Depuis le lundi 31 mai, tous les adultes peuvent se faire vacciner contre le Covid-19. Pour autant, la montée en puissance de la campagne vaccinale pourrait ne pas être aussi forte qu’espérée. Ni les centres de vaccination, ni les pharmacies, qui peuvent depuis le 28 mai administrer le vaccin Moderna, ne sont pour le moment en mesure d’accélérer la cadence.
« J’ai passé au moins deux heures sur mon téléphone à rafraîchir Doctolib hier soir, mais j’ai fini par avoir un rendez-vous ! », exulte Liam Sorley. Cette piqûre, ce Canadien de 21 ans, Parisien depuis un an et demi, l’attendait depuis longtemps. Avec l’ouverture de la vaccination aux 18 ans et plus à partir du lundi 31 mai, il a enfin pu réserver un créneau pour une première injection.
Pour lui, ce sera le vaccinodrome du Stade de France, à Saint-Denis, qui a atteint depuis un mois un rythme de croisière à 12 000 piqûres par jour. Un peu déçu car il espérait « se faire vacciner sur la pelouse« , Liam voit tout de même le verre à moitié plein : « Cette injection, c’est un peu comme une libération. En plus, je suis cuisinier et je n’ai pas trouvé de travail à Paris depuis le début de la pandémie. Alors maintenant que les restaurants rouvrent, ça va peut-être m’aider à être embauché. Je ne sais pas si les patrons demanderont aux employés d’être vaccinés, mais je trouverais ça compréhensible », partage le jeune homme.
« On a réservé tout de suite »
Il n’est pas le seul à avoir sauté sur les réservations dès ce week-end pour espérer être vacciné aujourd’hui : « Une amie qui travaille dans le centre nous a dit samedi qu’il y avait des places disponibles. On a réservé tout de suite », expliquent Elise Gaubert, 27 ans, et Clara Morel, 29 ans. Pour les deux jeunes femmes, friandes de concerts, le vaccin fera office de sésame : « On sait que ce sera obligatoire pour les festivals de cet été. Même si on ne sait pas encore auxquels on ira, ça donne une raison de plus pour le faire ! », justifie Elise.
Après l’injection, Liam, Elise et Clara attendent dans l’espace de surveillance médical, au milieu d’une centaine d’autres néo-vaccinés. Les quinqua et sexagénaires ont beau y rester majoritaires, tous les âges sont représentés, notamment dans ceux qui ne pouvaient, jusqu’ici, pas être vaccinés. « Ça fait déjà quelques semaines qu’on accueille tout le monde sans limite d’âge ou de comorbidité », explique Saliah Ikheteah, qui s’occupe de la partie administrative qui précède la vaccination. « On a eu des gens qui venaient de Lyon ou de Chartres parce qu’ils savaient qu’ils pourraient se faire vacciner ici. On a toujours eu des doses qui restaient et on en aura encore, même si la vaccination est vraiment ouverte à tout le monde maintenant ». Le Stade de France, comme beaucoup de vaccinodromes français, fonctionne déjà à plein régime, ou presque. Le rythme de vaccination ne devrait donc pas augmenter significativement.
Les pharmacies à la peine
Question approvisionnement, il semble toutefois que tout le monde ne soit pas logé à la même enseigne. C’est notamment le cas des pharmacies, qui ont depuis vendredi 28 mai l’autorisation de réaliser des injections du sérum de Moderna, un vaccin à ARN messagé plus facile à stocker que le Pfizer. « Pour l’instant, on a que deux flacons et le fournisseur m’a appelé vendredi pour me dire que je ne pourrai pas en commander aujourd’hui », témoigne Luc Minel, gérant d’une pharmacie dans le 17ème arrondissement de la capitale. « On a une liste des gens qui sont passés à la pharmacie et qui nous ont demandé, mais on préfère attendre d’avoir un peu plus de stock pour organiser des créneaux réguliers », détaille-t-il.
À la Pharmacie de Liège, dans le 8ème arrondissement, un seul flacon est arrivé. Sortira-t-il bientôt de sa solitude ? Derrière leur comptoir, les professionnels sont pessimistes : « Le grossiste nous a dit qu’on aurait sûrement des doses en fin de semaine mais il nous disait la même chose au début pour AstraZeneca, alors qu’au final on a attendu beaucoup plus que ça », partage une pharmacienne qui préfère rester anonyme.
