes embauchées par Amazon en Moselle

Le géant américain Amazon a annoncé avoir embauché plus de 500 personnes pour son centre de distribution près de Metz (Moselle), jeudi 23 septembre. L’entreprise a promis de créer 1000 nouveaux emplois dans les trois prochaines années pour ce nouveau site.

500 nouveaux postes et que des contrats à durée indéterminée. Sur les 1000 créations d’emplois promises par Amazon pour son nouveau centre de distribution à Augny (Moselle), la moitié a ainsi été réalisée, selon l’entreprise.

Un coup de pouce pour l’emploi local : la moitié des personnes embauchées étaient des chômeurs de longue durée. 16 % d’entre elles percevaient le RSA. « C’est un bonus pour la commune au niveau de la taxe foncière, du rayonnement de la métropole et du développement économique », estime le maire de la commune, François Aurion.

Le e-commerce est régulièrement visé par des accusations de destruction des emplois. Pour Frédéric Duval, directeur général d’Amazon France, ces embauches sont l’occasion de prouver le contraire. Il affirme que ces 500 CDI vont « contribuer à la croissance de la région ». 

Mercredi 22 septembre, Amazon a déjà affirmé que 12 000 travailleurs saisonniers seront employés en France pour la période des fêtes de fin d’année. Parmi eux, 2 000 seront embauchés pour le site d’Augny.

A.G.

Jobs saisonniers : avec la crise sanitaire, l’été sera compliqué

Avec la lente réouverture des bars et restaurants, la question des jobs d’été demeure incertaine pour une population plus que jamais demandeuse au sortir de la crise sanitaire.

Les bars, comme le Franco-Belge à Versailles, ne seront pas les premiers employeurs saisonniers cet été. © Louis de Kergorlay

Pour les jeunes et les étudiants, été rime souvent avec jobs et petits boulots. Parmi les secteurs qui recrutent le plus à cette occasion : la restauration. Avec ses 59,9 % de travailleurs saisonniers par an selon Pôle emploi, il s’agit de la filière qui dépend le plus de ces travailleurs intermittents. Mais à l’heure d’un été incertain avec une menace de re-fermeture permanente due à la crise sanitaire, le secteur affichera sans doute un visage bien différent pour la période estivale. 

Lorsque l’on interroge Achraf, 55 ans, patron du Franco-belge à Versailles depuis plus de vingt ans, la prudence est de mise : « On est contents d’avoir pu enfin rouvrir, mais on fait attention parce qu’à tout moment ça peut repartir ». Échaudé par les arrêtés préfectoraux en vigueur depuis deux semaines suite à la « marée humaine » de la réouverture, Achraf préfère procéder différemment cette année. Face à cette incertitude permanente, il préfère « faire appel aux anciens ». Ainsi, pas de perte de temps à former des serveurs ou cuisiniers pour quelques semaines, les serveurs de cet été doivent être prêts, flexibles et facilement mobilisables en cas de fermeture surprise à cause d’un rebond de la pandémie.  

La demande est là, mais l’offre ne suit pas 

Même son de cloche du côté d’Isabelle, 51 ans et cogérante du Tir Na Nog à Lille : « Nous avons déjà eu la chance de réussir à conserver toute notre équipe, on ne cherche pas spécialement à engager pour cet été. » Au sortir d’une crise qui a durement frappé le secteur de la restauration, l’objectif principal est surtout de se remettre à flot avant d’embaucher de nouvelles paires de bras parfois inexpérimentées.

Alors que l’on pouvait s’attendre à une demande moindre de la part d’une jeunesse désireuse de profiter de son été suite à une année passée en confinement, il n’en est finalement rien. « Ce n’est pas qu’on ne reçoit pas de demandes, c’est qu’on ne peut pas les accepter surtout que les profils sont plus divers et inexpérimentés que d’habitude, confie Didier Giraud, patron de l’Entrepôt à Biarritz. Il ne faut pas croire que tous les jeunes sont des feignants paresseux, ils veulent bien travailler mais ils ne le peuvent pas ». 

L’État et les villes au secours de la jeunesse ? 

Parfois critiqué pour sa gestion de la crise sanitaire au sein du monde étudiant, le gouvernement tente de réagir en relançant son initiative 1 jeune 1 solution créé à l’été 2020. Depuis ce lundi, 35 entreprises dont Leclerc, Just Eat ou Accor ont publié près de 10 000 offres d’emplois pour la jeunesse. Cette initiative intervient au lendemain d’une tribune parue dans le Journal du dimanche où ces chefs d’entreprise exhortaient leurs homologues à ne pas faire de cette jeunesse une « génération sacrifiée ». 

L’action fait écho à plusieurs événements organisés à des échelles plus locales. La ville de Versailles a, par exemple, proposé un job-dating le 20 mai dernier sur la grande avenue de Paris qui donne sur le château. « Ça a été un vrai succès car jeunes et employeurs étaient au rendez-vous », explique Charles Rodwell, adjoint à la jeunesse pour la ville.   

Les opportunités d’emploi semblent donc au rendez-vous, même si les jeunes demandeurs d’emplois auront sans doute moins de choix que d’habitude pour cet été 2021. Des opportunités bienvenues pour une population dont 82% s’est retrouvée en difficulté financière durant le confinement, selon la Fédération des associations générales étudiantes.

Louis de Kergorlay