Prêt-à-porter ou sur-mesure : à chacun son enterrement

Urnes en verre ou en métal, cercueils en pin ou en acajou, l’offre disponible pour les obsèques, déjà vaste, ne cesse d’évoluer. Et si une option n’existe pas encore, il est toujours possible de la faire commander.

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Taille, couleur, épaisseur… Des croix aux plaques gravées, les funérailles deviennent de plus en plus personnalisables pour les proches des défunts. Crédits photo : Samuel Kahn

Modèle, prix, taille, couleur, désormais, même les funérailles sont personnalisables à souhait. Toutes les gammes de prix sont disponibles, de 700 € pour un cercueil en bois de base à 25 000 € pour un modèle en acajou serti d’or. Du type de bois utilisé à la présence ou non de capiton dans le cercueil en passant par la finition des poignées, « les proches doivent avoir le maître mot dans la décision finale de ce à quoi devra ressembler le cercueil. Ils nous font part de leurs désirs, et on s’en rapproche au maximum » explique un employé des pompes funèbres OGF.

Pour les bourses plus serrées, les cercueils en carton sont plus abordables, avec des modèles allant généralement de 100 à 800 €. “Le carton est plus facilement personnalisable, affirme Brigitte Sabatier, responsable du site abCrémation. On peut choisir un motif tigré, fleuri, romantique…C’est une façon de montrer l’individualité du défunt.

Les urnes restent cependant le choix le plus économique, avec un prix plancher avoisinant généralement les 50 € – auquel il faut cependant ajouter le prix de la crémation : entre 650 € et 2000 € en fonction des funérariums -. 

Enfin, pour agrémenter la tombe du défunt, les motifs à apposer aux plaques marbrées et les formes de sépulture personnalisables à souhait ne manquent pas.

L’offre est donc pléthorique et en expansion constante. D’autant plus que le monde funéraire n’est pas à l’abris des effets de mode. Les images  de Johnny Hallyday dans son cercueil en bois clair, plus tôt dans l’année, en ont inspiré plus d’un : “On a eu un afflux de demandes de cercueils blancs après son décès” raconte ainsi Jean-Michel Saint-Julien, chef d’agence de pompes funèbres.

Axelle Bouschon & Samuel Kahn

La petite entreprise du rap français

Faire de la musique ne leur suffisait pas, les rappeurs français bâtissent leur propre empire. Entre vente de prêt-à-porter, labels musicaux ou encore sponsoring, les artistes se comportent comme de vrais chefs d’entreprise.

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Même en concert le rappeur Booba ne sort jamais sans sa panoplie Ünkut.

« Ma question préférée : Qu’est-ce que je vais faire de tout cet oseille ? » se demande Booba dans sa chanson Kalash. Beaucoup de choses sûrement avec un chiffre d’affaire de dix millions d’euros juste pour sa marque de vêtements Ünkut en 2013. Le rappeur français est le pionnier d’une nouvelle tendance qui a émergé dans le rap français ces dernières années: celle du rappeur-businessman. Pour ces artistes, il est devenu nécessaire, voire indispensable d’élargir leur champ d’activité en investissant dans d’autres domaines que la musique. Comment expliquer cette nouvelle tendance en France ? Pourquoi ces artistes éprouvent-ils le besoin de se transformer en entrepreneur ? Le sociologue Karim Hammou, chargé de recherches au CNRS, spécialisé dans les cultures et sociétés urbaines, et auteur du livre Une histoire du rap en France répond : « C’est lié à la logique de l’auto-production, qui se développe dans les années 1990 dans le rap français et impose une diversification des artistes pour investir la production, la promotion, voire la distribution. Des contraintes qui les oblige à diversifier aussi leurs sources de revenu ». Ainsi, ils s’inspirent du modèle américain où rappeurs et hommes d’affaires sont une seule et même personne. « Les carrières dans l’industrie musicale sont en général courtes, et la question de la diversification des activités se pose très vite pour les artistes » explique Karim Hammou.

Le plus souvent la première étape est le prêt-à-porter. « La vente de t-shirt est très rentable, à la fois parce qu’ils sont peu coûteux à produire, faciles à distribuer et c’est également une source de promotion efficace » affirme Karim Hammou.Dès le début des années 2000, le rap français envahit le « streetwear ». Cette mode importée des Etats-Unis qui allie à la fois des vêtements larges propres au hip-hop américain à un style européen plus classique et sobre. Ainsi, on assiste à l’émergence de nombreuses marques de vêtements associées à des rappeurs français : Ünkut et Booba, Distinct et Rohff, Swagg et La Fouine ou encore la marque éponyme du label Wati-B, producteur notamment de Maître Gims et Black M. Une activité qui se révèle être très lucrative pour certains d’entre eux. Les ventes génèrent plusieurs millions d’euros de revenus, la marque de Rohff a réalisé un chiffre d’affaire de deux millions et demi d’euros en 2012.