Objectif : 70% de vaccinés
Plus que d’augmenter le nombre de personnes vaccinées par jour, la stratégie du gouvernement est surtout d’empêcher un ralentissement de la campagne de vaccination. En effet, alors que de plus en plus de Français sont vaccinés, les inquiétudes montent au sommet de l’État sur le risque d’un « plafond de verre » vaccinal. Il s’agirait d’une situation où malgré un grand nombre de doses disponibles, on ne trouverait plus suffisamment de personnes à vacciner, en raison d’un scepticisme voire d’une opposition aux sérums. Il s’agit d’une situation déjà observée aux États-Unis, où la barre des 50% de vaccinés peine à être dépassée.
La couverture vaccinale doit être d’au moins 70%, voire 80%, pour permettre une réelle immunité collective. Pour y arriver le plus rapidement possible, les autorités françaises tablent déjà sur l’ouverture de la vaccination aux 16-17 ans, déjà possibles dans d’autres pays comme Israël, le Canada ou encore les États-Unis, qui vaccinent dès l’âge de 12 ans. Pour Alain Fischer, président du Conseil d’orientation de la stratégie vaccinale anti Covid-19, ce n’est plus « qu’une affaire de jours ».
Pour les 16-17 ans, « on a toutes les autorisations possibles, en tout cas pour le vaccin Pfizer. Donc je pense que c’est une affaire de jours » avant que la décision soit prise, a estimé Alain Fischer, le « M. Vaccin » du gouvernement https://t.co/YwnH2n98Cb
Les enfants âgés de 12 ans ou plus, pourront se faire vacciner contre le coronavirus à Singapour à partir de jeudi 3 juin. Lee Hsien Loong, le Premier ministre de l’île, s’est dit inquiet des nouveaux variants qui affectent plus les jeunes.
De plus en plus d’enfants sont infectés par le coronavirus à Singapour a indiqué Lee Hsien Loong, le dirigeant du pays, lors d’un discours télévisé. Les lieux de contamination ? Les écoles et les cours du soir. Par conséquent, le pays d’Asie du sud-est commencera jeudi à vacciner les écoliers à partir de 12 ans.
« Profiter des vacances de juin pour vacciner les écoliers »
L’autorité de régulation sanitaire locale a approuvé le vaccin Pfizer/BioNTech pour les enfants de 12 à 15 ans, préalablement autorisé qu’à partir de 16 ans. « Les enfants n’ont pas été gravement malades mais les parents naturellement sont inquiets. Par conséquent, nous allons profiter des vacances de juin pour vacciner les écoliers », déclare le Premier ministre Singapourien. Depuis la mi mai, les écoles du primaire au secondaire sont fermées dans ce pays de l’Asie du sud-est. Suite à un rebond du nombre de contaminations au coronavirus, l’île a renforcé les restrictions sanitaires. Celles-ci devraient être allégées après le 13 juin, si le nombre de cas transmis localement diminue.
Après les quelque 400 000 écoliers et étudiants du pays, les autorités ont annoncé vouloir vacciner les adultes jusqu’à 39 ans, dernier segment des 5,7 millions d’habitants de Singapour restant à vacciner.Grâce à des contrôles très stricts depuis le début de la pandémie, le pays dénombre un peu plus de 62 000 cas de coronavirus et déplore 33 morts.
Alors que dans l’Hexagone, la vaccination des mineurs n’est pas encore à l’ordre du jour, le vaccin Pfizer/BioNTech est autorisé pour les plus de 16 ans en Europe. Aux Etats-Unis et au Canada, le vaccin peut être injecté aux enfants entre 12 et 18 ans. Pour l’Organisation mondiale de la santé (OMS), vacciner les mineurs n’est pas une priorité. L’objectif étant de pouvoir donner le maximum de doses possibles aux pays les plus pauvres.
À l’occasion de la journée mondiale sans tabac, ce 31 mai, le Comité national contre le tabagisme (CNCT) expose au Celsalab trois méthodes reconnues pour arrêter de fumer comme les substituts nicotiniques (patchs et gommes) et l’accompagnement professionnel.
Le tabagisme est la deuxième cause de décès au niveau mondial, causant la mort de près de 6 millions de personnes chaque année. Le Comité national contre le tabagisme (CNCT) explique au Celsalab trois méthodes pour arrêter de fumer, à l’occasion de la journée mondiale sans tabac.
