Un troisième débat aurait-il fait basculer l’élection présidentielle américaine ?

L'ancien président des États-Unis et candidat républicain à la présidence Donald Trump s'exprime lors d'un débat présidentiel au National Constitution Center à Philadelphie, Pennsylvanie, le 10 septembre 2024. (Photo : Saul Leob / AFP)

A l’issue du débat du 10 septembre dernier entre Donald Trump et Kamala Harris, le candidat républicain semblait vouloir débattre de nouveau. L’ancien président des Etats-Unis a finalement fait volte-face, estimant qu’un nouvel affrontement n’avait pas d’utilité. Un troisième échange aurait-il pu changer le cours du scrutin ?

L’annonce est tombée le 12 septembre sur le réseau Truth Social. « Il n’y aura pas de troisième débat » a déclaré le candidat républicain. En réalité, Kamala Harris et Donald Trump ne se sont affrontés que lors du débat du 10 septembre dernier. En évoquant un troisième débat, l’ancien président fait référence à son échange avec Joe Biden, candidat initial à sa propre succession.

Lors du débat face à Kamala Harris, Donald Trump a montré quelques limites. A travers quelques formules maladroites comme celle affirmant que certains migrants mangent les chiens et les chats, il a été bousculé, restant sur la défensive. A l’inverse, Kamala Harris semblait mieux préparée et ses interventions concises collaient parfaitement avec les séquences de 2 minutes imposée par le débat. La candidate démocrate a reçu le soutien de la chanteuse Taylor Swift quelques instants après la confrontation.

Pour certains spécialistes, le refus de Donald Trump de débattre s’explique par sa position actuelle dans la campagne. « Il a considéré qu’il n’avait pas besoin d’un second débat, analyse Patrick Martin-Genier, enseignant en droit public à Sciences Po Lyon et spécialiste de la politique américaine. Le débat n’a pas changé les rapports de force sur le terrain, ce n’est pas ce qui va faire basculer le scrutin de novembre prochain. »

La question des états pivots

A quelques mois de l’élection, le spécialiste estime que la majorité des électeurs ont déjà fait leur choix. Le résultat du scrutin dépendra de quelques états pivots dans lesquels l’incertitude règne entre Donald Trump et Kamala Harris. Ainsi, les débats nationaux télévisés n’ont à ce stade plus un rôle majeur dans l’élection.

« Dans l’histoire politique des Etats-Unis, ce n’est jamais arrivé qu’à ce stade une élection bascule complètement à cause d’un débat, rappelle Patrick Martin-Genier. On se souvient certes de débats marquants entre Nixon et Kennedy par exemple, car ce sont des grands moments de la démocratie américaine, sans pour autant avoir nécessairement une influence décisive dans l’élection. »

Pour faire la différence, les candidats doivent désormais se concentrer sur les états pivots, également appelés « swing states« . On compte notamment le Nevada, l’Arizona, le Wisconsin ou encore la Pennsylvanie. « L’élection va se jouer sur le terrain dans ces territoires, c’est là bas que Donald Trump et Kamala Harris sont attendus par les électeurs sceptiques, affirme Patrick Martin-Genier. Les gens déjà décidés sur leur suffrage ne changeront pas d’avis avec un troisième débat national. » Le débat du 10 septembre avait d’ailleurs lieu à Philadelphia, en Pennsylvanie.

Des préoccupations très économiques

Si les électeurs ne sont pas tous décidés, ils partagent toutefois des préoccupations communes. « Les Américains sont très inquiets au sujet de l’économie, de l’inflation et du chômage de masse, décrypte Patrick Martin-Genier. Sur ces sujets, Donald Trump et Kamala Harris ont deux visions différentes basées sur des argumentations opposées. » La question de l’industrie est centrale dans de nombreux états.

Les autres sujets sur lesquels les candidats pourraient débattre ont déjà été évoqués clairement par les candidats. La guerre en Ukraine est l’un des exemples. « Donald Trump a promis d’arrêter la guerre mais il n’a pas promis de lutter pour la victoire ukrainienne, il veut simplement la paix, commente Patrick Martin-Genier. Il est très imprévisible mais tous les Américains ne sont pas favorables à cette guerre et ça pourrait jouer en sa faveur. »

Ce type de sujet est déjà très tranché et un débat ne permettrait pas aux électeurs d’en apprendre davantage. « Je pense que Donald Trump connait ses principaux points forts et qu’il a su capitaliser dessus pendant les débats, conclut Patrick Martin-Genier. Il veut désormais être sur de ne pas exposer certains de ses points faibles dans un nouveau débat contre Kamala Harris. » Selon l’expert, il est très peu probable que ce refus de débattre de nouveau desserve Donald Trump dans sa course à la Maison Blanche.

