Rassemblement policier en soutien à un agent convoqué par l’IGPN

Des applaudissements assourdissants, une Marseillaise entonnée en chœur sur fond de corne de brume. Cet après-midi  à l’Inspection générale de la Police Nationale (IGPN) du 12e arrondissement de Paris, Guillaume Lebeau, est accueilli en héros.

Une centaine de policiers et civils s’est réunie, sans encadrement syndicale, pour soutenir le fonctionnaire de la Bac. Certains portent même un masque à l’effigie de leur héros. Car celui qui est désormais connu pour avoir pris la parole dans les médias à visage découvert, est convoqué par la police des polices. C’est le premier agent qui doit être interrogé pour son implication dans la grogne policière. En s’exposant devant les caméras, l’IGPN accuse également Guillaume Lebeau de ne pas avoir respecté son devoir de réserve.

Mais pour les personnes rassemblées aujourd’hui dans le calme, cette convocation n’est pas légitime. C’est ce que pense un agent de police de Gennevilliers et collègue de Guillaume Lebeau : « il n’a pas manqué à son devoir de réserve. S’exprimer sur ses conditions de travail, ce n’est pas critiquer sa hiérarchie ».

« Nous voulons pouvoir nous défendre quand il le faut »

Une agent de sécurité partage également cet avis. Autour du cou, elle porte un écriteau « stop aux enquêtes IGPN ». « Pour convoquer les agents de police ils [IGPN] ne perdent pas de temps, mais quand il s’agit d’arrêter une attaque aux cocktails molotov, il n’y a plus personne » accuse la jeune femme, en référence à l’attaque contre quatre policiers à Viry-Châtillon dans l’Essonne il y a un mois. Alors qu’ils étaient à l’arrêt à un feu rouge, les policiers ont été attaqués par une quinzaine d’agresseurs. Deux d’entre eux sont grièvement blessés. Cet épisode a déclenché un spectaculaire mouvement de protestation des policiers le 18 octobre 2016.

Un sentiment de frustration et de colère s’installe chez les policiers. « Nous ne sommes pas là pour réclamer un 13e mois, mais pour le droit de pouvoir se défendre quand il le faut » explique Robert Paturel, porte-parole du mouvement. Cet ancien membre du RAID, réclame une modification des règles de la légitime défense et en outre, la simplification de l’utilisation des armes.

Une association de policiers plutôt qu’un syndicat

Seaade Besbiss, ex-gendarme qui a porté plainte contre sa hiérarchie pour harcèlement sexuel, est aussi venue apporter son soutien aux policiers. « Les délinquants devraient être punis plus sévèrement, estime la jeune femme, parce qu’ils ne sont pas punis, les policiers sont plus vulnérables ».

Malgré une enveloppe de 250 millions d’euros promise par le ministère de l’Intérieur pour répondre au besoin de renouvellement des équipements, ainsi que l’ouverture des discussions autour de la question de la légitime défense, le mouvement policier se maintient.

Robert Paturel a même annoncé la création d’une association de policiers, qui portera le nom de « Mobilisation des policiers en colère ». L’objectif? Permettre aux policiers de se porter partie civile et d’organiser des manifestations.

Guillaume Lebeau, lui, s’est dit ému par le soutien de ses collègues.

S.Y

A Stalingrad, le temps suspendu en attendant l’évacuation

Environ 2.000 migrants vivent toujours sur le boulevard Stalingrad à Paris dans des conditions sanitaires désastreuses, dans l’attente de leur évacuation prochaine. Reportage de Jeanne Bulant.

Les réfugiés patientent sur les canapés ou les chaises usées, faute de savoir ce qui va se passer.
Les réfugiés patientent sur les canapés ou les chaises usées, faute de savoir ce qui va se passer.

Des milliers de tentes colorées sont toujours entassées jeudi 3 novembre sur le boulevard Stalingrad, au nord-est de Paris. Les jeunes enfants courent ou jouent assis dans les allées jonchées de détritus, tandis que leurs parents patientent en file indienne, parfois deux heures pour un repas. Pain et salade pour certains, fruits et bols de riz pour d’autres. Comme chaque midi et chaque soir depuis le 3 septembre, une dizaine de bénévoles de l’association humanitaire Adra distribue 1.200 repas aux réfugiés de Stalingrad. La moitié de leurs denrées provient de partenariats avec des grandes enseignes telles que Carrefour, Paul ou encore Prêt-à-Manger. Au milieu des bénévoles débordés, la jeune Farida se laisse prendre par l’émotion et distribue ses demi-pommes en pleurant « je viens là tous les jours et à chaque fois ça me fait aussi mal au coeur».

Le froid… et une interminable attente
Dans les allées, des rumeurs disent que la police interviendra demain matin très tôt. Charles Drane de l’association Adra le confirme: « c’est notre dernier jour de distribution, ensuite la mairie et la préfecture ne veulent plus de nous». Mais sans confirmation officielle, c’est surtout la confusion et une interminable attente qui règne, d’autant que la perspective d’une évacuation cette semaine semblait avoir été écartée, mercredi 2 novembre dans la soirée, à l’issue d’une énième réunion entre les protagonistes de l’opération d’évacuation.
Alors faute de savoir ce qui va se passer, les hommes patientent dans des canapés éculés en étudiant des cartes routières ou font sécher leurs quelques vêtements entre deux arbres, sous un soleil radieux mais frais. Le sourire aux lèvres malgré leurs conditions d’hébergement, Omaima et Yeshehahge, 45 et 18 ans, veillent sur le petit Nasser qui joue près de la route. Les deux femmes sont arrivées il y a un mois du Soudan et d’Ethiopie et se sont rencontrées à bord du bateau de fortune qui les a mené de la Libye à l’Italie. Elles non plus n’ont aucune idée de ce qui va leur arriver. « Le seul problème c’est le froid » lance l’une d’elle dans un anglais approximatif. Autour d’elles les hommes spéculent sur les jours à venir, tandis qu’Odile, une enseignante bénévole originaire de banlieue parisienne fait le tour de la place afin de distribuer de la brioche et des yaourts aux enfants, tout en baragouinant quelques mots en arabe. Et tandis que les familles tentent tant bien que mal de se constituer un modeste habitat, le camp humanitaire de la porte de La Chapelle est toujours vide et la ville de Paris attend que l’Etat évacue les 2.000 personnes de Stalingrad pour pouvoir l’ouvrir, car celui-ci ne dispose que d’’une capacité d’accueil maximale de 400 personnes.