1 Les patchs à la nicotine
« Éprouvés depuis des décennies, les patchs à la nicotine se révèlent efficaces contre le tabagisme », indique Amélie Eschenbrenner du CNCT. En effet, pendant près de seize heures, le patch délivre une dose de nicotine au patient. La peau de ce dernier l’aspire. Ce processus soulage alors des symptômes liés au manque lors du sevrage tabagique.
2 Les gommes de nicotine
Même principe que les patchs, les gommes délivrent de la nicotine. Néanmoins, elles ne se collent pas sur la peau, elles se mangent. Elles doivent être mâchées énergiquement pendant vingt à trente minutes. La nicotine se diffuse alors rapidement (entre cinq et dix minutes) à travers la muqueuse de la bouche.
3 Se faire accompagner par un professionnel
« Un fumeur ou une fumeuse qui se rapproche d’un professionnel de santé pour arrêter de fumer a 80% de chances d’arrêter le tabac », explique Amélie Eschenbrenner du CNCT. « C’est très dur d’arrêter de fumer quand on n’est pas accompagné », rajoute-elle. L’organisation de lutte contre le tabac préconise donc aux personnes désireuses d’arrêter la cigarette de se rapprocher d’un tabacologue, d’un pharmacien ou de son médecin généraliste.
À l’occasion de la #JOURNEEMONDIALESANSTABAC un rapport appelle à faciliter l’accès aux méthodes de sevrage à tous pour↘️la conso
– Un accompagnement lors du sevrage ↗️ les chances de réussite
– l’OMS rappelle que les e-cig ne sont pas des aides éprouvéeshttps://t.co/QfhLitmKrj
Le CNCT rappelle que d’autres méthodes telles que l’hypnose ou la cigarette électronique n’ont pas été vérifiées scientifiquement. L’association suit les positions de l’Organisation mondiale de la santé, qui a instauré la journée mondiale sans tabac en 1987.
De nombreuses personnes sur les réseaux sociaux affichent des modes de vie sains et mettent en avant une alimentation biologique ou végétarienne. Ils prônent un idéal de santé qui pourtant peut cacher un trouble alimentaire peu connu : l’orthorexie. Jusqu’où peut mener l’envie de bien manger ?
« Avec la réouverture des terrasses, ça va être l’enfer. Ça m’a stressée quand ils l’ont annoncé. Je vais faire chier tout le monde. » Clemence a 22 ans et étudie à Paris. Elle a peur de retomber dans ses vieux travers : lorsqu’elle était adolescente, elle était obnubilée par son alimentation. « Je calculais tout pour avoir la force physique nécessaire pour faire 10 à 12 heures de sport par semaine. Il fallait absolument que je mange tant de portions de pâtes pour pouvoir tenir. » Aujourd’hui encore, la jeune femme doit contrôler son alimentation pour raison médicale : son endométriose l’oblige à éviter tout sucres, lactose et soja. « Je fais gaffe à tout. Je vérifie les étiquettes maintenant, comme je le faisais avant. C’est horrible ».
Cette obsession, les scientifiques lui ont donné un nom : l’orthorexie. Alexandre Chapy, psychologue clinicien, la définit comme « une dépendance ou une tendance obsessionnelle vis-à-vis d’une alimentation “saine » ». Dans son livre La Peur au ventre, le professeur de psychologie Patrick Denoux utilise cette formulation : « l’orthorexique réduit sa vie à un menu ».
Le terme est nouveau : il a été créé en 1997 par Steven Bratman pour décrire son propre trouble. Pour ce médecin américain, il était inconcevable de manger un légume cueilli depuis plus de 15 minutes. Passé ce délai, il considérait que cet aliment n’était plus assez sain.
« Les patients ont peur d’être empoisonnés »
Un orthorexique est obsédé par l’idée de bien manger, une notion que chacun entend selon des critères propres. Ce comportement excessif se rapproche des troubles obsessionnels compulsifs (TOC). Clemence témoigne par exemple qu’elle « machai[t] soixante fois pour que [s]on cerveau ait l’impression d’avoir mangé plus ». Chaque personne souffrant de ce trouble a donc son régime spécifique, qu’il soit végétalien, simplement sans gluten, la combinaison des deux, voire crudivore (fait de manger uniquement cru). « Les patients ont peur d’être empoisonnés, et éventuellement, à terme, de développer une pathologie et de mourir », continue Alexandre Chapy dans son article.