Wati-B est allé encore plus loin. Le label a décidé de devenir l’un des sponsors officiels de deux clubs de Ligue 1, Montpellier et Caen. En s’affichant sur les maillots de ces deux clubs, le label s’assure une visibilité chaque week-end sur les terrains de Ligue 1.

Loin de ces poids lourds, même les rappeurs moins médiatisés se sont lancés dans le business. C’est le cas de la Scred Connexion, groupe majeur fondé en 1995, qui a ouvert sa boutique en 2015.

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Dans la « Scred Boutique », DJ Diemone accueille les clients.

« Nous on veut promouvoir les artistes indépendants »

18e arrondissement de Paris, tout au bout de la rue Marcadet, où les Kebabs et les Cafés ont laissé la place aux immeubles. Enfin, pas seulement aux immeubles. Une boutique à la vitrine soignée et bien travaillée interpelle. Le grillage est légèrement baissé et laisse apparaître un joli graffiti. Derrière la vitrine, un vélo clinquant, des bombes de graffitis, des illustrations de murs tagués et des casquettes. Ecrit en grandes lettres rouges : Scred Connexion. Dj Diemone, membre du collectif nous accueille : « C’est moi qui m’occupe de la boutique et du site internet www.scredconnexion.fr. » C’est donc le groupe lui-même qui s’occupe de la distribution contrairement aux boutiques Wati-B ou Unküt où les artistes délèguent, logiquement, l’activité. Mais c’est également l’ambition qui est différente : « Nous on veut promouvoir les artistes indépendants, les aider en vendant leur CD, en parlant d’eux sur notre site internet. » Il faut dire que la Scred Connexion est experte en indépendance. Depuis leurs débuts, ils n’ont jamais signé dans une des grosses maisons de disques (Universal, Warner, Sony). « Cette boutique ce n’est que la suite logique de ce qu’on fait depuis le début. Pour rester indépendant, il faut diversifier ses activités et ses sources de revenus. Voilà pourquoi ce projet est né. » Mais pourquoi cette obsession pour l’indépendance ? « D’abord, parce que financièrement on gagne plus dans le cas où ça marche. Un artiste signé dans un label ne prend que quelques pourcents sur chaque disque vendu. En indé c’est 100%. Ensuite parce qu’on fait absolument ce qu’on veut. » Il n’y a qu’à descendre au premier étage pour le comprendre : vinyles de rappeurs indépendants, CD d’artistes underground (qui ne sont pas connus mais appréciés des connaisseurs), une caverne pour passionnés de Hip-Hop.

L’indépendance comme motivation donc. Mais la boutique reste confidentielle, bien caché dans le 18e arrondissement de Paris, lieu d’origine de la Scred Connexion. Les revenus existent-ils vraiment ? « Le site marche très bien ! On vend beaucoup sur le site depuis longtemps. » La boutique n’a ouvert qu’en 2015. Pourquoi ouvrir un magasin si le site se suffisait à lui-même ? « Pour cet esprit familial. C’est plus spontané, et comme c’est le groupe qui s’occupe de la boutique, les gens viennent aussi pour ça. On a beaucoup de provinciaux qui sont en visite à Paris et qui veulent absolument passer par la Scred Boutique. C’est comme la Tour Eiffel ! » Et le collectif n’a pas fini de se diversifier. Après le site internet, la boutique, c’est la Scred Radio qui va être lancé. Sans en dire plus, le Dj de 40 ans avoue tout de même : « on veut donner aux jeunes rappeurs indépendants ce que nous n’avons pas eu à notre époque. Une vraie vitrine, une radio qui les passe, un lieu d’exposition quoi. » Cela fait maintenant 8 ans que le groupe de rap n’a rien sorti. Et qu’il continue de vivre grâce à ses activités. Leur devise ? « Jamais dans la tendance, toujours dans la bonne direction. »

Créer son propre média, nouvelle tendance des rappeurs français

Les rappeurs français savent aussi innover. La création d’un média semble être la prochaine étape pour ces rappeurs-entrepreneurs. Encore une fois, c’est Booba qui a une longueur d’avance sur la concurrence. Le rappeur a décidé d’étendre son empire à l’univers médiatique en créant tout d’abord une plate-forme de diffusion Oklm.com qui s’est déclinée, à partir de 2015, en une radio en ligne nommée OKLM Radio. « Pour nous, par nous » est le slogan de ce média qui veut se placer en concurrence directe avec des radios traditionnelles comme Skyrock. Lui qui a souvent critiqué le traitement du rap français fait par certains médias veut sortir de ce cadre en proposant un contenu nouveau.

