Soumission chimique : comment s’en prémunir cet été ?

L’été arrive à grands pas. Festivals, concerts, soirées en plein air, verres en terrasse : les occasions festives se multiplient avec l’arrivée des beaux jours tout comme, les risques liés à soumission chimique. Tour d’horizon des bons réflexes pour profiter des festivités à venir en toute sérénité.

 

Des dispositifs « anti soumission chimique » sont régulièrement distribués dans les lieux festifs.
Crédits : Photo d’illustration Sipa/Syspeo

Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la « soumission chimique désigne l’administration d’une substance psychoactive à une personne, sans qu’elle en ait connaissance ou sous la contrainte, dans le but de commettre un délit ou un crime, comme un vol, une agression sexuelle, un viol.»

Il s’agit souvent d’un médicament détourné de son usage médical (antihistaminique, sédatif, anxiolytique, antidépresseur), ou non médicamenteuse de type drogue (MDMA, cocaïne, 3-MMC, GHB, alcool). La substance est ajoutée dans une boisson, de la nourriture, ou injectée avec une seringue.

Ces actes malveillants, punis par la loi, touchent majoritairement les femmes. D’après l’ANSM, sur les 97 signalements de  soumission chimique en 2022, 80 étaient des femmes soit 82.5% des cas. À noter que la soumission chimique, peut toucher tout le monde, sans distinction d’âge ni de genre.

Les symptômes apparaissent quelques minutes voire quelques heures plus tard. Pour réagir rapidement, il est important d’apprendre à les connaître. Pour certains, la mémoire peut être affectée. Ils peuvent souffrir d’une amnésie totale ou partielle, ce sont les signes connus communément comme les « trous noirs ». D’autres, peuvent ressentir une fatigue intense, des vertiges, un état de somnolence, des vomissements, une perte de poids ou de cheveux, ou encore, des signes de violences inexpliqués.

Si ces symptômes peuvent sembler assez communs, il faut surtout s’inquiéter lorsqu’ils surviennent de façon inexpliquée ou après une soirée animée.

 

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Les bons gestes et réflexes à adopter

Premier conseil : agir rapidement. Dès le moindre symptôme pouvant être associé à la soumission chimique, chez vous ou dans votre entourage, il faut immédiatement consulter un médecin. Il prescrira des analyses toxicologiques ou une exploration corporelle si un viol ou des coups sont suspectés.

Il est recommandé de ne pas prendre de douche, et de ne pas attendre plusieurs jours. Après un temps trop long, les substances ne sont pas détectables. Si la personne est dans une condition physique dégradée, il faut immédiatement appeler le 18 ou le 15. Dans le cas où les faits sont médicalement avérés, il est hautement conseillé de porter plainte.

Par ailleurs, informer ses proches de son lieu de sortie et de vos accompagnants, ne jamais laisser son verre sans surveillance et éviter de consommer des boissons suspectes est aussi préconisé.

Des dispositifs « anti-soumission chimique »

En France, en novembre 2024, une expérimentation concernant des kits d’auto-détection de « soumission chimique » ou de « dépistage du lendemain » a été menée dans plusieurs départements français. Remboursés par l’assurance maladie et vendus en officines ou dans certains laboratoires, ils contenaient des flacons pour recueillir l’urine et des adresses utiles comportant la démarche pour les victimes.

Dans plusieurs lieux festifs, des bâtonnets à tremper dans les boissons sont distribués afin que chacun puisse détecter de potentiels substances suspectes dans leur verre. Du côté de l’Espagne, des bracelets anti soumissions chimiques ont été déployées lors des festivals. Le fonctionnement est simple, le bracelet contient deux carré protégés par un film plastique. Il suffit de retirer ce film et de déposer une à deux gouttes de la boisson à tester. Le carré change d’aspect. Selon un code couleur marqué sur le bracelet, l’utilisateur est averti ou non du potentiel risque présenté par sa boisson.

Cependant, la fiabilité de ces dispositifs fait débat. La mesure des kits du lendemain a été abandonnée en France et ne figure pas dans la cinquantaine de proposition pour combler les lacunes de prévention remis ce lundi 12 mai au gouvernement par la mission parlementaire sur la soumission chimique. Plusieurs associations sensibilisent à ce problème et proposent une aide aux victimes.

 

  • France Victime : 116 006 (disponible 7j/7, 24h/24)
  • Violences Femmes Info : 3919(disponible 7j/7, 24h/24)
  • Service d’information sur les drogues : 0 800
  • Association M’endors pas : stop à la soumission chimique
  • Le CRAFS APHP

Ana Escapil-Inchauspé

« Je ne sors plus de chez moi avec la peur d’être agressée » : à Angers, un dispositif accueille des réfugiés LGBTQ+

Depuis octobre 2019, la fondation Le Refuge accueille des personnes LGBTQ+ ayant fui leur pays en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre. Un dispositif spécifique situé à Angers, mettant à disposition des logements à une trentaine de personnes et assurant un accompagnement en vue de s’insérer dans la société. 

Plus de 9 000 kilomètres. C’est la distance qu’aura dû parcourir Arthur pour vivre librement son homosexualité. Originaire de l’Ouganda, il risquait la prison à vie. Cet état africain a l’une des législations les plus répressives au monde en termes de droits LGBTQ+. Depuis mai 2023, l’homosexualité est même devenue passible de la peine capitale. 