Jason, américain de 35 ans vivant à Denver, interrogé par visioconférence, explique que son orthorexie a été déclenchée par un diagnostic médical : « En 2015, mon médecin m’a indiqué que j’avais un haut risque de développer un cancer colorectal, et qu’à quelques mois près, j’aurais pu le développer ». Après avoir vécu plusieurs années difficiles, avec notamment le décès de ses parents, ce rouquin au visage émacié décrit sa volonté de reprendre le contrôle sur sa vie par l’alimentation. Tomber dans l’orthorexie à la suite de ce diagnostic en a été la conséquence logique.
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« Une fois que je me suis séparé de mes pensées orthorexiques, j’ai pu voir le monde sous un nouveau jour. Voici quelques exemples. Les féculents, un mal non-nécessaire vs. une source d’énergie. Miel et sirop d’érable, cancérigène vs. une source gourmande de minéraux. Sel, favorise la rétention d’eau et les problèmes de cœur vs. un exhausteur de goût. Doughnuts, une mort certaine vs. une joyeuse liberté. »
« Dans la tête, c’est comme un blocage : on s’impose une règle et on ne peut plus y déroger», analyse Laetitia Proust Millon, diététicienne nutritionniste en Nouvelle-Aquitaine. Faire une entorse à ce régime alimentaire engendre une forte culpabilité et un sentiment d’échec chez les personnes atteintes. « Si je dérogeais à la règle, je me sentais hyper mal », confie Clémence.
« Mon orthorexie m’a fait perdre cette relation-là »
Mais est-ce si mal d’avoir une hygiène de vie alimentaire saine ? Selon la diététicienne, quand cela vire à l’obsession, cela provoque un isolement social, une exclusion, un repli sur soi voire un mal-être. Comme un piège, posé par la personne elle-même, qui se referme. Charlotte, 29 ans, vit à Singapour et est coach sportif et spécialiste en nutrition fitness. Chevelure rousse, figure svelte aux muscles saillants, cette instagrameuse partage son mode de vie sportif et healthy avec ses dizaines de milliers d’abonnés. Recettes gourmandes et saines, petites séances de sport à faire chez soi, danses acrobatiques et gracieuses accrochée à une barre de pole dance.. Elle confie qu’il y a sept ans, elle souffrait d’orthorexie : « Je suis partie avec mon copain en vacances au Costa Rica et on nous a servi une glace. Je me suis mise à pleurer. Ce n’est pas un comportement normal ! Et mon copain ne supportait plus toutes les contraintes que je m’imposais. Mon orthorexie m’a fait perdre cette relation-là ».
Aller au restaurant ou sortir avec des amis deviennent des épreuves pour les personnes souffrant de ce trouble. « Noël, c’était ma hantise, se souvient Clémence. Aller chez ma grand-mère avec toute la bouffe qu’il allait y avoir… je commençais à stresser une semaine à l’avance. »Les moments de partage et de convivialité que sont les repas deviennent anxiogènes : difficile de contrôler quels aliments sont cuisinés lorsque l’on est invité chez quelqu’un d’autre. Les soirées avec les amis ne sont plus agréables et certains finissent par se priver d’une partie de leur vie sociale.
« Aux soirées, je prenais quand même des chips, déplore Anaïs, 23 ans, Mais je savais que je n’allais pas être bien. Ça m’a coupé de mon entourage. En plus, ça me détruisait le bide et je vomissais à chaque fois. » La jeune femme aux cheveux courts parle d’une voix assurée, celle d’une personne qui a pleine conscience de son trouble. « Des fois, ce qui peut être un travers pour moi, c’est de juger mes proches qui ne mangent pas bien. Quand ils vont au Mac Donald, je ne peux même pas sentir l’odeur. Quand je vois quelqu’un boire du soda, ça me dégoûte par procuration », rigole-t-elle.
« Au pire de mon orthorexie, je mangeais la même chose matin, midi et soir : des pois chiches, un yaourt grec et un fruit. »
La notion de plaisir venue de la nourriture disparaît pour certains orthorexiques : manger n’est plus qu’une question de survie. « J’ai lentement retiré des aliments, détaille Jason. Le gluten d’abord, puis le lactose, certains fruits et légumes qui étaient trop sucrés, les noix, la viande… Au pire de mon orthorexie, je mangeais la même chose matin, midi et soir : des pois chiches, un yaourt grec et un fruit. Il n’y avait aucun plaisir à manger ».
