Ce mercredi Mariano Rajoy a demandé à Carles Puigdemont de clarifier explicitement sa position sur l’indépendance de la Catalogne.
Le président du gouvernement espagnol réclame un éclaircissement. Ce mercredi, Mariano Rajoy a annoncé avoir formellement demandé au président régional Catalan, Carles Puigdemont, de s’exprimer clairement sur la situation catalane. « Le Conseil des ministres est convenu ce matin d’envoyer une réquisition formelle au gouvernement de la Generalitat (exécutif catalan) afin qu’il confirme s’il a déclaré l’indépendance de la Catalogne« , a annoncé M. Rajoy lors d’une brève allocution télévisée. Le chef du gouvernement a par ailleurs menacé de déclencher la procédure de suspension de l’autonomie si jamais l’indépendance était explicitement proclamée.
Ante la confusión generada en Cataluña, el #CMin ha aprobado requerir a la Generalitat a que aclare si ha declarado la independencia pic.twitter.com/Ls1Wa3LUs9
« Au vu de la confusion en Catalogne, le conseil des ministres a approuvé de demander à la Generalitat d’éclaircir ses positions sur l’indépendance »
Le gouvernement espagnol s’était réuni en urgence pour réclamer des explications à Carles Puigdemont après sa « déclaration implicite » d’indépendance mardi. Au cours de son allocution, il avait soufflé le chaud et le froid, saluant la victoire du « oui » à l’indépendance avant de « suspendre les effets de la déclaration d’indépendance« .
Depuis le référendum du 1er octobre, l’Espagne traverse sa plus grave crise politique depuis 40 ans. Mais les relations tumultueuses entre les Catalans et la monarchie espagnole ne datent pas d’hier.
Dans un discours, prononcé mardi dernier, le roi d’Espagne a fustigé le gouvernement catalan pour avoir « bafoué » la Constitution et menacé l’unité du pays. Une unité construite par la Constitution de 1978, qui définit l’Espagne comme un État de droit, démocratique, et comme une monarchie constitutionnelle. Elle fait également de la Catalogne l’une des 17 communautés autonomes du territoire espagnol où « le roi incarne l’unité de l’Espagne, précise Cyril Trépier, géographe, spécialiste de la politique espagnole et de l’indépendantisme catalan. « Felipe VI voulait s’adresser à tous les Espagnols et pas seulement aux Catalans. Constitutionnellement, le roi ne peut d’ailleurs pas intervenir dans la vie politique. »
Un rejet historique de la monarchie
Si le roi n’est pas censé intervenir dans la vie politique, son existence même est contestée par les indépendantistes catalans. « L’histoire est utilisée par les indépendantistes catalans pour justifier le rejet de la monarchie, indique Cyril Trépier, car ils considèrent que l’histoire de la Catalogne est une longue suite d’agressions militaires par l’Espagne. » Ce désir d’indépendance est également un reliquat du passé franquiste (le régime dictatorial de l’Espagne) fondé par le général Francisco Franco, de 1936 à 1975.
Pendant cette période, la Catalogne perd son statut d’autonomie retrouvé dans les années 30. La culture et la langue catalane y sont alors sévèrement réprimées. Les indépendantistes catalans voient, dans la constitution de 1978, une restauration de la monarchie des Bourbons et non une rupture par rapport à la dictature franquiste. La monarchie espagnole, fondée il y a 400 ans, avait mis fin à la Principauté de Catalogne, indépendante, crée en 1162.
C’est à la lumière de ces arguments que « la Catalogne lie son indépendance à l’instauration d’une République » affirme Cyril Trépier. Historiquement antimonarchistes, les indépendantistes catalans considèrent tout ce qui représente l’État espagnol comme illégitime. Pour eux, la remise en cause du pouvoir central espagnol, symbolisé par le roi, reste fondamentale. Contrairement à l’Écosse, par exemple, qui demande son autonomie politique tout en restant sous la monarchie britannique.
Reste à savoir si la Catalogne accédera à l’indépendance. C’est désormais une confrontation entre, d’un côté, la légalité du référendum et de l’autre sa légitimité. Illégal du point de vue de la législation espagnole mais légitime dans le droit d’un peuple à se déterminer lui-même. D’ailleurs, on estime à 40% la participation au référendum, menant à 90% de oui pour l’indépendance. Ce qui représente « seulement » 2,5 millions de voix sur 7 millions.
« Si cette déclaration est faite, elle ne pourra de toute façon pas déboucher sur un État comme le souhaitent les indépendantistes. En revanche, la réponse la plus probable, et inédite, serait l’usage de l’article 155 de la Constitution qui permet de suspendre une autonomie, confie Cyril Trépier, mais cela pourrait mener à de nouvelles élections en Catalogne. »
Ce mardi à 18 heures, Carles Puigdemont, président de la Catalogne, doit s’exprimer devant le parlement régional. Dimanche dernier, il a laissé entendre qu’à cette occasion, il pourrait proclamer l’indépendance de cette région espagnole. Presque inconnu il y a deux ans, il est devenu, avec l’organisation du référendum catalan, l’ennemi numéro un du gouvernement de Mariano Rajoy. Qui est cet indépendantiste intransigeant ? Portrait.
