Elections européennes : les intox des réseaux sociaux

Les fausses informations sont massivement relayées sur les réseaux sociaux. Crédits : Capture d’écran
Alors que la campagne pour les élections européennes a débuté lundi 13 mai, beaucoup de fausses informations s’invitent dans le débat politique. Décryptage de certaines rumeurs et imprécisions relayées sur les réseaux sociaux.

A chaque élections sont lot de fake news et les élections européennes n’échappent pas à la règle. Sur les réseaux sociaux de nombreuses fausses informations circulent encore à l’approche du scrutin le dimanche 26 mai en France. Décryptage de trois d’entre-elles :

  • « Un sondage « secret » donne LaREM à 6% » 

Cette info relayée sur les réseaux sociaux provient à l’origine d’un article publié sur un blog participatif du site de Mediapart. Son auteur affirmait que plusieurs instituts de sondage projettent un score de 3 à 5% pour la liste LREM aux élections européennes, alors que les sondages publiés depuis plusieurs mois évoquent plutôt au-delà de 20% d’intentions de vote. Selon cette rumeur, les résultats de ce sondage auraient été censurés par l’Elysée« Le dernier sondage qui donne LREM à 6% est passé entre les gouttes de la censure. Macron et son équipe de sondeurs sont furieux ! », expliquait l’article. L’article a depuis été supprimé.

L’information a été vivement démentie par les instituts de sondage. « Cette rumeur est absurde, notre travail est vérifié et validé par la Commission des sondages. Laisser penser que les instituts de sondage sont aux ordres d’Emmanuel Macron relève de la farce. Et quel serait notre intérêt de publier des enquêtes truquées, qui ne reflètent pas la réalité ? », proteste Jean-Daniel Lévy, directeur du département Politique et opinion de l’institut de sondage Harris Interactive auprès de 20 Minutes. Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’institut Ifop, confirme : « C’est bien sûr complètement faux. On envoie à chaque fois une notice à la Commission. » 

Les instituts de sondage sont en effet soumis à certaines obligations. Ils doivent notamment envoyer une note à la Commission des sondages dans laquelle sont compilées toutes les informations relatives au sondage avant sa publication (nom de l’organisme à l’origine du sondage, nombre de personnes interrogées, questions posées…).

  • « Un président sur une affiche électorale aux européennes, une première » 

L’une des affiches de campagne de La République en Marche a créé la polémique. La raison ? Celle-ci met en scène le Président de la République, Emmanuel Macron. Il y apparaît sans mention de la tête de liste Nathalie Loiseau. Au dessous, figure le slogan : « ¨Pour l’Europe ! Le 26 mai, je vote Renaissance. »

Sur les réseaux, certains contestent la légalité de cette campagne d’affichage « sauvage ». A droite comme à gauche, on fustige l’utilisation de l’image du chef de l’Etat pour promouvoir la liste du parti majoritaire. Néanmoins, cette pratique est totalement légale. Si les symboles de la République sont exclus (le drapeau tricolore, cocarde…) dans les campagnes d’affichage, rien n’empêche un représentant de l’Etat de s’impliquer dans la propagande.

« [Le Code  électoral] fixe la taille des affiches. Il interdit aussi la combinaison des trois couleurs bleu, blanc et rouge sur les affiches, à l’exception de la reproduction de l’emblème d’un parti ou groupement politique. Mais il ne précise aucune mention obligatoire ou prohibée », explique à franceinfo Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris. De plus, le procédé n’est pas nouveau, contrairement à ce qu’a déclaré sur Twitter la député La France Insoumise, Mathilde Panot. Il n’est en réalité pas le premier président à avoir agi de la sorte. En 2009, l’UMP avait utilisé une photo de Nicolas Sarkozy pour faire campagne avec le slogan « Quand l’Europe veut, l’Europe peut ».

Emmanuel Macron n’est pas le premier président français à utiliser son image pour soutenir son parti aux élections européennes. Crédits : DR
  • « Le « droit européen » autorise l’Etat à « tuer des manifestants » en cas d’émeute »

Le droit européen autoriserait un Etat membre à tuer des manifestants en cas d’émeute. C’est bien sûr une information fausse mais qui circule massivement sur des groupes Facebook. Elle provient d’un blog nommé « Réveillez-vous » et notamment d’un article écrit par une certaine Jeanne. Celle-ci affirme que « c’est pourtant écrit noir sur blanc dans un traité européen ». Le traité mentionné dans l’article est la Convention européenne des droits de l’homme. Loin de donner un quelconque « permis de tuer » aux Etats, celui-ci consacre en fait, le droit à la vie.

