Santé: ces branches de la médecine où l’IA gagne du terrain

Radiologie, dépistage de cancers, analyse de tissus au microscope…L’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) tend à se généraliser dans le secteur médical pour améliorer les diagnostics. Où en sont les avancées ?

Déjà largement utilisée pour faciliter certaines procédures d’imagerie, l’intelligence artificielle (IA) pourrait bientôt s’installer durablement dans les cabinets de nos médecins. Depuis plusieurs années, des initiatives se développent pour rendre les diagnostics plus rapides et plus précis grâce à l’assistance de l’IA.

C’est le cas notamment de la start-up echOpen, qui a développé un échographe ultraportable permettant aux praticiens d’effectuer une échographie directement pendant l’examen clinique en cabinet, le but étant d’« accélérer la prise en charge du patient en fonction du niveau de gravité » explique Guillaume Laguette, le Chief Revenue Officer d’echOpen. « La version actuelle est exempte d’IA, mais on travaille actuellement sur des prototypes capables de faire un calcul automatique du volume de la vessie ou de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG). Ces prototypes seraient ensuite intégrés à l’échographe portable ».

Elaborer des traitements en un temps record

L’utilisation de l’IA est déjà répandue dans l’analyse de radiographies: « Quand vous allez aux urgences parce que vous vous êtes foulé la cheville, par exemple, il existe des logiciels qui permettent de vérifier automatiquement si vous avez une fracture ou pas », explique Jean-Emmanuel Bibault, professeur en oncologie à Paris.

Autre branche médicale où le recours à l’IA est fréquent : l’anatomopathologie, cette spécialité qui consiste à observer au microscope des tissus prélevés lors d’une biopsie, pour vérifier qu’ils ne comportent pas de caractéristiques cancéreuses. « Maintenant, c’est l’IA qui peut s’occuper de faire cette analyse ». 

Et parce que le cancer est la première cause de mortalité en France chez l’homme et le deuxième chez la femme – il tue chaque année environ 157.000 personnes -, c’est surtout dans le domaine de l’oncologie que le recours à l’IA se révèle le plus utile. En oncologie radiothérapie plus spécifiquement, son usage permet d’automatiser l’élaboration des traitements: « La préparation d’un traitement qui prenait avant plusieurs jours ou semaines prend aujourd’hui quelques minutes grâce à l’IA », indique le professeur Bibault, précisant que 50% des centres de radiothérapie utilisaient déjà cette méthode.

Jumeaux numériques: « c’est encore très loin »

Lancé dans la recherche scientifique destinée à faire progresser l’IA, le laboratoire AstraZeneca a présenté, mercredi 11 septembre, MILTON (pour Machine Learning with phenoType associatiONs), son nouveau outil d’apprentissage automatique capable de prédire plus de 1 000 maladies avant le diagnostic. « MILTON va au-delà du code génétique pour prendre en compte l’ensemble des facteurs moléculaires associés au risque de développer une maladie », a réagi le professeur américain Euan Ashley dans la communiqué publié par le groupe pharmaceutique suédo-britannique.

Mais d’autres évolutions technologiques médicales semblent quant à elle plus lointaines: c’est le cas des jumeaux numériques, une technique consistant à créer avec un ordinateur des patients ou des organes artificiels sur lesquels tester des protocoles de soins ou des traitements médicamenteux. Si la perspective suscite de l’engouement, elle relève encore « totalement du domaine de la recherche clinique » prévient toutefois Jean-Emmanuel Bibault. « On en entend beaucoup parler parce que c’est très à la mode, mais c’est encore très loin. »

En attendant, c’est le développement du « Patient Facing IA » qui se concrétisera probablement dans les prochaines années, une forme d’IA avec laquelle les patients peuvent interagir en direct  afin de surveiller les symptômes de maladies peu ou pas graves, comme la grippe ou le rhume.

 

Parce que le secteur de la santé touche à des données particulièrement sensibles, ces innovations s’accompagnent de réflexions éthiques qui animent les discussions au sein de la communauté médicale. L’IA pourrait-elle un jour remplacer un profesionnel de santé ? « Le job d’un médecin, ce n’est pas d’assurer son salaire à la fin du mois, c’est d’assurer la meilleure prise en charge possible des patients », estime le docteur Bibault. Et donc il faut utiliser les meilleurs outils à notre disposition pour le faire. »

Autre exemple, s’il en fallait, que l’intelligence artificielle s’est imposé comme un enjeu déterminant de la recherche médicale, le Syndicat des Médecins Libéraux (SML) y a consacré le jour de lancement de ses Journées du SML, qui se tiennent cette année jusqu’au 15 septembre au Pouliguen (Pays de la Loire).