C’est dans la communication que l’entrepreneur Booba se démarque. Lorsqu’il lance sa radio, il a déjà tout anticipé en prenant soin de populariser l’expression « Oklm » à travers un single éponyme qu’il dévoile sur le plateau du Grand Journal de Canal +. L’influence musicale de Booba est donc devenue un moyen de promouvoir directement ses autres activités sans attendre d’être contacté par d’autres journalistes. Après le site et la radio, il enchaîne avec la création de la chaîne de télévision OKLM TV fin 2015. Un challenge de plus pour le rappeur qui s’écarte de la liberté de ton de la radio pour se tourner vers les contraintes imposées par la télévision. Des clips, des interviews, des reportages, une programmation presque identique à une chaîne de musique traditionnelle. Mais la chaîne OKLM devient un outil promotionnel unique pour certains jeunes rappeurs adoubés par le « DUC » et qui auront l’honneur d’être diffusé sur sa chaîne.

En plus de Booba, d’autres rappeurs français se sont lancés dans la création d’un média. Le très engagé Kery James vient de lancer, en avril dernier, son propre média alternatif appelé LeBanlieusard.fr. Il présente ce site comme une « plate-forme d’information indépendante et alternative ». Comme Booba, Kery James a créé ce média pour s’opposer aux médias traditionnels. Mais de son côté, il souhaite apporter un nouveau regard sur l’actualité, et en particulier celle des banlieues. Au programme, la diffusion de plusieurs émissions politiques, des débats sur les violences policières dans les banlieues, etc… Pour ce rappeur considéré comme le leader du « rap conscient », il était devenu nécessaire de créer un média avec une ambition plus sociétale que musicale. « C’est dans la lignée de ce que je défend depuis vingt dans ma musique » affirme-t-il. Lui qui déclarait dans son titre Vent d’Etat en 2012 : « J’accuse les médias d’être au service du pouvoir, de propager l’ignorance et de maquiller le savoir », veut apporter sa propre vérité à travers son site d’information. Pour le moment, Kery James finance entièrement son média.

Après les vêtements, les labels, les médias, quoi d’autre ? Pourquoi pas de l’alcool ? Ah ! Booba vient d’annoncer le lancement de sa nouvelle marque de whisky humblement nommée D.U.C.

Ryad Maouche & Clément Dubrul

Les millionnaires du rap américain

Jay-Z
Chemise blanche et cravate noir, le rappeur Jay-Z porte la tenue du parfait chef d’entreprise.

Si la pratique du rappeur-businessman n’est encore qu’à ses débuts en France, aux Etats-Unis elle est monnaie courante. Absent de la scène rap depuis 2015, Sean Combs surnommé Puff Daddy, s’impose comme l’artiste hip-hop le mieux payé du monde en 2016 selon le classement du magazine Forbes. Il a engrangé 62 millions de dollars rien que sur l’année précédente, lui permettant d’atteindre une fortune totale estimée à plus de 800 millions de dollars. Mais d’où vient tout cet argent ? Création d’une marque de vêtements, d’une chaîne de restaurants, d’un parfum et plus récemment, un partenariat avec la marque de vodka Cîroc, « P. Diddy » est sur tous les fronts.

Deuxième du classement avec 53 millions de dollars en 2016, le rappeur Jay-Z n’est pas à plaindre. Lui qui affirme dans sa chanson Diamonds From Sierra Leone : « I’m not a businessman, I’m the business, man ! », a bâti un véritable empire commercial. En vendant sa marque de vêtements Rocawear en 2007 il a empoché la modique somme de 204 millions de dollars. Grâce à cela, il a racheté la marque de champagne Armand de Brignac, a lancé sa plate-forme de streaming Tidal et s’est même permis d’être actionnaire minoritaire d’une équipe de NBA. Enfin, comment ne pas citer le rappeur Dr.Dre. En 2014, il est devenu le premier rappeur milliardaire grâce à la vente de sa société de casques audio Beats à Apple pour 620 millions de dollars (!). Le rap français a donc encore de longues années devant lui avant d’espérer se rapprocher des sommes générées Outre-Atlantique.

 

Clément Dubrul et Ryad Maouche