Selon la diététicienne Laetitia Proust Millon, le risque est de moins s’alimenter, d’être moins à l’écoute de son corps. « Le rassasiement, c’est la fin du plaisir alimentaire. Si on enlève le plaisir, le rassasiement est difficile à trouver. » « Je me souviens parfaitement avoir pensé : ‘si seulement je n’avais pas besoin de manger, les choses seraient tellement plus faciles’, regrette Lydia, étudiante américaine de 21 ans. Elle a souffert d’orthorexie durant ses premières années d’université. C’est difficile de me dire que mes souvenirs de cette période-là ont été volés ».
Pour Clémence, il ne fallait pas laisser entrevoir à ses amis son problème. Tous les moyens étaient bons pour le dissimuler : « Je me rappelle de soirées, notamment au lycée, où j’allais chez des potes. Je faisais semblant de manger alors que j’avais déjà fait un petit repas chez moi : hors de question de grignoter dans la soirée, de boire quoi que ce soit à part de l’eau. Il n’y avait pas de fun. Mais, au bout d’un moment, j’avais du mal à le cacher. Du coup, je mangeais et quand je rentrais chez moi, je me faisais gerber. C’est un cercle vicieux. »
« À l’extérieur, on m’encensait. À l’intérieur, ça metuait.»
Pour autant, avoir un régime alimentaire strict est « valorisé par la société », nous explique Alexandre Chapy lors d’un entretien. De nombreux influenceurs et personnalités publiques mettent en avant des modes de vie sains et sont adorés – voire jalousés – de leurs fans pour ces raisons. « J’étais devenue une espèce de modèle pour ma communauté, reconnaît Charlotte. Son activité sur Instagram l’a poussée à adopter des « comportements de plus en plus extrêmes. Jamais malsains, mais toujours plus dans le contrôle » : « Je postais tous les jours, donc je faisais constamment attention. J’avais une pression pour être parfaite. Je me suis laissé emporter là-dedans. Toutes les fois où je n’étais pas parfaite, je m’en voulais. »
Alexandre Chapy relate dans son article que le culte « d’un corps entretenu, sous contrôle et désirable » sur les réseaux sociaux peuvent favoriser l’orthorexie. C’est « lié à l’estime de soi, analyse le psychologue. En mangeant sainement, les patients auraient la sensation de devenir meilleur ». En dehors des réseaux sociaux, bien manger est également valorisé. « De l’extérieur, j’avais l’air en meilleure santé, ma famille et mes amis m’encensaient pour mon alimentation, confie Jason. Mais à l’intérieur, ça me tuait. »
Les orthorexiques témoignent ne plus pouvoir supporter les aliments qu’ils avaient retirés de leur régime. « J’ai des patients qui me décrivaient des douleurs physiologiques », se souvient le psychologue Alexandre Chapy. Le rejet mental d’une nourriture jugée malsaine peut se transformer en rejet physique : Anaïs témoigne que durant le premier confinement, elle avait « une fenêtre de 10 minutes où [elle] pouvai[t] manger » : « sinon je n’avais pas faim à cause des nausées ».
« j’oscillais entre orthorexie et anorexie »
La ligne entre orthorexie et anorexie est parfois fine. On considère que l’orthorexique se concentre sur une alimentation saine, tandis que l’anorexique est obsédé par la perte de poids. Mais il est parfois difficile de distinguer les deux. « Est-ce que l’orthorexie ne serait pas placée au milieu sur une échelle, avec l’anorexie et la boulimie aux extrémités ? questionne Alexandre Chapy. Et les orthorexiques fluctueraient d’un côté ou de l’autre. »
Au bout de plusieurs années à vivre avec ce trouble, la maigreur de Jason lui « volé la santé ». « Mon médecin m’a dit que j’avais un souci cardiaque, et que c’était lié à mon poids ». Cette prise en compte lui a fait comprendre l’étendue du problème. « Je pense qu’à un moment donné, j’oscillais entre orthorexie et anorexie ».
Pour contrôler la qualité nutritive ou les calories dans leur alimentation, les orthorexiques se tournent vers des applications. « Ça peut encourager l’orthorexie parce que ça donne des chiffres, des ratios, des quotas, des objectifs à atteindre », avoue Charlotte. Clemence s’aidait ainsi de l’application Myfitnesspal pour ne consommer que le strict nécessaire pour étudier, réaliser ses performances physiques, survivre : « À la cantine, je ne mangeais qu’un pain pour ne pas tomber dans les pommes ». Pour Anaïs, garder les yeux rivés sur son application Yuka « rajoutait de la charge mentale » et « [l]’a vite saoûlée ».