La police face à ses propres institutions

Plusieurs centaines de policiers s’étaient donné rendez-vous devant le siège de l’IGPN, masques blancs ou écharpes sur le visage. Ils manifestaient leur soutien à Guillaume Lebeau, convoqué par la police des polices, en raison de son comportement durant les manifestations de la semaine passée.

Cette nouvelle manifestation cristallise les tensions grandissantes au sein de l’institution policière. Depuis plusieurs semaines, les policiers manifestent leur mécontentement envers le gouvernement, mais aussi envers leurs institutions. Le 26 octobre, les syndicats policiers, et notamment le syndicats majoritaire Alliance, avaient déjà été dépassés par leur base. Une manifestation sauvage, légale mais non-encadrée, avait formé un cortège indépendant de celui des syndicats pour demander plus de moyens humains et financiers. Depuis l’agression d’un policier le 8 octobre à Vitry-Châtillon, ils avaient régulièrement défilé pendant la nuit sur les Champs Elysées, là aussi sans l’accord des syndicats. Ce mardi, à nouveau, ils s’étaient réunis devant la Pyramide du Louvre.

Ces policiers estiment qu’aujourd’hui, les syndicats ne sont plus en mesure de porter leurs revendications. Ils ont donc annoncé la création d’une nouvelle association, vouée à prendre le relai des syndicats qui constituent aujourd’hui leur seule voix face au gouvernement.

Prix Goncourt : le tourbillon médiatique

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Baignée d’un soleil hivernal, la Place Gaillon, au coeur de Paris, était le centre de toutes les attentions, ce midi. Une heure avant l’annonce des gagnants des Prix Goncourt et Renaudot 2016, de nombreux journalistes faisaient déjà le pied de grue devant le restaurant centenaire Drouant, rendez-vous traditionnel de l’évènement. Et si, chaque année, c’est le même rituel, l’atmosphère qui y règne est toujours aussi saisissante.

12h30 – hommes de lettres et journalistes se pressent dans le hall de l’établissement, d’où s’élève une rumeur grandissante. Chacun y va de son pronostic, et le nom de la jeune Franco-marocaine Leïla Slimani est dans toutes les bouches. Une masse se forme au pied des marches d’où doit descendre le jury du Goncourt et l’on commence à se marcher dessus, à mesure que l’heure tourne.

Pourtant l’atmosphère est plutôt calme dans l’établissement parisien. Les clients du restaurant affichent un air indifférent, comme s’ils n’avaient pas conscience de l’animation environnante, et les critiques littéraires discutent, accoudés au bar. Seule la foule des journalistes est en pleine effervescence, se préparant à capter le moindre petit détail, le moindre petit mot. On se bouscule déjà, alors que le jury est encore en train de déjeuner et de délibérer dans l’intimité des salons, à l’étage.

Un peu avant 13h, le jury fait son entrée. Du haut de l’escalier, l’écrivain et juré Didier Decoin annonce de manière lapidaire les lauréates du jour. Les pronostics ne se sont pas trompés, le prix Goncourt est décerné à Leïla Slimani pour Chanson douce (éd. Gallimard). Quelques amateurs applaudissent. Ils sont vite rabroués par les journalistes soucieux des images et des sons qu’ils ramèneront à leur rédaction. Le juré reprend, pressé par la foule. La lauréate du prix Renaudot est la romancière et dramaturge Yasmina Reza, pour son roman Babylone (éd. Flammarion). Une fois les noms dévoilés, la masse compacte se disperse pour revenir sur la place, devant le Drouant.

Commence alors une attente impatiente de l’arrivée des deux lauréates, prévenues de leur nomination. Cette fois, malgré le temps clément, l’atmosphère est carrément électrique. Les présentatrices télé piétinent, jetant des coups d’œil inquiets à leur montre, pendant que caméras, perches et micros forment une véritable haie d’honneur au bord de la route. Yasmina Reza est la première à pointer le bout de son nez, Place Gaillon, entourée de deux amies. En quelques secondes, le temps que les journalistes reconnaissent l’auteur-lauréate, la horde l’encercle et l’assaille de questions. Cachée derrière ses lunettes de soleil, elle parvient à s’arracher à la ronde des médias, cramponnée par un voiturier du Drouant, et grimpe vite à l’étage, où l’attendent les jurés.

À l’arrivée de la gagnante du prix Goncourt, la horde se transforme en meute. Sous l’oeil hagard des amateurs venus pour l’occasion, un mouvement de foule se crée autour de Leïla Slimani, qui manque plusieurs fois de se prendre un coup de perche. Bombardée de flashs et de questions, elle finit par abandonner et décide de ne donner aucune réaction avant d’être installée à l’étage, dans le salon gardé par la sécurité.

Après les secousses provoquées par les deux égéries littéraires de 2016, les journalistes quittent les lieux au compte-goutte, tournant les talons sur l’établissement centenaire, laissé en pagaille par ce tourbillon médiatique annuel. Rendez-vous en 2017!

 

Winny Claret