Rémy VIDEAU

La Cour des comptes dénonce les objectifs « incertains » du Service national universel

Le Premier ministre indien Narendra Modi et le président français Emmanuel Macron passent en revue des troupes du Service national universel lors des célébrations du 14 juillet 2023, sur les Champs-Élysées à Paris. (Photo : Emmanuel Dunand / AFP)

Si l’exécutif vante le SNU pour son développement d’un sentiment de cohésion nationale patriotique chez les jeunes, la Cour des comptes s’avère moins dithyrambique. L’institution se montre sceptique sur les objectifs, le coût et la généralisation du dispositif.

Objectifs « incertains », coût « largement sous-estimé », « difficultés de déploiement » : la Cour des comptes a dressé, dans un rapport publié ce vendredi 13 décembre, un bilan sévère du Service national universel (SNU). Cinq ans après son lancement, ce dispositif cher à Emmanuel Macron demeure « mal compris par le grand public, en particulier par les jeunes qui en constituent pourtant la cible », écrivent les Sages de la rue Cambon.

Promesse de campagne du candidat Macron, le SNU comporte un « séjour de cohésion » et une « mission d’intérêt général » et ne concerne pour l’instant que des jeunes volontaires. Un volontariat dont font surtout preuve les « jeunes dont les parents servent ou ont servi dans les corps en uniforme et de catégories socio-professionnelles plus favorisées », selon la Cour, qui fustige le manque de mixité sociale pourtant promis par le SNU.

Un budget deux fois plus important que prévu

Les Sages épinglent aussi le coût du dispositif. Le chiffrage initial, qui s’élève à 2 milliards d’euros, « ne correspond pas à une évaluation du coût global du dispositif pour les pouvoirs publics ». La Cour estime le coût de fonctionnement total plutôt de « 3,5 à 5 milliards d’euros ». Déjà en 2023, un rapport sénatorial estimait de son côté que le coût du SNU pourrait s’élever « entre 2,4 et 3,1 milliards d’euros par an », comme évoqué dans un rapport des inspections générales de 2018. Ce rapport recommandait même de « surseoir » à ce projet.

En janvier dernier, l’ex-Premier ministre Gabriel Attal a annoncé le lancement des « travaux » en vue d’une généralisation du SNU « à la rentrée 2026 ». Cette généralisation, évoquée à plusieurs reprises ces derniers mois, continue donc de se heurter à de vives résistances.

Matthias Troude avec AFP

Crédit photo : Emmanuel Dunand / AFP

Alberto Fujimori laisse derrière lui un souvenir controversé de sa politique au Pérou

Ce mercredi 11 septembre, l’ex-président du Pérou (1990-2000), Alberto Fujimori, est décédé à la suite d’un cancer à l’âge de 86 ans. Une mort à fort impact pour le pays andin qui réveille chez les Péruviens de vieux traumatismes. Retour sur la politique autoritaire de celui que l’on surnommait « El Chino ».

« Après une longue bataille contre le cancer, notre père, Alberto Fujimori, vient de partir à la rencontre du Seigneur. » C’est de cette manière que nous avons appris la mort de l’ex-président du Pérou, Alberto Fujimori, ce mercredi 11 septembre. Sa fille, Keiko Fujimori, aussi connue pour présider le parti de droite Fuerza popular, a communiqué la nouvelle par un post sur X (anciennement Twitter). Elle termine son message par : « Nous demandons à tous ceux qui l’on aimé de nous accompagner par une prière  pour le repos éternel de son âme. Merci pour tout papa! »

Le décès de cet ex-président est loin d’être anecdotique puisqu’Alberto Fujimori est la personnalité politique la plus controversée dans l’histoire du Pérou. Il est autant haï qu’adoré. Sa mort fait justement l’objet d’un deuil national de trois jours à la demande, par décret, de l’actuelle cheffe d’Etat, Dina Boluarte.

Une victoire inattendue

 

Alberto Fujimori n’était pas destiné à gouverner un pays. Professeur de mathématiques et ingénieur agronome de formation, il se présente aux élections présidentielles de 1990. Soutenu par un parti de droite, il se positionne tout de même aux côtés de la classe pauvre du pays. Sans aucune expérience politique, et à la surprise générale, il remporte ces élections face à l’écrivain Mario Vargas Llosa.