« Certains ont l’impression d’être perdus quand ils n’ont plus ces applis-là, explique la diététicienne Laetitia Proust Millon. Ils ont l’impression que ce sont des garde-fous et que s’ils arrêtent de compter, ils vont prendre du poids ». Mais tout est toujours une question de juste mesure selon Charlotte, la coach fitness, et ces mêmes applications peuvent aider à avoir une bonne appréhension de ce que l’on mange. Selon elle, il faut simplement atteindre la modération, faire ce qui nous rend heureux.
Reprendre goût à la nourriture malgré l’orthorexie, est-ce possible ?
Lydia, 21 ans, anime un compte Instagram depuis 2019 (voir ci-dessous). A travers des photos d’elle toute sourire et des gâteaux gourmands faits-maison, l’étudiante témoigne de ses problèmes psychologiques. Elle y documente son chemin pour sortir de l’orthorexie : « C’est thérapeutique de mettre par écrit ce que je ressens et voir des gens me soutenir. » Malgré tout, elle a toujours cette « petite voix dans la tête qui [la] culpabilise » : « c’est difficile de s’en défaire. Je dois me rendre compte que ce qu’elle me dit est faux et faire confiance à mes amis. Et quand je sens que je rechute, je fais exprès d’aller chercher une pizza pour la faire taire ».
Au début de son traitement, Lydia listait tous les aliments qui lui faisaient peur et expliquait pourquoi. « Il y avait des vidéos qui montraient comment retrouver la paix avec la nourriture. J’allais aussi sur le groupe Facebook “Food Freedom Warriors” (“les guerriers d’une alimentation libérée”) avec une communauté très encourageante. »
Suivi nécessaire
Certains orthorexiques témoignent du fait qu’il est difficile de se soigner. Pour autant, le psychologue Alexandre Chapy estime que des prises en charge pour d’autres troubles du comportement alimentaire (TCA) et troubles obsessionnels compulsifs (TOC) fonctionnent. « Il faut un suivi psychologique pour regarder ce qui a pu amener cette si forte angoisse de mourir ».
Laetitia Proust Millon, diététicienne et nutritionniste, explique que pour réhabituer ses consultants à manger de tout, elle les encourage à « reprendre possession de leur corps par les sensations » en passant par la dégustation.
Sortir des troubles alimentaires : des recettes et une pincée d’émotions
Francesca Baker, 34 ans, est une auto-entrepreuneuse britannique spécialisée dans la communication. Elle a publié le livre de cuisine Eating and living, recipes for recovery en 2016 au Royaume-Uni, pour aider les personnes atteintes de troubles alimentaires (TCA) à reconstruire une relation saine avec la nourriture.
Comment en êtes-vous venue à écrire ce livre de recettes ?
Je souffre d’anorexie depuis mes dix-huit ans. Lorsque j’étais à l’hôpital avec d’autres personnes atteintes de TCA, on avait comme projet de réunir différentes recettes dans un livre, mais ce n’est jamais vraiment arrivé. J’aimais beaucoup l’idée, donc je l’ai réalisée. J’ai commencé l’écriture en contactant des personnes que je connaissais, et qui avaient un TCA, pour qu’ils partagent une recette et un souvenir. J’ai essayé de comprendre ce qu’ils avaient traversé.
Comment essayez-vous de réconcilier TCA et nourriture ?
Je ne voulais pas que ce soit simplement un livre de cuisine, je voulais raconter des histoires. Je pense que la nourriture a un côté social, c’est lié à des souvenirs en famille ou entre amis. Mais personnellement, je n’aime plus cuisiner ni manger avec des gens. Donc je voulais intégrer ces souvenirs dans la recette, pour pallier ça et aider ceux qui souffrent de TCA. Ça ne pouvait pas être juste des salades. Ce sont surtout des repas qui nous font plaisir et qui nous rappellent des souvenirs, comme du cheddar fondu sur un toast, ou des nouilles sautées au poulet.
Mettez-vous moins l’accent sur le côté sain de la nourriture ?
Exactement. Je voulais mettre en avant des recettes qui ne sont pas terrifiantes, mais familières. Ça n’a pas besoin d’être des repas nutritionnellement parfaits, il faut que ça soit de la nourriture qui réconforte, pour réinviter les gens à manger. C’est aussi essayer de faire prendre conscience qu’on peut manger quelque chose qui ne soit pas complètement sain, et que ce n’est pas grave.