World Clean Up Day: un grand nettoyage opéré par les entreprises

Les volontaires ont ramassé des déchets le long du quai de la Tournelle.

Le World Clean Up battra officiellement son plein ce samedi 16 septembre. Des opérations de sensibilisation ont déjà été organisées dans toute la France ces derniers jours afin de mobiliser un large public à la collecte de déchets, comme à l’Institut du Monde arabe à Paris, ayant attiré les entreprises.

Chaque petit geste compte. Cette petite musique prend sens lors de la Journée Internationale du Nettoyage, organisée par l’association World Clean Up Day. Comme lors de sa précédente édition, qui a rassemblé près de 15 millions de participants dans le monde, 170 000 personnes sont attendues pour cet événement en France, dont une infime partie ce vendredi 15 septembre à l’Institut du Monde Arabe. Environ une centaine de personnes étaient présentes pour cette initiative publique, chapeautée par EcoTree.

 

Depuis trois ans, cette entreprise organise, en collaboration avec ses partenaires, clients, mais aussi avec des proches, des passants et des élèves, cet événement sur cette esplanade, piédestal à vitrine transparente aux arabesques orientales créé par Jean Nouvel, donnant sur la Seine.

Quête des mégots

Le soleil est au zénith à l’heure du déjeuner, au début de l’opération. Ce qui pousse les premiers volontaires arrivés à chercher refuge près des zones ombragées. Suzanne Sinniger, cadre au sein de l’entreprise EcoTree, les accueille près d’une simple table sur laquelle est disposée tout le matériel nécessaire pour cette action. «Ceux qui ont des sacs et gants, vous pouvez aller là-bas, près de l’arbre pour commencer. Revenez à 15h», conclut-elle après avoir donné des explications à un premier groupe. Un employé lui répond : «Nous attendons que tout le monde prenne des gants, puis nous y allons.»

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Durant trois heures, tous parcourent le quai de Tournelle et le quai Saint-Bernard à la recherche de mégots, de déchets et de détritus présents au sol. Près des alcôves en bord de Seine, bien connues des danseurs parisiens, Lisa, Ailis et Léa sont déjà à l’œuvre. Leur regard inspecte chaque interstice, chaque coin et chaque ligne du sol. Elles ne quittent pas ce sol de terre battue. «Nous faisons cela sans relâche. L’an dernier, nous avons ramassé trois sacs« , se rappellent deux d’entre elles. Pour Léa, c’est une première. «Je dois avouer que je suis arrivée ici un peu par hasard, mais très motivée», plaisante-t-elle.

Les deux femmes cherchent des mégots. 

C’est Charlotte Olagne qui organise cette opération au sein de son entreprise axée sur la préservation des forêts. «Cette pollution est visible en ville, alors qu’elle est complètement cachée dans les bois. Cela s’inscrit donc pleinement dans l’engagement et la mission de notre entreprise», explique-t-elle, décrivant ainsi pourquoi de nombreuses entreprises participent. EcoTree n’est pas la seule à être très active. La majorité des personnes présentes sont des salariés d’entreprises partenaires de l’événement : Leroy Merlin, Chevreux, Digital Realty.

Projet scolaire

Plus de la moitié des participants proviennent de ces entreprises. Tous portent des chasubles aux couleurs vives, appréciées des sportifs en entraînement, aux couleurs de leur entreprise. Une fois terminée, les sacs poubelles de la Mairie de Paris, arborant le slogan «Ensemble pour une ville plus propre», sont rapportés près de Suzanne, qui veille et prend en photo les salariés, une étape incontournable.

Les volontaires se retrouvent sur l’esplanade pour déposer leurs sacs.

Parmi ces cadres, un autre groupe s’attelle à la tâche de manière plus joyeuse. Il s’agit des élèves de l’école Sainte-Rosalie, dans le 5ème arrondissement de Paris, âgés de six à sept ans. Maxime Le Roch, professeur des écoles, a décidé de faire participer ces élèves à cette journée. «C’est l’un de nos projets scolaires de l’année, centré sur le thème du recyclage. Nous devons visiter la recyclerie, recycler des chaussettes pour les transformer en éponges, parrainer un lamantin… C’est un projet que j’ai préparé cet été. C’est un sujet sur lequel je n’étais pas sensibilisé à leur âge, cela me tient à cœur», résume-t-il.

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Contrairement aux adultes, les enfants ne portent pas de sacs transparents arborant le slogan éculé de la Mairie de Paris. Mais tous cherchent le plus gros déchet à prendre et à trouver. Les mégots sont recherchés et placés dans un sac à part. «C’est quoi ça ? Où ça va ? » demande un enfant à l’un des parents accompagnants.