Il est calme, serein. Sa mèche de Beatles, qui lui attire des nombreuses moqueries, cache en fait une cicatrice : le souvenir d’un grave accident de la route en 1983. L’indépendance de la Catalogne, c’est son rêve d’enfance et le combat de sa vie. Né en 1962 dans une famille de pâtissiers, Carles Puigdemont grandit à Amer, un village de la province de Gérone. Il vit dans une fratrie de huit, élevée par des parents nationalistes convaincus. Son combat commence tôt. Dès son plus jeune âge, il est séparatiste. « La légende raconte que tout petit, il suppliait sa grand-mère de lui tricoter une estelada, l’iconique drapeau catalan indépendantiste à rayures jaunes et bleues », rapporte l’Obs.
Un journaliste motivé
Avant de devenir la bête noire de Madrid, Carles Puidgemont est journaliste. A dix-neuf ans seulement, il entre au quotidien El Punt, et prend le poste du rédacteur en chef quelques années plus tard. Toujours dans le même journal local de Gérone, en 1991, il déclenche une campagne pour changer le nom de la ville de « Gerona », en espagnol, à « Girona » en catalan. La même année, il se rend en Slovénie pour observer le processus d’acquisition de l’indépendance de cette ancienne république yougoslave. En 1999, chargé par la région, il crée l’Agence catalane d’information, l’équivalent de l’AFP à un niveau régional. Polyglotte, il s’exprime aisément en catalan, anglais, français, castillan et roumain. En 2004, il dirige le journal pour anglophones Catalonia Today. Marié avec une journaliste roumaine de quinze ans sa cadette, il est père de deux filles, Magali et Maria, huit et six ans.
Un homme politique déterminé
C’est à Gérone qu’il fait ses premiers pas en tant qu’élu. En 2011, il devient maire de cette ville du nord-est de l’Espagne et député au parlement régional. A ce moment-là, personne n’aurait parié sur lui comme président de la Généralité de Catalogne. Pourtant, en janvier 2016, les affaires de corruption liées au président de la région Artur Mas, l’empêchent d’être réinvesti et propulsent Carles Puidgemont sur le devant de la scène politique, par la coalition de trois partis : le Parti démocrate européen catalan (le sien, nationaliste, centre-droit), la gauche républicaine de Catalogne ERC (indépendantiste, centre-gauche) et la Candidature d’unité populaireCUP (indépendantiste, révolutionnaire, extrême-gauche).
« C’est un homme de communication, un indépendantiste historique, et le président catalan. Trois raisons pour qu’il soit surexposé. Mais, il ne préside la Catalogne que grâce à trois partis n’ayant guère en commun que le projet indépendantiste », explique Cyril Trépier, docteur en géopolitique de l’Institut français de Géopolitique dans une interview pour le Celsalab. Disposant de cette coalition très hétéroclite, Carles Puigdemont s’attache à l’organisation du référendum d’autodétermination le 1er octobre 2017. Un vote illégal, non reconnu par Madrid. Le « oui » l’emporte à 90%. Aujourd’hui, il appelle surtout à une médiation avec Madrid.
L’avenir de la Catalogne se joue ce soir. Malgré les menaces de poursuites judiciaires et son avenir incertain, Carles Puigdemont garde son calme. « Depuis qu’on se connaît, il a changé quatre ou cinq fois de travail. C’est une personne libre, qui n’a pas peur du changement. Quelqu’un d’autre à sa place serait très inquiet pour son avenir, lui non », explique à l’AFP son ami Antoni Puigverd.
Les partisans de l’unité espagnole ont manifesté, hier, dans les rues de Barcelone. Ils étaient plusieurs centaines de milliers à crier leur refus de l’indépendance, alors que le gouvernement espagnol et le pouvoir catalan sont dans une impasse.
Les rues de Barcelone se sont parées, dimanche, du drapeau espagnol, alors que les partisans de l’unité du pays manifestaient contre l’indépendance de la Catalogne. Ils étaient 350 000 selon la police locale et plus de 900 000 selon les organisateurs, à s’être rassemblé dans la capitale catalane. C’était la première manifestation des partisans du « non » depuis le référendum du 1er octobre. Celui-ci avait fait ressortir une large majorité de « oui », plébiscité à 90%, mais seulement 42% des Catalans y avaient participé.
« Vive la Catalogne! Vive l’Espagne! » scandaient les manifestants dans la rue, eux qui se considèrent comme la majorité silencieuse.
« No nos engañan, Cataluña es España » (Ne nous mentez pas, la Catalogne fait partie de l’Espagne ») carrer de Fontanella pic.twitter.com/TLnv1NFhBO
Pour le moment, la situation est dans l’impasse : le président de la région, Carles Puigdemont, a laissé entendre qu’il déclarerait l’indépendance de la région mardi, si le gouvernement espagnol ne répondait pas aux propositions de médiation. Les indépendantistes estiment qu’ils ont recueilli une majorité écrasante de « oui » à l’indépendance. Cependant, selon les sondages, les Catalans voudraient qu’un référendum en bonne et due forme soit organisé, mais le « non » l’emporterait.
De son côté, le chef du gouvernement espagnol, Mariano Rajoy n’envisage pas de dialogue tant que les séparatistes menacent de rompre avec le reste du pays. « On ne peut rien construire si la menace contre l’unité nationale ne disparaît pas», a déclaré Mariano Rajoy au quotidien El Pais, dimanche.
La ministre française des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, a quant-à-elle annoncé ce lundi sur CNews que, si la Catalogne annonce son indépendance de manière unilatérale, elle ne « serait pas reconnue » par la France. « On ne peut pas résumer la Catalogne à la consultation que les indépendantistes [ont] organisée », a-t-elle justifié.