« L’enfer a commencé en secondaire lorsque j’ai eu ma première relation avec un garçon et que les gens autour de moi l’ont appris », raconte l’homme aujourd’hui âgé de 29 ans. Séquestration et maltraitance par sa famille, thérapie de conversion, expulsion de son école, agressions de groupe, pressions policières : Arthur a vécu des années de violences, qu’il raconte avec peine. C’est suite à un passage à tabac par un groupe d’hommes et une garde à vue, que le jeune homme a décidé de fuir en Europe. Après un bref passage à Madrid puis au Havre, il arrive au DENH d’Angers (Maine-et-Loire), en juillet 2020. 

La fondation Le Refuge, spécialisée depuis 2003 dans la prévention de l’isolement des jeunes LGBTQ+, a créé en 2019, ce dispositif spécifique destiné aux réfugiés de 18 à 30 ans, ayant fui leur pays en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre. « C’est un public particulièrement vulnérable, encore plus que les autres réfugiés, car en plus d’avoir une histoire compliquée et souvent traumatique, ils ne bénéficient pas du soutien d’un groupe ethnique en France, duquel ils sont aussi exclus », souligne Johanne Jahier, chef de service du DENH. 

 Dans la salle d’accueil de la permanence de l’association, une carte du monde accrochée au mur montre les pays d’origine des 73 personnes accompagnées par le dispositif depuis sa création. Afghanistan, Russie, Colombie, Cuba, Pakistan, République démocratique du Congo et bien d’autres : les quatre coins du monde sont représentés. « La problématique des réfugiés et demandeurs d’asile LGBTQ+ a commencé à être prise en compte par l’État, notamment grâce aux associations qui se sont battues pour cela. Le Refuge s’est positionné sur cette question après s’être rendu compte que, sur sa ligne d’écoute, il y avait un certain nombre de personnes avec ce profil », explique Johanne Jahier. Le DENH fait partie du dispositif national d’accueil et reçoit donc des fonds publics qui lui permette de financer une partie de ses activités. Jusqu’à 2022, le dispositif accueillait aussi des demandeurs d’asile LGBTQ+, mais ils sont aujourd’hui pris en charge par une autre structure.

Un accompagnement global dans un espace sécurisant

Le service, composé que quatre travailleurs sociaux, accompagne une trentaine de jeunes dans leurs démarches d’insertion professionnelle, d’accès au logement autonome et aux soins médicaux. Un logement à titre quasi-gratuit leur est également mis à disposition durant toute la période de suivi, variant selon les besoins des bénéficiaires. « Nous dispensons un accompagnement global pour ces jeunes afin de les aider à s’intégrer dans un espace safe, dans lequel ils ne se sentent pas jugés. En partant de leur projet de vie, nous avons un rôle de médiateur pour leur apprendre à faire valoir leurs droits en France et à s’autonomiser », explique Emmanuel Smaïl, assistant social au sein du DENH d’Angers depuis juin 2020. 

Après plus d’un an d’accompagnement, Arthur vit aujourd’hui dans un logement autonome à Angers, il a trouvé un emploi dans un fast-food et poursuit une formation dans le domaine du commerce. « Je suis beaucoup plus épanoui depuis que je peux exprimer mon homosexualité sans crainte ». Son parcours, comme celui de nombreux autres, donne beaucoup d’espoir quant au futur des réfugiés bénéficiant actuellement du dispositif. Daniela, femme transgenre jamaïquaine, souligne aussi les bienfaits de l’aide qu’elle reçoit de l’association depuis début 2022. Ayant quitté son pays natal pour des raisons de sécurité, elle qualifie son arrivée en France de « libération ». 

La Jamaïque punit l’homosexualité d’une peine de prison et la transidentité n’est nullement reconnue. « Au-delà de la loi, l’homophobie et la transphobie sont ancrées dans la société jamaïquaine, les violences envers la communauté LGBTQ+ sont très fréquentes et banalisées. Depuis qu’elle est arrivée en France, elle se sent beaucoup plus à l’aise pour exprimer son identité. « Je ne sors plus de chez moi avec la peur d’être agressée », affirme-t-elle. Ce mardi 22 août, la jeune femme de 23 ans est stressée : elle commence un nouvel emploi en tant qu’agente d’entretien dans des bureaux de la banlieue d’Angers.

« Nous ne sommes pas comme une structure militante »

Malgré les retombées positives du dispositif, la fondation est tout de même confrontée à des obstacles. « Même si nous avons recours à l’interprétariat, la barrière de la langue complique les démarches. Le manque le personnel médical et la dégradation des conditions de travail de nos partenaires rendent aussi les choses plus difficiles », regrette Emmanuel Smaïl, soulignant la collaboration essentielle avec le tissu associatif local. Le travailleur social évoque également l’existence de discriminations envers les bénéficiaires de l’association lors de certaines démarches, pour leur identité de genre, leur orientation sexuelle, mais surtout leur statut de réfugié. 

Ces discriminations, Yanicelys, femme transgenre cubaine accompagnée par le DENH, en a fait les frais. Récemment, elle a été victime de racisme et de transphobie de la part d’une banque, alors qu’elle souhaitait ouvrir un compte. Dans ce type de cas, le DENH préfère le dialogue à la confrontation. « On nous attend parfois sur un volet activiste que nous n’assurons pas. Nous sommes un organisme d’accompagnement des jeunes LGBTQ+ réfugiés, mais nous ne nous revendiquons pas comme une structure militante », se justifie Johanne Jahier. Une vision des choses qui ne fait pas l’unanimité, y compris auprès de certains bénéficiaires. 

Marie Scagni

Reportage rédigé en août 2023, lors d’un stage à L’Humanité, mais qui n’a pas été publié.