« La Convention européenne des droits de l’Homme dit exactement l’inverse de ce que dit ce blog. L’article 2 reconnaît le droit à la vie, qui est un droit fondamental, le premier droit à devoir être respecté tant par les individus que les autorités », explique la professeure de droit public Marie-Laure Basilien-Gainche, interrogée par 20 minutes. L’article mentionne effectivement un « recours à la force rendu absolument nécessaire » et précise que la répression d’une émeute doit se faire « conformément à la loi ». Elle doit donc respecter le cadre légal de chaque État-membre.

Cette intox a été partagé par une cinquantaine de groupes Facebook, dont le groupe Anonymous France. Celui-ci, suivi par plus d’un million de personnes a donné une importante visibilité à l’article de ce blog.

Alors que des initiatives pour lutter contre les fausses informations sont créées, l’agence de cybersécurité américaine SafeGuard a publié mercredi 8 mai un rapport mettant en exergue la prolifération sur internet de fausses informations sur le scrutin européens. La lutte contre les fake news est donc loin d’être terminée.

Sylvia Bouhadra

Macron et Le Pen polarisent le débat des Européennes

A une semaine des élections européennes, la bataille fait rage entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen alors que leur partis sont en tête des sondages. Le débat est hypersonnalisé et se détourne de l’enjeu européen au risque de démobiliser les électeurs. 

Emmanuel Macron et Marine Le Pen, de nouveau face à face pour le scrutin européen
Crédit : Foto-AG Gymnasium Melle

« Ça devient donc un référendum pour ou contre Emmanuel Macron, cette élection européenne. J’accepte cela, mais dans ces conditions, il faut qu’il fasse comme le général de Gaulle: s’il perd cette élection, alors il devra partir« , a asséné Marine Le Pen sur LCI le 9 mai. Le même jour, Macron avait déclaré qu’il « mettrait toute son énergie pour faire en sorte que le Rassemblement National ne soit pas en tête » des élections européennes du 26 mai.  Le ton était déjà donné à deux semaines des élections européennes. Le chef de l’Etat et la candidate d’extrême droite se livrent un duel électoral de plus en plus vif.  Pourtant, ils ne sont pas candidats et leurs partis sont respectivement représentés par Nathalie Loiseau et Jordan Bardella.

Les élections européennes ont une allure d’élection présidentielle et remettent face à face les candidats du deuxième tour de 2017.  « La vraie tête de liste du Rassemblement national n’est pas Bardella mais Le Pen. Idem pour La République en marche dont le véritable candidat est Macron. Ces têtes de liste souvent inconnues. Elles sont des prête-noms », explique le politologue Olivier Costa.

Ces élections européennes revêtent aussi des allures de test de popularité pour Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat sort de sa posture présidentielle et appelle à voter La République en Marche.  Le parti de la majorité est en coude-à-coude dans les sondages avec le parti du Rassemblement national. Le dernier en date, réalisé par Harris Interactiv et Agence Epoka le 19 mai, prévoit LREM derrière le Rassemblement national avec respectivement  22,5% et  24% des intentions de vote.

Un schéma binaire qui risque de démobiliser l’électorat

Ce duel exaspère les autres candidats aux élections européennes. Les têtes de listes François-Xavier Bellamy et Manon Aubry l’ont notamment dénoncé lors du grand débat RTL-Le Figaro-LCI dimanche. Pour la candidate La France insoumise, il s’agit d’une « nouvelle version du ‘second tour' ». Le candidat des Républicains a, lui, comparé la posture d’Emmanuel Macron face au RN à  un «antifascisme de théâtre».  Ils ont dénoncé ce duel qui écarterait  les candidats des autres listes.

« Cette polarisation autour du débat  contribue  à écraser le débat sur les questions européennes et risque de démobiliser une partie de l’électorat, las de ce schéma binaire et qui ne se reconnaîtra ni dans Macron ni dans Le Pen » précise le politologue.

En effet, lors de la campagne présidentielle, la question d’un « vote utile » est fréquemment évoquée pour éviter la victoire de l’un des deux partis. Andrea Kotarac, conseiller régional La France insoumise, a même appelé à voter pour le RN le 26 mai, « la seule liste souverainiste qui met en avant l’indépendance de la France et qui est la mieux à même de faire barrage à Macron ».