De la même manière que le Chili dans les années 1980, Alberto Fujimori calque sa politique aux théories de l’ultralibéralisme. En clair, il privatise tout. De cette manière, il séduit ses électeurs en remettant sur pied le Pérou qui traversait une grande crise et en créant une croissance économique plutôt stable. « Au même titre que Fujimori, Pinochet au Chili était un dictateur mais qui a été vu comme un homme qui restaurait l’économie », avance la Professeure d’études latinoaméricaine à l’Université de Cergy, Lissell Quiroz.

Une politique qui devient rapidement autoritaire

Si une partie de la population se souvient d’Alberto Fujimori pour le redressement économique du pays, d’autres restent traumatisés de son passage au pouvoir qui a tout de même duré dix ans. Au delà d’avoir une politique économique ultralibérale, le président s’est donné pour objectif de combattre sans relâche le parti communiste péruvien appelé « Sentier lumineux ».

Déjà combattu par les anciens présidents du Pérou, le Sentier lumineux est d’autant plus menacé à l’arrivée d’Alberto Fujimori au pouvoir puisqu’en 1991, seulement un an après son élection, ce dernier commandite  un massacre chez des partisans communistes lors d’une fête de quartier à Lima. Les assaillants sont des membres d’un escadron de la mort que le président employait. « Il combattait des groupes que l’on considérait à l’époque comme étant terroristes comme le Sentier lumineux et il a réussi à les réprimer. Donc pour les Péruviens plus âgés de cette époque c’est un évènement très positif », raconte Lissell Quiroz.

« El Chino » s’offre le plein pouvoir

Alberto Fujimori, que l’on surnommait « El Chino » (Le Chinois) pour ses origines asiatiques bien qu’en réalité il soit d’origine japonaise, ne s’arrête pas là. En 1992, le Parlement péruvien majoritairement composé d’élus d’opposition, se voit être dissout par le président. Dans le même temps, ce dernier instaure un gouvernement d’urgence lui permettant même d’interdire certains partis d’opposition et d’emprisonner de nombreux journalistes et personnalités politiques.

Pour toutes ces raisons, il est condamné à 25 ans de prison en 2009. Au vu de son état de santé très dégradé il sera gracié en 2023 et ne fera que 16 ans de prison. Encore aujourd’hui, les Péruviens se divisent concernant sa politique.

Si la Cheffe d’Etat actuelle a imposé au pays trois jours de deuil national en mémoire à cet ex-président, cette décision ne fait pas l’unanimité au sein de la population civile comme l’explique Lissell Quiroz : « C’est clivant ce choix car même s’il a été président c’est un homme qui purgeait une peine de 25 ans. Je pense que ces jours de deuil national vont participer au fait que l’on oublie cette partie sombre de la personne de Fujimori. Le gouvernement de Dina Boluarte est connu pour avoir fortement réprimé les mobilisations donc je pense que les Péruviens qui ne sont pas en accords avec ce deuil national hésiteront à contester. »

Noa Perret

 

Alberto Fujimori en 5 dates 

1938 : Il nait au Pérou à Lima de parents originaires du Japon

1990 : Il est élu président de la République 

1992 : Il est à l’origine d’une crise politique et ordonne le massacre de plus d’une centaine de militants maoïstes. 

2009 : Il est condamné à 25 ans de prison pour violation des droits de l’Homme pendant sa présidence et détournement de fonds. 

2023 : Il est touché par de nombreux problèmes de santé, la Cour Constitutionnelle ordonne sa libération « immédiate ». 

 

 

Présidentielle américaine 2024 : en difficulté lors du débat, Donald Trump maintient le flou sur l’avortement

L'ancien président des États-Unis et candidat républicain à la présidence Donald Trump s'exprime lors d'un débat présidentiel au National Constitution Center à Philadelphie, Pennsylvanie, le 10 septembre 2024. (Photo : Saul Leob / AFP)

Il a bien évidemment été question d’avortement lors de la première (et dernière ?) joute verbale entre les deux candidats à l’élection présidentielle américaine, ce mardi 10 septembre sur ABC. Donald Trump n’a eu d’autres choix que le funambulisme sur la position « pro-life » voulue par sa base mais perdante électoralement.

« Il n’y a aucun État dans ce pays où tuer un bébé après sa naissance est légal. » Telle est la vérification qu’a dû apporter la journaliste Linsey Davis, qui animait le débat présidentiel entre Donald Trump et Kamala Harris sur ABC ce mardi 10 septembre, après une tirade de l’ancien président des États-Unis sur l’avortement. L’ancien président s’est montré hésitant sur ce sujet qui polarise la société américaine, tout en répétant le mensonge que les Démocrates souhaitent autoriser l’avortement jusqu’à après la naissance. La séquence, largement en sa défaveur, illustre le numéro d’équilibriste que joue Trump. Si ses militants prônent une interdiction totale de l’avortement, l’électorat reste favorable à un rétablissement de ce droit.

