Live Blog Deuxième jour du procès « Babu »
La fragile position de médiateur de la France dans le dossier israélo-palestinien
Le premier ministre Manuel Valls est depuis dimanche en Israël où il a rendu hommage aux victimes de l’Hyper Casher mais également à Ilan Halimi, victime de meurtre antisémite avant de rencontrer le premier ministre israélien. Il compte négocier un futur accord de paix chapeauté par la France.
Le but avoué de son voyage est avant tout de marcher sur les traces du ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault, qui l’a précédé la semaine dernière afin de convaincre l’État israélien de participer à la conférence de Paris. Cette réunion, en présence de l’Union Européenne et des États-Unis, aurait pour objectif de négocier un potentiel accord de paix entre Israël et la Palestine. Prévue originellement pour le 30 mai, elle a été reportée au 3 juin prochain. Toutefois, si la conférence représente une opportunité pour la France d’être un interlocuteur privilégié au niveau international, Benjamin Netanyahu, Premier ministre Israélien, a indiqué à Jean-Marc Ayrault privilégier des négociations bilatérales avec la Palestine plutôt que l’ingérence de nations étrangères au conflit. Ce qui rend la visite de Valls cruciale pour mener à bien le projet.
« Un grand scepticisme de la part du gouvernement israélien actuel »
Selon David Khalfa pour iTELE, spécialiste du conflit israélo-palestinien et chercheur associé à l’IPSE, la froideur des politiques envers la négociation préconisée par la France est due à « un grand scepticisme de la part du gouvernement israélien actuel » causé par la « vague d’attaques subies depuis octobre » par une population « qui a fait le constat de l’échec répété des négociations« . Quant aux autorités palestiniennes, plus enthousiastes sur la question de la conférence, cela s’explique à ses yeux par le fait qu’ils « estiment que l’initiative française pourrait remettre le dossier palestinien au centre des préoccupations de la communauté internationale ».
Toutefois la visite est compliquée par la ratification par la France le 16 avril dernier d’une disposition de l’UNESCO qui lie certains lieux saints de Jérusalem à l’islam, ce qui a indigné les autorités israéliennes. L’article a été qualifié de « tentative honteuse de réécrire l’histoire, dans le cadre de la campagne politique contre Israël et le peuple juif » par Yaïr Lapid, alors ministre des finances et président du parti centriste Yesh Atid. De surcroît, la nomination d’Avigdor Lieberman, leader du parti d’extrême-droite israélien, au poste de ministre de la Défense, est un signe décourageant pour toute tentative de paix entre les deux États.
Une tension renforcée par les échecs de diplomatie française
Une tension que Manuel Valls a voulu effacer en déclarant dès son arrivée dimanche à Tel-Aviv: « Je suis l’ami d’Israël« . Celui-ci a également tenu à rassurer Benjamin Netanyahu en affirmant que, malgré la menace de Laurent Fabius selon laquelle la France reconnaîtrait la Palestine en cas d’échec des négociations, une telle décision n’était pas à l’ordre du jour. Le premier ministre a également réitéré les propos qu’il avait tenu lors du dîner du CRIF le 7 mars 2016, qui assimilaient antisémitisme et antisionisme.
Des tentatives de conciliation qui devraient aller dans le sens de Benjamin Netanyahu, qui a rappelé la semaine dernière que son « gouvernement aspire à la paix« . Mais celles-ci n’ont toutefois pas suffi, puisque Netanyahu a déclaré renoncer cet après-midi à toute participation à la Conférence de Paris.
D’autre part, de tels propos ont été généralement mal accueillis par les défenseurs de l’Etat palestinien, qui considèrent que Manuel Valls n’est pas un interlocuteur impartial. Aussi, Taoufiq Tahani, président de l’Association France-Palestine, déclare : « Celui qui a très bien décrit Manuel Valls, c’est Roger Cukierman, le président du CRIF ; il a déclaré que c’était le meilleur interlocuteur français pour Israël. Il ne s’est pas trompé dans son jugement : Oui, Manuel Valls sert beaucoup plus les intérêts d’Israël que les intérêts de la France« . Il ajoute : « Le bilan de la visite est extrêmement négatif. La première raison étant que, alors que la France avait voté la résolution de l’UNESCO pour la sauvegarde du patrimoine palestinien, il a dit là-bas que c’était une erreur. Le deuxième recul qui nous semble extrêmement grave c’est de renier la parole de la France donnée par Laurent Fabius selon laquelle il y aurait reconnaissance de la Palestine ». Taoufiq Tahani parle également de « déclarations extrêmement choquantes » lorsqu’à l’université de Tel-Aviv, il a évoqué le boycott européen contre les produits israéliens : « Il a parlé d’une détestation de l’état d’Israël et des juifs dans leur ensemble : il continue sur sa politique d’amalgame entre critique de l’état d’Israël et antisémitisme« . Il semble donc que malgré ses efforts, Manuel Valls ne fasse qu’aggraver le mécontentement dans un conflit déjà vieux de plus de cinquante ans.