30 sacs de 50 litres

Parmi les accompagnateurs, Tanguy Lahaye veille et informe les plus petits. Le responsable Île-de-France a un mot d’ordre : sensibiliser. «Un mégot, c’est 500 litres d’eaux pollués», explique-t-il à un homme en pause déjeuner, qui travaille dans la sécurité. «Je ne pensais pas que la cigarette polluait autant. Je pensais que le paquet était le problème. Je n’en reviens pas.»

Tanguy prend le temps d’expliquer aux passants et aux enfants. «Les gens sont sensibilisés grâce à cette initiative. C’est pour cela que je suis là. C’est l’une des plus grandes actions mondiales, selon l’ONU, respectant les Objectifs de Développement.» Lui préfère sensibiliser les plus jeunes. «Il est vrai qu’il y a beaucoup d’entreprises cette année. C’est le vendredi, une journée plus propice pour les entreprises en télétravail. Et puis il y a la législation désormais, qui oblige les entreprises à publier leur bilan carbone ». D’après la loi, tous les acteurs publics et privés, notamment en matière de Responsabilité Sociale et Environnementale, ont un rôle à jouer dans la lutte contre le changement climatique. À 15h, près de 30 sacs de 50 litres de déchets ont été collectés. Lors de l’édition 2022, 1002 tonnes de déchets ont été ramassés en France.

Adrien-Guillaume Padovan

Séisme: L’Association des Marocains en France à Saint-Denis s’organise en urgence

À Saint-Denis, l’Association des Marocains en France (AMF) se mobilise depuis le 9 septembre dernier, pour venir en aide aux victimes du séisme. Les bénévoles collectent chaque jour des vêtements, matériel médical, orthopédique etc. Les dons affluent dans ce département où la diaspora marocaine est très présente. Reportage.

Au sein des locaux de l’Association des Marocains en France situés juste en face du T1 (tram) à Saint-Denis, plusieurs sacs sont disposés les uns à côté des autres dans toute la pièce. Un sac ACTION près de l’entrée avec des vêtements pour enfant. Un autre contenant des chaussures, des sacs, des médicaments (Doliprane), brumisateurs. Sur l’un des murs de l’organisme, une liste est placardée sur laquelle on peut lire les éléments suivants : « LISTE DES PRODUITS AUTORISES : Chaises roulantes, béquilles, matériel médical, matériel orthopédique, couverture, médicaments, lits pliables, tentes »

« On ne prend plus de vêtements, c’est une consigne des autorités pour des raisons sanitaires et on nous a transmis cette liste de produits autorisés », explique David l’un des bénévoles de l’AMF.

Le collectif a été créé dans les années 60 pour venir dans un premier temps en aide aux travailleurs marocains puis l’association s’est occupée progressivement des habitants du quartier en proposant des cours de français, d’informatique, des ateliers de soutien éducatif, d’aide juridique.

« On reçoit jusqu’à 100 appels par jour »

 

Depuis le séisme, l’association s’occupe en priorité de l’organisation pour l’envoi des dons même si les activités annexes ne sont pas abandonnées.

« C’est ma fille de 14 ans qui m’a appelé pour me prévenir de ce qu’il se passait, elle était à Agadir. J’ai eu peur, vous imaginez ? Et puis à partir de cet instant, on s’est appelés entre bénévoles et le lendemain matin, on s’est réuni en cellule de crise pour s’organiser, répondre à la demande, recevoir les gens », détaille posément El Mostafa Ramsi membre historique du bureau de l’AMF.

De 10 h à 19 h, chaque jour, les membres de l’AMF reçoivent des dons sur place et répondent aux appels « on reçoit jusqu’à 100 appels par jour. Ça ne s’arrête pas, c’est impressionnant. Ce sont des personnes qui appellent pour savoir ce que l’on peut donner concrètement, dans quels locaux apporter des dons » La diaspora marocaine, très présente en France et dans le département (93), est en première ligne pour venir en aide aux sinistrés mais l’AMF est également sollicitée par des directeurs de supermarchés, des entreprises, des proviseurs, etc.

Un élan de solidarité de toutes parts

 

Aux environs de midi, une jeune femme entre dans le local et salue les trois membres présents qu’elle connaît. Silvia Capanema, conseillère départementale du canton Saint-Denis-Stains (LFI). Cette dernière souhaite donner de l’argent mais l’un des membres de l’équipe lui explique qu’une cagnotte en ligne a été lancée et qu’elle peut envoyer directement son argent sur cette cagnotte.

