Ophtalmo : à Levallois, il faut être patient pour avoir un RDV

Le délai d’attente moyen pour obtenir un rendez-vous chez l’ophtalmologue a encore augmenté. D’après une étude dévoilée ce jeudi et réalisée par le groupe Point Vision, il faut en moyenne 85 jours, soit 8 jours de plus qu’en 2013. Certaines zones sont moins avantagées que d’autres : à Levallois-Perret, dans les Hauts-de-Seine, la patience est de rigueur.

 

POUR ILLUSTRER LE PAPIER DE JULIE DUCOURAU : "LES PROFESSIONNELS DE LA VISION S'INQUIETENT D'UN DESENGAGEMENT DE LA SECU" - Une patiente subit un examen de la vue chez un ophtalmologue à Paris le 24 avril 2008. Un éventuel désengagement de la Sécu au profit des complémentaires sur l'optique, évoqué par la ministre de la Santé Roselyne Bachelot le 13 avril 2008, créée un tollé parmi les mutuelles de santé et les professionnels du secteur qui estiment que la "santé visuelle" doit prévaloir sur les considérations financières. AFP PHOTO MEHDI FEDOUACH / AFP / MEHDI FEDOUACH

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Martine, interrogée par le Celsa Lab, a 59 ans, et habite à Levallois-Perret depuis 21 ans. Lunettes carrées et noires sur la tête, café à la main, il ne lui faut que 30 secondes en ce calme début d’après-midi pour s’emporter contre les délais d’attente chez l’ophtalmologue. «  A Levallois, c’est très dur d’avoir un rendez-vous. Je pense que c’est parce qu’il n’y a pas beaucoup d’ophtalmologues, en tout cas moi je n’en connais que trois ou quatre dans ma ville et ils sont tous remplis pour plusieurs mois. » Martine n’a pas tort, même si à Levallois-Perret il y a environ une dizaine d’ophtalmologues. Comme à l’image des 5000 praticiens en France, ils sont trop demandés, et doivent même parfois refuser de prendre en charge de nouveaux patients. Selon l’étude de Point Vision, ils seraient d’ailleurs 11% à le faire.

Même si Paris et sa banlieue sont plutôt bien lotis avec un délai compris entre un mois et moins de trois mois pour avoir un rendez-vous – en Haute-Loire ou la Corrèze il est de 9 mois – le problème reste présent. « Avant j’allais chez le Dr X mais il y a toujours eu beaucoup d’attente, entre deux et trois mois. Du coup, je vais à Neuilly-sur-Seine, où j’attends toujours beaucoup moins. C’est un peu plus cher mais ça vaut le coup car on n’y va pas très souvent de toute façon ! » La dernière fois que Martine est allée chez l’ophtalmologue, c’était à Neuilly-sur-Seine il y a trois mois. Elle a obtenu un rendez-vous trois semaines après.

« C’est incroyable qu’on doive attendre si longtemps »

Sur neuf ophtalmologues contactés basés à Levallois-Perret, cinq nous ont répondu, et la réponse est quasiment toujours la même. Dès que le rendez-vous est souhaité en fin de journée, entre 18 heures et 19 heures, il n’y a pas de places avant le mois d’avril, voire le mois de juin pour un des ophtalmologues. Pour obtenir une place plus tôt, il faut pouvoir s’y rendre en semaine et en plein après-midi. Sur les cinq cabinets contactés le jeudi 11 février, les deux premiers affichaient complet jusqu’à avril pour l’un et jusqu’à juin pour l’autre quels que soient les horaires. Les rendez-vous les plus rapides étaient proposés le mardi 16 février à 15 heures, le 14 mars à 10h20 ou à 16h40, et le lundi 29 février à midi.

Des horaires très compliqués pour les actifs, comme Julien, 33 ans, et cadre commercial à Nanterre, interrogé par le Celsa Lab. Il porte des lunettes depuis tout petit et a « toujours été un vrai binoclard » plaisante-t-il. « Je suis myope et astigmate, l’ophtalmo est presque devenu mon ami. C’est un vrai problème pour les gens comme moi, et même pour la plupart je pense ! Les seuls créneaux disponibles sont en fin de journée, je ne peux pas quitter le boulot pour aller chez l’ophtalmologue en pleine journée. Et dans tous les cas, en général, le délai est extrêmement long. Je sais que l’ophtalmo ce n’est jamais aussi urgent que le médecin par exemple, mais c’est quand même incroyable qu’on doive attendre si longtemps ».