Les listes ayant obtenu au moins 5% des suffrages bénéficient d’un nombre de sièges proportionnel à leur nombre de voix. La problématique du vote utile du second tour n’est donc pas présente pour ce scrutin. « Faire croire aux gens que leur vote sera perdu s’ils ne prononcent pas pour les deux partis en tête est une forme d’intox. On joue sur le manque de connaissance des citoyens de cet élection en faisant appel au vote bénéfique » pointe Olivier Costa.

Une hyper-personnalisation historique et bien française

Cette hyper-personnalisation des partis en lice pour les élections européenne n’est pas nouvelle.  De 1979 à 1999, la même configuration était la même qu’aujourd’hui :  les listes sont nationales et se prêtent à des débats polarisés autour de leaders. De 1999 à 2014, le gouvernement a tenté de mettre  fin à cette polarisation en rendant les listes régionales.  Chaque parti candidat aux élections était représenté par huit têtes de liste, une par circonscription. Un électeur pouvait voter pour la tête de liste de sa circonscription. Cette multiplicité des candidats politiques rendait difficile la mise en valeur des têtes de listes.  Mais depuis 2014, et la mise en place de la loi de non-cumul des mandats, le scrutin est redevenu national. Cette hyper-personnalisation est-elle propre à la vie politique française?

Les élections européennes sont des tests de popularité des chefs de gouvernement dans de nombreux pays européens. Merkel est remise en cause dans la crise de réfugiés, Theresa May la Première ministre britannique est attendue au tournant alors que les négociations du Brexit sont en cours, et Matteo Salvini espère asseoir sa popularité lors des élections. Mais le fait que toute la vie politique française soit organisée autour de l’élection présidentielle, renforce la polarisation d’un débat qui oppose le chef en place et son opposant principal… plus que chez ses voisins européens.

INFOGRAPHIES – Les élections européennes illustrées

À moins d’une semaine du renouvellement du Parlement européen,  retour sur les chiffres clés des élections européennes.  Les enjeux du scrutin sont inédits : montée des populismes, sortie d’un État membre, le Royaume-Uni, redistribution des sièges au Parlement.

 

Dans de nombreux pays de l’Union européenne (UE), les clivages politiques traditionnels sont remis en cause par des partis populistes lors des élections nationales. Quelles répercussions au niveau européen ?  Selon le dernier sondage édité par le Parlement européen, le nombre de députés issus de partis d’extrême droite pourrait doubler.

En attendant la sortie du Royaume-Uni de l’Union, 73 eurodéputés britanniques seront élus le 23 mai prochain. Une fois l’accord du Brexit validé, 27 sièges seront redistribués à d’autres pays. Les 46 restants constitueront une réserve en cas d’élargissement de l’UE.

 

Fanny Rocher et Yann Haefele

Ce que l’Europe change dans notre vie quotidienne

Manque de clarté, technocratiques, déconnectées des réalités, les décisions de l’Union européenne apparaissent souvent abstraites pour les citoyens. Pourtant de nombreuses mesures régissent notre quotidien. Petit tour d’horizon à six jours du scrutin européen.
Monnaie unique, Erasmus, traçabilité des aliments, l’Europe intervient dans de nombreux pans de notre quotidien. / Crédits: Pixabay
  • Économie

C’est le symbole le plus fort de l’intégration européenne dans la vie quotidienne. L’euro, monnaie unique, est mise en service le 31 janvier 2001. Si tous les pays membres de l’Union européenne ne l’ont pas adopté, plus de la moitié des pays de l’Union – 19 au total – font partie de la zone euro. Cette monnaie est un vrai atout lors des voyages. Passer quelques jours en Angleterre revient souvent à plus cher que dans un pays de la zone euro. Nécessité de convertir le prix des produits de la livre sterling à l’euro, taxes au moment des paiements en cartes bleues, ces dépenses se font vite sentir.

  • Mobilité

Passer de la Belgique à la France en un pas est le quotidien de bon nombre de Français aujourd’hui. Mais sans l’Union européenne ces allers-retours ne seraient pas possible. L’espace Schengen, dont nous fêterons les 20 ans en 2020, permet une libre-circulation au sein des 26 pays de l’Union européenne et quatre Etats associés: la Suisse, la Norvège, l’Islande et le  Liechtenstein. Grâce à cet accord, tout citoyen de ces pays peut passer librement d’un pays à l’autre sans contrôle. Pas besoin de passeport donc pour passer de l’Allemagne à la France. Pas besoin de visa non plus pour les travailleurs ou les étudiants.