« J’ai été très touchée parce que j’ai une relation affective avec le Maroc, il y a beaucoup de Marocains dans le département et j’ai voulu participer à cet élan de solidarité », affirme Silvia Capanema. L’AMF est indépendante et collabore uniquement avec des associations locales au Maroc qui leur font part de leurs besoins. « On envoie directement les dons en argent à ces associations locales pour qu’elles achètent ce dont elles ont besoin. Hier, on a fait un envoi qui va directement à une engagée ! », insiste El Mostafa.

Souad Frikech Chaouih, déléguée générale de la structure, précise « l’AMF a toujours maintenu des relations de solidarité, surtout sur les questions de l’éducation et de l’entrepreneuriat des femmes avec des associations partenaires au Maroc. Dans une telle situation, il est de notre devoir, en tant que citoyen marocain et franco-marocain, de se solidariser avec les populations », déclare-t-elle.

À 13 h, les téléphones sonnent toujours autant dans les locaux. Cette fois, David reçoit un appel de Vinci construction (le groupe français spécialisé dans la construction et le génie civil). Le même cérémonial se poursuit, il note sur son ordinateur les coordonnées de la structure, sur lequel on aperçoit la très longue liste de toutes les personnes qui ont appelé l’AMF. La responsable des salariés de l’entreprise indique qu’ils souhaitent se renseigner pour proposer des dons de matériaux suite au séisme dévastateur.

Un élan de solidarité plus que nécessaire, pour rappel le bilan est de 3000 morts et plus de 5000 blessés. Le Maroc a d’ailleurs annoncé, mercredi 20 septembre, qu’un budget de près de 11 milliards d’euros serait destiné à la reconstruction, au relogement et à la valorisation socio-économique des zones touchées par le séisme.

Féminicides, des femmes en danger

Depuis le début de l’année 2019, c’est quasiment une femme tous les deux jours qui a été tuée par son conjoint. Ce chiffre est en augmentation, malgré des campagnes de prévention. Les associations dénoncent un manque d’accompagnement des victimes, tant au niveau de la police que de la justice.
Photo : Sandro Weltin / © Council of Europe

C’est à Vidauban, commune du Var, que Dalila a été tuée. Samedi 6 avril, vers 21 heures, cette infirmière libérale de 50 ans, décède dans sa voiture. Le responsable : son mari, interpellé deux jours plus tard par les gendarmes. La mère de trois enfants appelle la police quelques heures avant le drame, après avoir été menacée par son mari. Les gendarmes conseillent à Dalila de se réfugier chez un voisin, ce qu’elle fait. Son mari serait revenu entre-temps au domicile et lui aurait tiré dessus. Le meurtrier avait déjà été condamné à huit mois de prison avec sursis pour des violences sur sa précédente compagne, selon Le Monde. Il devait être jugé en août pour des violences sur Dalila.

Le meurtre de Dalila est le 42ème féminicide depuis le début de l’année. Un chiffre en nette augmentation : en 2018, à la même période, le nombre de féminicides s’élevait à 32, rappelle L’Obs. L’affaire de Vidauban a suscité de vives émotions et est devenu le symbole de ces violences conjugales, qui entraînent la mort d’environ 130  femmes par an en France. Un phénomène complexe en hausse qui s’expliquerait notamment par le manque d’accompagnement des femmes battues et la difficulté de quitter un conjoint violent.

Depuis 2013, l’association “Osez le Féminisme !” a fait des féminicides son cheval de bataille. “A l’époque, nous avions monté une campagne “Reconnaissons le féminicide”, explique Céline Piques, porte-parole de l’association.

Le féminicide est le meurtre d’une femme car c’est une femme. La violence patriarcale et masculine s’exerce particulièrement dans le domaine familial, dans la plupart des cas, il s’agit de femmes tués par leur conjoint ou ex-conjoint”, continue Céline Piques.

Le sexisme est reconnu depuis 2017 parmi les circonstances aggravantes d’un délit, mais le terme “féminicide” reste absent du code pénal. L’association “Osez le féminisme!” milite pour “une reconnaissance du mot lui-même”.

Le flou sur les termes s’accompagne d’une différence de chiffres entre le décompte des associations et le ministère de l’Intérieur qui publie chaque année le nombre de féminicides. En 2017, 109 femmes auraient été victimes de féminicides selon les chiffres officiels, qui prennent en compte uniquement les femmes mariées ou pacsées. Quant aux associations, elles s’accordent sur le nombre de 130 et dénoncent une technique de “communication”.