Moins d’ophtalmos il y a, plus d’attente il y aura

Alors que les ophtalmologues peinent à répondre à la demande, de plus en plus partent à la retraite, sans que le nombre de ceux qui les remplacent soit assez conséquent. Le numerus clausus qui détermine chaque année le nombre de places ouvertes après le concours d’internat en ophtalmologie a été petit à petit augmenté pour être fixé autour de 150 places, alors qu’il n’y en avait qu’une quarantaine il y a dix ans. Martine a constaté de ses propres yeux le manque d’ophtalmologues dans sa ville : « Je trouve qu’il n’y en a pas assez ! Même une dizaine pour la ville de Levallois ce n’est pas assez. A Neuilly-sur-Seine, ce n’est pas par hasard qu’on obtient des rendez-vous plus vite. Quand je regarde sur Internet, il y a deux fois plus de résultats pour Neuilly que pour Levallois. »

Pourtant les deux villes ont toutes les deux environ le même nombre d’habitants, autour de 65 000. Et lorsque quatre cabinets au hasard sont contactés par nos soins à Neuilly-sur-Seine le jeudi 11 février, le constat est parlant : chacun des quatre ophtalmologues propose des rendez-vous même en fin de journée à partir de mi-février, fin février et au plus tard début mars. Autre solution que de compenser les départs à la retraite en augmentatn le numerus clausus : multiplier les cabinets disciplinaires, où travaillent ensemble médecins ophtalmologues et orthoptistes. Un gain de temps pour le patient mais aussi le médecin, qui délègue à l’orthoptiste une partie des examens. « Je trouve ça malin. Et pratique » opine Julien, qui espère ne plus attendre deux mois pour pouvoir s’occuper de la santé de ses yeux. 

 

Délai d’attente par département. Source : Point Vision.

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Mathilde Pujol

« Ashes », l’exposition de Steve McQueen, emballe les spectateurs

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2016. GRJ PHOTO

La galerie Marian–Goodman à Paris, débute l’année 2016 avec «Ashes», la dernière installation filmique du réalisateur britannique Steve McQueen. Composée de deux petits films, l’installation surprend et étonne les spectateurs qui essayent de comprendre l’histoire racontée dans la salle obscure.    

Une expérience immersive. «Ashes», la dernière installation filmique de Steve McQueen, est exposée à la galerie parisienne Marian-Goodman. Le réalisateur britannique s’est inspiré d’une rencontre lors d’un tournage sur l’île de Grenade, dont sa famille est originaire.

Au rez–de-chaussée, deux spectatrices s’approchent du premier élément de l’exposition : une installation murale composée de quatre-vingt-huit tubes néon qui forment, chacun, en lettres manuscrites, la phrase «Remember Me» («souviens-toi de moi»). En empruntant les escaliers, le visiteur découvre une pile d’affiches montrant un jeune homme de dos, Ashes, qui regarde la mer. Sur l’image, quelques mots sont écrits. Un couple s’approche timidement et prend une affiche. «Je ne sais pas si on peut la prendre», lance l’homme à sa femme.

Au niveau inférieur, une salle obscure dans laquelle deux films, tournés en Super 8, se projettent simultanément de part et d’autre d’un même écran suspendu. Devant le premier écran, «Ashes» se tient à la proue d’un bateau, au large de la mer des Caraïbes. Des spectateurs, debout comme assis, regardent l’écran, absorbés par l’histoire.

Ce premier film contraste avec le contenu du deuxième, réalisé dans un cimetière de l’île de Grenade. Dans ce film, une dizaine de visiteurs peuvent observer la construction d’une tombe et les inscriptions, gravées à la flamme, sur sa plaque.

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2016. GRJ PHOTO

 

Chaque spectateur est témoin du drame

La présence du personnage est l’un des éléments les plus attirants de l’installation, comme le raconte Anne Maurain, 24 ans : « On connaît le personnage dès le début de l’exposition. On peut l’amener avec nous en prenant une affiche. Dès que je suis entrée dans la salle, la présence du personnage à l’écran m’a immédiatement fait m’assoir. J’avais envie de connaître toute son histoire.»