Erasmus justement. Depuis son lancement en 1987, neuf millions d’étudiants, de 13 à 30 ans, ont pu partir étudier dans une université ou école d’un pays de l’Union européenne. Apprendre une langue étrangère ou partir découvrir une nouvelle culture, les motivations sont nombreuses mais les moyens financiers ne suivent pas toujours. Grâce au renforcement du programme en 2013 avec Eramus +, et quinze milliards d’euros de budget alloués jusqu’à 2020, les étudiants bénéficient de prêts, à des conditions favorables, allant de 12 000 euros pour un semestre à 18 000 pour deux.

Toujours pour faciliter la mobilité des citoyens européens, en bannissant les restrictions tarifaires l’Europe a permis de voir émerger des compagnies lowcost permettant de voyager à bas coût. Et en cas de surréservation, ces compagnies, petites comme grosses, sont engagées au niveau européen à verser des compensations financières de 250 à 600 euros au voyageurs mécontents.

 

  • Consommation

Mais pas besoin d’aller bien loin pour se rendre compte de l’impact de l’Europe dans notre quotidien. Direction le marché ou le rayon fruits et légumes du supermarché. Les ardoises qui nous indiquent le prix des aliments et sont aussi là pour nous informer sur l’origine du produit. Fruits, légumes mais aussi poissons et viandes, l’Union européenne impose la traçabilité de ce que nous mangeons. Les industriels ne sont pas  laissés de côté. Des normes strictes encadrent les colorants, conservateurs et antixyodants tandis que les additifs sont soumis à une réglementation de l’Autorité européenne de sécurité des aliments.

 

A l’heure du numérique, des mesures sont également prises pour garantir les droits des internautes. L’Union européenne permet de commander des produits sans droits de douane ni taxes supplémentaires. Elle protège également les consommateurs en leur permettant de renvoyer un produit acheté, sans justification, dans un délai de 14 jours. Et pour les appareils électriques, c’est bien deux ans de garantie mais seulement en cas de défaut de conformité.

 

  • Numérique et téléphonie

C’est l’un des plus grand chantier numérique de l’Europe. Entré en vigueur le 25 mai 2018, le RGPD ( Règlement général pour la protection des données) encadre la récolte, l’exploitation et la protection des données des internautes, avec en particulier une obligation de « consentement éclairé » pour le recueil des données. Les amendes peuvent s’élever jusqu’à 20 millions d’euros ou 4% du chiffre d’affaires annuel mondial des entreprises. Concrètement comment cela s’exprime ?  Pour nous, européens, contrairement aux Etats-Unis, il est interdit aux sites de récupérer nos données personnelles à des fins commerciales.

Grande nouveauté aussi depuis deux ans, des dispositions légales ont été prises à échelle européenne pour ne pas avoir à payer de frais supplémentaires, les fameux « frais d’itinérance » ou « roaming » lorsque l’on voyage d’un pays européen à l’autre.

  • Justice

La Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) a pour mission est d’assurer le respect des engagements souscrits par les États signataires de la Convention européenne des droits de l’homme. La compétence de la Cour s’étend donc à toutes les questions concernant l’interprétation et l’application de la Convention et de ses protocoles additionnels . La Cour peut être saisie d’une requête par un État ou « par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui s’estime victime d’une violation » de ses droits ou libertés, garantis par la Convention. Elle a par exemple été saisie récemment par les parents de Vincent Lambert qui s’opposaient à un arrêt des soins. En rejetant leur demande, le lundi 20 mai, elle a enterré tout autre possibilité de rappel.

 

  • Environnement

Près de 26 millions de tonnes de déchets plastiques sont générées chaque année à travers l’Union européenne. La Commission a adopté une loi afin de lutter contre la pollution plastique. Cette stratégie vise à assurer que chaque emballage plastique puisse être réutilisé ou recyclé d’ici 2030 et à réduire la consommation de produits plastiques à usage unique à partir de 2020. En attendant, l’Union européenne a déjà interdit depuis 2016 les sacs plastiques à usage unique dans les supermarchés.

 

 

 

Clara Gilles et Anne-Cécile Kirry