Le ministère veut faire croire que les chiffres sont en baisse, mais cela ne trompe pas grand monde chez les associations”, plaisante Céline Piques.

Nous ne possédons pas par exemple le nombre de femmes qui se suicident à la suite de violences. Les chiffres du gouvernement sont partiaux et il faudrait avoir des outils statistiques pour analyser en détail ces violences”, continue-t-elle.

“Un manque de moyens”

Les associations s’accordent sur le caractère “systémique” des violences conjugales qui peuvent aller jusqu’au féminicide et déplorent le manque de moyens accordés pour lutter contre ce phénomène. Pour Jean-Michel Taliercio, chargé de mission au sein de l’association “Dans le Genre Égales”, le féminicide “est un fléau national qui coûte beaucoup d’argent à la société. Il faut se dire que tant que le problème existe, il faut mettre des moyens pour qu’il soit réglé.” En 2018, le budget du secrétariat à l’Égalité entre les femmes et les hommes s’élevait à 30 millions d’euros environ, soit 0,006% du budget total de la France. Une broutille pour Céline Piques : “Il faut se rendre compte du phénomène dont on parle : 220 000 femmes sont frappées chaque année en France par leur conjoint. Les associations fonctionnent avec quelques dizaines de milliers d’euros par an et ne sont pas en capacité de traiter des centaines de milliers de cas. Elles font un travail formidable mais elles n’ont absolument pas les moyens à la hauteur des enjeux. Il suffit de comparer à n’importe quel autre budget de l’Etat, le secrétariat à l’Egalité entre les femmes et les hommes est de loin le plus petit budget de tous les secrétariats d’Etat et des ministères.”

Ce manque de moyens se traduit notamment par des failles dans l’accompagnement des femmes victimes de violences conjugales quand elles veulent quitter leur conjoint abusif. C’est le cas de Mélanie, aide soignante en psychiatrie qui a vécu plusieurs années avec son conjoint qui la frappait, ainsi que ses enfants qu’il a abusé sexuellement.

Quand j’ai quitté mon conjoint, je suis allée voir  le centre d’hébergement de VIFFIL pour demander un logement d’urgence. On m’a dit qu’il y avait un délai de 10 mois, et j’ai demandé ce que j’étais censée faire en attendant. On m’a rétorqué : “ Retournez chez vous, avec votre mari”.

Retranscription d’une conversation SMS entre Mélanie et son ex-compagnon.

J’ai expliqué qu’il était violent et on m’a répondu : “ Un départ, ça se prévoit”, explique-t-elle. “Aujourd’hui il a une arme, il peut savoir où j’habite, c’est des informations qu’il peut trouver et s’il le veut, il me tuera. Et l’Etat en sera responsable. J’ai alerté et il ne s’est rien passé”, déplore Mélanie qui explique regretter “d’avoir déposé plainte [contre son ex-conjoint] car ce sont les victimes qui en pâtissent”.

La formation des policiers questionnée

Dès le commissariat, les victimes ne se sentent pas assez accompagnées. “Les structures pour prendre en charge, accueillir les victimes et former les juges et les policiers n’ont pas d’argent”, déplore Céline Piques. Louise Delavier, responsable de la communication pour l’association “En Avant Toutes” fait le même constat : “Tout le  système manque de moyens, dont la police. Il n’y a vraiment pas assez d’argent pour que les associations puissent former la police. Ce n’est pas une formation d’une semaine qui va faire changer les choses, il faut une formation continue pour les policiers, tant c’est un phénomène complexe”.

Anissa, qui a subi des violences psychologiques et physiques, a porté plainte en 2017. “Quand je suis allée au commissariat, j’avais plus de 500 pages de SMS de menaces qu’il [son ex-conjoint] m’avait envoyé. J’ai expliqué la situation à la policière, qui m’a répondu : “ moi, ça ferait longtemps que je serai partie”. Anissa explique que son enfant a également été maltraité, élément écarté par la policière : “Elle m’a dit : “ qui n’a jamais mis de gifles à son enfant ?”. Quant aux associations, Anissa s’en méfie : “Une longue bataille judiciaire a commencé avec mon ex. Je suis allée au CIDFF (Centres d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles) pour voir s’ils pouvaient m’aider. On m’a dit que mon jugement était très bien, que je n’avais pas à me plaindre et que beaucoup de femmes étaient dans une situation bien pire que moi”. Virginie a eu une expérience similaire avec la police. “Quand je suis allée porter plainte pour la première fois, le policier était gentil, il m’a bien accueillie.