Sarah-Yasmine Ziani

Contamination, symptômes, traitement…tout ce qu’il faut savoir sur le botulisme alimentaire

Cinq personnes sont en réanimation en Indre-et-Loire après avoir consommé du pesto artisanal, un cas qui rappelle l’intoxication de dix personnes à Bordeaux en 2018 et qui avait fait un mort. Le botulisme, grave mais rare, peut pourtant être évité par des gestes simples.

Terrine de porc, sardines en conserve, pâté… et récemment pesto : les produits artisanaux peuvent conduire leurs consommateurs aux urgences s’ils n’ont pas été bien préparés. Après une mauvaise stérilisation, un aliment peut être contaminé par la bactérie Clostridium botulinum, responsable de la maladie du botulisme alimentaire. La bactérie produit des toxines neuro-toxiques, qui risquent d’entraîner une paralysie respiratoire et musculaire.

Le botulisme alimentaire peut être grave mais reste rare en France. Santé publique France recense en moyenne 14 cas déclarés chaque année. La maladie, due aux toxines crées par la bactérie de Clostridium botulinum, se distingue du botulisme infantile, causé par l’ingestion directe de la bactérie par les nourrissons. Dans tous les cas, le botulisme ne se transmet pas entre individus.

Quels sont les aliments concernés ?

Le botulisme se contracte par la consommation d’aliments qui n’ont pas été bien transformés : les produits fabriqués de manière artisanale sont donc plus susceptibles de contenir la bactérie. Le développement de la toxine botulique est due à un défaut de maîtrise du procédé de stérilisation, de salaison, et/ou à une rupture de la chaîne du froid.

Selon l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire alimentaire nationale), les aliments les plus souvent impliqués sont les salaisons sèches (jambon cru), les conserves de végétaux (asperges, haricots verts, carottes et jus de carotte, poivrons, olives à la grecque, potiron, tapenade…), la viande (terrine, pâté), les plats cuisinés et le poisson salé et séché emballé sous vide.

Quels sont les symptômes ?

Le temps d’incubation de la maladie est généralement compris entre 12 et 48 heures, mais peut durer jusqu’à huit jours. Les symptômes, eux, peuvent durer de quelques jours à plusieurs mois. Leur gravité varie selon la quantité de toxines botuliques absorbée. Les premiers à apparaître sont souvent une fatigue marquée, des faiblesses (notamment dans la nuque et les bras) et des vertiges.

Il n’y a ni fièvre ni perte de conscience, mais les symptômes possibles sont nombreux :  troubles digestifs (vomissements, diarrhées, constipation), atteinte oculaire (vision floue ou double, dilatement des pupilles), sécheresse dans la bouche avec des difficultés à déglutir ou à parler, et pour les formes les plus graves, une paralysie progressive des membres et des muscles respiratoires. Ces cas peuvent entraîner la mort par insuffisance respiratoire, dans moins de 5% des cas en France.

Comment soigner le botulisme ?

La lenteur du diagnostic rend le soin compliqué. En effet, l’anti-toxine botulique est un traitement efficace s’il est administré dans les 24 heures suivant les premiers symptômes. Mais la maladie étant rare, la suspicion et le diagnostic de botulisme sont souvent tardifs. Les cinq personnes suspectées de botulisme en Indre-et-Loire ne sont d’ailleurs pas encore diagnostiquées à l’heure actuelle. Les faiblesses musculaires générées par l’intoxication peuvent aussi faire penser à un AVC, un syndrome de Guillain-Barré (faiblesse musculaire) ou une myasthénie grave.

La prise en charge consiste donc principalement à traiter les symptômes. La guérison intervient sans séquelles dans la plupart des cas, mais la durée de traitement et de convalescence peut durer plusieurs mois. Une assistance respiratoire est parfois nécessaire pour les cas les plus graves. Les antibiotiques sont inutiles en cas de botulisme alimentaire car ils n’agissent pas sur les toxines.

Comment éviter la contamination ?

Il existe des bons gestes à adopter pour limiter le risque de contracter le botulisme. La vigilance est de mise car une négligence peut être lourde de conséquences.

Une hygiène irréprochable est essentielle lors de l’abattage des animaux à la ferme et lors de la préparation des viandes. Lors de la mise en conserve des aliments, il faut bien nettoyer les végétaux et utiliser des récipients et des emballages propres.

Températures, temps, nombres d’unités limitées par stérilisateur…les consignes de stérilisation doivent être appliquées à la lettre, car les spores de la bactérie résistent à l’eau bouillante.

Les boîtes de conserve bombées, déformées ou avec une odeur suspecte sont à jeter sans hésitation. De même, un bruit doit être entendu lors de l’ouverture de bocaux en verre. En l’absence d’appel d’air, le produit doit être jeté.

Pour les jambons, une bonne concentration en sel de la saumure et le respect du temps de saumurage permet d’inhiber le développement de la bactérie. La chaîne du froid est indispensable.