 Le contraste entre ces deux courts-métrages a étonné Maurice Bourges, 40 ans : «Pour moi, le plus important, c’est l’intensité qui réside dans la pièce, l’antagonisme des deux projections. La vie et la mort. Voilà ce qui m’ a fait passer du temps devant chaque projection, je les ai revues plusieurs fois».

Cette liberté de mouvement est l’essence de l’installation pour Lilla Paci, 36 ans : «On peut aller d’une projection à l’autre, les revoir si on n’a pas compris, construire dans notre esprit l’histoire de ce jeune homme. Pour moi, McQueen veut qu’on devienne témoins du drame, mais aussi acteurs. Il veut que nous réfléchissions sur notre propre liberté. Liberté qu’«Ashes» n’a plus, puisqu’il se trouve dans une tombe».

Pour d’autres visiteurs, l‘expérience a presque été un échec. C’est le cas d’Alain Dabancourt, 53 ans: «Tout d’ abord je n’ai pas compris de quoi s’agissait cette exposition. J’ai vu un jeune homme dans un bateau et rien de plus. A ce moment-là, j’ étais vraiment déçu. Après, sur le deuxième écran, j’ai vu des hommes entrain de construire une tombe et à ce moment-là, je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’une histoire qu’il fallait déduire. Je me suis bien amusé !».

Le public peut profiter l’installation filmique jusqu’au 27 février 2015.

Gila Ríos Jiménez

 

Reinhold Hanning: un des derniers procès nazis? Rétrospective

Ce jeudi 11 février s’est ouvert en Allemagne le procès de Reinhold Hanning, 93 ans, ancien gardien à Auschwitz. C’est le premier d’une série de quatre procès d’anciens gardes du camp. Et ce pourrait bien être les derniers procès de l’Holocauste. Le Celsalab vous fait une rétrospective de la chasse aux nazis.

Sur les 6 500 SS du camp qui ont survécu à la guerre, moins de 50 ont été condamnés.  Des procédures judiciaires sont parfois abandonnées, en raison du décès des suspects, ou en raison de maladie. Car tous les prévenus ont aujourd’hui plus de 90 ans, ce qui rend la tâche difficile. Qui sont les nazis les plus recherchés? Sont-ils condamnés, décédés, en procédure d’extradition? Le Celsalab vous fait le petit bilan de dix procès.

Ouverture du procès Reinhold Hanning, ancien gardien d'Auschwitz/ AFP / POOL / PATRIK STOLLARZ
Ouverture du procès Reinhold Hanning, ancien gardien d’Auschwitz/ AFP / POOL / PATRIK STOLLARZ
  • Les condamnés: une peine symbolique ?

Certaines personnalités ont été condamnées tardivement, comme Oskar Groning, 94 ans, condamné à 4 ans de prison en avril dernier. Mais vu son âge, les risques de finir en prison sont minces. Tout comme Reinhold Hanning, ex-gardien d’Auschwitz dont le procès démarre, la sentence est ici symbolique. De plus, la justice allemande s’attaque aujourd’hui aux gardiens, aux comptables, aux personnalités qui faisaient partie du système, mais qui n’ont à priori pas participé aux crimes contre l’humanité. Et puis il y a ceux qui échappent à leur peine, comme Algimantas Dailide, 94 ans, qui a été condamné mais qui n’a pas purgé sa peine, notamment à cause de son grand âge. D’autres, comme John Demjanjuk, meurent avant même de voir leur peine s’appliquer.

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  • Procès suspendu pour folie

Gerhard Sommer, 94  ans n’a pas pu participer à son procès pour cause de démence. Tout comme Hans Lipschis, un ex-gardien d’Auschwitz âgé de 96 ans accusé de complicité de meurtres.

  •  Procès stoppé net

Ladislaus Csizsik-Csatary  n’a même pas eu le temps d’être jugé, il est mort juste avant.

  • Les non-extradés

Nombreux sont les criminels de guerre nazis qui sont réfugiés à l’étranger. La complexité de la procédure de l’extradition bloque souvent les procès. Karoly Zentai, le « Traqueur » de Juifs est en Australie, Helmut Oberlander, ukrainien d’origine allemande a obtenu la nationalité canadienne, l’Allemagne a refusé l’extradition de Johann Robert Riss vers l’Italie, tout comme Alfred Stark.