Pour la deuxième plainte, suite à des coups de mon ex-conjoint sur les enfants, on m’a dit : “il a eu une réaction de père”.

C’est moi qu’on a jugé pour ne pas avoir levé la main sur mes enfants”, soupire-t-elle. Des failles qu’un commissaire francilien confiait à Libération, en novembre 2018, “Sur les enquêtes, on n’est pas à la ramasse, mais sur l’accueil complètement. Les plaintes pour viols et agressions sexuelles sont en général traitées par les policiers généralistes.

“Les juges n’appliquent pas les lois”

Un sentiment d’abandon de la part des pouvoirs publics que partage Fanny, qui a subi 3 ans de violences conjugales de son ex-mari. “L’Etat ne prend pas le temps de réfléchir à de nouvelles mesures, car les gens qui les prennent ne savent pas ce qu’on endure en tant que victimes. Nous ne sommes pas intégrées aux décisions alors qu’on est les premières informées”, explique cette cadre dans le marketing. “L’Etat devrait miser beaucoup plus sur la justice, les juges n’appliquent pas les lois. Il y a un énorme problème en France avec la justice”, continue Fanny qui a demandé une ordonnance de protection contre son ex-conjoint, sans effet. “Pour l’ordonnance de protection,  j’ai reçu un avis négatif, parce que pour les juges, les plaintes ne sont pas suffisamment caractérisées. Ce sera quand il m’aura tué que ça sera assez caractérisé. Il n’y aucune justice en France, les victimes ne sont pas reconnues alors que j’ai fait ce qu’il faut, j’ai porté plainte”, s’indigne-t-elle.

Virginie s’est également sentie “abandonnée” par la justice. “J’ai subi des violences verbales et physiques, les enfants aussi. J’ai déposé plainte qui a abouti à un rappel à la loi deux mois après. Mon ex-conjoint a été convoqué devant le délégué du procureur qui lui a rappelé que ce qu’il avait fait n’était pas bien”, raconte cette mère de deux enfants.

Ça faisait un boucan de dingue.
Pendant 30 mn. Pas 1 voisin n’a bougé. Tout le monde trouvait ça normal. Même la police d’Aix.
Après on s’étonne pourquoi je ne suis pas partie.
Parce-que quand j’alertais personne ne m’écoutait. Et l’autre me menaçait, me surveillait. pic.twitter.com/XtdhvJddOU

— Faraldo Virginie (@FaraldoVirginie) 1 mai 2019

J’ai déposé 5 plaintes, deux ont abouti. J’ai fait une demande d’hébergement auprès de l’association SOS Solidarité, mais j’ai dû la décliner car je demandais en parallèle une ordonnance de protection. Il a fallu choisir entre hébergement et protection”, s’indigne-t-elle.

Quelques semaines après, c’est la douche froide : Virginie apprend que son ordonnance de protection a été refusée car son ex-conjoint nie les violences. “La juge a estimé que la relation n’était pas assez claire”, conclue-t-elle.

Le gouvernement a annoncé en octobre 2018 le “premier plan de lutte contre les violences conjugales” qui comporte cinq volets dont une campagne de prévention télévisuelle et sur les réseaux sociaux. On y trouve également un objectif de 100% de réponses au 3919, le numéro d’écoutes pour les victimes de violences conjugales, ainsi que le lancement d’une plateforme de signalement en ligne de violences sexistes et sexuelles. Enfin, une plateforme de géolocalisation des places d’hébergement d’urgence accessible aux professionnels va être mis en place, ainsi qu’un dispositif de partage d’alertes entre professionnels de la justice, de la police, de la santé et les travailleurs sociaux.

Aujourd’hui, les magistrats peuvent suivre deux formations pour se sensibiliser à ces questions : l’une sur « les violences au sein du couple », l’une sur « les violences sexuelles ». L’Ecole Nationale de la Magistrature (ENM) a également mis en place une séquence pédagogique sur les violences conjugales pour sa promotion 2018.