Myriam Mariotte
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De nombreux doutes subsistent à l’issue de la première journée du procès « Babu »
Il y a cinq ans, un jeune indien mourait électrocuté dans le métro après avoir été poussé par un autre individu. Le procès de son agresseur présumé s’ouvre aujourd’hui aux assises de Paris.
C’est la fin de ce premier jour d’audience sur l’affaire « Babu ». Le 29 septembre 2011, Rajinder Singh, 33 ans, surnommé Babu, était électrocuté sur les voies du métro à la station Crimée. L’homme d’origine indienne avait pris la défense de jeunes filles importunées par Mohamed Fayed, 22 ans, un sans-papiers égyptien. Après une altercation violente, l’accusé avait poussé Babu depuis le quai, entraînant sa mort.
A l’époque, on surnomme Babu « le héros ordinaire ». l’émotion est immense, l’emballement médiatique instantané. Mais ce héros anonyme est vite rabaissé au statut de simple agresseur alcoolisé lorsque l’on apprend qu’il était en état d’ébriété au moment des faits. Désormais, c’est à la justice de trancher entre ces deux extrêmes, durant trois jours de procès.
Mohamed Fayed est poursuivi pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner » et plaide la légitime défense. Remis en liberté en 2011 puis réincarcéré en 2015, il a depuis régularisé sa situation, s’est marié religieusement et a un fils de trois ans. Lorsque la Cour lui demande pourquoi il est venu à Paris alors que ses parents étaient contre, il répond « tous mes amis avaient quitté l’Égypte pour l’Europe, et j’aime la France. »
Un début de procès difficile
L’audience a démarré sous de mauvais auspices. Mohamed Fayed parle très mal français, il ne comprend pas ce que le Président de la Cour lui dit et inversement. Il a besoin d’une interprète, qui peine, elle aussi, à comprendre son client.
Tout d’abord, les jurés sont tirés au sort. Quatre femmes et deux hommes: c’est la composition du groupe d’individus qui devra décider du sort de M. Fayed. Puis, face à la liste des témoins, il y a déjà un hic: l’enquêtrice en charge de l’enquête, premier témoin, est en arrêt maladie et les proches de Babu, seuls témoins directs du drame, sont introuvables. La liste est donc courte : seul un policier ayant participé à l’enquête sera interrogé aujourd’hui.
Ce dernier rappelle les faits : « Nous avons axé notre travail sur les vidéos de surveillance. La cause de cette altercation était le fait que Mr Fayed avait importuné des jeunes femmes dans la rame. Il ressort des témoignages qu’il y avait un vague lien entre Mr Fayed et les jeunes femmes ». Ce serait l’accusé qui aurait entraîné Babu à descendre du métro et aurait commencé à le pousser mais on sait aussi que les amis de Babu ont encerclé Mohamed Fayed, ils auraient essayé d’éviter le drame. Selon se amis, « Babu n’était pas bagarreur ni violent ».
L’accusé répond : « Je suis désolé, je m’excuse, je n’ai fait que me défendre ».
Une vidéo décevante
https://twitter.com/JasonJournalist/status/734805131741433857
En fin d’après-midi, l’assemblée visionne la fameuse vidéo sur laquelle repose l’enquête. Mais de mauvaise qualité, elle laisse à désirer et la Défense met ce défaut à profit. On y voit Mohammed Fayed frauder le métro à Stalingrad, changer à Pigalle, un paquet de bonbon à la main, accoster deux groupes de filles, mais sans violence ni attouchement. « Ont-elles l’air malheureuse ? » n’aura de cesse de répéter l’avocat de la défense : « Non » devra concéder le policer à la barre.
La séquence la plus importante est filmée de loin et coupée. On y voit un groupe d’individus se disputer, puis Babu tomber au milieu des voies. L’image la plus percutante est sans doute celle où ses proches se précipitent sur les rails pour hisser le corps inerte de leur ami. On y voit aussi Mohamed Fayed récupérer son paquet de bonbon et s’enfuir en courant : « je ne savais pas qu’il était mort » affirme-il. Les avocats de Mohamed Fayed insistent sur le fait que « les témoins directs qui l’accusent sont tous des proches de la victime ». L’audience reprendra demain à 9h30 avec des témoignages d’experts. Le procès durera jusqu’au 25 mai.
Alexis Perché