Le gouvernement n’avance toujours pas sur le statut des accompagnants d’élèves handicapés

Des professeurs manifestent contre la réforme Blanquer, le 17 juin 2019 à Paris. – STR / AFP

Un rapport parlementaire préconisant la revalorisation du statut des accompagnants d’élèves en situation de handicap a été remis ce mardi au gouvernement. Depuis des années, les demandes de ces travailleurs restent sans réponse concrète de la part de l’exécutif.

Leur rôle aux côtés des élèves handicapés est essentiel au quotidien. Pourtant, le travail des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) n’est toujours pas reconnu et les formations manquent cruellement. Le ministre de l’Education, Jean-Michel Blanquer, avait d’ailleurs appelé à la professionnalisation du secteur. Sophie Cluzel, la secrétaire d’Etat en charge des personnes handicapées, avait elle assuré que la question de leur statut serait l’une « des priorités du quinquennat ». Pourtant, aucune avancée significative n’a été observée en ce sens à la rentrée 2019, qui a été vécue comme un cap extrêmement éprouvant à gérer pour bon nombre d’entre eux, alors que leur situation continue de se précariser.

Aurélie, membre du collectif AESH En action, est accompagnante d’élève en situation de handicap depuis bientôt 10 ans. Après cinq années exercées sous contrat aidé, elle a signé un nouveau contrat public avec l’Education nationale, en cours depuis maintenant 4 ans. Mais elle n’observe toujours aucune amélioration au quotidien. « Notre rôle est d’amener l’élève vers l’autonomie, mais sans faire partie de l’équipe enseignante. On est moins considéré parce qu’on est juste de passage. Souvent, les professeurs ne sont même pas prévenus de notre venue ».

Exerçant à Agen, dans le Lot-et-Garonne, Aurélie touche 730€ pour 23h travaillées par semaine. Depuis l’application de la réforme Blanquer, une série de mesures du gouvernement visant à redéfinir le fonctionnement de l’école, elle bénéficie d’un CDD de trois ans renouvelable une fois avant de pouvoir prétendre signer un CDI, contre un CDD d’un an renouvelable six fois auparavant. « Le gouvernement juge que ces contrats sont robustes, mais avec des salaires pareils, c’est surtout une précarité à vie et sans formation », explique-t-elle.

Une déstructuration de la profession

Nouveauté de cette rentrée, les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL) avaient pour objectif de réorganiser les équipes d’accompagnants. Mais en réalité, ces nouvelles entités sont venues déstructurer une profession déjà précaire. « C’est le jeu des chaises musicales. On nous demande de nous démultiplier, on est balancé entre plusieurs établissements avec plus d’élèves à gérer. Cela a complètement déshumanisé notre métier », déplore Aurélie.

Souvent considérés comme du « sous-personnel », de plus en plus d’AESH préfèrent claquer la porte face au manque de reconnaissance qu’ils subissent. La formation reste quasiment inexistante dans le milieu et oblige les accompagnants à se former par leurs propres moyens. « Le gouvernement a revu à la baisse les critères de sélection. Ils embauchent désormais à partir du baccalauréat, même si la personne n’a aucune expérience antérieure auprès d’élèves en situation de handicap », déclare-t-elle.

La détresse de ces accompagnants a d’ailleurs connu un point d’orgue en cette nouvelle rentrée : des milliers d’AESH sont encore en attente d’une affectation ou d’un salaire. Face à ces problèmes récurrents, les rectorats restent souvent muets et le personnel est livré à lui-même. Soutenus par des associations de parents d’élèves, AESH En action demande que des mesures concrètes soient prises en urgence pour la reconnaissance de leur statut, mais également pour éviter que les élèves handicapés subissent les conséquences de cette précarité.

Valentin Berg

À Bagneux, donner une seconde chance aux NEET (2/4)

L'encadrement des jeunes consiste très souvent à leur redonner confiance, en eux-mêmes et en l'avenir. Julien Percheron
L’encadrement des jeunes consiste très souvent à leur redonner confiance, en eux-mêmes et en l’avenir. Julien Percheron

118 centre de réinsertion professionnelle compose le réseau des Écoles de la deuxième chance. Le but, comme ici à Bagneux, offrir une solution à ceux qui sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification.