 

Quand les réseaux sociaux prennent la relève

Face aux carences des pouvoir publics, certains militants n’hésitent pas à venir en aide aux victimes. Depuis 2016, une page Facebook, “Féminicide par compagnon ou par ex”, gérée par un collectif d’une quinzaine de militantes féministes recense tous les cas de féminicides. “Le fait que les chiffres des meurtres de femmes soient publiés en fin d’année ne nous convenaient pas, on trouvait que c’était trop tard. On s’est aperçues que dans les médias, les familles des victimes étaient extrêmement démunies. Elles ne sont pas accompagnées après ces meurtres qui sont dus à des manquements du système judiciaire et policier. On a donc voulu rendre hommage à ces victimes et à leurs familles en les nommant”, explique Julia, une des administratrice de la page. Le collectif reçoit même directement des messages de familles de victimes, parfois avant la presse. “Nous avons du créer un groupe privé pour les familles, car nous recevions trop de messages par jour”, continue Julia. Quand on lui demande pourquoi le nombre de féminicide augmente, Julia dresse une analyse cinglante :

On ne souhaite pas s’adresser aux violents, les hommes sont préservés. Quand une femme est victime de violences, c’est elle qui se retrouve enfermée dans un foyer, quand elle a la chance de pouvoir être exfiltrée de son logement. Les hommes bénéficient d’une impunité de la société et de la justice avec des peines de sursis. Si la loi était réellement appliquée, il y aurait des peines de prison ferme”.

De son côté, Sophia Sept, militante Fémen, mène depuis des années une campagne contre le féminicide. Il y a deux mois, elle entend une scène de violences conjugales chez ses voisins. Elle enregistre les cris de la victime et publie la vidéo sur Internet, qui devient virale et est notamment reprise par Le Parisien.

Quand la police est arrivée, ils ont juste contrôlé l’identité de l’agresseur. Cinq minutes après, les cris ont repris, je les ai rappelés et ils m’ont dit avoir fait le nécessaire, que c’était juste une violente dispute. »

« J’ai posté la vidéo sur Twitter, pour dire à la communauté qu’il ne faut pas avoir peur de témoigner”. Depuis, des femmes victimes de violences conjugales contactent Sophia via les réseaux sociaux. “Certaines recherchent un logement d’urgence, je fais jouer la communauté et je trouve des militantes qui les hébergent, les prennent en charge. J’essaye de palier aux associations qui manquent de moyens […] Tout le monde est démuni, c’est le système entier qui est à revoir.”

Du côté des victimes, l’aspect destructeur de ces violences est important et continue bien après la séparation avec leur ex-conjoint violent. “J’ai peur tout le temps, j’ai été détruite. Je fais des cauchemars, je ne dors plus. Je ne veux pas rencontrer d’homme, je n’ai plus confiance”, confie Anissa. Virginie craint pour sa vie depuis que son ex-conjoint a défoncé sa porte à coups d’épaule en février. “C’est le dernier rempart contre lui qui cédait”, confie-t-elle.

La même peur habite Fanny :

Je n’ai plus de vie, je vis les stores baissés. J’ai un bracelet connecté en permanence qui me géolocalise en cas d’urgence. Je sors de chez moi par une porte dérobée. J’ai mis en place plein de stratégies jusqu’au jour où je n’aurais pas un pas d’avance sur lui [son ex-compagnon] et là, qui sait ce qu’il pourra se passer.

La jeune femme compte néanmoins continuer à se battre : “Je n’ai plus rien à perdre à part ma vie. Je le fais pour moi, pour ma fille et pour toutes les autres femmes”.

Fanny Rocher & Jeanne Seignol

Pour compléter :

Que fait la loi pour protéger les victimes ?

Un budget insuffisant ?

Le Filon : un accompagnement sur la durée

Une personne dans l’urgence permanente ne peut pas reprendre le contrôle sur sa vie”, explique Cécile Tarchini, bénévole au Filon. L’association, créée en 2017 par Perrine Boyer, diplômée en management, offre aux femmes SDF un accompagnement sur le long terme afin de faciliter leur réinsertion. Le Filon, situé dans un petit local du 17e arrondissement de Paris, propose un accueil de jour où les bénéficiaires peuvent se reposer, cuisiner ou faire leur lessive. En tout, soixante-dix bénévoles viennent en aide à une quinzaine de femmes pendant plusieurs mois.  Par des ateliers de couture, de jardinage ou de décoration, les membres de l’association espèrent rétablir la confiance en leurs capacités des femmes non-domiciliées. Une fois par mois, les “filondors” -comme sont appelées les bénéficiaires de l’association- et les bénévoles organisent un repas où chacun peut inviter un membre de sa famille ou un ami. Un accompagnateur social les aide dans leurs démarches pour trouver des solutions à long terme, en matière de logement ou d’emploi.

Antonella Francini et Eva Mbengue