Ce premier débat présidentiel entre Donald Trump et Kamala Harris s’est, de l’avis des observateurs et des sondés, soldé par une victoire de l’actuelle vice-présidente. L’avortement n’y est pas pour rien. « Passer autant de temps, par égo, sur ce sujet est sûrement la pire erreur qu’il pouvait faire, confirme Lakshya Jain, analyste électoral et co-fondateur de Split-Ticket.org. Il s’agit de la position républicaine la plus impopulaire. Il ne peut pas, en tant qu’homme républicain, gagner un débat contre une femme démocrate sur ce terrain. » Selon un sondage instantané conduit par CNN, 63% des téléspectateurs estiment que Harris a livré une meilleure performance que Trump.

Un flou cultivé de longue date

Le 45e président des États-Unis a ainsi tourné autour du pot sur une potentielle interdiction de l’avortement dans tout le pays. Jusqu’à désavouer son colistier J.D. Vance, lequel a déjà affirmé son soutien à une telle mesure : « Je ne lui ai pas parlé de ce sujet, pour être honnête, balbutie Donald Trump lorsque la journaliste Linsey Davis le pousse à répondre par oui ou par non. Qu’il ait ses propres opinions ne me dérange pas, mais je ne veux pas qu’il parle en mon nom. »

À la défense de J.D. Vance, il faut dire que la position de Donald Trump sur l’avortement n’est pas très lisible. Celui qui se surnomme « le président le plus pro-life de l’histoire » soutient historiquement le mouvement anti-avortement et les propositions de loi pour une interdiction fédérale. Mais rien que cette année, il a un temps suggéré une interdiction fédérale après la quinzième semaine de grossesse avant de revenir à l’idée de laisser la liberté à chaque État, comme c’est le cas actuellement. Il a même avancé, dans un message sur son réseau social Truth, que son mandat serait « formidable pour les femmes et les droits reproductifs ». Puis, il y a quelques semaines, en Floride, il a de nouveau créé la confusion en s’opposant puis en soutenant, à 24 heures d’intervalle, une interdiction de l’avortement après six semaines de grossesse.

Réelle incertitude ou brouillage de piste ? Le flou de Donald Trump sur l’avortement s’explique par les résultats électoraux catastrophiques de la position « pro-life » depuis que la Cour suprême a signé la fin du caractère constitutionnel du droit à l’avortement en juin 2022. Dans les urnes comme dans les sondages, les candidats démocrates qui se battent pour protéger ou rétablir ce droit surperforment face aux républicains anti-avortement. Même son de cloche du côté des référendums, dont certains se tiendront dans des États-clefs en même temps que l’élection présidentielle le 5 novembre prochain.

Pour Trump, l’arrêt de la Cour suprême est un accomplissement

Mais Donald Trump reste fier d’avoir marqué le cours de l’histoire en tant que véhicule législatif et judiciaire de la droite religieuse. Renverser la jurisprudence Roe contre Wade, qui consacrait depuis 1973 le droit à l’avortement dans la Constitution au nom de la vie privée, constituait une mesure prioritaire de sa campagne en 2016. Une condition sine qua non pour que les mouvements évangélistes chrétiens, dont c’est l’objectif assumé de longue date, accordent leur confiance à une personnalité aussi sulfureuse. Durant son mandat, Trump a nommé plus de 200 juges conservateurs au niveau fédéral, dont 3 des 6 juges de la Cour suprême qui ont renversé Roe contre Wade.

 

Derrière l’aboutissement de ce combat judiciaire s’étalant sur trois décennies, une lecture « originaliste » de la Constitution. Elle plaide pour une interprétation du texte suprême qui s’appuie sur les supposées pensées de ses rédacteurs originels. Cela permet de simplement débattre sur ce qu’autorise la Constitution et d’éviter le fond du sujet, alors que l’on devine l’avortement assez éloigné des préoccupations de Benjamin Franklin, Thomas Jefferson et James Madison.

Quant à l’attachement aux « droits des États », c’est une pièce dans la machine à séduction des anciens bastions du Sud confédéré. Les conservateurs y ont toujours revendiqué cette indépendance envers l’État fédéral pour protéger leur droit à l’esclavage puis à la ségrégation. La fracture mesure aujourd’hui la polarisation autour de l’avortement. Depuis 2022, 22 États ont rendu l’avortement illégal quand 21 autres en ont renforcé l’accès.

Matthias Troude

Crédit photo : Saul Leob / AFP