D’autres sont également décédés avant d’avoir été extradés, comme Vladimir Katriuk, réfugié au Canada, Ivan Kalymon naturalisé aux Etats-Unis, ou encore Mikhail Gorshkow en Estonie. Dans ce cas, les poursuites s’arrêtent.

  • Les morts présumés

Enfin, il y a les célèbres nazis, les plus recherchés, comme Aloïs Brunner ou Aribert Heim. Tous deux sont censés être morts, mais des doutes subsistent.

Cette liste n’est pas exhaustive, ils existent encore de nombreux criminels de guerre recherchés, mais leur âge grandissant devient un problème en ce qui concerne la suite des poursuites. Rappelons que six millions de personnes sont décédés durant l’Holocauste. Parmi les victimes, des juifs mais aussi des prisonniers politiques, des tziganes, des Polonais et des Russes ainsi que d’autres groupes ethniques, des homosexuels et des handicapés.

Camille Roudet

Cinéma : la crise des réfugiés au coeur de la Berlinale

La 66ème édition de la Berlinale, le festival du cinéma allemand, commence ce jeudi 11 février à Berlin. Depuis sa création en 1951, il a fait des grandes problématiques contemporaines sa marque de fabrique. Cette année, plusieurs films et de nombreuses initiatives se focalisent sur les vagues migratoires.

Dieter Kosslick, président du festival, le 2 février 2016. / AFP / ODD ANDERSEN
Dieter Kosslick, président du festival, le 2 février 2016. / AFP / ODD ANDERSEN

C’est un jeu de mots bien trouvé. « Recht auf Glück », littéralement « droit au bonheur » ou « droit à la chance » – chance et bonheur se disent de la même façon en allemand – est le thème de la 66ème édition de la Berlinale qui commence ce jeudi 11 février à Berlin. « Nous croyons que c’est l’un des souhaits les plus importants de l’homme. Le droit au bonheur, c’est le droit à une patrie, à l’amour, à l’autodétermination, au travail, à la vie et à la survie », a indiqué mardi 9 février le président du festival Dieter Kosslick en guise de présentation.

Montrer les difficultés du monde

En choisissant de faire la part belle à la crise des réfugiés, la Berlinale reste fidèle à sa réputation, celle d’un festival en lien avec l’actualité. « La Berlinale a été fondée en 1951, soit six ans après la fin du nazisme. C’était une époque où l’Allemagne était en ruine et où des milliers d’Allemands avaient fui le pays. La tolérance et la proximité avec le réel sont depuis le début des thèmes fondamentaux de ce festival », explique au CelsaLab, Katharina Neumann, responsable de la Berlinale en charge de la programmation sur le thème des réfugiés.

Et pour cause : plus d’une douzaine de films en lice se penchent sur l’immigration, la guerre ou l’oppression. Le documentaire Fuocoammare du réalisateur Gianfranco Rossi, qui a passé sept mois à Lampedusa, se plonge dans l’enfer des migrants de l’île italienne. Autre exemple : le long métrage tunisien Inhebbek Hedi, produit par les frères Dardenne, met en scène un homme contraint au départ suite à un mariage arrangé avec une femme qu’il n’a pas choisie. « Le rôle du cinéma et en particulier de la Berlinale, c’est de montrer les difficultés du monde et d’apporter des perspectives », explique Katharina Neumann.

Des initiatives pour les réfugiés

En coulisse aussi, le festival met à l’honneur les réfugiés. Le Forum de la Berlinale propose une table ronde et une sélection de documentaires sur le sujet. Par ailleurs, diverses organisations associées au festival viennent en aide aux réfugiés. « Pour la première fois, dans une perspective d’intégration, dix-huit réfugiés travaillent ici comme bénévoles. Ils sont aussi invités à des projections, grâce à un système de parrainage, et des dons sont récoltés pour les victimes de la torture », indique Katharina Neumann. Une buvette tenue par des réfugiés proposera également des menus du Moyen-Orient.

Au total, plus de 400 films de 77 pays seront projetés pendant 10 jours. Dix-sept films sont en compétition pour l’ours d’or 2016. La remise des prix, prévue pour 14 catégories, aura lieu le 21 février.

Léo Pierrard