Dans les couloirs de cette école un peu différente, les travaux des années précédentes ornent les murs. Biographie de Lionel Messi, histoire de l’hôtel Hilton à Paris ou de la coupole Art Nouveau des Galeries Lafayette. Christian Larandière est le chef de site de Bagneux. Ici, on ne parle pas de professeurs, d’élèves ou de cours, mais de formateurs, de stagiaires et d’ateliers. Lunette rondes vissée sur le nez, son collier de barbe accompagne un large sourire.

« Ces jeunes sont arrivés il y a une semaine, dit-il en désignant quelques jeunes réunis autour d’une formatrice, on les fait entrer au compte-goutte, pour permettre l’individualisation de la formation. Chacun va suivre un parcours personnalisé en fonction de ses atouts et lacunes, mais aussi du métier qu’il choisit » explique le chef de site.

Avec 10 mois de cours, à raison de 35 heures par semaine, l’objectif est double : mettre les élèves à niveau dans les matières élémentaires et accéder à l’emploi ou à une formation qualifiante en alternance. « On est la marche qui leur permet d’entrer en CAP ou en Bac Professionnel » poursuit Christian Larandière.

« On cadre, on motive, on remobilise en permanence »

 

A quelques mètres de là, une autre salle, à l’ambiance studieuse. Sur la porte : Atelier Insertion Professionnelle. Ces stagiaires, arrivés en début d’année, travaillent leur CV. Au milieu de la pièce, Sandrine Araujo, formatrice. Brune, les cheveux bouclés et le regard bienveillant, elle s’adresse à Angel Cada, 20 ans, il arbore un T-shirt Star Wars et des lunettes loupe.

« Il faut que tu prennes conscience de tes compétences » dit-elle au d’une voix rassurante, penchée sur sa fiche de synthèse. Dessus, des triangles qui se croisent : mes valeurs, les valeurs que je rejette, mes intérêts, mes compétences et connaissances… L’an passé, Angel échoue en Terminal STMG et fait une dépression. Son redoublement est un échec, il fait une seconde dépression, plus violente. « Ici, on apprend des choses vraiment utiles » confie-t-il.

Après un premier stage “moyen” dans la vente, Angel se projette plus dans la logistique. « J’aimerai bien faire mon prochain stage à La Poste ou chez L’Oréal » sourit-il. C’est la grande particularité de cette école : trois semaines d’ateliers, trois semaines de stage. Juste à côté, un autre stagiaire fait mine de travailler son CV, légèrement affalé sur sa table. A 18 ans, Tyron n’a pas obtenu son Bac STMG.  « Les stages permettent d’acquérir des expériences et de se faire une idée d’où l’on voudrait faire l’alternance plus tard » explique le jeune homme, fan d’automobile, du PSG et des mangas.

L'atelier d'insertion professionnel est un temps pour que chacun avance dans ses recherches de stage. Julien Percheron
L’atelier d’insertion professionnel est un temps pour que chacun avance dans ses recherches de stage. Julien Percheron

Ce qui plaît aussi à la majorité des stagiaires, c’est l’indemnisation. Certes ils touchent aux alentours de 320 euros par mois. Mais ils gagneraient 100 euros de plus en préférant la Garantie Jeune. Pour cette raison, le dispositif de réinsertion professionnelle, sorte de pôle emploi pour les jeunes, attire bien plus que les écoles de la seconde chance.

Un phénomène que déplore Sandrine Araujo : chaque année, les écoles de la seconde chance ne sont pas remplies. « Je travaillais avant en Mission locale, se souvient-elle, il n’y a qu’un mois d’atelier puis deux rendez-vous hebdomadaire. Et les jeunes touchent les 400 euros, avec deux présence. Alors qu’ici, on donne beaucoup d’énergie, énormément même. On cadre, on motive, on remobilise en permanence. On est toujours derrière pour dire : tu vas y arriver » dit-elle, en serrant ses poings.

Une volonté partagée par les six formateurs de l’Ecole de Bagneux. D’ailleurs, chaque année, plus de 60% des jeunes stagiaires signent un contrat de travail ou suivent une formation professionnelle qualifiante dans un métier qu’ils ont choisi. 

L’ensemble du dossier à retrouver ici :

Les NEET, une catégorie sociale qui inquiètent les pouvoirs publics (1/4)

Le risque pour les NEET : basculer dans la pauvreté et l’exclusion (3/4)

Alexis, le sport et le deal (4/4)

Galerie photographique : Une matinée à l’école de la deuxième chance

Julien PERCHERON