Pour les produits du commerce, les consignes de conservation et les dates limites de consommation doivent être suivies. Enfin, les nourrissons de moins de douze mois ne doivent pas consommer de miel, car le produit peut être contaminé par des spores de Clostridium botulinum.

 

Domitille Robert

Le nouveau traitement contre la bronchiolite suscite l’attente

Cette maladie est souvent une source d’inquiétude chez les jeunes parents. La bronchiolite, une infection virale très contagieuse qui concerne les nourrissons, dispose du « Beyfortus », depuis ce vendredi 15 septembre. Disponible dans les établissements de santé et, sur commande en pharmacie, ce nouveau traitement préventif est attendu par beaucoup de parents.

À Levallois-Perret, Ilana Moatti vient de récupérer ses deux enfants. Arrivée à sa voiture, la maman installe sa fille de deux ans et demi à l’arrière avant de déposer son fils de sept mois sur le siège passager. La jeune femme âgée de 26 ans espère que son fils pourra bénéficier de ce nouveau traitement contre la bronchiolite, le « Beyfortus », qui vient d’être autorisé : « J’en ai entendu parler grâce à mon cousin, il est pharmacien, explique-t-elle, il faut que j’aille voir ma pédiatre mais je pense le faire », déclare la jeune femme sans hésiter. Ilana Moatti souhaite que son fils âgé d’à peine sept mois ne contracte pas de « formes graves » de la maladie : « Ma fille de deux ans et demi n’était pas gardée donc il n’y avait pas de problème mais mon dernier va aller à la crèche donc il y a plus de risques de l’attraper » conclut-elle en hochant la tête.

Pourtant, d’autres parents sont moins certains. Près de la terrasse du Riva Café, Sofia hésite encore en ce qui concerne ses jumeaux, tout juste âgés de quatre mois : « Ma pédiatre m’en a parlé hier mais je ne sais pas trop ». La maman de 31 ans pointe un manque de recul sur le vaccin avant de hausser les épaules : « Apparemment, il est en phase de test depuis plusieurs années, se résigne-t-elle, donc oui, je pense que je vais le faire. » Tout comme Sofia, de nombreux jeunes parents ont été informés de ce nouveau traitement par le biais de leur pédiatre comme l’explique cette pharmacienne qui constate déjà une certaine attente : « On a déjà pas mal de demande. Les pédiatres transmettent l’information, donc des parents viennent nous voir », souligne Octavie de l’Atrium Pharmacie Métro Louise Michel qui rappelle que la plateforme pour obtenir le traitement est ouverte depuis hier : « On les a commandés mais on ne les a pas encore reçus. » 

Un traitement, pas un vaccin

Les bébés qui attrapent la bronchiolite ont souvent du mal à respirer et subissent des toux fréquentes difficiles à supporter. Dans certains cas, les formes sévères peuvent conduire à une hospitalisation, ce qui concerne 2 à 3% de nourrissons chaque hiver. Ce traitement préventif proposé gratuitement concerne les bébés nés depuis le 6 février 2023 et âgés de moins d’un an. Le nirsévimab est la molécule à l’origine du traitement commercialisé sous le nom de « Beyfortus » par le géant pharmaceutique Sanofi. Il permet de lutter contre le virus respiratoire syncytial (VRS), responsable de la majorité des bronchiolites chez les nouveau-nés. Cyril Schweitzer, professeur de pédiatrie à l’Hôpital d’Enfants de Nancy, rappelle que ce n’est pas un vaccin : « Ce traitement permet d’injecter des immunoglobulines, clarifie-t-il, c’est-à-dire qu’on donne les anticorps VRS, qui sont pathogènes, pour permettre une immunisation passive à la maladie. »

C’est une première puisqu’avant, le seul traitement préventif concernait les bébés à risque et nécessitait plusieurs injections. Le « Beyfortus » est, lui, administré en une fois et permet à l’enfant d’être protégé pendant cinq mois durant la période hivernale : « C’est ce qui le rend intéressant. Avant, celui donné aux enfants à risques devait être administré tous les mois » assure Cyril Schweitzer. Quant aux doutes concernant le traitement, le spécialiste rappelle que des études sont menées depuis « deux ou trois ans et que des tests cliniques ont été réalisés en milieux hospitaliers et pédiatriques. »  L’hiver dernier, l’épidémie la plus virulente de bronchiolite depuis dix ans avait provoqué la saturation des services pédiatriques en France et avait été particulièrement intense. Cyril Schweitzer rappelle que la bronchiolite touche près de 30% des nouveau-nés (soit 480 000 nourrissons) chaque année :  « Il faut bien comprendre qu’en ce qui concerne les enfants hospitalisés par cette maladie, ce n’est que la face immergée de l’iceberg. »

Julie Zulian